1939

Brochure qui aurait dû paraître comme n°19 des Cahiers Spartacus en juin 1939 mais la Gestapo détruisit les matricules. Après guerre, Wilebaldo Solano remit copie d'un jeu d'épreuves (déposé à la Bibliothèque nationale de Paris) à René Lefeuvre qui l'édita dans la compilation Espagne: les fossoyeurs de la révolution sociale (Spartacus, série B, n°65, décembre 1975).


Juan Andrade

L'assassinat d'A. Nin : ses causes, ses auteurs

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La mémoire de Nin flottait dans la salle…

Le Tribunal reçut une consigne expresse et formelle, consigne qu’il respecta d’une façon absolue : on n’avait pas le droit de parler d’Andrès Nin pendant le procès. Nin était « déclaré contumace » ; on n’admettait donc pas la moindre allusion à sa personne. C’est que son souvenir est devenu pour bien des gens une torture constante.

Mais la mémoire de Nin flottait dans la salle… Un grand portrait de lui figura pendant tout le procès sur le banc des accusés. Personne n’eut l’audace d’empêcher cela. On savait que les accusés étaient résolument prêts à le défendre ; on savait aussi que tenter de l’enlever, cela conduirait à parler de Nin. On était tout à fait décidé à ne pas réveiller de mauvais souvenirs dans la conscience de quelques-uns en évoquant la figure du grand dirigeant de la classe ouvrière espagnole, assassiné dans de sinistres conditions.

A la fin du procès, un des accusés se leva pour dire ces simples mots : « Ce procès a commencé avec la séquestration et l’assassinat d’Andrès Nin et il ne peut se terminer que par un hommage rendu à sa mémoire par une minute de silence ». Tous les accusés et la majorité de la salle, debout, le poing en l’air, observèrent la minute de silence. Affolé, le président suspendit en hâte la séance en agitant bruyamment sa sonnette.

La mémoire de Nin flottait dans la salle…

Nous accusons !

Malgré toutes les pressions, toutes les menaces, toutes les persécutions et tous les attentats auxquels on eut recours, les responsables moraux et matériels de la mort de Nin n’ont pas pu cacher leurs crimes ; malgré les complicités et les protections qu’ils ont trouvés, ils n’ont pas pu éviter que l’on sache qui sont les auteurs de telles monstruosités. Nous, devant la classe ouvrière espagnole et internationale, nous accusons :

Fernando Valentin Fernandez,

Carlos Ramallo y Garcia Nuňo,

Jacinto Rossell Colmo,

Jacinto Ucedo Mariňo,

Manuel Aguirre Cepada,

Andrès Zurreyo la Ochoa,

Javier Jimenez Martin,

Pedro de Buen y Lopez Heredia,

Angle Aparicio Martinez,

Cipriano Blas Roldan,

Tous agents de police au service du parti communiste à Madrid, d’être les auteurs de l’arrestation, de la séquestration, de l’alibi et de l’assassinat d’Andrès Nin. Les quatre premiers ont le plus grand degré de responsabilité en tant que chefs et bourreaux directs ; Fernando Valentin, chef de la Brigade spéciale en tant qu’inspirateur intellectuel ; Carlos Ramallo, jeune homme de 23 ans qui n’appartenait à aucun parti avant le 19 juillet, en tant que spécialiste de la Brigade pour l’application des tortures ; Jacinto Rossell, en tant que chef des services de cette brigade et directeur pratique de l’exécution des faits et Jacinto Ucedo, comme chef adjoint de la brigade qui a soigneusement veillé à l’accomplissement du crime et à ses préparatifs. Les autres, en tant qu’exécuteurs dociles et complaisants de tout le plan de persécution et d’assassinat d’Andrès Nin.

Ils contribuèrent tous, dans une mesure plus ou moins grande, avec plus ou moins de responsabilités : à falsifier le « document N », à induire en erreur certaines hautes autorités en leur faisant croire à son authenticité, à arrêter Andrès Nin sans ordre préalable, à le soustraire arbitrairement à la juridiction des autorités catalanes et à le conduire à Madrid, à le torturer, à le séquestrer dans un chalet particulier d’Alcala de Hénarès, à se mettre d’accord avec des militaires staliniens étrangers pour l’enlever et l’assassiner, à inventer la fable selon laquelle les auteurs du rapt étaient des agents de la Gestapo, à tenter de séquestrer le juge Moreno Leguia, etc., etc.

Nous accusons également comme ayant été complices et ayant couvert l’assassinat d’Andrès Nin :

David Vasquez,

Le lieutenant-colonel Ortega,

Le colonel Burillo,

Gabriel Moron.

Le premier, David Vasquez, alors chef de la police de Madrid pour avoir sanctionné au moins, tacitement, le crime de ses subordonnés ; le lieutenant-colonel Ortega,  pour avoir protégé et justifié les criminels ; le colonel Burillo pour avoir été le complice des assassins à Barcelone ; et Gabriel Moron, pour avoir couvert les auteurs et les complices de l’assassinat et pour avoir dirigé la tentative de rapt contre le juge Moreno Leguia.

Tous ces individus, exerçant des fonctions officielles, ont consenti, sanctionné ou exécuté le crime dont Andrès Nin a été la victime et la falsification des « documents » par lesquels on a voulu salir sa mémoire. Et, ce qui est pis, ils ont été les interprètes de ces infamies par arrivisme, par appétit d’avancement, par vénalité. Ils n’ont même pas pour circonstance atténuante d’avoir agi par sectarisme aveugle, car aucun d’entre eux, à l’exception de Moron, n’était lié au mouvement ouvrier avant le 19 juillet.


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