1971

"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (2)

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L'Impérialisme, la bureaucratie du Kremlin, les États-Unis Socialistes d'Europe


Le prolétariat d'Europe ne cesse de combattre

La guerre froide a confirmé le rôle décisif du prolétariat européen. Il faut avoir de singulières absences de mémoire pour affirmer que le prolétariat européen est resté passif depuis 1947 jusqu'en mai‑juin 68, soit qu'il soit devenu une “ aristocratie privilégiée ” liée dans son ensemble à l'impérialisme, soit par suite de la “ défaite de la vague révolutionnaire d'après‑guerre en Europe occidentale ”, et finalement les deux combinés. La politique de la bureaucratie du Kremlin, l'assistance américaine aux bourgeoisies européennes, permirent la reconstitution des états bourgeois, et le redémarrage de l'économie des principaux pays capitalistes d'Europe. L'impérialisme américain, appuyé par l'impérialisme anglais, s'engagea alors dans la guerre froide. Mais, encore une fois, il fut généreusement secondé par la politique de Staline, qui entra de plein pied dans la course aux armements, la politique des blocs. Staline tenta à sa manière de geler la lutte des classes dans le monde, au profit d'une politique de pression. La politique stalinienne fit autant pour l'impérialisme que celui‑ci fut capable de faire par lui‑même. Et pourtant le prolétariat européen engagea de nouvelles et grandioses luttes de classe dont l'historique a été esquissé par ailleurs [1]. Pablistes et autres escamotent, et la grève générale d'août 53 en France, et juin 53 en Allemagne de l'Est, et l'Octobre polonais de 1956, et la révolution hongroise des conseils de novembre 1956 : une bagatelle ! Toutes ces grandioses luttes de classe se sont développé à partir des positions conquises par le prolétariat européen à l'issue de la deuxième guerre impérialiste mondiale. De plus, et surtout, elles marquent un tournant dans les rapports politiques internes du prolétariat mondial. Pour le première fois, le prolétariat met directement en cause l'appareil international du stalinisme, et de quelle manière : les armes à la main en Hongrie ! Un rien !

La seule victoire importante que l'impérialisme ait remporté dans la lutte des classes mondiale il l'a remporté, non en 1947, mais en novembre 1956 : ce fut l'écrasement par les tanks de la bureaucratie du Kremlin de la révolution hongroise des conseils. Cette défaite du prolétariat hongrois fut le point de départ de la contre‑offensive impérialiste dans le monde.

La responsabilité en incombe à la bureaucratie du Kremlin, et non à la passivité du prolétariat européen. Elle préluda à la prise du pouvoir par de Gaulle en France en mai 1958. Elle permit à l'impérialisme mondial d'envisager le renforcement de l'ordre bourgeois en Europe, la destruction des positions conquises par le prolétariat à la suite de la deuxième guerre mondiale, d'accentuer sa pression sur l'U.R.S.S. et les pays de l'Europe de l'Est. Elle lui donna plus d'aisance pour déclencher sa contre‑offensive contre les ouvriers et paysans des pays économiquement arriérés, en Indonésie, en Amérique Latine, en Afrique. C'est brouiller les cartes de ne pas mettre en relief que les vastes projets contre‑révolutionnaires de l'intervention massive de l'impérialisme américain au Vietnam, qui visaient non seulement à l'extermination massive des ouvriers et paysans vietnamiens, mais étaient conçus comme une étape de la préparation à la guerre exterminatrice contre la Chine, supposaient que le prolétariat européen serait brisé dans la foulée de la dé  faite de la révolution hongroise et par les conséquences de la venue au pouvoir de De Gaulle en France.

Les renégats de la IV° Internationale, les P.S.U., les pro‑chinois, les staliniens, sont frappés. d'amnésie. Même Mandel qui sait tout, qui a tout lu, qui a tout prévu, ne se souvient de rien, n'a rien lu, n'a rien vu, n'a rien prévu ; il a “ oublié ” les grandioses luttes de classe du prolétariat européen... depuis 1947. Pardon, sans remonter si loin... depuis 1958. A moins que Mandel, comme les autres, ne tiennent pas à remuer de douloureux souvenirs (pour eux), à rappeler leurs palinodies. En Europe, comme dans le monde, malgré les défaites, réelles cette fois, que furent l'écrasement de la révolution hongroise des conseils et la venue au pouvoir de De Gaulle en France pour le prolétariat européen et mondial, le prolétariat n'a cessé de combattre, et justement en s'appuyant sur les conquêtes de la fin et de la suite de la deuxième guerre mondiale.

Mandel “ qui faillit marcher sur Bruxelles ” ‑ malheureusement les bureaucraties de la Fédération Générale des Travailleurs belges et du Parti Socialiste Belge le retinrent par le fond de la culotte (pas de chance) ‑ a “ oublié ” la grève générale belge de décembre 1960‑janvier 1961; il a, ils ont “ oublié ” la grève générale des mineurs français de mars‑avril 1963; il a, ils ont “ oublié ” la grève des métallos allemands de 1963; il a, ils ont, “ oublié ” les luttes du prolétariat grec de 1965; il a, ils ont “ oublié ” la grève des marins britanniques du printemps 1966; il a, ils ont, “ oublié ” les admirables luttes des prolétariats espagnol, italien. De même qu'il a, qu'ils ont “ oublié ”, que la résistance, même passive, du prolétariat de l'Europe de l'Est et d'U.R.S.S. à la politique de la bureaucratie du Kremlin, s'est poursuivie après la défaite de la révolution hongroise, qu'elle est un facteur Majeur de la crise de la bureaucratie, qu'elle est à l'origine des fractures ouvertes de l'appareil international du stalinisme et de l'appareil du Kremlin lui‑même, par lesquelles s'engouffrent les masses et qui ouvrent le chemin à la révolution politique.


Notes

[1] Voir “ Défense du Trotskysme ” ‑ La Vérité N° 530‑531.


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