1931

Une étude écrite par Rakovsky alors en déportation et principal dirigeant de l'Opposition de gauche demeuré en U.R.S.S.


Problèmes de l’économie de l’U.R.S.S.

Kh. Rakovsky

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Quelques mots sur le XVI° congrès.


Il n'y a pas grand'chose à dire au sujet du congrès lui-même. La tâche qui était proposée au congrès fut remplie à 100%. Certes, le congrès n'a pas résolu, ni même posé un seul des problèmes qui se posent devant le pays et la révolution. On ne le lui a même pas proposé. La tâche du XVI° congrès consistait à consolider les "succès" organisationnels de là fraction stalinienne, à renforcer la mainmise de l'appareil sur le parti, celle du groupe de Staline sur l'appareil et à raffermir les positions de Staline lui-même comme chef reconnu trônant sur tout le mécanisme de l'appareil, installé confortablement sur le dos du parti. De là le divorce profond, l'écart immense entre ce qui s'est passé au congrès et ce qui ne passe dans le pays. Les tâches de la mécanique organisationnelle ont refoulé les tâches politiques. Partant de cette mécanique d'organisation, Staline n'a pas pu poser une seule des questions qui se posent effectivement devant la révolution. Partant de la même mécanique organisationnelle, les droitiers n'ont pas osé poser ces questions. Le congrès est passé à côté de la vie. Telle est la première conclusion, tel est le premier sentiment que chacun éprouvait en lisant les comptes-rendus du congrès. La deuxième conclu­sion est que ce congrès représente une des étapes les plus importan­tes sur la voie d'un plus grand développement (si cela est encore pos­sible !) de la bonapartisation du parti. La solution des questions po­litiques n'est plus posée, non seulement au parti, mais pas même au congrès soigneusement filtré et sélectionné. L'approbation sans réser­ves, par avance, de la ligne générale dépourvue de tout contenu con­cret, ne peut signifier autre chose qu'une approbation semblable, don­née à l'avance de n'importe quelle politique, de n'importe quel tour­nant, dans n'importe quel pays. Or, il faudra bien "tourner" dans un sens quelconque, et assez rapidement ! C'est précisément en prévision de cela que le groupe stalinien s'est fixé pour ce congrès la tâche de se libérer les mains dans les deux sens, et d'obtenir du congrès carte blanche. L'appareil reçoit une plus grande liberté d'action par rap­port au parti. On préféra en général ne pas parler de l'opposition. Yaroslavsky, si prodigue d'habitude de citations, n'a pas pu de toute évidence en faire une seule, même falsifiée, qui n'atteigne pas toute la politique du centrisme. C'est pour la même raison qu'ils n'ont pas osé résumer, à leur manière, la déclaration de la direction opposition­nelle.

La situation extérieure était en harmonie complète avec le contenu idéologique des travaux du congrès. Quand l'historien futur écrira l'histoire des mœurs de l'époque de reconstruction, il se servira en premier lieu pour l'illustrer, des procès‑verbaux du XVI° congrès. Ce tableau de la sauvagerie des bureaucrates et de l'appareil déchaînés contre les droitiers est un symbole digne de tout le régime contemporain. Le plus répugnant ici est que cette compétition dans la cra­pulerie envers le pêcheur qui se traîne sur le ventre est le prix que les tchinovniki (fonctionnaires) paient pour leur propre bien‑être : Qui est sans péché ? Qui peut garantir que demain, il ne sera pas à son tour la victime expiatoire sacrifiée sur l'autel du prestige de la li­gne générale ? Il est difficile de dire qui d'entre eux a conservé le plus de dignité personnelle ‑ de ceux qui baissaient humblement la tête sous les sifflements et les hurlements et laissaient passer les injures, dans l'espoir d'un meilleur avenir, ou de ceux qui, dans le même espoir, lançaient ces injures en sachant d'avance que l'adversaire reculerait constamment. Au XV° congrès encore, l'appareil n'aurait pas se permettre cela. Sur le XV° congrès, on sentait passer le souffle de l'histoire. On sentait qu'il se passait quelque chose de sérieux, que le parti vivait une tragédie. Maintenant on tenta de répéter la même chose vis‑à‑vis de la droite. Mais la deuxième fois cela tourna, comme il arrive toujours, en une farce méprisable. En traçant les conséquences possibles de la lutte des centristes contre les droitiers, Trotsky écrivit :

"Si pratiquement elle (la lutte contre les droitiers) peut signifier la purification du parti des éléments les plus déclarés de l’oustrialovtchina [1], et le freinage ou le ralentissement du glissement ou de la dégénérescence, elle signifiera en même temps la désorganisation ultérieure de la pensée du parti, l'avilissement de la méthode marxiste, et par cela même la préparation de nouvelles étapes encore beaucoup plus sombres et dangereuses du développement du parti".

La réalisation de ce programme bien que cela se déroula en pleine concordance avec la loi du développement inégal est par rapport à la première partie de la prévision le programme n'est pas encore réalisé que les indices de qualité de la production pour la deuxième partie la réalisation du programme est sûrement largement dépassée.


Notes

[1] Oustrialov était un économiste libéral qui avait soutenu Lénine à l’époque de la N.E.P., y voyant la voie du retour au capitalisme. (N.R.)


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