1965

"(...) de toute l'histoire antérieure du mouvement ouvrier, des enseignements de toute cette première période des guerres et des révolutions, de 1914 à 1938, analysés scientifiquement, est né le programme de transition sur lequel fut fondée la IV° Internationale. (...) Il est impossible de reconstruire une Internationale révolutionnaire et ses sections sans adopter le programme de fondation de la IV° Internationale comme base programmatique, au sens que lui conférait Trotsky dans la critique du programme de l'I.C. : définissant la stratégie et la tactique de la révolution prolétarienne."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (1)


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Le "Néo-trotskysme" en quête d'un "néo-programme"

Des changements sans précédent

« Sur de nouveaux problèmes de la révolution socialiste en Europe » , tel est le titre alléchant d'un article de P. Frank, où l'on peut lire :

« NOUS-MEMES, TROTSKYSTES, DEVONS à ce propos, comme nous le verrons plus loin, REAJUSTER NOTRE PROGRAMME A LA SITUATION NOUVELLE QUI S’ESQUISSE  » (souligné par nous).
(« Quatrième Internationale » , n° 16, juillet 1962, p. 45.)

Comme on le voit, il ne s'agit pas d’une bagatelle : «  Réajuster le programme  ». La réalité de la IV° Internationale s’est manifestée d’abord par son aptitude à élaborer ce programme. S'il faut le «  réajuster  » , c'est qu'il s'est produit des bouleversements fondamentaux. P. Frank nous le dit :

« ... Il faut aborder les perspectives du mouvement ouvrier européen en tenant compte que les générations qui désormais joueront le rôle principal considèrent comme normal, non comme du superflu, le niveau de vie tel qu'il s'est établi dans les dernières années, et qu'elles ne sont plus sous l'emprise des vieilles directions tradi­tionnelles à la façon que l'on avait connue dans l'immédiat après-guerre. Il y a sans aucun doute toujours un décalage qui se produit entre les générations, MAIS IL EST TRÈS DOUTEUX QU 'IL SE SOIT PRODUIT DANS TOUTE L'HISTOIRE DU CAPITALISME DES CHANGEMENTS AUSSI IMPORTANTS PEN­DANT UNE DUREE MALGRE TOUT AUSSI LIMI­TEE (souligné par nous), changements qui se sont produits pendant la vie de tous ceux qui, en Europe, dépassent la quarantaine. »
(Idem, p. 47.)

Ainsi, il s'est produit au cours de ces dernières décennies des changements comme il ne s'en était jamais produit dans toute l'his­toire du capitalisme en si peu de temps. Aucun doute, il ne peut s'agir que de changements structurels de la société capitaliste, et non seulement au niveau de ses superstructures, ni, bien sûr, d'une période de « prospérité » qui, même prolongée, relève de la conjonc­ture. Car, P. Frank nous l'a fort bien expliqué quelques paragraphes plus haut :

« Au fond, toute l'argumentation des frigidaires et des scooters (censés corrompre la classe ouvrière euro­péenne) a pour point de départ une explication des rapports sociaux à partir de la consommation et non de la production. Il y a bien longtemps que Marx, dans « l'Idéo­logie allemande » , faisait remarquer qu'agir ainsi c'était ignorer les conditions réelles de l'activité des hommes et que cela ne pouvait conduire qu'à des conceptions réactionnaires. »
(Idem, p. 45.)
« (Il s'agit d'une) situation nouvelle (qui) pose des problèmes nouveaux pour le mouvement ouvrier. En particulier, pour notre propre mouvement, cela se résume dans une nécessité de réexaminer notre Programme de transition, non de changer sa conception d'ensemble (bien sûr ! on est trotskyste ou on ne l'est pas !) de mots d'ordre mobilisateurs correspondant à la logique du développement du mouvement des masses et portant celui-ci hors du cadre capitaliste, jusqu'à la conquête du pouvoir, mais dans le sens d'adapter ce programme aux NOUVELLES CONDITIONS, AUX NOUVEAUX SENTIMENTS DES MASSES, AU NOUVEAU NIVEAU A PARTIR DUQUEL PARTIRONT LES INEVITABLES LUTTES DE DEMAIN (souligné par nous).  »
(Idem, p. 47.)

Il est clair que la « nouvelle situation », les « nouvelles conditions » , les « nouveaux sentiments des masses » ne peuvent être déterminés que par « les conditions réelles de l'activité des hommes » par « les rapports sociaux » qu'il faut expliquer « à partir de la production et non de la consommation  ». Quelle est donc cette « nouvelle situation » ?

« Il n'est pas nécessaire que nous démontrions la différence qualitative entre la planification dans un régime où le pouvoir capitaliste a été aboli et la planification dans un régime capitaliste. Nous n'avons également pas besoin de démontrer que les néo-capitalistes (qu'ils soient les « jeunes patrons » prétendument plus intéressés à la gestion qu'à la production, ou des réformistes de diverses nuances) développent dans ce domaine une politique visant seulement à améliorer le système capitaliste, non à l'abolir. Mais nous devons comprendre que s'ils donnent une telle importance à cette question (de la « planification démocratique » ), ce n'est pas seulement parce qu'elle répond à leurs propres préoccupations, mais aussi parce que cela traduit l'existence au sein d'une couche de militants ouvriers d'idées plus ou moins confuses, plus ou moins élaborées, sur la place qu'ils occupent dans la production et dans l'organisation de celle-ci, soit au niveau de l'entreprise, soit au niveau de l'économie dans son ensemble.
A présent, il n'y a pas de chômeurs, mais le plein emploi ; cependant, les travailleurs, plus particulièrement les militants, ressentent que ce qui se passe dans les entreprises et dans l'économie, à l'exception de bagatelles qui relèvent des comités d'entreprise, est en dehors de leur décision, à commencer même par les salaires... »
(Idem, p. 48.)

A vrai dire, nous sommes assez déçus. Est-ce nouveau ? Les travailleurs constatent que ce qui se passe dans l'économie, à commencer par leurs salaires, est en dehors de leur pouvoir de décision : est-ce là une nouveauté ?


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