1922

Texte attribué à Radek dans la traduction en anglais (mais où le sous-titre n'apparait pas). Source en anglais : Tony Saich. The Origins of the First United Front in China.
Source en russe : Le Parti communiste pan-soviétique (bolchevik), l'Internationale communiste et la Chine : Documents. Vol. I. Le Parti communiste pan-soviétique (bolchevik), l'Internationale communiste et le mouvement révolutionnaire national en Chine. 1920-1925. Moscou : Buklet, 1994.
Première mise en ligne en français par le site "Matière et Révolution".


4e Congrès de l'Internationale Communiste (5 Novembre - 5 décembre 1922)

Complément aux Thèses générales
sur la question d'Orient

Karl Radek


Le développement de l'Extrême-Orient place les jeunes partis communistes de Chine 1 devant une tâche colossale, qui exige d'eux non seulement qu'ils mobilisent toutes leurs forces pour organiser les masses ouvrières, mais aussi qu'ils comprennent très clairement les questions complexes soulevées par l'histoire, avant que ces partis communistes aient pu se renforcer dans la lutte et gagner la confiance des masses.

En Chine, le communisme a commencé à se développer ces dernières années tant dans le sud que dans le nord. Les communistes chinois ont commencé à participer aux manifestations spontanées de la lutte de la classe ouvrière, mais ils n'ont pas encore réussi à se rapprocher des masses populaires. Pour ce faire, ils doivent avant tout comprendre plus précisément la signification des événements politiques en Chine et le rôle que jouent la classe ouvrière et le parti communiste dans ces événements.

Malgré la révolution de 1911 qui a donné naissance à la République chinoise, la Chine n'en est actuellement qu'à la phase préparatoire de son développement révolutionnaire bourgeois. La tâche centrale de ce développement est l'unification du peuple chinois et la création d'un État bourgeois unifié. Cette tâche, que la bourgeoisie a déjà résolue en Europe occidentale en 1871, n'est toujours pas résolue en Chine. En réalité, la Chine se compose actuellement d'une série de territoires indépendants, contrôlés par des gouverneurs militaires (duzunei). Mais il serait historiquement tout à fait injustifié de considérer le pouvoir de ces gouverneurs militaires uniquement comme une domination militaire et de ne pas voir que ces petits princes indépendants sont les centres du développement bourgeois. Chacun d'entre eux, en exploitant les masses populaires, en créant une armée, en construisant des arsenaux pour armer son armée, joue le rôle des rois absolus du XVIIIe siècle en Europe occidentale, dont le pouvoir, connu sous le nom d'absolutisme éclairé, représentait une période de création du capitalisme, une période au cours de laquelle la bourgeoisie en développement n'était pas encore en mesure de prendre le pouvoir entre ses mains.

Le Parti communiste chinois ne doit se soumettre à aucun de ces centres créés par la bourgeoisie chinoise, même si les dirigeants de ces centres ont un caractère semi-démocratique, voire populiste. Se disputant le pouvoir entre eux, tous les représentants de ces groupes entrent en relation avec tel ou tel gouvernement impérialiste et, en essayant de l'utiliser, se soumettent en fait très souvent à leurs influences réactionnaires. Si Zhang Zuolin est un vassal de l'impérialisme japonais, ce qui lui vaut l'hostilité de tous les éléments nationalistes révolutionnaires de Chine, il ne faut pas oublier un seul instant que l'ancien chef du gouvernement démocratique du Sud , Sun Yat-sen, était et reste allié à Zhang Zuolin, et que, par conséquent, le soutien apporté à Sun Yat-sen dans sa lutte contre Wu Peifu est un soutien non seulement à un certain réactionnaire, Zhang Zuolin, mais aussi à l'impérialisme japonais. Il faut également se rappeler que Wu Peifu est lui-même lié à l'impérialisme américain et que tout soutien à son égard est un soutien à l'impérialisme américain en Chine.

La tâche des communistes en Chine consiste à agir en tant que précurseurs de l'unification nationale de la Chine sur une base démocratique. En brandissant le slogan d'une République populaire de Chine unifiée, en luttant pour sa politique indépendante en alliance avec la Russie soviétique, seule grande puissance qui ne poursuit pas d'objectifs impérialistes, les communistes chinois ne doivent soutenir dans la lutte entre ces groupes que ceux qui, accordant à la classe ouvrière une liberté totale de développement et d'organisation, renoncent à toute alliance avec les forces contre-révolutionnaires à l'intérieur et à l'extérieur du pays. En l'absence de ces garanties, les communistes doivent lutter énergiquement contre toutes les manœuvres militaires des cliques militaristes et agir comme une force unificatrice des éléments démocratiques, dont la croissance assure l'unification de la Chine non pas par la victoire armée d'une clique militaire sur les autres, mais par la victoire révolutionnaire des masses populaires.

Pour représenter une force réelle dans cette lutte, les communistes doivent consacrer l'essentiel de leur attention à l'organisation des masses ouvrières, à la création de syndicats professionnels et d'un parti communiste de masse solide. Ils doivent exploiter l'agitation qui règne parmi l'intelligentsia chinoise afin d'en tirer les éléments révolutionnaires et les plus déterminés pour organiser la jeune classe ouvrière chinoise.

Note

1. La traduction anglaise ne parle pas de partis communistes en Chine, mais d’un parti communiste.

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