1848-49

Marx et Engels journalistes au coeur de la révolution...

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


La Nouvelle Gazette Rhénane

F. Engels

La comédie de la couronne royale

n°263, 4 avril 1849, édition spéciale


Cologne le 3 avril.

M. Brandenburg a fait savoir hier à la seconde Chambre ce que le roi fera à propos de la « question allemande ». La tentation était trop forte; on a écarté tous les « fidèles Eckart [1] » de la Neue Preussische Zeitung avec leurs avertissements. Le roi de Prusse acceptera la couronne qui lui est offerte, et nous devons nous attendre à voir sous peu Sa Majesté royale impériale chrétienne germanique faire son entrée solennelle au siège du « gouvernement impérial ».

Mais tandis que Frédéric-Guillaume accepte la couronne impériale des mains du Parlement plébéien de Francfort, il donne en même temps à ce même Parlement et à l'illusion que celui-ci a de Sa souveraineté, un léger coup de pied.

Le président du Conseil :

« reconnaît que la décision de l'Assemblée de Francfort représente un grand pas en avant sur le chemin de l'unité allemande. Mais il doit également tenir compte des droits des gouvernements. Il est d'avis que la décision ne sera valable qu'à partir du moment où elle aura été librement approuvée par les princes et n'entraînera d'obligation que pour les pays allemands dont les princes auront donné cette libre approbation. D'ailleurs le gouvernement prussien mettra tout en œuvre pour obtenir cette libre unification [2] . »

Très habile ! La couronne impériale est toujours bonne à prendre, surtout si elle est le but, longtemps et vainement désiré, d'une vie - que l'on se réfère à la brochure connue de Radowitz : Comment Frédéric-Guillaume IV n'est pas devenu empereur d'Allemagne [3] . Mais beaucoup trop de poussière plébéienne, beaucoup trop de souvenirs désagréables des jours funestes où régnait le peuple souverain collent à cette couronne pour qu'un roi de droit divin et, qui plus est, réhabilité, puisse sans plus, en ceindre sa tête.

Lorsque les autres princes couronnés, également de droit divin, auront donné leur approbation, alors seulement, la nouvelle couronne sera lavée, par la grâce de Dieu, de toutes les taches reçues en mars, et recevra sa consécration; c'est alors seulement que l'élu de 290 professeurs et conseillers auliques s'en saisira et déclarera comme jadis à Berlin : « J'ai cette couronne par la grâce de Dieu, et malheur à qui y touchera ! [4] »

Nous laisserons à la sagesse de la Kölnische Zeitung le soin de déterminer quel nouveau degré va atteindre le chaos impérial allemand par le jeu de la comédie impériale, et spécialement de la reconnaissance ou de la non-reconnaissance respectives de la part des différents gouvernements.


Notes

[1] Le fidèle Eckart est un héros légendaire personnifiant, comme son qualificatif l'indique, la fidélité germanique. Il apparaît dans la légende de Tannhäuser où il a mission d'écarter les imprudents de la grotte de Vénus; on le retrouve dans des poèmes de Goethe, Tieck, etc.

[2] La déclaration du président du Conseil Brandenburg à la séance de la seconde Chambre, le 2 avril 1849, concernant la décision de l'Assemblée nationale de Francfort d'offrir au roi de Prusse la dignité impériale, se trouve dans Stenographische Berichte über die Verhandlungen der durch das Allerhöchste Patent vom 5. Dezember einberufenen Kammern. Zweite Kammer. (Compte-rendu sténographique sur les débats des Chambres convoquées par la Patente souveraine du 5 décembre 1848. Seconde Chambre.)

[3] RADOWITZ : Deutschland und Friedrich-Wilhelm IV (L'Allemagne et Frédéric-Guillaume IV).

[4] Extrait du discours prononcé par Frédéric-Guillaume IV, le 15 octobre 1840, à Berlin à l'occasion des fêtes du couronnement.


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