1867

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Le Capital - Livre premier

Le développement de la production capitaliste

Karl MARX

IV° section : la production de la plus-value relative

Chapitre XV : Machinisme et grande industrie


I. - Développement des machines et de la production mécanique

« Il reste encore à savoir », dit John Stuart Mill, dans ses Principes d'économie politique, « si les inventions mécaniques faites jusqu'à ce jour ont allégé le labeur quotidien d'un être humain quelconque [1]. » Ce n'était pas là leur but. Comme tout autre développement de la force productive du travail, l'emploi capitaliste des machines ne tend qu'à diminuer le prix des marchandises, à raccourcir la partie de la journée où l'ouvrier travaille pour lui-même, afin d'allonger l'autre où il ne travaille que pour le capitaliste. C'est une méthode particulière pour fabriquer de la plus-value relative.

La force de travail dans la manufacture et le moyen de travail dans la production mécanique sont les points de départ de la révolution industrielle. Il faut donc étudier comment le moyen de travail s'est transformé d'outil en machine et par cela même définir la différence qui existe entre la machine et l'instrument manuel. Nous ne mettrons en relief que les traits caractéristiques : pour les époques historiques, comme pour les époques géologiques, il n'y a pas de ligne de démarcation rigoureuse.

Des mathématiciens et des mécaniciens, dont l'opinion est reproduite par quelques économistes anglais, définissent l'outil une machine simple, et la machine un outil composé. Pour eux, il n'y a pas de différence essentielle et ils donnent même le nom de machines aux puissances mécaniques élémentaires telles que le levier, le plan incliné, la vis, le coin, etc [2]. En fait, toute machine se compose de ces puissances simples, de quelque manière qu'on déguise et combine. Mais cette définition ne vaut rien au point de vue social, parce que l'élément historique y fait défaut.

Pour d'autres, la machine diffère de l'outil en ce que la force motrice de celui-ci est l'homme et celle de l'autre l'animal, l'eau, le vent, etc [3]. A ce compte, une charrue attelée de bœufs, instrument commun aux époques de production les plus différentes, serait une machine, tandis que le Circular Loom de Claussen, qui, sous la main d'un seul ouvrier, exécute quatre-vingt-seize mille mailles par minute, serait un simple outil. Mieux encore, ce même loom serait outil, si mû par la main; machine, si mû par la vapeur. L'emploi de la force animale étant une des premières inventions de l'homme, la production mécanique précéderait donc le métier. Quand John Wyalt, en 1735, annonça sa machine à filer, et, avec elle, la révolution industrielle du XVIII° siècle, il ne dit mot de ce que l'homme serait remplacé comme moteur par l'âne, et cependant c'est à l'âne que ce rôle échut. Une machine pour « filer sans doigts », tel fut son prospectus [4].

Tout mécanisme développé se compose de trois parties essentiellement différentes : moteur, transmission et machine d'opération. Le moteur donne l'impulsion à tout le mécanisme. Il enfante sa propre force de mouvement comme la machine à vapeur, la machine électro-magnétique, la machine calorique, etc., ou bien reçoit l'impulsion d'une force naturelle externe, comme la roue hydraulique d'une chute d'eau, l'aile d'un moulin à vent des courants d'air.

La transmission, composée de balanciers, de roues circulaires, de roues d'engrenage, de volants, d'arbres moteurs, d'une variété infinie de cordes, de courroies, de poulies, de leviers, de plans inclinés, de vis, etc., règle le mouvement, le distribue, en change la forme, s'il le faut, de rectangulaire en rotatoire et vice versa, et le transmet à la machine-outil.

Les deux premières parties du mécanisme n'existent, en effet, que pour communiquer à cette dernière le mouvement qui lui fait attaquer l'objet de travail et en modifier la forme. C'est la machine­-outil qui inaugure au XVIII° siècle la révolution industrielle; elle sert encore de point de départ toutes les fois qu'il s'agit de transformer le métier ou la manufacture en exploitation mécanique.

En examinant la machine-outil, nous retrouvons en grand, quoique sous des formes modifiées, les appareils et les instruments qu'emploie l'artisan ou l'ouvrier manufacturier, mais d'instruments manuels de l'homme ils sont devenus instruments mécaniques d'une machine. Tantôt la machine entière n'est qu'une édition plus ou moins revue et corrigée du vieil instrument manuel, - c'est le cas pour le métier à tisser mécanique [5], - tantôt les organes d'opération, ajustés à la charpente de la machine-outil, sont d'anciennes connaissances, comme les fuseaux de la Mule-Jenny, les aiguilles du métier à tricoter des bas, les feuilles de scie de la machine à scier, le couteau de la machine à hacher, etc. La plupart de ces outils se distinguent par leur origine même de la machine dont ils forment les organes d'opération. En général on les produit aujourd'hui encore par le métier ou la manufacture, tandis que la machine, à laquelle ils sont ensuite incorporés, provient de la fabrique mécanique [6].

La machine-outil est donc un mécanisme qui, ayant reçu le mouvement convenable, exécute avec ses instruments les mêmes opérations que le travailleur exécutait auparavant avec des instruments pareils. Dès que l'instrument, sorti de la main de l'homme, est manié par un mécanisme, la machine-outil a pris la place du simple outil. Une révolution s'est accomplie alors même que l'homme reste le moteur. Le nombre d'outils avec lesquels l'homme peut opérer en même temps est limité par le nombre de ses propres organes. On essaya, au XVII° siècle, en Allemagne de faire manœuvrer simultanément deux rouets par un fileur. Mais cette besogne a été trouvée trop pénible. Plus tard on inventa un rouet à pied avec deux fuseaux; mais les virtuoses capables de filer deux fils à la fois étaient presque aussi rares que des veaux à deux têtes. La Jenny, au contraire, même dans sa première ébauche, file avec douze et dix-huit fuseaux; le métier à bas tricote avec plusieurs milliers d'aiguilles. Le nombre d'outils qu’une même machine d'opération met en jeu simultanément est donc de prime abord émancipé de la limite organique que ne pouvait dépasser l'outil manuel.

Il y a bien des instruments dont la construction même met en relief le double rôle de l'ouvrier comme simple force motrice comme exécuteur de la main-d’œuvre proprement dite. Prenons, par exemple, le rouet. Sur sa marchette, le pied agit simplement comme moteur, tandis que les doigts filent en travaillant au fuseau. C'est précisément cette dernière partie de l'instrument, l'organe de l'opération manuelle, que la révolution industrielle saisit tout d'abord, laissant à l'homme, à côté de nouvelle besogne de surveiller la machine et d'en corriger les erreurs de sa main, le rôle purement mécanique de moteur.

Il y a une autre classe d'instruments sur lesquels l'homme agit toujours comme simple force motrice, en tournant, par exemple, la manivelle d'un moulin [7], en manœuvrant une pompe, en écart et rapprochant les bras d'un soufflet, en broyant des substances dans un mortier, etc. Là aussi l'ouvrier commence à être remplacé comme force motrice par des animaux, le vent, l’eau [8]. Beaucoup de ces instruments se transforment en machines longtemps avant et pendant la période manufacturière sans cependant révolutionner le mode de production. Dans l'époque de la grande industrie, il devient évident qu'ils sont des machines en germe, même sous leur forme primitive d'outils manuels.

Les pompes, par exemple, avec lesquelles les Hollandais mirent à sec le lac de Harlem en 1836-37, étaient construites sur le principe des pompes ordinaires, sauf que leurs pistons étaient soulevés par d'énormes machines à vapeur au lieu de l'être à force de bras. En Angleterre, le soufflet ordinaire et très imparfait du forgeron est assez souvent transformé en pompe à air; il suffit pour cela de mettre son bras en communication avec une machine à vapeur. La machine à vapeur elle-même, telle qu'elle exista, pendant la période manufacturière, à partir de son invention vers la fin du XVII° siècle [9] jusqu'au commencement de 1780, n'amena aucune révolution dans l'industrie. Ce fut au contraire la création des machines-outils qui rendit nécessaire la machine à vapeur révolutionnée. Dès que l'homme, au lieu d’agir avec l'outil sur l'objet de travail, n'agit plus que comme moteur d'une machine-outil, l'eau, le vent, la vapeur peuvent le remplacer, et le déguisement de la force motrice sous des muscles humains devient purement accidentel. Il va sans dire qu'un changement de ce genre exige souvent de grandes modifications techniques dans le mécanisme construit primitivement pour la force humaine. De nos jours toutes les machines qui doivent faire leur chemin, telles que machines à coudre, machines à pétrir, etc., et dont le but n'exige pas de grandes dimensions, sont construites de double façon, selon que l'homme ou une force mécanique est destiné à les mouvoir.

La machine, point de départ de la révolution industrielle, remplace donc le travailleur qui manie un outil par un mécanisme qui opère à la fois avec plusieurs outils semblables, et reçoit son impulsion d'une force unique, quelle qu'en soit la forme [10]. Une telle machine-outil n'est cependant que l'élément simple de la production mécanique.

Pour développer les dimensions de la machine d'opération et le nombre de ses outils, il faut un moteur plus puissant, et pour vaincre la force d'inertie du moteur, il faut une force d'impulsion supérieure à celle de l'homme, sans compter que l'homme est un agent très imparfait dans la production d'un mouvement continu et uniforme. Dès que l'outil est remplacé par une machine mue par l'homme, il devient bientôt nécessaire de remplacer l'homme dans le rôle de moteur par d'autres forces naturelles.

De toutes les forces motrices qu'avait léguées la période manufacturière, le cheval était la pire; le cheval a, comme on dit, sa tête, son usage est dispendieux et ne peut trouver place dans les fabriques que d'une manière restreinte [11]. Néanmoins, la force-cheval fut employée fréquemment dans les débuts de la grande industrie, ainsi qu'en témoignent les lamentations des agronomes de cette époque et l'expression « force de cheval » usitée encore aujourd'hui pour désigner la force mécanique. Le vent était trop inconstant et trop difficile à contrôler; d'ailleurs l'emploi de l'eau comme force motrice, même pendant la période manufacturière, prédominait en Angleterre, ce pays natal de la grande industrie. On avait essayé au XVII° siècle de mettre en mouvement, au moyen d'une seule roue hydraulique, deux meules et deux tournants. Mais le mécanisme de transmission devenu trop pesant rendit la force motrice de l'eau insuffisante, et ce fut là une des circonstances qui conduisirent à l'étude plus approfondie des lois du frottement. L'action inégale de la force motrice dans les moulins mus par percussion et traction conduisit d'autre part à la théorie [12] et à l'emploi du volant qui joue plus tard un rôle si important dans la grande industrie dont les premiers éléments scientifiques et techniques furent ainsi peu à peu développés pendant l'époque des manufactures. Les filatures par métiers continus (throstle mills) d'Arkwright furent, dès leur origine, mus par l'eau. Mais l'emploi presque exclusif de cette force offrit des difficultés de plus en plus grandes. Il était impossible de l'augmenter à volonté ou de suppléer à son insuffisance. Elle se refusait parfois et était de nature purement locale [13]. Ce n'est qu'avec la machine à vapeur à double effet de Watt que fut découvert un premier moteur capable d'enfanter lui-même sa propre force motrice en consommant de l'eau et du charbon et dont le degré de puissance est entièrement réglé par l’homme. Mobile et moyen de locomotion, citadin et non campagnard comme la roue hydraulique, il permet de concentrer la production dans les villes au lieu de la disséminer dans les campagnes [14]. Enfin, il est universel dans son application tech­nique, et son usage dépend relativement peu des circonstances locales. Le grand génie de Watt se montre dans les considérants du brevet qu'il prit en 1784. Il n'y dépeint pas sa machine comme une invention destinée à des fins particulières, mais comme l'agent général de la grande industrie. Il en fait pressentir des applications, dont quelques-unes, le marteau à vapeur par exemple, ne furent introduites qu'un demi-siècle plus tard. Il doute cependant que la machine à vapeur puisse être appliquée à la navigation. Ses successeurs, Boulton et Watt, exposèrent au palais de l'industrie de Londres, en 1851, une machine à vapeur des plus colossales pour la navigation maritime.

Une fois les outils transformés d'instruments manuels de l'homme en instruments de l'appareil mécanique, le moteur acquiert de son côté une forme indépendante, complètement émancipée des bornes de la force humaine. La machine-outil isolée, telle que nous l'avons étudiée jusqu'ici, tombe par cela même au rang d'un simple organe du mécanisme d'opération. Un seul moteur peut désormais mettre en mouvement plusieurs machines-outils. Avec le nombre croissant des machines-outils auxquelles il doit simultanément donner la propulsion, le moteur grandit tandis que la transmission se métamorphose en un corps aussi vaste que compliqué.

L'ensemble du mécanisme productif nous présente alors deux formes distinctes : ou la coopération de plusieurs machines homogènes ou un système de machines. Dans le premier cas, la fabrication entière d'un produit se fait par la même machine-outil qui exécute toutes les opérations accomplies auparavant par un artisan travaillant avec un seul instrument, comme le tisserand avec son métier, ou par plusieurs ouvriers, avec différents outils, soit indépendants, soit réunis dans une manufacture [15]. Dans la manufacture d'enveloppes, par exemple, un ouvrier doublait le papier avec le plioir., un autre appliquait la gomme, un troisième renversait la lèvre qui porte la devise, un quatrième bosselait les devises, etc.; à chaque opération partielle, chaque enveloppe devait changer de mains. Une seule machine exécute aujourd'hui, du même coup, toutes ces opérations, et fait en une heure trois mille enveloppes et même davantage. Une machine américaine pour fabriquer des cornets, exposée à Londres en 1862, coupait le papier, collait, pliait et finissait dix-huit mille cornets par heure. Le procès de travail qui, dans la manufacture, était divisé et exécuté successivement, est ici accompli par une seule machine agissant au moyen de divers outils combinés.

Dans la fabrique (factory) - et c'est là la forme propre de l'atelier fondé sur l'emploi des machines - nous voyons toujours reparaître la coopération simple. Abstraction faite de l'ouvrier, elle se présente d'abord comme agglomération de machines outils de même espèce fonctionnant dans le même local et simultanément. C'est sa forme exclusive là où le produit sort tout achevé de chaque machine-outil, que celle-ci soit la simple reproduction d'un outil manuel complexe ou la combinaison de divers instruments ayant chacun sa fonction particulière.

Ainsi une fabrique de tissage est formée par la réunion d'une foule de métiers à tisser mécaniques, etc. Mais il existe ici une véritable unité technique, en ce sens que les nombreuses machines-outils reçoivent uniformément et simultanément leur impulsion du moteur commun, impulsion transmise par un mécanisme qui leur est également commun en partie puisqu'il n'est relié à chacune que par des embranchements particuliers. De même que de nombreux outils forment les organes d'une machine-outil, de même de nombreuses machines-outils forment autant d'organes homogènes d'un même mécanisme moteur.

Le système de machines proprement dit ne remplace la machine indépendante que lorsque l'objet de travail parcourt successivement une série de divers procès gradués exécutés par une chaîne de machines-outils différentes mais combinées les unes avec les autres. La coopération par division du travail qui caractérise la manufacture, reparaît ici comme combinaison de machines d'opération parcellaires. Les outils spéciaux des différents ouvriers dans une manufacture de laine par exemple, ceux du batteur, du cardeur, du tordeur, du fileur, etc., se transforment en autant de machines-outils spéciales dont chacune forme un organe particulier dans le système du mécanisme combiné. La manufacture elle-même fournit au système mécanique, dans les branches où il est d'abord introduit, l'ébauche de la division et, par conséquent, de l'organisation du procès productif [16]. Cependant une différence essentielle se manifeste immédiatement. Dans la manufacture, chaque procès partiel doit pouvoir être exécuté comme opération manuelle par des ouvriers travaillant isolément ou en groupes avec leurs outils. Si l'ouvrier est ici approprié à une opération, l'opération est déjà d'avance accommodée à l'ouvrier. Ce principe subjectif de la division n'existe plus dans la production mécanique. Il devient objectif, c'est-à-dire émancipé des facultés individuelles de l'ouvrier; le procès total est considéré en lui-même, analysé dans ses principes constituants et ses différentes phases, et le problème qui consiste à exécuter chaque procès partiel et à relier les divers procès partiels entre eux, est résolu au moyen de la mécanique, de la chimie, etc [17]., ce qui n'empêche pas naturellement que la conception théorique ne doive être perfectionnée par une expérience pratique accumulée sur une grande échelle. Chaque machine partielle fournit à celle qui la suit sa matière première, et, comme toutes fonctionnent en même temps et de concert, le produit se trouve ainsi constamment aux divers degrés de sa fabrication et dans la transition d'une phase à l'autre. De même que dans la manufacture, la coopération immédiate des ouvriers parcellaires crée certains nombres proportionnels déterminés entre les différents groupes, de même dans le système de machines l'occupation continuelle des machines partielles les unes par les autres crée un rapport déterminé entre leur nombre, leur dimension et leur célérité. La machine d'opération combinée, qui forme maintenant un système articulé de différentes machines-outils et de leurs groupes, est d'autant plus parfaite que son mouvement d'ensemble est plus continu, c'est-à-dire que la matière première passe avec moins d'interruption de sa première phase à sa dernière, d'autant plus donc que le mécanisme et non la main de l'homme lui fait parcourir ce chemin. Donc si le principe de la manufacture est l'isolement des procès particuliers par la division du travail, celui de la fabrique est au contraire la continuité non interrompue de ces mêmes procès.

Qu'il se fonde sur la simple coopération de machines-outils homogènes, comme dans le tissage, ou sur une combinaison de machines différentes, comme dans la filature, un système de machinisme forme par lui-même un grand automate, dès qu'il est mis en mouvement par un premier moteur qui se meut lui-même. Le système entier peut cependant recevoir son impulsion d'une machine à vapeur, quoique certaines machines-outils aient encore besoin de l'ouvrier pour mainte opération. C'est ce qui avait lieu dans la filature pour certains mouvements exécutés aujourd'hui par la mule automatique, et dans les ateliers de construction où certaines parties des machines-outils avaient besoin d'être dirigées comme de simples outils par l'ouvrier, avant la transformation du slide rest en facteur-automate. Dès que la machine-outil exécute tous les mouvements nécessaires au façonnement de la matière première sans le secours de l'homme et ne le réclame qu'après coup, dès lors il y a un véritable système automatique, susceptible cependant de constantes améliorations de détail. C'est ainsi que l'appareil qui fait arrêter le laminoir (drawing frame) de lui-même, dès qu'un fil se casse, et le self-acting stop qui arrête le métier à tisser à vapeur dès que la duite s'échappe de la bobine de la navette, sont des inventions tout à fait modernes. La fabrique de papier moderne peut servir d'exemple aussi bien pour la continuité de la production que pour la mise en oeuvre du principe automatique. En général, la production du papier permet d'étudier avantageusement et en détail la différence des modes productifs basée sur la différence des moyens de produire, de même que le rapport entre les conditions sociales de la production et ses procédés techniques. En effet, la vieille fabrication allemande du papier nous fournit un modèle de la production de métier, la Hollande, au XVII° siècle, et la France au XVIII° nous mettent sous les yeux la manufacture proprement dite, et l'Angleterre d'aujourd'hui la fabrication automatique; on trouve encore dans l'Inde et dans la Chine différentes formes primitives de cette industrie.

Le système des machines-outils automatiques recevant leur mouvement par transmission d'un automate central, est la forme la plus développée du machinisme productif. La machine isolée a été remplacée par un monstre mécanique qui, de sa gigantesque membrure, emplit des bâtiments entiers; sa force démoniaque, dissimulée d'abord par le mouvement cadencé et presque solennel de ses énormes membres, éclate dans la danse fiévreuse et vertigineuse de ses innombrables organes d'opération.

Il y avait des métiers mécaniques, des machines à vapeur, etc., avant qu'il y eût des ouvriers occupés exclusivement à leur fabrication. Les grandes inventions de Vaucanson, d'Arkwright, de Watt, etc., ne pouvaient être appliquées que parce que la période manufacturière avait légué un nombre considérable d'ouvriers mécaniciens habiles. Ces ouvriers étaient des artisans indépendants et de diverses professions, ou se trouvaient réunis dans des manufactures rigoureusement organisées d'après le principe de la division du travail. A mesure que les inventions et la demande de machines s'accrurent, leur construction se subdivisa de plus en plus en branches variées et indépendantes, et la division du travail se développa proportionnellement dans chacune de ces branches. La manufacture forme donc historiquement la base technique de la grande industrie.

Dans les sphères de production où l'on introduit les machines fournies par la manufacture, celle-ci, à l'aide de ses propres machines, est supplantée par la grande industrie. L'industrie mécanique s'élève sur une base matérielle inadéquate qu'elle élabore d'abord sous sa forme traditionnelle, mais qu'elle est forcée de révolutionner et de conformer à son propre principe dès qu'elle a atteint un certain degré de maturité.

De même que la machine-outil reste chétive tant que l'homme reste son moteur, et que le système mécanique progresse lentement tant que les forces motrices traditionnelles, l'animal, le vent, et même l'eau ne sont pas remplacés par la vapeur, de même la grande industrie est retardée dans sa marche tant que son moyen de production caractéristique, la machine elle-même, doit son existence à la force et l'habileté humaines, et dépend ainsi du développement musculaire, du coup d’œil et de la dextérité manuelle de l'artisan indépendant du métier et de l'ouvrier parcellaire de la manufacture, maniant leurs instruments nains.

A part la cherté des machines fabriquées de cette façon et cela est affaire du capitaliste industriel - le progrès d'industries déjà fondées sur le mode de production mécanique et son introduction dans des branches nouvelles, restèrent tout à fait soumis à une seule condition, l'accroissement d'ouvriers spécialistes dont le nombre, grâce à la nature presque artistique de travail, ne pouvait s'augmenter que lentement.

Ce n'est pas tout : à un certain degré de son développement, la grande industrie entra en conflit, même au point de vue technologique, avec sa base donnée par le métier et la manufacture.

Les dimensions croissantes du moteur et de la transmission, la variété des machines-outils, leur construction de plus en plus compliquée, la régularité mathématique qu'exigeaient le nombre, la multiformité et la délicatesse de leurs éléments constituants à mesure qu'elles s'écartèrent du modèle fourni par le métier et devenu incompatible avec les formes prescrites par leurs fonctions purement mécaniques [18], le progrès du système automatique et l'emploi d'un matériel difficile à manier, du fer, par exemple, à la place du bois - la solution de tous ces problèmes, que les circonstances faisaient éclore successivement, se heurta sans cesse contre les bornes personnelles dont même le travailleur collectif de la manufacture ne sait se débarrasser. En effet, des machines, telles que la presse d'impression moderne, le métier à vapeur et la machine à carder, n'auraient pu être fournies par la manufacture.

Le bouleversement du mode de production dans une sphère industrielle entraîne un bouleversement analogue dans une autre. On s'en aperçoit d'abord dans les branches d'industrie, qui s'entrelacent comme phases d'un procès d'ensemble, quoique la division sociale du travail les ait séparées, et métamorphosé leurs produits en autant de marchandises indépendantes. C'est ainsi que la filature mécanique a rendu nécessaire le tissage mécanique, et que tous deux ont amené la révolution mécanico-chimique de la blanchisserie, de l'imprimerie et de la teinturerie. De même encore la révolution dans le filage du coton a provoqué l'invention du gin pour séparer les fibres de cette plante de sa graine, invention qui a rendu possible la production du coton sur l'immense échelle qui est aujourd'hui devenue indispensable [19]. La révolution dans l'industrie et l'agriculture a nécessité une révolution dans les conditions générales du procès de production social, c'est-à-dire dans les moyens de communication et de transport. Les moyens de communication et de transport d'une société qui avait pour pivot, suivant l'expression de Fourier, la petite agriculture, et comme corollaire, l'économie domestique et les métiers des villes, étaient complètement insuffisants pour subvenir aux besoins de la production manufacturière, avec sa division élargie du travail social, sa concentration d'ouvriers et de moyens de travail, ses marchés coloniaux, si bien qu'il a fallu les transformer. De même les moyens de communication et de transport légués par la période manufacturière devinrent bientôt des obstacles insupportables pour la grande industrie avec la vitesse fiévreuse de sa production centuplée, son lancement continuel de capitaux et de travailleurs d'une sphère de production dans une autre et les conditions nouvelles du marché universel qu'elle avait créé. A part les changements radicaux introduits dans la construction des navires à voiles, le service de communication et de transport fut peu à peu approprié aux exigences de la grande industrie, au moyen d'un système de bateaux à vapeur, de chemins de fer et de télégraphes. Les masses énormes de fer qu'il fallut dès lors forger, braser, trancher, forer et modeler exigèrent des machines monstres dont la création était interdite au travail manufacturier.

La grande industrie fut donc obligée de s'adapter son moyen caractéristique de production, la machine elle-même, pour produire d'autres machines. Elle se créa ainsi une base technique adéquate et put alors marcher sans lisières. A mesure que dans le premier tiers du XIX° siècle elle s'accrut, le machinisme s'empara peu à peu de la fabrication des machines-outils, et dans le second tiers seulement l'immense construction des voies ferrées et la navigation à vapeur océanique firent naître les machines cyclopéennes consacrées à la construction des premiers moteurs.

La condition sine qua non de la fabrication des machines par des machines, était un moteur susceptible de tout degré de puissance et en même temps facile à contrôler. Il existait déjà dans la machine à vapeur. Mais il s'agissait en même temps de produire mécaniquement ces formes strictement géométriques telles que la ligne, le plan, le cercle, le cône et la sphère qu'exigeaient certaines parties des machines. Au commencement de ce siècle, Henry Maudsley résolut ce problème par l'invention du slide rest, qui fut bientôt rendu automatique; du banc du tourneur pour lequel il était d'abord destiné, il passa ensuite à d'autres machines de construction. Cet engin ne remplace pas seulement un outil particulier, mais encore la main de l'homme qui ne parvient à produire des formes déterminées qu'en dirigeant et en ajustant le tranchant de son outil contre l'objet de travail. On réussit ainsi « à produire les formes géométriques voulues avec un degré d'exactitude, de facilité et de vitesse qu'aucune expérience accumulée ne pourrait prêter à la main de l'ouvrier le plus habile [20] ».

Si nous considérons maintenant dans le mécanisme employé à la construction, la partie qui constitue ses organes d'opération proprement dits, nous retrouvons l'instrument manuel, mais dans des proportions gigantesques. L'opérateur de la machine à forer, par exemple, est un foret de dimension énorme mis en mouvement par une machine à vapeur, et sans lequel les cylindres des grandes machines à vapeur et des presses hydrauliques ne pourraient être percés. Le tour à support mécanique n'est que la reproduction colossale du tour ordinaire; la machine à raboter représente, pour ainsi dire, un charpentier de fer qui travaille dans le fer avec les mêmes outils que le charpentier dans le bois; l'outil qui, dans les chantiers de Londres, tranche les plaques qui blindent la carcasse des navires est une espèce de rasoir cyclopéen, et le marteau à vapeur opère avec une tête de marteau ordinaire, mais d'un poids tel que le dieu Thor lui-même ne pourrait le soulever [21]. Un de ces marteaux à vapeur, de l'invention de Nasmyth, pèse au-delà de six tonnes et tombe sur une enclume d'un poids de trente-six tonnes avec une chute verticale de sept pieds. Il pulvérise d'un seul coup un bloc de granit et enfonce un clou dans du bois tendre au moyen d'une série de petits coups légèrement appliqués [22].

Le moyen de travail acquiert dans le machinisme une existence matérielle qui exige le remplacement de la force de l'homme par des forces naturelles et celui de la routine par la science. Dans la manufacture, la division du procès de travail est purement subjective; c'est une combinaison d'ouvriers parcellaires. Dans le système de machines, la grande industrie crée un organisme de production complètement objectif ou impersonnel, que l'ouvrier trouve là, dans l'atelier, comme la condition matérielle toute prête de son travail. Dans la coopération simple et même dans celle fondée sur la division du travail, la suppression du travail isolé par le travailleur collectif semble encore plus ou moins accidentelle. Le machinisme, à quelques exceptions près que nous mentionnerons plus tard, ne fonctionne qu'au moyen d'un travail socialisé ou commun. Le caractère coopératif du travail y devient une nécessité technique dictée par la nature même de son moyen.


Notes

[1] Mill aurait dû ajouter « qui ne vit pas du travail d'autrui », car il est certain que les machines ont grandement augmenté le nombre des oisifs ou ce qu'on appelle les gens comme il faut.

[2]V. par exemple Hutton's Course of mathematics.

[3] « On peut à ce point de vue tracer une ligne précise de démarcation entre outil et machine : la pelle, le marteau, le ciseau, etc., les vis et les leviers, quel que soit le degré d'art qui s'y trouve atteint, du moment que l'homme est leur seule force motrice, tout cela est compris dans ce que l'on entend par outil. La charrue au contraire mise en mouvement par la force de l'animal, les moulins à vent, à eau, etc., doivent être comptés parmi les machines. » (Wilhelm Schulz : Die Bewegung der Production. Zurich, 1843, p.38.) Cet écrit mérite des éloges sous plusieurs rapports.

[4] On se servait déjà avant lui de machines pour filer, très imparfaites, il est vrai; et c'est en Italie probablement qu'ont paru les premières. Une histoire critique de la technologie ferait voir combien il s'en faut généralement qu'une invention quelconque du XVIII° siècle appartienne à un seul individu. Il n'existe aucun ouvrage de ce genre. Darwin a attiré l'attention sur l'histoire de la technologie naturelle, c'est-à-dire sur la formation des organes des plantes et des animaux considérés comme moyens de production pour leur vie. L'histoire des organes productifs de l'homme social, base matérielle de toute organisation sociale, ne serait-elle pas digne de semblables recherches ? Et ne serait-il pas plus facile de mener cette entreprise à bonne fin, puisque, comme dit Vico, l'histoire de l'homme se distingue de l'histoire de la nature en ce que nous avons fait celle-là et non celle-ci ? La technologie met à nu le mode d'action de l'homme vis-à-vis de la nature, le procès de production de sa vie matérielle, et, par conséquent, l'origine des rapports sociaux et des idées ou conceptions intellectuelles qui en découlent. L'histoire de la religion elle-même, si l'on fait abstraction de cette base matérielle, manque de critérium. Il est en effet bien plus facile de trouver par l'analyse, le contenu, le noyau terrestre des conceptions nuageuses des religions, que de faire voir par une voie inverse comment les conditions de la vie réelle revêtent peu à peu une forme éthérée. C'est là la seule méthode matérialiste, par conséquent scientifique. Pour ce qui est du matérialisme abstrait des sciences naturelles, qui ne fait aucun cas du développement historique, ses défauts éclatent dans la manière de voir abstraite et idéologique de ses porte-parole, dès qu'ils se hasardent à faire un pas hors de leur spécialité.

[5] Dans la première forme mécanique du métier à tisser, on reconnaît au premier coup d'oeil l'ancien métier. Dans sa dernière forme moderne cette analogie a disparu.

[6] Ce n'est que depuis vingt ans environ qu'un nombre toujours croissant de ces outils mécaniques sont fabriqués mécaniquement en Angleterre, mais dans d'autres ateliers de construction que les charpentes des machines d'opération. Parmi les machines qui servent à la fabrication d'outils mécaniques, on peut citer l'automatique bobbin-making engine, le card-setting engine, les machines à forger les broches des mules et des métiers continus, etc.

[7] « Tu ne dois pas, dit Moïse d'Égypte, lier les naseaux du bœuf qui bat le grain. » Les très pieux et très chrétiens seigneurs germains, pour se conformer aux préceptes bibliques, mettaient un grand carcan circulaire en bois autour du cou du serf employé à moudre, pour l'empêcher de porter la farine à sa bouche avec la main.

[8] Le manque de cours d'eau vive et la surabondance d'eaux stagnantes forcèrent les Hollandais à user le vent comme force motrice. ils empruntèrent le moulin à vent à l'Allemagne, on cette invention avait provoqué une belle brouille entre la noblesse, la prêtraille et l'empereur, pour savoir à qui des trois le vent appartenait. L'air asservit l'homme, disait-on en Allemagne, tandis que le vent constituait la liberté de IL Hollande et rendait le Hollandais propriétaire de son sol. En 1836, on fut encore obligé d'avoir recours à douze mille moulins à vent d'une force de six mille chevaux, pour empêcher les deux tiers du pays de revenir à l'état marécageux.

[9] Elle fut, il est vrai, très améliorée par Watt, a u moyen de la machine à vapeur dite à simple effet; mais sous cette dernière forme elle resta toujours simple machine à soulever l'eau.

[10] « La réunion de tous ces instruments simples, mis en mouvement par un moteur unique, forme une machine. » (Babbage, 1.c.)

[11] Dans un mémoire « sur les forces employées en agriculture » lu en janvier 1861 dans la Society of Arts M. John C. Morton dit : « Toute amélioration qui a pour résultat de niveler et de rendre uniforme le sol, facilite l'emploi de la machine à vapeur pour la production de simple force mécanique... On ne peut se passer du cheval là où des haies tortueuses et d'autres obstacles empêchent l'action uniforme. Ces obstacles disparaissent chaque jour de plus en plus, Dans les opérations qui exigent plus de volonté que de force, la seule force qui puisse être employée est celle que dirige de minute en minute l'esprit de l'homme, c'est-à-dire la force humaine. » M. Morton ramène ensuite la force-vapeur, la force-cheval et la force humaine à l'unité de mesure employée ordinairement pour les machines à vapeur, autrement dit à la force capable d'élever trente-trois mille livres à la hauteur d'un pied dans une minute; et calcule que les frais du cheval-vapeur appliqué à la machine, sont de trois pence par heure, ceux du cheval de cinq et demi pence. En outre, le cheval, si on veut l'entretenir en bonne santé, ne peut travailler que huit heures par jour. Sur un terrain cultivé la force-vapeur permet d'économiser pendant toute l'année au moins trois chevaux sur sept, et ses frais ne s'élèvent qu'à ce que les chevaux remplacés coûtent pendant les trois ou quatre mois où ils font leur besogne. Enfin, dans les opérations agricoles où elle peut être employée, la vapeur fonctionne beaucoup mieux que le cheval. Pour faire l'ouvrage de la machine à vapeur, il faudrait soixante-six hommes à quinze shillings par heure, et pour faire celui des chevaux trente-deux hommes à huit shillings par heure.

[12] Faulhebr 1625, De Cous 1688.

[13] L'invention moderne des turbines fait disparaître bien des obstacles, qui s'opposaient auparavant à l'emploi de l'eau comme force motrice.

[14] « Dans les premiers jours des manufactures textiles, l'emplacement de la fabrique dépendait de l'existence d'un ruisseau possédant une chute suffisante pour mouvoir une roue hydraulique, et quoique l'établissement des moulins à eau portât le premier coup au système de l'industrie domestique, cependant les moulins situés sur des courants et souvent à des distances considérables les uns des autres, constituaient un système plutôt rural que citadin. Il a fallu que la puissance de la vapeur se substituât à celle de l'eau, pour que les fabriques fussent rassemblées dans les villes et dans les localités où l'eau et le charbon requis pour la production de la vapeur se trouvaient en quantité suffisante. L'engin à vapeur est le père des villes manufacturières. » (A. Redgrave, dans Reports of the Insp. of Fact. 30 th. april 1860, p.36.)

[15] Au point de vue de la division manufacturière, le tissage n'était point un travail simple, mais un travail de métier très compliqué, et c'est pourquoi le métier à tisser mécanique est une machine qui exécute des opérations très variées. En général, c'est une erreur de croire que le machinisme moderne s'empare à l'origine précisément des opérations que la division manufacturière du travail avait simplifiées. Le tissage et le filage furent bien décomposés en genres de travail nouveaux, pendant la période des manufactures; les outils qu'on y employait furent variés et perfectionnés, mais le procès de travail lui-même resta indivis et affaire de métier. Ce n'est pas le travail, mais le moyen de travail qui sert de point de départ à la machine.

[16] Avant l'époque de la grande industrie, la manufacture de laine était prédominante en Angleterre. C'est elle qui, pendant la première moitié du XVIII° siècle, donna lieu à la plupart des essais et des expérimentations. Les expériences faites sur la laine profitèrent au coton, dont le maniement mécanique exige des préparations moins pénibles, de même que plus tard et inversement le tissage et le filage mécaniques du coton servirent de base à l'industrie mécanique de la laine. Quelques opérations isolées de la manufacture de laine, par exemple le cardage n'ont été incorporées que depuis peu au système de fabrique. « L'application de la mécanique au cardage de la laine... pratiquée sur une grande échelle depuis l'introduction de la machine à carder, celle de Lister spécialement, a eu indubitablement pour effet de mettre hors de travail un grand nombre d'ouvriers. Auparavant la laine était cardée à la mai. le plus souvent dans l'habitation du cardeur. Elle est maintenant cardée dans la fabrique, et le travail à la main est supprimé, excepté dans quelques genres d'ouvrages particuliers où la laine cardée à la main est encore préférée. Nombre de cardeurs à la main trouvent de l'emploi dans les fabriques; mais leurs produits sont si peu de chose comparativement à ceux que fournit la machine, qu'il ne peut plus être question d'employer ces ouvriers en grande proportion. » (Rep. of Insp. of Fact, for 31 st.. oct. 1856, p. 16.)

[17] « Le principe du système automatique est donc... de remplacer la division du travail parmi les artisans, par l'analyse du procédé dans ses principes constituants. » (Ure, 1.c., t. I, p.30.)

[18] Le métier à tisser mécanique dans sa première forme se compose principalement de bois; le métier moderne perfectionné est en fer. Pour juger combien à l'origine la vieille forme du moyen de production influe sur la forme nouvelle, il suffit de comparer superficiellement le métier moderne avec l'ancien, les souffleries modernes dans les fonderies de fer avec la première reproduction mécanique de lourde allure du soufflet ordinaire, et mieux encore, de se rappeler qu'une des premières locomotives essayées, avait deux pieds qu'elle levait l'un après l'autre, comme un cheval. Il faut une longue expérience pratique et une science plus avancée, pour que la forme arrive à être déterminée complètement par le principe mécanique, et par suite complètement émancipée de la forme traditionnelle de l'outil.

[19] Le cottongin du Yankee Eli Whitney avait subi jusqu'à nos jours moins de modifications essentielles que n'importe quelle autre machine du XVIII° siècle. Mais depuis une vingtaine d'années un autre Américain, M. Emery d'Albany, New York, au moyen d'un perfectionnement aussi simple qu'efficace, a fait mettre la machine de Whitney au rebut.

[20] The Industry of Nations. Lond., 1855, Part. II, p.239. « Si simple et si peu important, y est-il dit, que puisse sembler extérieurement cet accessoire du tour, on n'affirme rien de trop en soutenant que son influence sur le perfectionnement et l'extension donnée au machinisme a été aussi grande que l'influence des améliorations apportées par Watt à la machine à vapeur. Son introduction a eu pour effet de perfectionner toutes les machines, d'en faire baisser le prix et de stimuler l'esprit d'invention. »

[21] Une de ces machines employée à Londres pour forger des paddle-wheel shafts porte le nom de « Thor ». Elle forge un shaft d'un poids de seize tonnes et demie avec la même facilité qu'un forgeron un fer à cheval.

[22] Les machines qui travaillent dans le bois et peuvent aussi être employées dans des travaux d'artisan, sont la plupart d'invention américaine.


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