1918

— Lénine, Œuvres, t. 27, Éditions Sociales - Paris, Éditions en langues étrangères - Moscou, 1961, p. 38-42.

La paternité de ce décret a traditionnellement toujours été attribuée à Lénine selon l’historiographie officielle et les volumes des Œuvres de ce dernier. Il semblerait bien pourtant que ce soit à Trotski que l’on doive le premier jet de ce décret révolutionnaire. Cf. : Cinnella Ettore, État « prolétarien » et science « bourgeoise ». In : Cahiers du monde russe et soviétique, vol. 32, n° 4, Octobre- Décembre 1991, pp. 469-499 ; et plus précisément page 471 ainsi que la note n° 9 (commentaire du site "Smolny")


Lénine - Trotsky

Sovnarkom (1918) : La patrie socialiste est en danger !

Décret du Conseil des Commissaires du Peuple - « 21 février 1918 »


Afin de mettre le pays épuisé et martyrisé à l’abri des nouvelles épreuves qu’entraînerait la guerre, nous avons consenti un immense sacrifice et informé les Allemands que nous acceptions de signer leurs conditions de paix. Le 20 (7) février au soir, nos parlementaires ont quitté Réjitsa pour Dvinsk, mais jusqu’à présent pas de réponse. Visiblement, le gouvernement allemand ne se presse pas de répondre. Il ne veut manifestement pas faire la paix. Répondant aux injonctions des capitalistes de tous les pays, le militarisme germanique entend étouffer les ouvriers et les paysans russes et ukrainiens, restituer les terres aux grands propriétaires fonciers, les fabriques et les usines aux banquiers, le pouvoir à la monarchie. Les généraux allemands veulent instaurer leur « régime » à Pétrograd et à Kiev. La République socialiste des Soviets court un très grave danger. Jusqu’à l’heure où le prolétariat d’Allemagne se lèvera et triomphera, le devoir sacré des ouvriers et des paysans de Russie est de défendre avec abnégation la République des Soviets contre les hordes de la bourgeoisie impérialiste d’Allemagne. Le Conseil des commissaires du peuple arrête :

1. Toutes les forces et ressources du pays sont mises à la disposition de la défense révolutionnaire.

2. Il est du devoir de tous les Soviets et organisations révolutionnaires de défendre chaque position jusqu’à la dernière goutte de sang.

3. Les organisations des chemins de fer et les Soviets intéressés sont tenus de s’opposer de toutes leurs forces à l’utilisation par l’ennemi de l’appareil des transports ferroviaires ; en cas de retraite, de détruire les voies, de faire sauter et d’incendier les bâtiments des chemins de fer ; d’évacuer sans délai tout le matériel roulant - wagons et locomotives - vers l’Est, dans l’intérieur du pays.

4. Tous les stocks de blé et, en général, de vivres, de même que tous autres biens de valeur qui risquent de tomber entre les mains de l’ennemi, doivent absolument être détruits ; les Soviets locaux veilleront à l’exécution de ces mesures, sous la responsabilité personnelle de leurs présidents.

5. Les ouvriers et les paysans de Pétrograd, de Kiev et de toutes les villes, bourgades, villages et hameaux se trouvant sur la nouvelle ligne du front mobiliseront les bataillons pour creuser des tranchées sous la direction de spécialistes militaires.

6. On incorporera dans ces bataillons tous les membres de la classe bourgeoise aptes au travail, hommes et femmes, sous la surveillance des gardes rouges ; les récalcitrants seront fusillés.

7. Toutes les publications qui s’opposent à la défense révolutionnaire et prennent le parti de la bourgeoisie allemande, ainsi que celles qui cherchent à utiliser l’invasion des hordes impérialistes pour renverser le pouvoir des Soviets, sont interdites ; leurs rédacteurs et autres collaborateurs aptes au travail sont mobilisés pour le creusement des tranchées et autres travaux de défense.

8. Les agents de l’ennemi, les trafiquants, les pillards, les voyous, les agitateurs contre-révolutionnaires, les espions allemands, pris sur le fait, doivent être fusillés.

La Patrie socialiste est en danger ! Vive la Patrie socialiste ! Vive la Révolution socialiste internationale !

Le Conseil des commissaires du peuple.

Le 21 février 1918, Pétrograd.

« Pravda », n° 32, 22 février 1918


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