1917

La «Pravda» n° 95, 13 juillet (30 juin) 1917
Conforme au texte de la «Pravda »

Œuvres t. 25, pp. 147-149, Paris-Moscou


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Lénine

La crise approche, le marasme grandit


 

Force nous est de sonner chaque jour le tocsin. Toutes sortes de sots nous ont reproché d'être «pressés» de transmettre tout le pouvoir d'Etat aux Soviets des députés soldats, ouvriers et paysans, alors qu'il serait «plus modéré et plus convenable»[1] d'«attendre» avec componction une Assemblée constituante compassée.

Les plus sots de ces petits bourgeois imbéciles peuvent maintenant constater que la vie n'attend pas, que ce n'est pas nous qui sommes « pressés », mais la débâcle économique.

La lâcheté petite-bourgeoise, incarnée par les partis socialiste-révolutionnaire et menchevique, en a ainsi décidé : laissons pour le moment les capitalistes au gouvernail et faisons des vœux pour que la débâcle économique « attende » l'Assemblée constituante !

Les faits disent chaque jour qu'elle n'attendra sans doute pas l'Assemblée constituante et que la faillite se produira avant.

Considérez par exemple les faits publiés aujourd'hui même. La commission économique du Comité exécutif du Soviet des députés soldats et ouvriers de Petrograd a décidé « de porter à la connaissance du Gouvernement provisoire » que « l'industrie métallurgique de la région de Moscou (15 provinces) traverse une crise aiguë », que « la direction de l'usine Goujon désorganise manifestement la production et prépare sciemment l'arrêt de l'entreprise », et, que « le pouvoir » (précisément laissé par les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks au parti des Goujon, des capitalistes lockouteurs contre-révolutionnaires) « doit par conséquent assumer l'administration de l'usine... et lui fournir des fonds de roulement ».

Ces fonds de roulement, nécessaires d'urgence, se montent à 5 millions de roubles.

La conférence (de la commission économique et d'une délégation de la commission du ravitaillement du Soviet des députés ouvriers de Moscou) « attire l'attention du Gouvernement provisoire (pauvre et innocent Gouvernement provisoire, d'une candeur enfantine ! Lui qui n'en savait rien ! Il n'y est pour rien ! Les Dan et les Tchérévanine, les Avksentiev et les Tchernov l'éclaireront, le convaincront, l'exhorteront) sur le fait que la conférence des usines de Moscou et le Bureau provisoire du Comité du ravitaillement de la région de Moscou ont déjà dû s'opposer à la cessation de l'activité de l'usine de construction de locomotives de Kolomna, ainsi que des usines de Sormovo et de Briansk à Béjetsk. L'usine de Sormovo ne travaille cependant pas en ce moment, les ouvriers s'étant mis en grève ; la cessation du travail dans d'autres usines peut se produire d'un jour à l'autre...»

La catastrophe n'attend pas. Elle se rapproche avec une rapidité effrayante. Sur le bassin du Donetz, A. Sandomirski, informé sans aucun doute de façon très sûre, écrit aujourd'hui dans la Novaïa Jizn :

« Le cercle vicieux - manque de charbon, manque de métaux, manque de locomotives et de matériel roulant, cessation de la production - ne fait que s'élargir. Et, pendant ce temps, le charbon brûle, le métal s'accumule dans les usines, mais on ne parvient pas à en recevoir là où on en a besoin. »

Le gouvernement, soutenu par les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks, entrave ouvertement la lutte contre la débâcle. A. Sandomirski nous informe qu'à la suite d'une plainte des industriels, le sous-secrétaire d'État au Commerce Paltchinski, collègue en fait de Tsérétéli et de Tchernov, répondant à une enquête du Comité du Donetz sur les stocks de métal, a interdit (!!) la formation « arbitraire » (!!) de commissions de contrôle.

Songez-y seulement : quelle maison de fous ! Le pays périt, le peuple est à la veille de la famine et d'une faillite générale, le charbon et le fer font défaut, bien qu'il soit possible de s'en procurer, le Comité du Donetz se livre, par l'intermédiaire des Soviets des députés soldats et ouvriers, à une enquête sur les stocks de métal, recherchant en un mot le fer dont la nation a besoin, et le ministre Paltchinski, valet des industriels, valet des capitalistes, collègue de Tsérétéli et de Tchernov, interdit cette enquête. Et la crise continue de s'aggraver, la catastrophe se rapproche un peu plus.

Où et comment trouvera-t-on l'argent ? N'est-il pas évident que s'il est facile d'«exiger» 5000000 d'un coup pour une usine, on doit tout de même comprendre qu'il en faudra bien davantage pour l'ensemble des usines ?

N'est-il pas évident que, si la mesure que nous exigeons et préconisons depuis le début d'avril n'est pas prise, si la fusion de toutes les banques en une seule banque contrôlée n'est pas décidée, si le secret commercial n'est pas aboli, on ne trouvera pas d'argent ?

Les Goujon et autres capitalistes aidés des Paltchinski s'acheminent « sciemment » (le mot est de la commission économique du Soviet) vers la cessation de l'activité des entreprises. Le gouvernement est de leur côté. Les Tsérétéli et les Tchernov ne sont que des figurants ou des pions sur l'échiquier.

N'est-il pas enfin temps de comprendre, Messieurs, que le peuple rendra les partis socialiste-révolutionnaire et menchevique responsables, en tant que partis, de la catastrophe ?


Notes

Les notes rajoutées par l’éditeur sont signalées par [N.E.]

[1]. La modération et la ponctualité, qualités petites-bourgeoises de Moltchaline, un des personnages de la comédie de Griboïédov le Malheur d'avoir trop d'esprit. [N.E.]


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