1848-49

Marx et Engels journalistes au coeur de la révolution...

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


La Nouvelle Gazette Rhénane

K. Marx - F. Engels

Médiation et intervention de Radetzky et Cavaignac

n° 91, 1° septembre 1848


Dans trois semaines environ (21 septembre) l'armistice conclu du fait de la trahison de Charles-Albert prendra fin. La France et l'Angleterre ont offert leur médiation. On peut lire dans Le Spectateur républicain, la feuille de Cavaignac, que jusqu'à présent l'Autriche n'a pas encore déclaré si elle l'acceptait ou le refusait. Le dictateur de la France s'irrite enfin de l'impolitesse de l'Autriche et menace d'intervenir militairement si le cabinet de Vienne ne répond pas avant le délai fixé ou refuse la médiation. L'Autriche se laissera-t-elle dicter la paix par un Cavaignac, surtout maintenant qu'elle a remporté la victoire sur la démocratie viennoise et sur les « rebelles » italiens ? L'Autriche sait très bien que la bourgeoisie française veut avoir « la paix à tout prix », que la liberté ou l'esclavage de l'Italie sont par ailleurs indifférents à la bourgeoisie et qu'elle fera toutes les concessions pourvu qu'on ne la ridiculise pas ouvertement aux yeux du monde et qu'on ne l'oblige pas à prendre l'épée contre son gré. On dit que Radetzky fera une courte visite à Vienne pour dire son mot au sujet de la médiation. Son voyage à Vienne est superflu. Sa politique a maintenant la cote et son opinion ne perdra rien de son poids même s'il reste à Milan. Si l'Autriche acceptait les bases de la paix proposée par l'Angleterre et la France, ce ne serait pas par crainte de l'intervention de Cavaignac, mais pour des motifs beaucoup plus pressants et plus impérieux.

Les Italiens, tout comme les Allemands, se sont laissés duper par les événements de mars. Ceux-là crurent que c'était en tout cas la fin de la domination étrangère, ceux-ci pensèrent que l'ancien régime était définitivement enterré. Au lieu de cela la domination étrangère est plus rude que jamais tandis qu'en Allemagne l'ancien régime s'est remis des quelques coups qui lui ont été portés en mars et sévit avec plus de fureur et de soif de vengeance qu'auparavant.

Actuellement l'erreur des Italiens est d'attendre leur salut de l'actuel gouvernement français. Seule la chute de ce gouvernement pourrait les sauver. Les Italiens se trompent encore en estimant possible la libération de leur pays, tandis qu'en France, en Allemagne, etc. la démocratie perd chaque jour plus de terrain. La réaction sous les coups de laquelle l'Italie succombe maintenant n'est pas seulement italienne; c'est une réalité européenne. L'Italie ne peut pas se libérer toute seule des griffes de cette réaction, et certainement pas en faisant appel à la bourgeoisie française qui constitue justement la pierre angulaire de la réaction dans toute l'Europe.

Il faut d'abord que la réaction en France soit elle-même vaincue avant qu'elle puisse être anéantie en Italie et en Allemagne. Il faut donc d'abord que soit proclamée la république démocratique et sociale, il faut d'abord que le prolétariat français ait réduit à merci sa propre bourgeoisie avant de penser à une victoire durable de la démocratie en Italie, en Allemagne, en Pologne, en Hongrie, etc.


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