1917

La «Pravda » n° 88, 5 juillet (22 juin) 1917
Conforme au texte de la «Pravda »

Œuvres t. 25, pp. 120-122, Paris-Moscou


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Lénine

Où les socialistes-révolutionnaires et les menchéviks ont-ils conduit la révolution ?


 

Ils l'ont conduite à la soumission aux impérialistes.

L'offensive est, une reprise de la guerre impérialiste. Rien d'essentiel n'a changé dans les rapports des deux formidables coalitions capitalistes qui s'affrontent. Même depuis la révolution du 27 février, la Russie est restée soumise à la toute-puissance des capitalistes liés par le traité d'alliance - et, par les anciens traités secrets du tsar - au capital impérialiste anglo-français. Economiquement et politiquement, la guerre est toujours la même. Le même capital bancaire impérialiste règne dans la vie économique ; les mêmes traités secrets, la même politique extérieure des alliances d'un groupe impérialiste contre l'autre.

Les phrases des menchéviks et des socialistes-révolutionnaires sont demeurées et demeurent des phrases, qui ne font en réalité que camoufler doucereusement la reprise de la guerre impérialiste, naturellement saluée par les clameurs approbatives et enthousiastes de tous les contre-révolutionnaires, de la bourgeoisie tout entière et de Plékhanov «qui suit obséquieusement la presse bourgeoise», comme s'exprime la Rabotchaïa Gazéta des menchéviks, laquelle suit elle-même, obséquieusement, toute la séquelle des social-chauvins.

Ce qui importe, c'est de ne pas oublier les caractères distinctifs de la reprise actuelle de la guerre impérialiste. Elle s'est produite après trois mois d'hésitations, pendant lesquels les masses ouvrières et paysannes ont condamné, des milliers de fois, la guerre de conquête (tout en continuant à soutenir en fait, en Russie, le gouvernement de la bourgeoisie pillarde et annexionniste). Les masses ont hésité, paraissant se préparer à faire chez elles ce que l'appel du 14 mars recommandait aux peuples de tous les pays de faire chez eux : « Renoncez à être entre les mains des banquiers un instrument de conquête et de violence ! » Or, chez nous, dans la Russie « démocratique révolutionnaire », les masses sont précisément restées un instrument de conquête et de violence « entre les mains des banquiers ».

Ce qu'il y a de particulier dans cette situation, c'est qu'elle est créée, en présence d'une très grande liberté relative d'organisation des masses, par les partis socialiste-révolutionnaire et menchévique. Ce sont, ces partis qui ont conquis actuellement la majorité : le congrès des Soviets et le Soviet paysan de Russie l'ont prouvé de façon indiscutable.

Ce sont ces partis qui portent désormais la responsabilité de la politique du pays.

Ce sont ces partis qui portent la responsabilité de la reprise de la guerre impérialiste, des nouvelles centaines de milliers de victimes offertes pratiquement en holocauste au « triomphe » de certains capitalistes sur certains autres, de la nouvelle aggravation du marasme économique découlant inéluctablement de l'offensive.

Nous avons vu, sous la forme la plus nette, les masses petites-bourgeoises se duper elles-mêmes et se laisser duper par la bourgeoisie bénéficiant de l'aide des socialistes-révolutionnaires et des menchéviks. Ces partis constituent, en paroles, la « démocratie révolutionnaire ». En fait, ce sont eux qui ont confié les destinées du peuple à la bourgeoisie contre-révolutionnaire, aux cadets ; ce sont eux qui se sont écartés de la révolution et ont continué la guerre impérialiste, eux qui se sont écartés de la démocratie et fait des « concessions » aux cadets dans la question du pouvoir (considérez, par exemple, la « validation » par les autorités supérieures de l'élection des autorités locales par la population) comme dans celle de la terre (abandon par les menchéviks et les socialistes-révolutionnaires de leur propre programme qui disait : soutien des actions révolutionnaires des paysans jusques et y compris la confiscation des grandes propriétés foncières), et dans celle des nationalités (défense de l'antidémocratisme cadet à l'égard de l'Ukraine et de la Finlande).

Les masses petites-bourgeoises ne peuvent pas ne pas hésiter entre la bourgeoisie et le prolétariat. Il en fut ainsi dans tous les pays, surtout en 1789 et 1871. Il en est ainsi en Russie. Les menchéviks et les socialistes-révolutionnaires ont amené les masses à se soumettre à la politique des bourgeois contre-révolutionnaires.

Telle est la clé de la situation. Telle est la signification de l'offensive. Tel est le trait particulier du moment : ce n'est pas la violence qui a égaré le peuple, mais la confiance dans les socialistes-révolutionnaires et les menchéviks.

Sera-ce pour longtemps ?

Pas pour longtemps. Les masses seront éclairées par leur propre expérience. La triste expérience de la nouvelle phase (maintenant commencée) de la guerre, de la nouvelle débâcle économique aggravée par l'offensive, amènera inévitablement la faillite politique des partis socialiste-révolutionnaire et menchévique. La tâche du parti du prolétariat est, en premier lieu, d'aider les masses à prendre conscience de cette expérience, à bien en tenir compte, à bien se préparer à cette grande faillite qui montrera aux masses leur chef véritable, le prolétariat organisé des villes.


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