1930

 

 

Léon Trotsky

MA VIE

 

15 Jugement, déportation, évasion

Un deuxième cycle commençait dans la série de mes prisons. Je l'endurai beaucoup plus aisément que le premier; au surplus, les conditions de détention étaient incomparablement plus douces que huit ans auparavant. Je fus enfermé quelque temps dans une geôle de Kresty, puis dans la forteresse Pierre-et-Paul, et enfin dans la maison de détention préventive. Avant de nous expédier en Sibérie on nous fit encore passer par le dépôt des déportés. Au total, nous en eûmes pour quinze mois. Chacune de ces prisons avait des particularités auxquelles il fallait se faire. Mais il serait fastidieux d'en parler car, si différentes en apparence qu'elles soient, toutes les prisons sont les mêmes. Le temps revint où je pus m'occuper méthodiquement de travaux scientifiques et littéraires. Je m'appliquai à l'étude de la rente agraire et à l'histoire des rapports sociaux en Russie. Un grand ouvrage que je composai sans le terminer sur la rente agraire s'égara par la suite, dans les premières années qui suivirent la révolution d'Octobre. Ç'a été pour moi la perte la plus pénible après la destruction de mon étude sur la franc maçonnerie. Quant à mes recherches sur l'histoire sociale de la Russie, elles aboutirent à un article intitulé: Bilan et perspectives qui constitue, pour cette période, l'argument le plus achevé de la théorie de la révolution permanente.

Quand on nous eut transférés à la maison de détention préventive, nos avocats obtinrent le droit de visite. La Ire Douma avait rendu de l'animation à la vie politique. Les journaux parlèrent avec une nouvelle hardiesse. Les entreprises d'éditions des marxistes se réveillèrent. Il fut possible de revenir à des travaux de publicistes combatifs. J'écrivis beaucoup en prison; les avocats emportaient les manuscrits dans leurs serviettes. A cette période se rattache mon pamphlet: Pierre Strouvé dans la politique. J'y travaillai avec tant de fougue que la promenade quotidienne dans la cour me contrariait comme une vexation. Cet ouvrage, dirigé contre le libéralisme, était au fond un plaidoyer pour le soviet de Pétersbourg, pour l'insurrection de décembre à Moscou et, en général, pour la politique révolutionnaire, contre les critiques de l'opportunisme. La presse bolchevique accueillit le pamphlet mieux qu'avec de la sympathie. La presse menchévique n'en souffla mot. Cet écrit fut répandu à des dizaines de milliers d'exemplaires en quelques semaines.

Mon compagnon de détention, D. Svertchkov, exposait ainsi, plus tard, les faits de cette période, dans son livre: A l'aube de la Révolution :

"L. D. Trotsky écrivait au courant de la plume et livrait par fragments à l'impression son livre : la Russie et la Révolution dans lequel il formula pour la première fois avec netteté cette idée que la révolution commencée en Russie ne pourrait s'arrêter tant qu'on ne serait pas parvenu à un régime socialiste. Sa théorie de la "révolution permanente", terme qui fut adopté pour exprimer cette idée, ne fut alors admise par à peu près personne. Cependant, Trotsky restait fermement sur ses positions et discernait déjà, dans la situation des différents Etats du monde, tous les symptômes d'une décomposition de l'économie bourgeoise capitaliste et la proximité relative de la révolution socialiste..."

Svertchkov continue ainsi :

"La cellule de Trotsky se transforma bientôt en une sorte de bibliothèque. On lui faisait passer absolument tous les livres qui méritaient quelque attention. Il les lisait et, toute la journée, du matin jusque tard dans la nuit, il s'occupait de travaux littéraires. "Je me porte à merveille, disait-il. Je suis là à travailler, sachant fort bien qu'on ne viendra plus m'arrêter... Convenez-en; dans les limites de la Russie tsariste, c'est une sensation assez rare...""

Pour me délasser, je lisais les classiques de la littérature européenne. Etendu sur ma couchette de prisonnier, je m'enivrais d'eux: délice physique qui doit être celui des gourmets quand ils sifflent des vins fins ou sucent des cigares aromatiques. C'étaient mes meilleures heures. Il reste des témoignages de ces études, sous forme d'épigraphes et de citations, dans tous mes écrits de cette période. C'est alors que, pour la première fois, je fis connaissance de près avec les "grands seigneurs" [en français dans le texte -N.d.T.] du roman français. L'art du récit est avant tout un art français. Je crois savoir l'allemand un peu mieux que le français, surtout dans le domaine de la terminologie scientifique; mais je lis plus aisément les oeuvres de pure littérature des écrivains français que celles des Allemands. J'ai gardé jusqu'à ce jour ma prédilection pour le roman français. Même au temps de la guerre civile, je trouvais, en wagon, des heures pour parcourir les dernières nouveautés de la littérature française.

En fin de compte, je ne puis me plaindre de mes prisons. Elles furent pour moi une bonne école. Je quittai ma cellule solidement verrouillée de la forteresse Pierre-et-Paul avec un certain regret: il y régnait un tel calme, un silence toujours si égal!... On y était idéalement bien pour un travail intellectuel.

Par contre, la maison de détention préventive était bondée de gens, pleine de vaine agitation. Il s'y trouvait un bon nombre de condamnés à mort: les actes de terrorisme et les expropriations à main armée s'étaient multipliés dans le pays. Le régime de l'établissement était libéral, eu égard à la Ire Douma; les cellules n'étaient pas fermées dans la journée; les promenades se faisaient en commun. Nous passions des heures à jouer avec entrain à saute-mouton: les condamnés à mort sautaient et tendaient le dos tout comme les autres. Ma femme venait me voir deux fois par semaine. Les gardiens de service fermaient les yeux sur nos échanges de lettres et de manuscrits. L'un d'eux, qui était déjà assez âgé, nous traitait particulièrement bien. Sur sa demande, je lui fis cadeau de mon livre et de ma photographie, avec une dédicace.

Mes filles sont des étudiantes, chuchotait-il d'un air ravi, et il m'adressait un clin d'oeil de complice.

J'ai rencontré cet homme après l'instauration du pouvoir soviétique et j'ai fait ce qui dépendait de moi pour l'aider en des années de famine.

Parvus se promenait avec le vieux Deutch dans le préau. Fréquemment, je me joignais à eux. Il existe une photographie où l'on nous voit tous trois dans la cuisine de la prison. L'infatigable Deutch cherchait à organiser l'évasion d'un groupe, il avait facilement conquis Parvus à son idée et il me persuadait avec insistance de me joindre à eux. Je résistais, étant séduit par l'importance politique du procès qui allait s'ouvrir. Mais trop nombreux furent les adhérents. Dans la bibliothèque de la prison, qui servait de centre d'opérations, un surveillant découvrit un trousseau d'instruments de serrurerie. A vrai dire, l'administration étouffa l'affaire, soupçonnant les gendarmes d'avoir manigancé pour provoquer un changement de régime dans la maison. Cependant, Deutch, pour s'évader une quatrième fois dans sa vie, dut partir de Sibérie et non de la geôle de Pétersbourg.

Le fractionnement du parti se manifesta de nouveau avec violence après la défaite de décembre. La dissolution de la Douma souleva derechef tous les problèmes de la révolution. Je consacrai à l'étude de ces questions une brochure concernant la tactique à suivre, que Lénine publia aux éditions des bolcheviks.

Les menchéviks battaient déjà en retraite sur toute la ligne. Pourtant, les dissensions fractionnelles n'eurent pas, dans les prisons, l'acuité qu'elles avaient prise au dehors. C'est pourquoi nous eûmes la possibilité de mettre au jour collectivement un ouvrage auquel collaborèrent encore les menchéviks.

Le procès du soviet des députés ouvriers s'ouvrit le 19 septembre, sous la lune de miel des cours martiales de Stolypine. La cour du Palais de Justice et les rues avoisinantes avaient été transformées en camp retranché. Toutes les forces de police de Pétersbourg étaient sur pied. Mais le procès fut mené assez librement: la réaction voulait compromettre définitivement Witte, révélant son "libéralisme" et ses faiblesses à l'égard de la révolution. Environ quatre cents témoins furent cités, dont plus de deux cents vinrent déposer. Ouvriers, fabricants, gendarmes, ingénieurs, domestiques, simples habitants de la ville, journalistes, employés des postes et télégraphes, maîtres de police, élèves des gymnases, conseillers municipaux, garçons de cour, sénateurs, voyous, députés, professeurs et soldats défilèrent pendant un mois devant le tribunal, et, sous les feux croisés qui partaient des fauteuils des juges, de ceux des procureurs, des chaises de la défense et des bancs des accusés, surtout de ce côté-ci, -ils reconstituèrent ligne par ligne, trait par trait, l'époque de l'activité du soviet ouvrier. Les accusés donnèrent leurs explications. Je parlai du rôle d'une insurrection armée dans une révolution. Le but principal fut ainsi atteint. Le tribunal s'étant refusé à citer sur notre demande le sénateur Lopoukhine, qui, pendant l'automne de 1905, avait ouvert, au département de la police; une imprimerie pogromiste, nous fîmes défaut et demandâmes à être renvoyés en prison. Aussitôt après nous, les avocats, les témoins et le public quittèrent l'audience. Les juges restèrent en tête à tête avec le procureur. C'est en notre absence qu'ils rapportèrent leur sentence. Le compte rendu sténographique de ce procès exceptionnel, qui dura un mois, n'a pas été publié jusqu'à présent, et, ce me semble, n'a même pas été retrouvé. J'ai raconté tout l'essentiel de l'affaire dans mon livre : 1905.

Mon père et ma mère assistèrent au procès. Leurs pensées et leurs sentiments étaient de double sorte. Ils ne pouvaient déjà plus s'expliquer ma conduite comme une suite d'enfantillages, ainsi qu'ils l'avaient fait du temps de mon séjour dans le jardin de Chvigovsky, à Nikolaïev. J'étais maintenant rédacteur en chef de journaux, président du soviet, j'avais un nom comme écrivain. Cela leur en imposait. Ma mère entrait en conversations avec les défenseurs, tâchant d'entendre d'eux, encore et encore, des propos flatteurs pour moi. Lorsque je prononçai mon discours, dont le sens ne pouvait être tout à fait clair pour ma mère, elle versa des larmes silencieuses. Elle pleura plus fort quand une vingtaine d'avocats vinrent, l'un suivant l'antre, me serrer la main. Un des défenseurs avait justement réclamé une suspension d'audience, qu'il motivait par l'émotion générale. C'était A. S. Zaroudny. Plus tard, dans le cabinet Kérensky, il devait être le ministre de la Justice, et il me tint en prison comme inculpé de haute trahison. Mais dix ans s'étaient écoulés...

Durant la suspension d'audience, mes parents me regardaient d'un air heureux. Non seulement ma mère était persuadée que l'on m'acquitterait, mais elle s'attendait à me voir conférer je ne sais quelle distinction. Je lui assurais qu'il fallait prévoir les travaux forcés. Epouvantée, perplexe, elle considérait tour à tour les défenseurs et moi, se demandant comment une pareille fin serait bien possible. Mon père était pâle, silencieux, heureux et abattu tout à la fois.

Nous fûmes condamnés à la privation de tous droits civils et à la déportation. La sentence était relativement douce. Nous nous attendions aux travaux forcés. Cependant, la déportation n'était plus du tout la mesure administrative que j'avais subie la première fois. Elle devait être perpétuelle; toute tentative d'évasion devait être punie de trois ans de travaux forcés. Les quarante-cinq coups de fouet qu'on infligeait en outre aux fuyards avaient été supprimés depuis deux ou trois ans.

J'écrivais à ma femme, le 3 janvier 1907 :

"Voilà déjà deux ou trois heures que nous sommes enfermés dans la prison de déportation. Je l'avoue, c'est avec une certaine inquiétude nerveuse que j'ai quitté ma cellule de détention préventive. J'étais si bien habitué à cette petite cabine dans laquelle j'avais la possibilité de travailler. A la maison de déportation, nous savions qu'on nous mettrait dans une chambre commune, -et que peut-il y avoir de plus fatigant ? Ensuite, ce serait la boue, les allées et venues et tous les tracas du voyage par étapes que je connais si bien. Qui sait combien de temps s'écoulera avant que nous arrivions à destination? Et qui pourrait prédire à quelle époque nous en reviendrons? Ne vaudrait-il pas mieux rester enfermé comme devant dans la cellule n°462, lire, écrire et... attendre ?...

On nous a transférés ici subitement, sans nous prévenir. Dans la salle d'écrou, on nous a obligés à revêtir le costume des détenus. Nous avons accompli cette formalité avec une curiosité d'écoliers. Il nous était intéressant de nous voir en pantalon gris, souquenille grise, bonnet gris. Cependant, nous ne portons pas sur le dos la marque classique, l'as de carreau. On nous a permis de garder notre linge et nos chaussures. Nous sommes entrés en bande fort animée, attifés de ces nouveaux vêtements, dans la chambre qui nous attendait..."

Il n'était pas d'une petite importance pour moi d'avoir pu garder mes chaussures: j'avais un excellent passeport dans une de mes semelles et des pièces d'or dans mes hauts talons.

Notre destination à tous était le bourg d'Obdorsk, bien au dessus du cercle polaire. Du chemin de fer à cet endroit, on compte mille cinq cents verstes; la distance jusqu'à la plus proche station télégraphique est de huit cents verstes. Le courrier n'arrive que tous les quinze jours. Pendant la débâcle, au printemps et en automne, le service de la poste est complètement interrompu durant six semaines ou deux mois.

En cours de route, on prit à notre égard des mesures exceptionnelles. On n'avait guère confiance dans les gardiens qui nous convoyèrent à partir de Pétersbourg. Et, en effet, le sous-off' qui était de faction, sabre au clair, dans notre wagon de détenus, nous déclamait des poésies révolutionnaires tout récemment parues. Dans la voiture voisine, il y avait un peloton de gendarmes qui encerclaient notre wagon à chaque station. En même temps, les autorités pénitentiaires nous traitaient avec les plus grandes prévenances: car les poids de la révolution et de la contre-révolution oscillaient encore et l'on ne savait quel plateau de la balance prendrait sur l'autre. L'officier qui commandait le convoi commença par nous montrer un papier de ses chefs qui l'autorisait à ne pas nous passer les menottes, mesure pourtant exigée par la loi.

Le 11 janvier, j'écrivais à ma femme :

"Si l'officier de l'escorte est prévenant et poli, que dire des soldats ? Presque tous ont lu le compte rendu de notre procès et ils nous donnent les marques de la plus vive sympathie... Jusqu'à la dernière minute, les soldats ne savaient quelles gens ils devaient conduire, ni dans quelle direction. A en juger par les mesures de prudence dont leur départ subit fut entouré quand on les amena de Moscou à Pétersbourg, ils croyaient devoir nous escorter jusqu'à Schlusselbourg, pour exécution capitale. Dans la salle d'écrou de la prison de déportation j'ai remarqué que les hommes de l'escorte étaient très émus et d'une obligeance étrange, comme s'ils se sentaient un peu coupables. Ce n'est qu'en wagon que j'en ai connu la raison. Comme ils furent heureux quand ils se surent en présence des "députés ouvriers" qui n'étaient condamnés qu'à la déportation.

Les gendarmes, dont le rôle est, en quelque sorte, de convoyer l'escorte, ne se montrent pas du tout dans notre wagon. Ils font seulement la garde extérieure; ils entourent la voiture, se mettent en sentinelles devant les portières, et sans doute, surveillent surtout les soldats de l'escorte."

Nos lettres, en cours de route, étaient secrètement jetées à la boîte par les soldats.

Jusqu'à Tioumen, nous eûmes le chemin de fer. De là, nous partîmes en voiture. Pour quatorze déportés, il y avait cinquante deux soldats d'escorte, sans compter le capitaine, un commissaire et un brigadier de police rurale. Tous ensemble, nous occupions environ quarante traîneaux. De Tioumen par Tobolsk, nous suivîmes le cours de l'Obi.

"Chaque jour, écrivais-je à ma femme, nous parcourons, en ces derniers temps, environ quatre-vingt-dix ou cent verstes vers le nord, c'est-à-dire que nous nous déplaçons presque d'un degré. Par suite de ce mouvement ininterrompu, les apparences de la civilisation, -s'il peut être ici question de civilisation,- s'effacent les unes après les autres. Chaque jour nous descendons d'une marche dans le royaume du froid et de la sauvagerie."

Après avoir traversé des régions où sévissait le typhus, nous atteignîmes, le 12 février, trente-troisième jour de notre voyage, Bérézov où avait été déporté jadis le prince Menchikov, compagnon de lutte de Pierre. Nous eûmes une halte de deux jours en cet endroit. Il nous restait encore à faire un trajet de cinq cents verstes environ jusqu'à Obdorsk. Nous nous promenions en liberté. A une telle distance, les autorités ne craignaient pas d'évasion. Il n'y avait qu'une seule route pour le retour, celle qui suit le cours de l'Obi et que longe la ligne télégraphique: tout évadé aurait été bientôt rattrapé.

A Bérézov vivait un déporté, l'arpenteur Rochkovsky. Je le consultai sur les chances d'une fuite. Il me dit qu'on pouvait tenter l'entreprise en se dirigeant directement vers l'ouest, le long de la rivière Sosva, du côté de l'Oural ; avec un attelage de rennes, on gagnerait les usines métallurgiques, on devait parvenir à l'usine Bogoslovsky que relie un decauville à la grande ligne de Perm, station Kouchva. De là, Perm, Viatka, Vologda, Pétersbourg, Helsingfors...

Cependant, le long de la Sosva, il n'y a pas de routes. Au delà de Bérézov, on tombe dans des lieux sauvages, inhabités. Aucune police sur des milliers de verstes; pas un cantonnement russe; de loin en loin quelques yourtes [Primitives habitations, tentes formées de quelques perches disposées en cône, et couvertes de peaux ou de feutre. -N.d.T.] d'Ostiaks [Peuplades nomades de race finno-ougrienne, cantonnées dans l'Extrême Nord de la Russie d'Europe et dans le Nord-Ouest de la Sibérie. -N.d.T.] ; inutile de parler de télégraphe ; pas même de chevaux; le trafic se fait exclusivement avec des rennes. Les poursuivants ne vous rejoindraient pas. Mais il y avait le risque de se perdre dans le désert, de périr dans les neiges. Et l'on était en février, mois des bourrasques hivernales...

Un vieux révolutionnaire, qui faisait partie de notre groupe de déportés, le docteur Feit, m'apprit à simuler une sciatique, ce qui me permettrait de rester quelques jours de plus à Bérézov. Je me tirai avec succès de cette partie secondaire du programme. On sait qu'il est impossible de vérifier une sciatique. On me mit à l'hôpital. J'y trouvai un régime d'absolue liberté. J'en sortai des heures entières, lorsque je me sentais "mieux". Le médecin encourageait mes promenades. Personne, je le répète, ne craignait une évasion de Bérézov en cette saison. Il fallait prendre une décision. Je me prononçai pour la direction de l'ouest tout droit vers l'Oural.

Rochkovsky consulta un paysan de l'endroit, connu sous le sobriquet de "Pied-de-Chèvre". Ce petit bonhomme, sec et raisonnable, fut l'organisateur de l'évasion. Il agit avec un parfait désintéressement. Lorsque le rôle qu'il avait joué fut révélé, il fut cruellement châtié. Après la révolution d'Octobre, Kozia Nojka (Pied-de-Chèvre) ne sut pas de sitôt que c'était bien moi qu'il avait aidé à fuir dix ans auparavant. C'est seulement en 1923 qu'il vint me voir à Moscou, et la rencontre fut chaleureuse. On le revêtit de l'uniforme de parade de l'Armée rouge, on le mena dans divers théâtres, on lui fit cadeau d'un phonographe et d'autres objets. Le vieux mourut peu après, dans son Extrême-Nord.

Pour partir de Bérézov, il fallait un attelage de rennes. L'important de l'affaire était de trouver un guide qui, en cette saison, consentît à s'engager dans une voie peu sûre. Kozia Nojka trouva un Zyriane, adroit et expérimenté, comme la plupart de ceux de cette tribu.

-Mais, n'est-ce pas un ivrogne ?

-Comment, pas un ivrogne? Un ivrogne invétéré. Mais il parle couramment le russe, le zyriane et les deux dialectes ostiaques, celui d'aval et celui d'amont, qui ne se ressemblent presque pas. Vous ne trouverez pas un pareil conducteur : c'est un déluré.

C'est ce même "déluré" qui trahit dans la suite Kozia Nojka. Mais il avait fait réussir on évasion.

Le départ devait avoir lieu un dimanche, à minuit. Ce jour-là, les autorités locales donnaient un spectacle d'amateurs. Je me montrai à la caserne où le théâtre était monté et, rencontrant l'ispravnik, je lui dis que je me sentais beaucoup mieux et que, très prochainement, je pourrais partir pour Obdorsk. C'était là de la perfidie, mais c'était indispensable.

Lorsque minuit sonna au clocher, je gagnai en catimini la cour de Kozia Nojka. Un traîneau bas était près. Je m'y étendis, mettant une pelisse sous moi. Kozia Nojka me couvrit d'une paille froide, glacée, qu'il attacha avec des cordes, en croix, et nous partîmes. La paille se réchauffait et une eau froide ruissela sur mon visage.

A quelques verstes de distance, nous nous arrêtâmes. Kozia Nojka délia les cordes. Je sortis de dessous la paille. Mon conducteur siffla. Des voix lui répondirent, qui, hélas! étaient celles de gens ivres. Le Zyriane était aviné, et il avait amené avec lui des amis. C'était un mauvais début. Mais il n'y avait pas à choisir. Je pris place sur un léger traîneau avec mon petit bagage. J'avais sur moi deux pelisses, l'une à poil en dedans, l'autre à poil en dehors, des bas en poil, les bottes fourrées, le bonnet doublement fourré comme les moufles: en un mot, j'étais équipé comme un Ostiak en plein hiver. J'avais dans mon bagage quelques bouteilles d'esprit-de-vin, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus adéquat dans un désert de neige.

Svertchkov a écrit ceci dans ses mémoires :

"Du haut de la tour des pompiers de Bérézov, on pouvait observer, au moins à une verste de distance, tout mouvement sur le blanc tapis de neige, dans le sens de la ville ou dans le sens contraire. Supposant avec raison que la police demanderait au pompier de service si personne n'avait quitté la ville cette nuit-là, Rochkovsky s'arrangea pour qu'un des habitants partît, au même moment, emportant dans la direction de Tobolsk un veau fraîchement tué. Ce mouvement, comme on s'y attendait, fut remarqué, et la police; quand elle découvrit, deux jours plus tard, l'évasion de Trotsky, se lança d'abord à la poursuite du veau, perdant ainsi deux autres journées..."

Moi, je ne sus cela que beaucoup plus tard.

Nous prîmes le chemin de la Sosva. Mon conducteur acheta des rennes, à son choix, prenant dans un troupeau de quelques centaines de têtes. Au début du voyage, il s'endormit plusieurs fois parce qu'il était ivre, et l'attelage s'arrêtait. Tous deux, nous étions alors en danger. Finalement, il ne réagit plus du tout lorsque je le secouais. Je le décoiffai de son bonnet, ses cheveux se couvrirent bientôt de givre et l'ivresse lui passa peu à peu. Nous poursuivîmes notre voyage: un beau voyage en vérité, dans la vierge solitude des neiges, à travers des bouquets de sapins, où l'on voyait les foulées d'animaux sauvages. Les rennes couraient avec entrain, sortant la langue de côté et haletant: "tchou-tchou-tchou"... La piste était étroite, les rennes se serraient l'un contre l'autre, et l'on devait s'étonner qu'ils ne se gênassent point entre eux dans leur course. Curieuses créatures qui ne connaissent ni la faim ni la fatigue... Nos rennes n'avaient pas mangé depuis vingt-quatre heures avant notre départ et il devait y avoir bientôt vingt-quatre heures qu'ils nous traînaient sans avoir été nourris. D'après l'explication de mon cocher, c'était tout juste alors qu'ils "prenaient leur élan". Ils couraient d'un pas régulier, infatigablement, faisant de huit à dix verstes à l'heure. Ils cherchaient eux-mêmes leur pitance. On leur attachait au cou une bûche et on les lâchait en liberté. Ils choisissaient une place où sous la neige ils flairaient de la mousse, ils creusaient à coups de sabots un trou profond, s'y enfouissaient presque tout entiers et mangeaient. J'avais pour ces animaux à peu près le sentiment que doit éprouver un aviateur pour son moteur, quand il se trouve à quelques centaines de mètres de hauteur, en plein vol sur l'océan. Un des trois rennes, le principal, le "conducteur", se mit à boiter. Quel tintouin! Il était indispensable de le remplacer. Nous cherchâmes un campement d'Ostiaks. Dans ces parages, ces groupes sont dispersés à des dizaines de verstes de distance de l'un à l'autre. Mon guide les découvrait pourtant, à des indices imperceptibles. A plusieurs verstes, il devinait une odeur de fumée.

Nous perdîmes plus de vingt-quatre heures pour changer d'attelage. Mais, en compensation, à l'aube, je fus témoin d'un spectacle merveilleux: trois Ostiaks, munis du lasso, attrapaient en pleine course des rennes choisis d'avance, dans un troupeau de quelques centaines de têtes que les chiens chassaient sur eux.

Nous repartîmes tantôt à travers des bois, tantôt sur des marais couverts de neige, tantôt à travers d'immenses forêts décimées par l'incendie. Sur la neige, nous faisions bouillir de l'eau de neige et prenions le thé. Mon guide préférait, d'ailleurs, l'esprit-de-vin, mais je le surveillais de près et l'empêchais de dépasser la mesure.

La route semblait être toujours la même, et cela changeait sans cesse. On pouvait en juger à l'allure des rennes. Ici, l'on passait par un endroit découvert, entre un bouquet de bouleaux et le lit de la rivière. Chemin exténuant. Le vent vous efface sous les yeux l'étroit sillage du traîneau. A tout instant, le renne de volée trébuche et lâche la piste. Il enfonce dans la neige jusqu'au ventre et plus encore fait quelques bonds désespérés, remonte sur la route, pousse le limonier jette de travers le renne "conducteur".

Plus loin, la route réchauffée par le soleil, devient si peu praticable qu'au traîneau qui nous précède, les traits se rompent à deux reprises à chaque arrêt, les patins gèlent, adhérant à la route, et il est difficile de repartir. Après les deux premiers "trajets", [On appelle "trajets" la distance de dix à quinze kilomètres que des rennes peuvent parcourir sans souffler. -N.d.T.] les rennes sont déjà sensiblement fatigués...

Mais le soleil disparaît, le chemin gèle et cela va de mieux en mieux. "Une route douce, où pourtant on n'enfonce pas", "tout ce qu'il y a de bon comme route", selon le cocher; les pas de l'attelage s'entendent à peine; les rennes nous emmènent comme en se jouant. Il fallut même dételer l'un des trois et l'attacher derrière le traîneau, parce que, n'ayant plus aucune peine, les animaux faisaient des écarts brusques et auraient pu briser le véhicule. Notre voiture glissait d'une allure égale, sans bruit, comme une barque sur le miroir d'un étang. Dans un crépuscule enténébré, la forêt semblait plus gigantesque. Je ne discernais absolument pas la route, je ne sentais presque pas le mouvement du traîneau. Des arbres de mirage couraient au-devant de nous, les buissons fuyaient sur les côtés, de vieilles souches couvertes de neige, à côté, de hauts bouleaux disparaissaient sous nos yeux. Tout cela semblait plein de mystère. Tchou-tchou-tchou... Le souffle égal et pressé des rennes s'entendait seul dans le grand silence de la nuit et de la forêt.

Ce voyage dura une semaine. Nous avions fait un raid de sept cents kilomètres et approchions de l'Oural. De plus en plus souvent, nous rencontrions des convois. Je me faisais passer pour un ingénieur de l'expédition polaire du baron Toll. A peu de distance de l'Oural, nous tombâmes sur un commis qui avait fait partie de cette expédition et savait de qui elle était composée. Il m'accabla de questions. Fort heureusement, il. n'était pas non plus en possession de ses facultés. Je me hâtai de me sortir d'affaire à l'aide d'une bouteille de rhum que j'avais prise à tout hasard. Tout se passa bien.

Dans l'Oural, on voyageait avec des chevaux. Là, je passai pour un fonctionnaire et, avec un contrôleur des contributions indirectes qui faisait le tour de son district, j'atteignis le chemin de fer à voie étroite des mines. Le gendarme de la gare me vit, avec indifférence, me débarrasser des pelisses que j'avais rapportées de chez les Ostiaks.

Sur la voie de jonction avec le chemin de fer de l'Oural, ma situation n'était pas encore des plus sûres: sur cet embranchement où n'importe quel étranger est remarqué, on aurait pu m'arrêter dans une station quelconque, d'après un télégramme qu'on aurait reçu de Tobolsk. En route, je fus anxieux. Mais lorsque, vingt-quatre heures plus tard, je me trouvai dans le confortable wagon de la ligne de Perm, je sentis aussitôt que j'avais gagné la partie.

Le train passa par les gares où nous avaient reçus si solennellement des gendarmes, gardes mobiles et ispravniks. Mais je suivais maintenant la direction opposée et j'éprouvais de tout autres sentiments. Dans les premiers moments, le wagon spacieux et presque vide me parut étroit et étouffant. Je me mis sur la plateforme, où le vent soufflait, où il faisait sombre, et, de ma poitrine, s'échappa le cri de l'instinct, un grand cri de joie et de liberté !

A l'une des premières haltes, je télégraphiai à ma femme, l'invitant à venir au-devant de moi à une gare de bifurcation. Elle ne s'attendait pas à recevoir cette dépêche, ou du moins ne l'attendait pas si tôt. On le concevra sans peine. Notre voyage jusqu'à Bérézov avait duré plus d'un mois. Les journaux de Pétersbourg décrivaient avec force détails notre progression vers le Nord. Nos correspondances continuaient encore à parvenir aux destinataires. Tout le monde me croyait sur la route d'Obdorsk. Or, il ne me fallut que onze jours pour refaire tout le voyage en sens inverse. Il est clair que ma femme devait considérer comme invraisemblable une rencontre avec moi aux environs de Pétersbourg. Et ce n'en fut que mieux: nous nous rencontrâmes tout de même.

Voici comment N. I. Sédova raconte l'aventure dans ses mémoires :

"Ayant reçu le télégramme à Térioki, bourg finlandais à proximité de Pétersbourg, où je vivais absolument isolée avec mon jeune fils, je ne pouvais tenir en place, tant j'étais émue et heureuse. Dans la même journée, je reçus de L. D. une longue lettre écrite en cours de route, dans laquelle, après m'avoir décrit son voyage, il me demandait de lui apporter des livres et un certain nombre d'effets indispensables dans le Nord, lorsque je prendrais la route d'Obdorsk. Il fallait conclure qu'il avait brusquement changé d'avis, que, par des voies inimaginables, il revenait à toute vitesse, puisqu'il me donnait même rendez-vous à une gare de bifurcation. Mais, chose étonnante, le nom de la station qu'il indiquait avait disparu du texte du télégramme. Le lendemain matin, je pars pour Pétersbourg et je tâche de trouver sur un indicateur le nom de la gare pour laquelle je dois prendre un billet. Je ne me risque pas à demander des renseignements et je me mets en route sans savoir où je dois exactement aller. J'ai pris mon billet pour Viatka; je pars le soir. Le wagon est plein de propriétaires qui reviennent de Pétersbourg, chargés d'emplettes faites dans les magasins d'alimentation, regagnant leurs domaines où ils vont fêter le carnaval. Ils ne parlent que de crêpes, de caviar, de balyk, de vins, etc. J'avais du mal à supporter ces conversations, tout agitée à la pensée du rendez-vous, tourmentée à l'idée des accidents qui pouvaient se produire... Et pourtant, en mon for intérieur, vivait l'assurance que nous nous retrouverions. J'attendis avec la plus extrême impatience le matin: le train qui venait en sens contraire devait se rencontrer avec le mien à la station Samino: c'est seulement en wagon que j'appris ce nom et je me le suis rappelé pour toute ma vie. Les deux trains s'arrêtèrent, le mien et l'autre. Je courus à la gare: personne... Je sautai dans le train rencontré, je parcourus, anxieuse au dernier degré, les voitures personne et personne! Tout à coup, j'aperçois, dans un compartiment, la pelisse de L. D. Il est donc ici! Mais où? Je saute hors du wagon et je tombe tout de suite sur L. D. qui revenait, courant, de la gare où il m'avait cherchée. Il fut furieux d'apprendre que son télégramme avait été écorché et il voulait en faire sur place toute une histoire. J'eus grand mal à l'en dissuader. Lorsqu'il m'avait expédié la dépêche, il comprenait, certes, fort bien qu'au lieu de moi des gendarmes pourraient l'attendre à son rendez-vous, mais il estimait qu'à Pétersbourg il se sentirait mieux en ma compagnie et il comptait sur son étoile. Nous nous installâmes dans le compartiment et continuâmes le voyage ensemble. Je fus frappée de la liberté, de l'aplomb que manifesta L. D. riant et parlant haut, en wagon et dans les gares. J'aurais voulu le rendre invisible, le bien cacher: ne risquait-il pas les travaux forcés pour son évasion? Mais il se montrait à tous et me disait que c'était là la meilleure mesure de protection."

De la gare de Pétersbourg, nous nous rendîmes directement à l'école d'artillerie, chez nos sûrs amis. Jamais je n'ai vu de gens aussi stupéfaits que le furent les Litkens. J'étais là comme un fantôme dans la grande salle à manger; toute la famille du docteur me considérait, tous avaient la respiration coupée. On s'embrassa: puis l'étonnement reprit, et, de nouveau, on n'en croyait pas ses yeux. En fin de compte, il fallut bien admettre que moi, c'était moi... Et je le sens encore: ce furent de douces heures. Mais le danger subsistait, il était loin d'être passé. C'est le docteur qui nous le rappela le premier. Dans un certain sens, le péril ne faisait même que commencer. Des télégrammes avaient certainement été reçus de Bérézov, annonçant ma disparition. A Pétersbourg, j'étais beaucoup trop connu de vue depuis le soviet des députés ouvriers. Ma femme et moi décidâmes de gagner la Finlande, où les libertés conquises par la révolution se maintinrent plus longtemps qu'en Russie. Le point le plus dangereux était la gare de Finlande. Peu avant le départ du tram, plusieurs officiers de gendarmerie, qui passaient en revue les voyageurs, entrèrent dans notre wagon. Aux yeux de ma femme qui se tenait tournée vers la portière, je vis quel était le risque. Nous vécûmes une minute d'extrême tension nerveuse. Les gendarmes nous regardèrent avec une parfaite indifférence et passèrent. C'était ce qu'ils avaient de mieux à faire.

Depuis longtemps déjà, Lénine et Martov avaient quitté Pétersbourg et vivaient en Finlande. La fusion des fractions, qui avait eu lieu au congrès de Stockholm en avril 1906, présentait déjà une profonde fissure. Le reflux de la révolution continuait. Les menchéviks se repentaient des folies commises en 1905. Les bolcheviks ne se repentaient de rien et persistaient à tendre vers une nouvelle révolution. J'allai rendre visite à Lénine et à Martov qui habitaient des agglomérations voisines.

Dans la chambre de Martov régnait comme toujours le plus excentrique désordre. Il y avait, dans un coin, un tas de journaux, à hauteur d'homme. En causant, Martov, de temps à autre, plongeait dans ce tas et atteignait l'article dont il avait besoin. Sur sa table étaient des manuscrits parsemés de cendres. Un pince-nez dont les verres n'avaient pas été essuyés pendait au nez mince de Martov. Comme toujours, il avait une quantité d'idées, de fines et brillantes idées, mais il lui en manquait une, la plus importante: il ne savait qu'entreprendre.

Dans la chambre de Lénine régnait, comme toujours, un ordre exemplaire. Il ne fumait pas. Les journaux dont il avait besoin et qu'il avait marqués au crayon étaient sous sa main. Et l'essentiel était l'assurance invincible, quoique retenue en expectative, qui se manifestait sur ce visage prosaïque, mais extraordinaire.

On ne voyait pas bien encore s'il y avait définitivement reflux de la révolution ou seulement un temps d'arrêt avant la reprise. Mais, dans un cas comme dans l'autre, il était indispensable de combattre les sceptiques, de reviser théoriquement l'expérience de 1905, de former des cadres pour une nouvelle montée ou pour la révolution suivante.

Lénine approuva, dans la conversation, les travaux que j'avais faits en prison, mais me reprocha de n'en avoir pas tiré les déductions indispensables au point de vue de l'organisation, c'est-à-dire de n'être pas encore venu du côté des bolcheviks. Il avait raison.

En me disant adieu, il me donna des adresses pour Helsingfors qui furent pour moi sans prix. Les amis qu'il m'indiquait m'aidèrent à m'établir, avec ma famille, en un coin commode, à Oglbiou, près d'Helsingfors, où vécut quelque temps après nous Lénine. Le maître de police d'Helsingfors était un activiste, c'est-à-dire un nationaliste finnois révolutionnaire. Il promit de m'avertir dans le cas où il y aurait du danger du côté de Pétersbourg.

Je passai à Oglbiou quelques semaines avec ma femme et mon fils qui était né pendant mon séjour en prison. Là, dans la solitude, je rédigeai une relation de mon voyage Aller et Retour, et les honoraires que je touchai me permirent de partir pour l'étranger, par Stockholm. Ma femme et mon fils restèrent pour le moment en Russie. Je fus accompagné jusqu'à la frontière par une jeune "activiste" finnoise. A cette époque, c'étaient des amis. En 1917, les "activistes" devinrent fascistes et les pires ennemis de la révolution d'Octobre.

C'est sur un paquebot scandinave que je partis pour une nouvelle émigration qui devait durer dix ans.

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