1848-49

Marx et Engels journalistes au coeur de la révolution...

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


La Nouvelle Gazette Rhénane

K. Marx - F. Engels

L'insurrection dans le duché de Berg [1]

n°297, 13 mai 1849


Cologne, le 12 mai.

L'attention de toute la province rhénane se porte en ce moment sur Elberfeld, la localité qui brandit plus haut que toutes les autres villes rhénanes « la bannière de l'insurrection ». La dissolution de la Chambre a donné au Wuppertal, d'ordinaire si pacifique, le signal de l'action. Les « hurleurs » les plus abrutis, les « tartuffes » les plus lamentables se sont avoué que la réaction avait comblé la mesure de ses crimes, et, entraînés par l'enthousiasme de ces braves ouvriers dont nous n'avons jamais mis l'énergie en doute, ils ont pris les armes et sont entrés dans les rangs de ces héros des barricades résolus à lutter à la vie à la mort contre la monarchie.

Étant donné les nouvelles confuses qui nous parviennent du théâtre même des combats, il est impossible de séparer le vrai du faux. Un seul point semble sûr, c'est que toute la population est sous les armes, que les rues et les maisons sont barricadées, que des agglomérations voisines - de Solingen, Remscheid, Gräfrath, des localités situées sur la route d'Ennep, bref, de tout le duché de Berg - des renforts armés approchent rapidement; on ne se limite déjà plus à l'occupation des villes d'Elberfeld et de Barmen, mais on étend déjà les mesures de défense aux points les plus importants de la région environnante.

À ce qu'on assure, on dit même que le plan des combattants prévoit de se précipiter au secours de Dusseldorf pour dé­barrasser cette ville des troupes prussiennes. La territoriale, qui maintenant pour la première fois se bat résolument au côté du peuple, joue le rôle essentiel dans ces entreprises. Les combattants ne manquent ni de munitions, ni d'argent puisque plusieurs parmi les plus riches négociants ont ouvert avec empressement leurs caisses. On dit qu'une seule maison de commerce a affecté au comité de salut publie d'Elberfeld 500 pièces de Friedrichsdor [2] .

Dans ces circonstances, il ne faut naturellement pas s'étonner si les mercenaires de la royauté se préparent à attaquer, si possible à écraser le peuple dans le duché de Berg et à se livrer aux mêmes massacres qu'à Breslau, Dresde, Erfurt, etc. Espérons que cette fois, il en sera autrement.

Le parc d'artillerie de Wesel va partir pour Elberfeld. On dit que le jour de l'attaque est fixé à lundi prochain.

Nous ne pouvons pas garantir ces nouvelles. Mais quels que puissent être les plans de la contre-révolution, Elberfeld aura à affronter un combat où elle peut, en vérité, bien mériter de la patrie.


Notes

[1] Le duché de Berg était un État de l'Allemagne, sur la rive droite du Rhin. Il avait Dusseldorf pour capitale. Créé par Henri V en 1108, le titre de comte de Berg passa, dès 1219, à la famille de Limbourg, puis à celle de Juliers en 1348.

[2] Pièce d'or d'une valeur de 5 thalers 2/3 ayant eu cours de 1750 à 1855.


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