1870

Un lettre de Marx sur la Commune de Paris.


Lettre au professeur E.S. Beesly

Karl Marx

16 septembre 1870


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Londres, le 16 septembre 1870.

Cher Monsieur,


Excusez-moi de vous importuner encore d'une lettre, mais à la guerre comme à la guerre.

Les pires prévisions des deux Adresses du Conseil général de l’Internationale ont déjà été réalisées.

Après avoir déclaré faire la guerre à Louis Bonaparte et non au peuple français, la Prusse fait maintenant la guerre au peuple français et la paix avec Bonaparte. Elle a relâché l'assassin. Elle a déclaré son intention de le rétablir, lui ou sa famille aux Tuileries. L'infâme Times affecte aujourd'hui de traiter cela comme un simple cancan. Il sait, ou devrait savoir, que la chose a été imprimée dans le Staatsanzeiger de Berlin (le Moniteur prussien). D'après les journaux prussiens semi-officiels, tels que la Gazette de Cologne, je vois que ce vieil âne de roi Guillaume, fidèle aux traditions de famille des Hohenzollern, se prosterne déjà aux pieds du tsar et l'implore d'avoir la magnanimité de l'employer comme son domestique contre les Turcs ! Récemment, la réaction a déjà débuté en Allemagne. A commencer par nos gens à Brunswick qui ont, comme je vous l'ai décrit, été mis en route enchaînés comme de vulgaires traîtres dans la direction de la frontière de l'Est. Mais cela n'est qu'un fait entre mille.

Après la première guerre d'indépendance allemande contre Napoléon 1er, la chasse sauvage et féroce donnée par le gouvernement aux prétendus démagogues (die demagogischen Untersuchungen) se poursuivit pendant vingt années ! Mais elle ne débuta qu'après la fin de la guerre. Maintenant, elle commence avant la conclusion de la paix.

Alors leurs persécutions étaient dirigées contre les idéalistes soufflés et les jeunes gens frivoles (étudiants des Universités) de la classe moyenne, bureaucratie et aristocratie. Elles sont maintenant dirigées contre la classe ouvrière.

Pour ma part, je suis enchanté de tous ces méfaits du gouvernement prussien. Ils vont agiter l'Allemagne. Maintenant, je pense que vous devriez faire ceci : la première Adresse du Conseil général sur la guerre n'a été publiée en entier que par le Pall Mall, mais des extraits et même des articles de tête à son sujet ont paru dans beaucoup d'autres journaux. Cette fois, bien que l'Adresse ait été envoyée à tous les journaux de Londres, pas un n'en a pris la moindre note, excepté le Pall Mall, qui en a donné un très court extrait.

En passant, ce journal, qui vous traite si gentiment dans son numéro d'hier, a certaines obligations privées à mon égard, Je lui ai offert les « Notes sur la guerre » de mon ami Engels. J'ai agi ainsi à la requête de A.-B., qui, de temps en temps, a passé en contrebande quelques entrefilets sur l'Internationale dans le Pall Mall. De là vient que notre seconde Adresse n'a pas été entièrement étouffée dans ce journal.

Du continent où les gens avaient et ont l'habitude, même à Moscou et Saint-Pétersbourg, même dans les journaux français sous la domination bonapartiste, même actuellement à Berlin, de voir les manifestes de l'Internationale traités sérieusement et reproduits en entier par un journal ou l'autre, nous avons été plus d'une fois tancés pour notre négligence à user de la « libre » presse de Londres. Ils ne se font, certes, aucune sorte d'idée de ce qu'est, et ils n'y croiront pas, la corruption totale de ce vil consortium, depuis longtemps flétri par William Cobbett comme « mercenaire, infâme et illettré ».

Maintenant, je crois que vous rendriez le plus grand service à l’Internationale, et je prendrais grand soin de faire reproduire votre article dans nos journaux en Espagne, Italie, Suisse, Belgique, Hollande, Danemark, Hongrie, Allemagne, France et États-Unis, si vous publiiez dans la Fortnightly Review quelque chose sur l’Internationale, les Adresses du Conseil général sur la guerre et le traitement que nous avons subi aux mains de ce chef-d’œuvre de presse, de cette «libre » presse anglaise! Ces types sont en fait plus asservis à la police prussienne que les journaux de Berlin  [1].

Lafargue, maintenant directeur d'un journal à Bordeaux, vous envoie, à vous et à Mme Beesly, ses meilleurs compliments.


Fidèlement à vous,



KARL MARX.


Notes

[1] L'article du professeur Beesly sur l'Internationale fut immédiatement écrit et publié dans la Fortnightly Review de novembre 1870. C'est l'un des documents les plus intéressants sur l'Internationale, le matériel en ayant été fourni par Marx.


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