1848-49

Marx et Engels journalistes au coeur de la révolution...

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


La Nouvelle Gazette Rhénane

K. Marx – F. Engels

La Kölnische Zeitung et l'emprunt forcé

n° 65, 4 août 1848


Cologne, 3 août

Le numéro 215 de la Kölnische Zeitung publie l'appel suivant au patriotisme rhénan :

« Ainsi que nous venons de l'apprendre de source sûre, on a versé jusqu'ici dans la ville de Cologne pour l'emprunt volontaire environ 210.000 talers, en partie comptant, en partie en souscription. Il faut s'attendre à ce que ceux qui, jusqu'à présent, n'ont pas encore pris part à l'emprunt d'État reconnaissent et remplissent leur devoir de citoyen dans les dix jours qui viennent, d'autant plus que leur propre intérêt les poussera à prêter leur argent de préférence à 5 % avant le 1° août qu'à 3 % après cette date. Il est nécessaire en particulier que les campagnards qui, jusqu'à présent, n'ont pas participé comme il convenait à l'emprunt, ne laissent pas passer ce délai. Ce serait alors à la contrainte d'intervenir là où le patriotisme et la clairvoyance font défaut. »

Une prime de 1 ⅔ % est accordée au patriotisme des contribuables et « malgré tout et tout » [1] le patriotisme continue à rester dans un état de latence ! C'est inconcevable. 1 ⅔ % de différence ! Le patriotisme peut-il résister à un argument aussi sonnant que 1 ⅔ % ?

Il est de notre devoir d'expliquer à notre chère collègue ce phénomène extraordinaire.

Grâce à quoi l'État prussien paiera-t-il non pas 5 mais seulement 3 ⅓ % ? Grâce à de nouveaux impôts. Et si, comme il est prévisible, les impôts ordinaires ne suffisent pas, grâce à un nouvel emprunt forcé. Et grâce à quoi l'emprunt forcé n° II ? Grâce à l'emprunt forcé n° III. Et grâce à quoi l'emprunt forcé n° III ? Grâce à la banqueroute. Le patriotisme commande donc de barrer de toutes les façons possibles non avec des talers, mais avec des protestations le chemin où s'est engagé le gouvernement prussien.

La Prusse a de plus le plaisir d'avoir déjà une dette extraordinaire de 10 millions de talers pour la guerre des Huns en Posnanie. Quinze millions de talers d'emprunt volontaire ne seraient donc qu'un « bill d'indemnité [2] » pour les intrigues du cabinet secret de Potsdam [3] qui, contrairement aux ordres du faible cabinet de Berlin, menait cette guerre dans l'intérêt des Russes et de la réaction. La contre-révolution des hobereaux est assez condescendante pour s'adresser aux porte-monnaie des bourgeois et des paysans qui doivent après coup payer le solde de leurs exploits. Et les « campagnards » au cœur dur résistent à une telle condescendance ? Le « ministère d'action » réclame de l'argent pour son « système policier » et vous n'avez pas de véritable compréhension pour les bienfaits de cette police de constables, traduite de l'anglais en prussien ? Le « ministère d'action » veut vous bâillonner et vous lui refusez l'argent pour qu'il se procure un bâillon ? Quel manque de compréhension !

Le ministère d'action a besoin d'argent pour faire triompher les intérêts particuliers de l'Ucker-marck au détriment de l'unité allemande. Et les habitants de l'arrondissement de Cologne sont assez aveugles, malgré la prime de 1 ⅔ %, pour ne pas vouloir supporter les frais occasionnés par la défense de la nationalité de l'Uckermarck et de la Poméranie ? Où donc est le patriotisme ?

Notre confrère patriote qui menace d'un « passage à l'exécution » oublie finalement dans son zèle que l'emprunt forcé n'est pas encore voté par l'assemblée ententiste, et que des projets ministériels ont la même force de loi que les éditoriaux de la Kölnische Zeitung.


Notes

Texte en surligné : en français dans le texte.

[1] Extrait du poème de Freiligrath : « Malgré tout. »

[2] Indemnitätsbill : dans la vie parlementaire (surtout en Angleterre), loi qui relève le ministère de sa responsabilité pour un acte accompli de sa propre autorité, et pour lequel il demande après coup l'approbation du Parlement.

[3] Il s'agit de la clique réactionnaire (les frères Gerlach, Radowitz, etc. ) qui entourait le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV.


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