1917

« Pravda » n° 31, 13 avril 1917
Conforme au texte de la « Pravda »

Œuvres t. 24, pp. 106-108, Paris-Moscou


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Lénine

La guerre et le Gouvernement provisoire



...Nous avons tout de même contraint le Gouvernement provisoire à renoncer aux annexions.

Discours prononce par I. Stéklov le 4 avril, au Palais de Tauride.


... Quoi que l'on pense du mot d'ordre : « paix sans annexions », on ne saurait ignorer les principes reconnus par tous les alliés...

Discours de P. Milioukov (Retch du 11 avril).

Petit à petit les chefs du Gouvernement provisoire dévoilent leur vraie politique à l'égard de la guerre. Dans une déclaration restée fameuse, le Gouvernement provisoire, après une « renonciation » verbale aux annexions, disait déjà que « nos » traités avec les gouvernements anglais et français demeuraient en vigueur. Deux semaines se sont écoulés, et voici ce que nous lisons dans la Retch, organe de M. Milioukov, ministre des Affaires étrangères :

Une déclaration de Milioukov

Se trouvant à Moscou, le ministre des Affaires étrangères P. Milioukov a fait à une réunion du parti de la liberté du peuple la déclaration suivante :

« La déclaration du Gouvernement provisoire sur les buts de guerre énonce non pas les conditions de la paix mais uniquement les principes généraux déjà maintes fois proclamés par les hommes d'Etat des pays qui sont nos alliés. Les conditions de la paix ne peuvent être élaborées qu'en accord avec nos alliés, conformément à la convention de Londres. Quoi que l'on pense du mot d'ordre :  « paix sans annexions », on ne saurait ignorer les principes reconnus par tous les alliés : reconstitution de la Pologne et de l'Arménie, satisfaction donnée aux aspirations nationales des Slaves d'Autriche. » (Retch du 11 (24) avril 1917, n° 83.)

Cette déclaration du ministre des Affaires étrangères Milioukov fera sans nul doute le tour de la presse étrangère et renforcera en Allemagne l'humeur belliqueuse. Milioukov aide les impérialistes allemands à attiser le chauvinisme dans leur pays, Milioukov aide Guillaume II à mener « jusqu'au bout » sa guerre de brigandage.

Analysons la déclaration de M. Milioukov. La déclaration du Gouvernement provisoire sur les buts de guerre (celle-là même que I. Stéklov, par suite d'un regrettable malentendu, qualifie de renonciation aux annexions), énonce - c'est Milioukov qui parle - non pas les conditions de la paix, « mais uniquement les principes généraux déjà maintes fois proclamés par les hommes d'Etat des pays qui sont nos alliés ». En clair, cela signifie que la renonciation aux annexions n'est qu'une phrase pompeuse, n'est que « principes généraux » : des mots, des mots, des mots. De ces mots, « nos » alliés en ont aussi prononcé tant et plus. Quant aux conditions véritables de la « paix », c'est une autre affaire.

Un homme d'Etat, Bismarck, sauf erreur, a dit : Accepter « en principe » signifie, dans la langue des diplomates, repousser en pratique. Il en est ainsi chez Milioukov. Il est « en principe » contre les annexions, mais en pratique pour les annexions et, par suite, pour la guerre « jusqu'au bout ».

Des phrases pompeuses ne sont pas encore des conditions de paix, nous déclare M. Milioukov.

Quelles sont donc ses conditions de paix ?

Celles qui sont prévues par la convention de Londres a laquelle Milioukov nous renvoie.

Mais par qui cette convention a-t-elle été conclue ? Par le tsar Nicolas II, d'une part, les capitalistes anglais et français, d'autre part ! Ainsi, les traités conclus par la bande du tsar restent en vigueur. Ainsi, nous faisons la guerre au nom de ces traités de brigandage conclus par la bande du tsar avec les banquiers « alliés».

Conquête de la Pologne et de l'Arménie, conquêtes en Autriche (M. Milioukov a cette fois gardé le silence sur Constantinople), voilà à quoi se ramène le programme de paix de M. Milioukov.

Que diront de la dernière déclaration du ministre des Affaires étrangères Milioukov les chefs de la majorité du Soviet des députés ouvriers ? Ils se borneront à adresser, au nom de la commission « de contact », un « blâme » à Milioukov pour ces paroles... Où est donc la « renonciation du Gouvernement provisoire aux annexions », qu'avaient « tout de même » obtenue de ce dernier I. Stéklov et N. Tchkhéidzé ?

Il n'y a en Russie aucune dualité du pouvoir. Le Soviet des députés ouvriers ne fait qu'exercer un contrôle bienveillant sur le Gouvernement provisoire. Ainsi aurait parlé, s'il faut en croire les journaux, N. Tchkhéidzé au Congrès militaire de Minsk [1].

Voilà où nous a conduits ce contrôle bienveillant ! Des hommes qui attisent la guerre continuent à parler au nom de la Russie. On nourrit les ouvriers et les soldats de phrases générales sur la paix sans annexions tout en poursuivant en sourdine une politique qui profite uniquement à une poignée de millionnaires que la guerre enrichit !

Camarades ouvriers et soldats ! Lisez et commentez dans toutes les réunions la déclaration de Milioukov que nous venons de citer ! Déclarez que vous ne voulez pas mourir pour des conventions secrètes conclues par le tsar Nicolas II et demeurées sacrées pour Milioukov !


Notes

Les notes rajoutées par l’éditeur sont signalées par [N.E.]

[1]. Le Congrès militaire de Minsk : il s'agit du congrès des députés soldats et ouvriers du front et de l'arrière du groupe d'armées de l'Ouest, qui se déroula à Minsk du 7 au 16 (20-29) avril 1917, et auquel participèrent près de 1200 délégués.

Les bolchéviks prirent part aux travaux du congrès en vue de gagner la masse des soldats à la révolution. Les menchéviks et les socialistes-révolutionnaires, ainsi que leurs sympathisants, avaient la majorité parmi les délégués, d’où le caractère des résolutions adoptées. Sur les questions essentielles à l'ordre du jour (la guerre et l'attitude envers le Gouvernement provisoire), le congrès fit siennes les résolutions conciliatrices de la Conférence des Soviets de Russie qui s'était tenue à Pétrograd fin mars-début avril 1917 ; autrement dit, il se rallia au «jusqu'auboutisme révolutionnaire» et se prononça pour le soutien au Gouvernement provisoire bourgeois. [N.E.]


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