1861-65

«John Bull n'est-il pas un être exceptionnel ? A en croire le Times, ce qui chez d'autres serait infâme est en lui vertu.»
K. Marx, N.Y.D.T., 8.5.1858.
«... depuis le début, l'expédition du Mexique n'a pas eu le but que l'on proclame, mais tient lieu de guerre contre les États-Unis.»
K. Marx, N.Y.D.T., 25.8.1861.

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


La guerre civile aux États-Unis

K. Marx - F. Engels


3
PHASE POLITIQUE

IMPÉRIALISME ANGLAIS ET DÉFAITISME OUVRIER


Karl Marx : À PROPOS DE L'ESCAMOTAGE DE LA DÉPÊCHE DE SEWARD

Die Presse, 18 janvier 1862.

>Londres, le 14 janvier 1862.

La défunte affaire du Trent vient de ressusciter, mais cette fois comme casus belli non pas entre l'Angleterre et les États-Unis, mais entre le peuple anglais et le gouvernement anglais. Ce nouveau casus belli sera examiné au parlement, qui se réunit le mois prochain. Il ne fait pas de doute qu'ils aient pris tous deux acte de la polémique menée par le Daily News et le Star contre la Morning Post à propos du détournement et de la suppression de la dépêche de paix de M. Seward du 30 novembre, que l'ambassadeur américain a lue le 19 décembre à lord John Russell.

Qu'il me soit permis de revenir sur cette affaire. La Morning Post ayant assuré que la dépêche de Seward n'avait pas le moindre rapport avec l'incident du Trent les effets en bourse se mirent à baisser et des propriétés s'élevant à plusieurs millions changèrent de mains, avec pertes d'un côté et profits de l'autre. On comprend que les milieux d'affaires et d'industrie soient indignés par le mensonge tout à fait injustifiable de la semi-officielle Morning Post et par la publication de la dépêche de Seward.

Dans l'après-midi du 9 janvier, la nouvelle de paix arriva à Londres. Le même soir, l'Evening Star interpella le gouvernement sur la suppression de la dépêche de Seward du 30 novembre. Le lendemain 10 janvier, la Morning Post répondit comme suit : « On demande pourquoi on n'a pas entendu parler plus tôt de la dépêche de Seward, que M. Adams a reçue en décembre ? L'explication en est fort simple. La dépêche reçue par M. Adams n'avait pas été communiquée à notre gouvernement. »

Le soir du même jour, le Star infligea à la Post un démenti complet et affirma que sa « rectification » n'était qu'un misérable faux-fuyant. En fait, la dépêche n'avait pas été 41 communiquée », mais lue à lord Palmerston et lord Russell par M. Adams.

Le lendemain, samedi 11 janvier, le Daily News entra en lice et démontra à partir de l'article de la Morning Post du 21 décembre, que cette dernière et le gouvernement étaient parfaitement au courant, dès cette époque, de la dépêche de Seward, qu'ils falsifièrent délibérément. Le gouvernement préparait maintenant sa retraite. Au soir du 11 janvier, le semi-officiel Globe annonça que M. Adams avait certes communiqué la dépêche de Seward au gouvernement le 19 décembre, mais que celle-ci cependant « ne contenait pas d'offre de la part du cabinet de Washington », ni « une excuse quelconque pour l'outrage fait à notre drapeau par le capitaine Wilkes » [1]. Cet aveu honteux qu'on avait abusé délibérément le peuple anglais pendant trois semaines ne fit que souffler sur le feu au lieu de l'éteindre. Un cri de colère résonna dans tous les journaux des districts industriels de Grande-Bretagne, et hier il trouvait enfin un écho jusque dans la presse conservatrice. Remarquons que toute la question a été soulevée non par les politiciens, mais par le public des affaires.

Le Morning Star d'aujourd'hui remarque à ce sujet : « Lord John Russell est indubitablement l'un des responsables de l'escamotage de la vérité;. c'est lui, aussi, qui a laissé circuler les mensonges de la Morning Post sans les démentir, mais il est incapable d'avoir dicté l'article irresponsable, néfaste et mensonger qu'elle publia le 21 décembre... Seul, un homme tel que le ministre qui fabriqua la guerre afghane peut avoir été capable d'escamoter la dépêche de paix de Seward. La sotte indulgence des Communes lui a pardonné cette offense : le Parlement et le peuple ne vont-ils pas s'unir pour le punir de cette nouvelle faute ? »


Notes

[1] Cf. Le Globe du 11 janvier 1862.


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