1866


Source : La Rive Gauche, 17 Juin 1866.


Aperçu sur la marche de l'Association internationale des travailleurs

P. Lafargue

17 Juin 1866


L'assemblée fondatrice de l’Association internationale des Travailleurs s'est tenue le 28 septembre 1864, à Londres, dans «St-Martin’s Hall.» Cette assemblée était composée des représentants des principales nations européennes (Allemagne. Pologne, Suisse, France, Belgique, Italie). On élut provisoirement un comité central chargé de rediger le manifeste, d'élaborer le règlement et de constituer des groupes dans toute l’Enrope.

Nous voulons aujourd’hui, avant le congrès, porter à la connaissance de tous les membres de l’Association et de tous ceux qui ne se sont pas encore joints à elle, un aperçu des progrès accomplis.

— Angleterre. —

Un grand nombre de sociètés ouvrières anglaises(1) ont adhéré aux principes, et se sont joints à l'Association internationale (société des poseurs de briques, des cordonniers, des ébénistes, des tailleurs, etc. ...)

En ce moment, les sociétés des charpentiers, des tonneliers, des menuisiers, etc., sont prêts à se joindre.

Le mouvement réformiste a absorbé pendant un moment toute l'attention de la classe ouvrière et toute l'activité du conseil central. Mais depuis quelque temps des députations, émanant du conseil central, sont envoyées dans toutes les societés ouvrières pour leur faire connaître les principes, et les prier de se joindre. Ces députations sont partout accuilliés chaleureusement.

A Londres, le conseil central a fondé un journal, le Commonwealth, qui est devenu son organe officiel.

Une branche allemande et une branche française de l'Association internationale ont été formées.

Mais son plus grand titre à l'attention publique est d'avoir réveillé et entretenu dans la classe ouvrière anglaise la conscience de sa force politique, sentiment qu'elle avait perdu depuis la réaction de 48, comme le constate le manifeste. L'impulsion qu'elle à donnée dans ce sens à été si considérable que la société des cordonniers à effacé de ses statuts l'article qui leur défendait de s'occuper de politique; celle des maçons est en train de faire de même.

C'est l'Association internationale qui à fait perséverer les ouvriers dans leur politique anti-esclavagiste, lors de la guerre américaine. C'est elle, l'une des premières qui adressa une lettre de felicitation à Lincoln, à cause de sa reélection. Lincoln à répondu et a engagé fortement les membres à continuer leur mouvement d'union et de concorde. — L'Association à pris l'initiative du mouvement de la «Reforme-league». Après le premier meeting réformiste, un comité organisateur et agitateur fut nommé, il était composé de 27 membres dont 24 appartenaient au conseil central et ce sont eux qui ont réclamé le suffrage universel. Pendant que toute la presse anglaise battait des mains et approuvait la conduite du gouvernement contre les fenians, le Commonwealth seul osa elever la voix et les défendre. Le conseil central envoya même au secrétaire d'État une requete pour obtenir une entrevue avec le ministre, dans le but de demander un adoucissement dans le sort des prisonniers. L'entrevue fut refusée.

L'Association internationale à dernièrement remporté un succès qui à modifié à son égard l’opinion de la presse. Les ouvriers tailleurs avaient éte mis dehors (lock-out) par leurs patrons,(2) qui immédiatement envoyèrent des agents sur le continent pour recruter des ouvriers. Le conseil central prévint ses correspondents qui, par des commmunications, soit verbales, soit-par la voie de la presse, dejouèrent les projets des patrons. Cependant un certain nombre d'ouvriers allemands venus des villes où l’Association internationale n'avait pas de membres, arrivérent à Edimbourg. Deux de leurs compatriotes leur furent envoyés de Londres, et à leur retour ils firent un rapport au conseil central et lui annoncèrent leur départ, ce qui arriva en effet quelques jours après.(3)

— Suisse —

Cest surtout en Suisse que l'Association internationale à pu se généraliser le plus promptement et arriver à des résultats positifs, Elle à fondé des groupes dans presque toutes les villes de la Suisse: Genève, Lausanne, Vevey, Montreux, la Chaux-de-fonds, St-Junier, Somilliers, Porrentry, Pienne, Bâle, Zurich , Aubonne, Wetzibonne, etc.

L'Association internationale est propriétaire de trois journaux, deux écrits en français, la Voix de l’Avenir, le Journal de l’Association internationale, et un en allemand, le Vorbote (Précurseur). Tous les journaux suisses ont mis leur publicité au service de l'Association.

A Lausanne, les membres de l’Association ont entrepris l'hiver dernier des travaux pour l'Etat, environ pour 24,000 francs, dans le but de fournir du travail aux ouvriers pendant la mauvaise saison. Le chantier spécialement dirigé par des ouvriers, sans l'intervention d'aucun patron, faisait l'étonnement des visiteurs et des autorités de la ville. Elle à fondé une banque nommée la Caisse du crédit mutuel, dont le capital de 20,000 francs est divisé en actions de 5 francs. — Un cercle d'ouvriers à été créé.

A La Chaux-de-fonds, une boulangerie coopérative a êté établie, et une boucherie coopérative est annoncée. À peine la boulangerie inaugurée, les boulangers abaissèrent le prix du pain a 0,46 c. la livre. Le projet de boucherie coopérative n’est pas resté sans effet sur le prix de la viande; les bouchers l'ont réduit déjà de 0,09 c.

A Genève, une société de consommation est en train de s'organiser. A Offenbach, on a décidé de créer des fonds pour la construction de maisons ouvrières, analogue au familistère de Guise, près Paris.

— Allemagne. —

L'Association internationale en Allemagne, comme en France. n'a pas pu prendre une grande extension, grâce au manque de liberté! Elle a pu cependant former des groupes à Leipzig, Hamburg, Hanôvre, Mayence, Berlin, Pelewodau, Lulingen, Langenbielau, Puilberg, Wult, Eudorf, etc.

Depuis les approches de la guerre, plus de liberté ayant été laissée, l’Association est en train de prospérer. Tous les principaux chefs du mouvement ouvrier allemand ont adhéré aux principes et s'occupent activement de les propager.

— France. —

L'Association internationale a des groupes dans differentes villes: Paris, Lyon, Bordeaux, Caen, Neufchâteau, Argentau, Rennes, Rouen, Grandville, etc., etc.

Quoiqu'elle soit peu developpée, elle à rendu un service à la classe ouvrière à Lyon, les ouvriers tullistes étaient en grève, ils allaient céder, car leurs patrons les menaçaient de faire venir des ouvriers anglais, qu'on payait meilleur marché selon eux. Les ouvriers s’informèrent et le conseil central leur répondit que tout le contraire avait lieu; ils persévérèrent et obtinrent leur demande.

— Belgique. —

Plusieurs groupes se sont créés à Bruxelles, Anvers, Liége, Verviers, Gand, Namur, Patignies, ele. La société le Peuple s'est fédérée avec l'Association internationale, et son organe la Tribune du Peuple appartient maintenant à l'Association.

C'est l’Association qui, dans le mouvement réformiste belge, à exercè le plus d'influence et par ses nombreux meetings à nettement placé la question de la réforme sur le terrain du suffrage universel.

— Italie. —

Jusqu’à présent l'Italie préoccupée des questions d'unité n'a pas pu songer beaucoup aux questions sociales. Cependant le comité central de toutes les sociétés ouvrières italiennes a adbéré aux principes et se charge de développer l’idée de l'Association internationale. Des groupes existent déjà à Gênes, Milan, etc.

— Amérique. —

L'Association est en communication avec New-York et différentes villes du Massachussets.

Paul LAFARGUE


1. Le lecteur ne doit pas oublier que la classe ouvrière anglaise est en partie organisée. En effet, les sociétés (Trade-Unions) comprennent dans leur sein tous les membres d'une même industrie. Quelques-unes de ces société se composent d'un nombre considérable d'hommes, celle des cordonniers compte 30,000 membres environ.

2. En Angleterre les patrons comme les ouvriers font grève. Ils ferment leurs ateliers et jetent sur le pavé leurs misérables employés. C'est ce qui se passe présentement à Sheffield, les ouvriers fabricant de laine sont sans travail, toutes les autres sociétés sont venues a leur secours.

3. Sur la demande de son président Odger, le conseil central va discuter la question de la guerre et il va convoquer un grand meeting ouvrier pour consulter l'opinion populaire.


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