1971

"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (2)

Annexe

Pour la reconstruction de la IV° Internationale


Document adopté par l'Organisation trotskyste (pour la reconstruction de la IV° Internationale)
« La Vérité » n°545 - oct.1969.


XI : Construction du parti révolutionnaire et hégémonie du prolétariat

Aussi bien dans les pays capitalistes économiquement développés, dans ceux dominés par l'impérialisme, que dans les pays de l'Europe de l'Est, en U.R.S.S. et en Chine, tout se concentre dans la construction du parti révolutionnaire. C'est là une confirmation éclatante du programme de transition qu'écrivit Léon Trotsky, et sur lequel fut fondée la IV° Internationale : « La crise de l'humanité, c'est la crise de la direction révolutionnaire.  » Mais de quels partis révolutionnaires s'agit‑il ?

Il s'agit de partis révolutionnaires, dans chaque pays, qui combattent avec acharnement toutes les théories réformistes, néo‑réformistes, petites‑bourgeoises, staliniennes et capitulardes face à l'impérialisme et à la bureaucratie du Kremlin. L'hégémonie du prolétariat dans la lutte des classes est un des fondements de leur programme et de leur politique. La seule classe sociale capable de s'emparer du pouvoir, dans les pays capitalistes comme dans ceux dominés par les bureaucraties parasitaires et de réaliser le socialisme, c'est le prolétariat. Le stade où est parvenu la crise conjointe de l'impérialisme et de la bureaucratie du Kremlin ouvre la période de la révolution imminente. Les étudiants, les intellectuels, la jeunesse entrent très souvent les premiers en conflits violents avec l'ordre établi, que ce soit dans les pays capitalistes ou dans ceux dominés par les bureaucraties parasitaires. Leurs luttes sont de la plus grande importance : elles manifestent l'impasse de la société bourgeoise, la faillite des bureaucraties parasitaires, elles sont les prodromes de puissantes et violentes luttes de classe. Le parti révolutionnaire soutient ces luttes et y participe, mais il ne cède pas aux illusions petites-bourgeoises. Au contraire, il les combat théoriquement et pratiquement. Les étudiants, les intellectuels ne peuvent résoudre les problèmes qui les confrontent par leur seul mouvement. Ils ne sont porteurs d'aucune nouvelle organisation sociale, leurs luttes ne sont fécondes qu'autant qu'elles rejoignent la lutte de classe du prolétariat, qu'autant qu'étudiants et intellectuels se situent sur le plan des intérêts historiques du prolétariat. Il ne saurait y avoir de « partis étudiants », de « partis des intellectuels », il ne peut exister que des partis bourgeois ou des partis ouvriers. Les étudiants, les intellectuels ont besoin d'organisations spécifiques qui correspondent aux intérêts et aux exigences spécifiques qui sont les leurs, en aucun cas ils ne peuvent avoir de partis qui leur soient propres.

La jeunesse n'est pas une catégorie sociale en elle-même, la division de la société en classes la traverse. Elle n'en est pas moins une plaque sensible de la lutte des classes. Elle est une couche particulièrement mobile. Un des phénomènes les plus remarquables de ces dernières années, particulièrement significatif de la décomposition, de l'impasse de la société bourgeoise et de la faillite des bureaucraties parasitaires, consiste en ce qu'une partie de la jeunesse issue de la bourgeoisie ou des bureaucraties parasitaires est en révolte contre la société bourgeoise ou ces bureaucraties parasitaires. Lorsqu'une classe ou couche sociale voit sa jeunesse se dresser contre elle, c'est le signe infaillible de son impasse. Cela signifie qu'elle n'est plus capable d'ouvrir un avenir à la majorité de ses enfants.

La jeunesse ouvrière ne se dresse pas contre le prolétariat, tout au plus précède‑t‑elle de quelques pas le gros de la classe ouvrière. La décomposition de la société bourgeoise et la faillite des bureaucraties parasitaires menacent le prolétariat dans son ensemble et retentissent sur lui, mais elles frappent d'abord et plus durement la jeunesse ouvrière qui ne possède aucune base sur laquelle elle puisse construire son avenir. De plus, la jeunesse ouvrière n'est ni marquée par les échecs antérieurs ni attachée aux vieilles organisations traditionnelles. Toutes ces raisons concourent à ce qu'elle s'engage plus facilement et rapidement dans l'action révolutionnaire sans se laisser arrêter par les vieilles recettes. les vieilles routines qui ne l'ont pas marquée comme elles ont marqué les vieilles générations.

La construction du parti révolutionnaire est impossible si la jeunesse étudiante et ouvrière, les nouvelles générations, n'en sont pas parties prenantes. Il faut intégrer les éléments les plus avancés de la jeunesse à la construction du parti révolutionnaire, à l'organisation dont c'est la tâche. En même temps, la jeunesse a ses intérêts spécifiques, sa manière d'appréhender la lutte de classes, elle a besoin d'indépendance et de se déterminer elle­même, c'est‑à‑dire qu'elle a besoin d'une organisation révolutionnaire qui lui soit propre. Mais la construction de l'organisation révolutionnaire de la jeunesse ne suffit pas à la construction du parti révolutionnaire. Elle ne saurait être un produit de remplacement du parti révolutionnaire; bien plus, elle ne saurait se construire sans l'impulsion politique de l'organisation révolutionnaire. Les liens qui unissent l'organisation révolutionnaire à l'organisation révolutionnaire de la jeunesse sont des liens politiques. L'organisation révolutionnaire de la jeunesse ne saurait être subordonnée au parti révolutionnaire. Mais il n'y a pas plus de « parti révolutionnaire de la jeunesse » qu'il n'y a de « partis d'étudiants » ou de « partis d'intellectuels ».

Isolée de la classe ouvrière, la jeunesse est impuissante, ses luttes sont vouées à la défaite, son action politique ne peut que s'orienter vers les explosions sporadiques et impuissantes, qu'être déviée vers l'aventurisme, le « gauchisme », le renoncement à renverser la société bourgeoise et les bureaucraties parasitaires, et alimenter les plus fumeuses, voire les plus scabreuses recettes des « réformateurs » en tous genres. La responsabilité de l'organisation révolutionnaire n'en est que plus grande à l'égard de la jeunesse ouvrière et étudiante. Il lui faut la nourrir politiquement, mais surtout la lier politiquement à l'ensemble du prolétariat. Pour ce faire, il n'existe qu'une méthode : construire le parti révolutionnaire en tant que parti du prolétariat.

Le parti de la révolution prolétarienne, du socialisme, est un parti de la classe ouvrière. Cela ne veut pas dire qu'il est seulement composé de militants d'origine sociale ouvrière. Les militants du parti révolutionnaire sont aussi bien originaires de milieux petits‑bourgeois, étudiants ou intellectuels qu'ouvriers. Ils fusionnent tous à partir de la théorie et de la pratique pour composer ensemble le parti révolutionnaire qui abolit les différences sociales en son sein au cours du combat commun pour le socialisme. Mais le parti révolutionnaire ne saurait accomplir sa mission historique que comme parti du prolétariat, qu'en combattant comme facteur de mobilisation, d'organisation du prolétariat dans son ensemble, d'élévation de sa conscience politique, qu'en devenant la direction politique de la classe ouvrière, car seule la classe ouvrière en tant que classe peut, par sa place dans la production, par sa cohésion, par sa réalité internationale, accomplir la révolution et construire le socialisme.

Toute la période récente confirme l'hégémonie du prolétariat dans la lutte des classes.


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