1965

"(...) de toute l'histoire antérieure du mouvement ouvrier, des enseignements de toute cette première période des guerres et des révolutions, de 1914 à 1938, analysés scientifiquement, est né le programme de transition sur lequel fut fondée la IV° Internationale. (...) Il est impossible de reconstruire une Internationale révolutionnaire et ses sections sans adopter le programme de fondation de la IV° Internationale comme base programmatique, au sens que lui conférait Trotsky dans la critique du programme de l'I.C. : définissant la stratégie et la tactique de la révolution prolétarienne."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (1)


3

De la révolution-guerre à la coexistence pacifique

La ligne stratégique de la IV° Internationale et la défense de l'U.R.S.S., de la Chine et de l'Europe orientale

Dans le projet de « thèses sur les perspectives internationales et l'orientation de la IV° Internationale  » élaborées par le S.I. à l'automne de 1950 en vue du «  3° congrès mondial  », on peut lire :

«  La défense de l'U.R.S.S. constitue la ligne STRA­TEGIQUE de la IV° Internationale, et ses applications TACTIQUES restent, comme par le passé, subordon­nées au libre développement du mouvement des masses, contre toute tentative de la bureaucratie soviétique, de l'armée russe et des directions staliniennes de l'étouffer et de le briser. »
(« Quatrième Internationale », vol. 9, n° 1, janvier 1951, p. 47.)

Cependant, dès les premières pages du « Programme de transition », nous lisons :

«  La tâche stratégique de la prochaine période pré-révolutionnaire, d'agitation, de propagande et d'organisation - consiste à surmonter la contradiction entre la maturité des conditions objectives de la révolution et la non-maturité du prolétariat et de son avant-garde...  »
(« Programme de transition », nouvelle édition, p. 11.)

La défense de l'U.R.S.S., ainsi que de la Chine et de l'Europe orientale, c'est la défense de ce qui subsiste des conquêtes révolutionnaires à l'encontre de tout ce qui les menace : une intervention militaire de l'impérialisme, l'existence de la bureaucratie du Kremlin elle-même, etc. Chaque situation concrète exige une politique déterminée, mais dont le fil conducteur reste toujours la défense de l'U.R.S.S., de la Chine et de l'Europe orientale, conçue comme partie intégrante de la révolution mondiale.

La défense de l'U.R.S.S. ne constitue pas «  la ligne stratégique de la IV° Internationale  »; la ligne stratégique de la IV° Internationale, c'est la révolution mondiale; ses applications tactiques ne sont pas «  subordonnées au libre développement du mouvement des masses contre toute tentative de la bureaucratie soviétique  » : la défense de l'U.R.S.S. est indissolublement liée aux mouvements révolutionnaires des masses.

A la veille de la deuxième guerre mondiale, dans une situation de défaite et de prostration du mouvement ouvrier mondial, le « Programme de transition » précise :

«...S'il n'est pas possible de nier par avance la possibilité, dans des cas strictement déterminés, d'un « front unique » avec la partie thermidorienne de la bureaucratie contre l'offensive ouverte de la contre-révolution capitaliste, la principale tâche politique en U.R.S.S. reste malgré tout LE RENVERSEMENT DE LA BUREAUCRATIE THERMIDORIENNE ELLE-MEME. »
(« Programme de transition », nouvelle édition, p. 48.)

Le sens de la thèse pabliste devait s'éclairer peu après, au cours de la période révolutionnaire qui, de mai-juin 1953 jusqu'à la révolution hongroise, allait soulever les travailleurs d'Europe orientale contre la bureaucratie du Kremlin.

Une « déclaration du Secrétariat International sur les événements d'Allemagne orientale et la situation générale actuelle dans les « démocraties populaires » européennes et en U.R.S.S. » se terminait ainsi :

«  Seule » (l'action des masses) « organisée et éclairée par un programme politique clair et précis peut venir à bout du régime bureaucratique sans nuire aux conquêtes sociales, anti-capitalistes ni faire le jeu de la réaction capitaliste préparant la guerre contre-révolutionnaire.
Voici le programme de la révolution politique qui est actuellement à l'ordre du jour aussi bien en U.R.S.S. que dans les « démocraties populaires » :
  1. véritables organes du pouvoir populaire, élus démocratiquement par les masses travailleuses, exerçant un contrôle effectif de l'état à tous les échelons, y compris le gouvernement;
  2. démocratisation réelle des partis communistes ;
  3. légalisation de tous les partis ouvriers;
  4. autonomie complète des syndicats par rapport à l'état, y compris l'état ouvrier;
  5. élaboration du plan économique par les ouvriers, pour les ouvriers.
C'est le programme que la IV° Internationale a toujours défendu et que les masses instruites par leur propre expérience reprennent spontanément aujourd'hui. Qu'elles persévèrent sur cette voie, et loin d'affaiblir le régime anti-capitaliste » (qu'est-ce que cela peut bien être qu'un régime anti ? ) « de l'U.R.S.S. et des « démocraties populaires », elles le consolideront et le fortifieront. C'est ainsi seulement qu'elles le rendront invulnérable aux attaques des capitalistes et de leurs agents.
A BAS LE CAPITALISME ET LA GUERRE CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRE QU'IL PRÉPARE !
VIVE LA DEMOCRATIE PROLÉTARIENNE !
VIVE LA RENAISSANCE SOCIALISTE DE L'U.R.S.S., DES « DEMOCRATIES POPULAIRES » ET DU MOUVEMENT OUVRIER INTERNATIONAL !
25 juin 1953.
Le Secrétariat International de la IV° Internationale. »
« (Quatrième Internationale », vol. 11, n° 5-7, juillet 1953, p. 20.)

Il est difficile de trouver un morceau d'hypocrisie plus achevé.

De quoi avaient besoin les prolétaires d'Allemagne orientale aux prises avec les forces répressives de la bureaucratie du Kremlin ? D'une proclamation générale sur les problèmes de la révolution politique en U.R.S.S. ? Certes pas ! D'un soutien, même faible, de la part de la seule organisation à qui son programme dictait de le faire. Ce qui prenait une forme concrète : lutte pour le retrait inconditionnel de toutes les troupes d'occupation, y compris des troupes d'occupation de la bureaucratie du Kremlin; inconditionnel, c'est-à-dire sans que le retrait des troupes d'occupation d'une puissance étrangère soit de quelque façon conditionné par le retrait des troupes des autres puissances occupantes. Tel devait être le thème central de toute une campagne politique à mener par la IV° Internationale et ses organisations. C'est au peuple allemand, au prolétariat allemand lui-même à déterminer son propre destin : lui seul peut réunifier l'Allemagne divisée à Yalta et Potsdam dans le but de le paralyser; lui seul peut instituer un régime authentiquement ouvrier (et non un régime « anticapitaliste »   !).

A partir d'une telle orientation, la IV° Internationale pouvait intervenir dans la lutte du prolétariat allemand, en Allemagne occidentale comme en Allemagne orientale, et œuvrer à construire la section allemande de la IV° Internationale, donnant ainsi son maximum d'efficacité, son sens véritable à la lutte du prolétariat d'Allemagne orientale. Ainsi également, l'Internationale se serait préparée à intervenir dans le cours des révolutions polonaise et hongroise.

Mais Pablo, Germain et consorts ne se préparaient nullement à participer à la lutte des prolétaires d'Europe orientale pour un pouvoir authentiquement ouvrier, et à construire les sections de la IV° Internationale. Ils réclamaient «  la démocratisation réelle des Partis communistes  », l'auto-réforme des instruments d'oppression de la bureaucratie du Kremlin ! Plus encore, Germain écrivait dans un article du même numéro de «  Quatrième Internationale  » une petite phrase prouvant qu'il avait parfaitement conscience de la question centrale : « Exiger le retrait immédiat des forces d'occupation d'Allemagne, c'est, pour le mouvement ouvrier international, exiger l'élimination du principal obstacle à la montée révolutionnaire en Allemagne.  » (Idem, p. 28.) Mais Germain, membre du Secrétariat international, se gardait d' « exiger » le retrait des troupes d'occupation, indispensable aux yeux de Germain, écrivain. Il est vrai que, dans ce même article, le même Germain trouvait des circonstances atténuantes à l'intervention des troupes russes :

« Les métallos de Heningsdorf qui traversèrent le secteur français, n'y allaient pas chercher les cigarettes et le chocolat qu'on leur jeta; ils y allaient chercher leurs camarades métallurgistes de Berlin-Ouest. Malheu­reusement, ceux-ci restèrent dans leurs usines. Au lieu de prolétaires socialistes, ce furent des lumpen de Ber­lin-Ouest qui se mélangèrent à la manifestation, déna­turant celle-ci et facilitant ainsi largement l'interven­tion soviétique...
Les autorités d'occupation et la bourgeoisie allemande étaient profondément effrayées par le mouvement gréviste. Elles en comprenaient d'avance le caractère explosif, et le danger qu'il traverse la ligne de démarcation, Ce qu'elles cherchaient, c'étaient quelques incidents sanglants pour discréditer l'Armée soviétique...
La répression des troupes soviétiques, pour sévère qu'elle soit - on parle d'une trentaine de fusillés - n'en a pas moins gardé un caractère trop limité pour intimider effectivement les masses énormes qui ont pris conscience de leur propre force.  »
(Idem, pp. 26-27.)

Autrement dit, les mouvements de masse doivent se subordonner à la prétendue « défense de l'U.R.S.S. » conçue à la manière pabliste, ils doivent «  s'ajouter aux forces matérielles et techniques  », et rien d'autre.

C'est à Pablo qu'il appartenait d'approfondir, si l'on peut dire, les mêmes conceptions, à l'occasion des révolutions de Pologne et de Hongrie. Dans son rapport, il écrivait :

« ... Aussi bien en Pologne qu'en Hongrie, nous avons assisté à l'action révolutionnaire spontanée des masses, LA PLUS AMPLE ET LA PLUS RICHE DEPUIS LA REVOLUTION D'OCTOBRE, QUI A FAIT NAITRE LES ORGANES IMMORTELS DU VRAI POUVOIR PROLETAIRE DÉMOCRATIQUE : LES COMITES DEMOCRATIQUES DE TOUTES SORTES DES MASSES EN ARMES.
Un tel pouvoir n'est jamais celui de la contre-révolution, QUI EN REALITE NE POURRAIT FRAYER SON CHEMIN QUE PAR UNE DEUXIEME PHASE DE LUTTE ARMEE PRECISEMENT CONTRE CE POUVOIR. ON A ETE LOIN D'UNE TELLE EVOLUTION, NON SEULEMENT DANS LE CAS DE LA POLOGNE, MAIS Y COMPRIS EN HONGRIE.
En Pologne, grâce au rôle de direction qu'a pu jouer le parti ouvrier, conquis, transmuté par la tendance Gomulka, expression elle-même, certes déformée, de la vraie tendance des masse, mais tendance centriste évoluant tout de même à gauche - la révolution politique des masses contre le régime bureaucratique a pu faire l'économie d'un errement dans l'incertitude et la confusion et éviter les dangers inhérents à une telle situation.  »
(« Quatrième Internationale », vol. 14, n° 10-12, décembre 1956, p. 6.)

Nous voilà au cœur du problème. La révolution politique, dans les pays d'Europe occidentale, ne peut pas ne pas se dresser contre l'occupation ouverte ou voilée de ces pays par des troupes russes; elle ne peut pas ne pas liquider l'appareil du P.C. dépendant du Kremlin, ne pas couper tous les liens de dépendances qui subordonnent ces pays à la bureaucratie du Kremlin. C'est justement ce que Pablo condamne. Il approuve la révolution polonaise parce qu'elle a pu s'accommoder de la direction de Gomulka; qu'elle a profondément ébranlé l'appareil mais ne l'a pas pulvérisé; qu'elle a distendu les liens de dépendance par rapport au Kremlin sans les rompre; au fond, parce qu'elle s'est arrêtée en cours de route. Par contre :

«  En Hongrie, l'absence de toute direction politique centralisée et tant soit peu claire a provoqué au contraire, à partir d'un certain moment, exactement ces défauts et dangers » (que la Pologne a évités)...
«  Le manque de direction révolutionnaire consciente, ayant des racines parmi les masses, a fait que la situation révolutionnaire exceptionnellement favorable des premiers jours, avec partout la création de comités dominés par le courant prolétarien, n'a pu être exploitée, afin d'asseoir sur eux tout le pouvoir et de définir un programme de politique extérieure qui serait sinon acceptable du moins difficile à combattre par le Kremlin.
Au contraire, nous avons vu les éléments disparates du gouvernement Nagy, dont une bonne partie étaient des éléments éduqués dans la confusion et l'opportunisme stalinien, hésiter, abandonner successivement leur position antérieure, élargir la démocratisation dans tous les sens, donner des prétextes au Kremlin sinon l'alarmer effectivement.
Débordé, le gouvernement Nagy a commencé à manœuvrer en dehors du camp de classe, sans avoir essayé au contraire de manœuvrer face au Kremlin, à l'intérieur de ce camp...
Une véritable direction révolutionnaire qui aurait fait appel aux comités et au courant prolétarien des masses avec sincérité, avec audace aussi, aurait pu les convaincre de comprendre les limites de classe de la démocratisation et la nécessité de l'alliance sur un pied d'égalité avec l'U.R.S.S. »
(Idem, pp. 6-7.)

Voici un bel exemple du style direct et franc qui est le propre de Pablo : «  Définir un programme de politique extérieure n'alarmant pas effectivement le Kremlin », tel est le contenu concret de toute cette phraséologie. Mais, précisément, une révolution prolétarienne victorieuse ne peut avoir ni programme intérieur, ni programme extérieur qui «  n'alarme pas effectivement  » le Kremlin. « L'alliance sur un pied d'égalité avec l'U.R.S.S.  », peut-être ? Mais il ne s'agit pas d'une U.R.S.S. abstraite, état ouvrier pur et simple, il s'agit de l'U.R.S.S. réelle, état ouvrier dégénéré, dominé par une bureaucratie contre-révolutionnaire, contre laquelle se soulevaient les travailleurs hongrois. Tout le problème de la révolution hongroise consistait à donner tout le pouvoir aux conseils ouvriers, et à lier son développement à celui de la révolution polonaise notamment, non en s'alignant sur elle, mais en l'entraînant à sa suite, pour faire face à la bureaucratie du Kremlin.

La politique du Kremlin a précisément consisté, pour l'essentiel, à isoler la révolution hongroise de la révolution polonaise. Il y est parvenu pour deux raisons : la première, parce que l'illusion Gomulka a freiné la révolution en Pologne (les préférences de Pablo pour ce bureaucrate « libéral » sont tout un programme); la deuxième, parce que les révolutionnaires hongrois, s'ils ont eu raison d'utiliser la crise qui déchirait le P.C. hongrois, n'ont pas compris, pas plus d'ailleurs que les révolutionnaires polonais, qu'il leur fallait constituer un parti à eux avec un programme clair ne laissant place à aucune illusion sur le rôle de la bureaucratie du Kremlin, un programme appelant à la lutte pour la réunion immédiate d'un congrès des conseils, revendiquant tout le pouvoir pour les Conseils ouvriers, un programme liant la révolution hongroise à la révolution polonaise, et à la lutte contre la bureaucratie du Kremlin et ses agents dans tous les pays du « glacis ».

Mais la IV° Internationale n'avait-elle pas un rôle à jouer ? Comment se fait-il qu'au cours d'événements révolutionnaires d'une telle ampleur, elle ne soit pas intervenue pour dégager au moins les éléments d'une organisation révolutionnaire animée par un tel programme ? La réponse, nous la trouvons dans la fameuse déclaration citée plus haut; sous prétexte que la révolution en Europe orientale vérifiait le programme de la révolution politique en U.R.S.S. et l'annonçait, cette déclaration éludait la question-clé pour le développement de cette révolution politique dans les pays du « glacis » : celle du retrait des troupes d'occupation russe; elle distillait l'illusion de la «  démocratisation réelle des partis communistes », elle donnait à croire que :

« Si les capitalistes n'ont rien à espérer d'un tel mouvement et se sentiront en réalité, réflexion faite, énormément inquiets de cette prodigieuse montée des véritables forces révolutionnaires sur tous les plans, les dirigeants soviétiques et ceux des différentes «  démocraties populaires  » et des Partis communistes ne pourront plus falsifier ou ignorer la signification profonde de ces événements. Ils sont obligés de persévérer dans la voie de concessions encore plus amples et plus réelles pour ne pas s'aliéner à jamais le soutien des masses et de provoquer des explosions encore plus fortes.
Ils ne pourront plus désormais s'arrêter à mi-chemin. »
(Ouvrage Cité, p. 20.)

L'idée que la bureaucratie du Kremlin, «  sous la pression des masses et ses besoins objectifs  », se réformait elle-même, rejoignait la conception pabliste de défense de l'U.R.S.S., « ligne stratégique de la IV° Internationale ».

La défense de toutes les conquêtes révolutionnaires s'intègre dans la conception de l'unité de la révolution mondiale. Si, en des circonstances bien déterminées, elle peut impliquer la participation à la défense militaire de l'U.R.S.S., y compris sous la direction de la bureaucratie du Kremlin, c'est aller à l'encontre de la conception sur laquelle est fondé le programme de la IV° Internationale que d'en faire l'axe de notre politique. La seule défense finalement décisive des conquêtes révolutionnaires, c'est la progression de la révolution prolétarienne, qui se heurte, non seulement à l'impérialisme, mais à la bureaucratie du Kremlin. Contre elle, nous avons à défendre la révolution politique des pays d'Europe orientale, à ouvrir une perspective révolutionnaire au prolétariat allemand, pris comme un tout, ce qui implique la lutte contre ces forces répressives qu'y sont les troupes d'occupation russes, tant qu'elles restent des instruments entre les mains de la bureaucratie. Autre chose est la façon de s'adresser à ces troupes, le travail révolutionnaire à y mener. Contre la bureaucratie du Kremlin, nous avons à ouvrir une perspective socialiste aux travailleurs d'Europe orientale et au prolétariat allemand. Ce n'est pas seulement, d'ailleurs, en Europe orientale, que nous avons à défendre des conquêtes révolutionnaires directement contre la bureaucratie du Kremlin; après la Yougoslavie, la Chine en est un brûlant exemple.

Voyons un peu, maintenant, de quelle incroyable façon Germain a « défendu » la révolution hongroise :

«  La véritable erreur » (de Nagy) « est ailleurs. Voyant l'apparition de forces réactionnaires, il aurait pu s'appuyer avec plus de franchise et de sens tactique SUR LES SEULS ELEMENTS POPULAIRES, ouvriers et paysans. Au lieu de se laisser prendre à son tour dans un verbiage creux sur « l'unité nationale » et la « démo­cratie », il aurait dû organiser tout de suite la démo­cratie socialiste : convoquer par tous les moyens à Buda­pest un Congrès National des Conseils Ouvriers et en faire la base légitime de son pouvoir. Opposant ainsi un POUVOIR DEMOCRATIQUE ET OUVRIER ETA­BLI aux illusions et rêves parlementaires d'aucuns, il aurait pu préciser : élections libres avec la participation de tous les partis ? Oui, ÉLECTIONS POUR DES CONSEILS D'OUVRIERS ET DE PAYSANS PAU­VRES, AVEC LA PARTICIPATION DE TOUS LES PARTIS QUI RECONNAISSENT LA SOCIALISATION DES MOYENS DE PRODUCTION ET D'ÉCHANGE. Il aurait ainsi rendu l'intervention soviétique politiquement plus difficile et le jeu de la réaction infiniment plus compliqué...
Et puis, si jamais cette épreuve tournait mal, une intervention de l'armée soviétique, qui entourait de toutes parts le pays, restait toujours possible. Mais quelle différence entre une intervention russe demandée par les ouvriers hongrois en lutte contre la réaction, et une intervention contre l'ensemble du peuple qui résiste farouchement !  »
(« Quatrième Internationale », vol. 14, n° 10-12, décembre 1956, p. 28.)

Quel typique « intellectuel de gauche » ! La « réaction », en Hongrie, c'était la bureaucratie du Kremlin ! L'armée « soviétique », pourquoi ce nom ? Tout particulièrement dans ce cas, elle n'était pas l'armée « soviétique », mais une force de répression contre la classe ouvrière hongroise ! La condition pour que la classe ouvrière règle ses problèmes ? Que soit écartée toute menace d'intervention des forces répressives ! La raison pour laquelle la révolution hongroise a erré politiquement ? Parce que le « savantissime » Germain, docteur ès marxisme, a contribué à détruire, de toutes les façons possibles, la IV° Internationale !

Mais il lâche le fin mot de sa pensée, en faisant de « l'armée soviétique » l'arbitre de la révolution prolétarienne  ! Kroutchev, le bourreau de Budapest, archange du socialisme  !

Voilà à quoi a promptement abouti le galimatias de la révolution-guerre, guerre-révolution.

Mais ce n'était pas la fin de ses mésaventures.


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