1926

Ce livre ne concerne pas que l'Angleterre, même s'il aurait pu s'appeler "L'Angleterre et la Révolution". Il contient des leçons pour bien des pays, surtout sur les illusions du passage "démocratique" au socialisme et sur le "crétinisme parlementaire", comme aurait dit Lénine. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Cromwell, le chartisme, les trade-unions, le Labour Party...


Où va l'Angleterre ?

Léon Trotsky

II. Mr Baldwin et... la gradation

Le 12 mars 1925, Mr. Baldwin, premier ministre anglais et leader du parti conservateur, prononçait à Leeds, devant un auditoire conservateur, un grand discours sur les destinées de l'Angleterre. Ce discours, comme nombre d'autres harangues de Mr. Baldwin, était pénétré d'inquiétude. Nous considérons cette inquiétude comme tout à fait légitime du point de vue du parti de Mr. Baldwin. Mais nous abordons les mêmes questions par un autre bout. Mr. Baldwin redoute le socialisme, et a tenté, eu démontrant les dangers et les difficultés de la marche au socialisme, de citer, de façon un peu inattendue, à l'appui de sa thèse, l'auteur de ces lignes. Ce qui nous donne, espérons-le, le droit de répondre à Mr. Baldwin, sans courir le risque d'être accusé d'intervenir dans les affaires intérieures de la Grande-Bretagne.

Baldwin considère, non sans raison, la croissance du parti ouvrier comme le plus grand danger pour le régime qu'il défend. Il espère, cela va de soi, vaincre, " car nos principes (conservateurs) sont plus étroitement attachés au caractère et aux traditions de notre peuple que les traditions et les principes des transformations violentes. "

Le leader conservateur rappelle néanmoins à ses auditeurs que le dernier verdict électoral n'est pas sans appel. Baldwin lui-même sait bien, cela va de soi, que le socialisme est irréalisable. Mais comme il est plongé dans un certain désarroi et comme il parle en outre à un auditoire convaincu de l'impossibilité du socialisme, les arguments qu'il donne ne se distinguent pas par une grande ingéniosité. Il rappelle à l'auditoire conservateur que les hommes ne naissent ni libres, ni égaux, ni frères. Il s'adresse à chaque mère présente à la réunion et lui demande si ses enfants naissent égaux ? Le rire satisfait et complaisant de l'auditoire lui répond. Il est vrai que ces mêmes arguments servirent aux ancêtres spirituels de Mr. Baldwin de réponse aux revendications des masses populaires anglaises sur le droit de croire librement et d'organiser l'église à leur gré. Les mêmes arguments servirent plus tard contre l'égalité devant les tribunaux et, plus tard encore, tout récemment même contre le suffrage universel. Les hommes ne naissent pas égaux. Mr. Baldwin, pourquoi doivent-ils donc comparaître devant les mêmes tribunaux pour être jugés selon les mêmes lois ? Peut-être pourrait-on également objecter à Baldwin que, quoique naissant inégaux, les enfants - inégaux - sont de coutume également nourris par leurs mères qui se préoccupent, si elles en ont les moyens, de les chausser également tous, Il n'est que les marâtres pour se comporter autrement. On pourrait apprendre à Mr. Baldwin que le socialisme ne se donne nullement pour but d'instituer l'égalité anatomique, physiologique et psychologique, et n'aspire qu'à assurer à tous les hommes de semblables conditions matérielles d'existence. Mais nous ne fatiguerons pas davantage nos lecteurs en développant ces idées tout à fait élémentaires. Mr. Baldwin peut lui-même, si le sujet l'intéresse, remonter aux sources, et comme sa philosophie doit déterminer chez lui une certaine prédilection pour les auteurs anciens et purement britanniques, nous pourrions lui recommander le vieux Robert Owen [1], qui n'entendait, il est vrai, absolument rien, à la dynamique de classe de la société capitaliste, mais chez lequel on peut trouver, sur les avantages du socialisme, des considérations vraiment précieuses.

Le but du socialisme, assez condamnable en soi, n'effraie pas autant M. Baldwin, cela va de soi, que le chemin de violence qui y mène. Baldwin observe dans le parti ouvrier deux tendances. L'une est représentée, d'après ses propres paroles, par M. Sidney Webb, qui reconnaît " l'inéluctabilité des gradations ". Mais il y a, à l'en croire, des leaders d'une autre sorte, tels que Cook et Whitley - surtout depuis que ce dernier a abandonné son portefeuille de ministre - qui croient à la violence. D'une façon générale, les responsabilités gouvernementales ont exercé, de l'avis de Mr. Baldwin, une influence salvatrice sur les leaders du parti ouvrier et les ont obligés à reconnaître avec Webb le caractère désavantageux des méthodes révolutionnaires et l'avantage des gradations. Arrivé à ce point, Mr. Baldwin procéda, pour enrichir son pauvre arsenal d'arguments contre le socialisme, à une certaine intervention dans les affaires russes.

Nous citons textuellement le compte rendu du Times :

" Le premier ministre cite Trotsky qui a - d'après Mr. Baldwin - découvert et écrit dans les dernières années, que, " plus il a été facile au prolétariat russe de traverser la crise révolutionnaire et plus il lui a été difficile de " bâtir ". Trotsky a aussi dit ce que pas un des leaders extrémistes n'a encore dit en Angleterre : " Nous devons apprendre à travailler avec un plus grand rendement ".

Je voudrais bien savoir, dit Mr. Baldwin, combien de voix seraient données à la Révolution, en Angleterre, si la population était avertie à l'avance que le seul (?) résultat du bouleversement serait la nécessité de travailler avec un rendement plus élevé (rires et approbation). Trotsky dit dans son livre : " Il y avait, et il y a en Russie, avant et après la Révolution, la nature inchangée de l'homme russe (? !)". Trotsky, homme d'action, ayant étudié la réalité, a découvert peu à peu, en y résistant, ce que Mr. Webb à découvert, il y a déjà deux ans : l'inéluctabilité des gradations (rires et approbation). "

Il est certes très flatteur d'être recommandé à l'auditoire conservateur de Leeds. Nous doutons qu'un mortel puisse en général demander davantage. Il est presque aussi flatteur de devenir le voisin immédiat de Mr. Sydney Webb, prophète de la gradation. Mais avant d'accepter cette qualité, nous ne serions pas fâché de recevoir de Mr. Baldwin quelques éclaircissements autorisés.

Il n'est jamais venu à l'idée ni à nos maîtres, ni, à nous-mêmes, même avant l'expérience des " toutes dernières années ", de nier la gradation du développement dans la nature, ainsi que dans la société humaine dans son économique, dans sa politique et dans ses mœurs. Nous voudrions seulement nous entendre sur le caractère relatif de cette gradation. Ainsi, pour prendre un exemple familier à Mr. Baldwin, en sa qualité de protectionniste, nous rappellerons que l'Allemagne, peu à peu entrée, au cours du dernier quart de siècle passé, dans l'arène de la concurrence mondiale, devint pour l'Angleterre un rival extrêmement redoutable. Les choses en arrivèrent, comme on sait, à la guerre. Baldwin considère-t-il la guerre comme une manifestation des méthodes de gradation ? Pendant la guerre, le parti conservateur exigea " l'anéantissement des Huns " et. le renversement du Kaiser allemand par le glaive britannique. Du point de vue de la théorie des gradations, il eût été, semble-t-il, plus juste de s'en remettre à l'adoucissement des mœurs de l'Allemagne et à l'amélioration graduelle de ses relations avec l'Angleterre. Mais, pour autant qu'il nous en souvient, Mr. Baldwin repoussait catégoriquement, dans la période qui va de 1914 à 1918, l'application de la méthode des gradations aux relations anglo-allemandes, et tentait de résoudre le problème à l'aide de plus fortes quantités de matières explosives. Nous présumons que la dynamite et la lignite ne peuvent guère être considérées comme des moyens appropriés à l'action conservatrice évolutive. L'Allemagne d'avant-guerre n'était pas, de son côté, sortie toute armée un beau matin de l'écume des mers. Non, elle s'était graduellement développée en partant de son insignifiance économique d'autrefois. Il y avait. pourtant eu dans ce processus graduel de certaines interruptions : c'est ainsi que les guerres que la Prusse fit en 1864 au Danemark, en 1866 à l'Autriche, en 1870 à la France, jouèrent un rôle colossal dans l'accroissement de sa puissance et lui conférèrent la possibilité de s'engager victorieusement dans la voie de la concurrence avec l'Angleterre.

La richesse, résultat du travail humain, se crée, sans nul doute avec de certaines gradations. Mr. Baldwin consentira peut-être néanmoins à reconnaître que les années de guerre ont provoqué dans le développement de la richesse des États-Unis un bond prodigieux en hauteur. La gradation de l'accumulation a été brutalement interrompue par le cataclysme qui a entraîné l'appauvrissement de l'Europe et l'enrichissement sans mesure de l'Amérique.

Mr. Baldwin a lui-même narré dans un discours parlementaire consacré au trade-unionnisme la saute qui s'était produite dans sa propre destinée. Mr. Baldwin dirigea dans sa jeunesse une fabrique qui se transmettait de génération en génération, où les ouvriers naissaient et mouraient, et où régnait, par conséquent, sans partage, le principe de la gradation patriarcale. Mais une grève de mineurs éclata. La fabrique se trouva, faute de charbon, dans 1"impossibilité de travailler et Mr. Baldwin se vit obligé de la fermer et de licencier " ses " mille ouvriers. Il peut, il est vrai, arguer de la mauvaise volonté des mineurs, qui l'obligèrent à attenter au principe sacré du conservatisme. Les mineurs pourraient probablement arguer à leur tour de la mauvaise volonté de leurs patrons qui les avaient obligés à une grève grandiose, représentant une interruption du processus monotone de l'exploitation. Mais, en fin de compte, les motifs subjectifs nous sont dans ce cas indifférents. Il nous suffit de constater que la gradation s'accompagne, dans différents domaines de la vie, de catastrophes, d'interruptions et de bonds en haut et en bas. Le long processus de la rivalité de deux États prépare graduellement la guerre, le mécontentement des ouvriers exploités prépare graduellement, la grève, la mauvaise administration d'une banque prépare graduellement la faillite.

L'honorable leader conservateur peut, il est vrai, dire que des interruptions de la gradation, telles que la guerre et la faillite, l'appauvrissement de l'Europe et l'enrichissement de l'Amérique à son détriment, sont fort tristes, et qu'il faudrait, de façon générale, les éviter. A cela, nous n'avons rien à répondre, sinon que l'histoire des peuples est, dans une importante mesure, celle des guerres, et que l'histoire du développement économique s'orne de la statistique des faillites. Mr. Baldwin dirait probablement ici que telles sont les propriétés de la nature humaine. Admettons-le ; mais cela signifie précisément que la nature même de l'homme conjugue le développement graduel avec des sautes catastrophiques.

Pourtant, l'histoire de l'humanité n'est pas seulement celle des guerres, mais aussi celle des Révolutions. Les droits seigneuriaux, acquis au cours de siècles et minés ensuite, au cours de siècles, par le développement économique, furent balayés en France par le seul acte du 4 août 1789. La Révolution allemande anéantit le 9 novembre 1918 l'absolutisme germanique, miné par l'action du prolétariat, et sapé par les victoires militaires des alliés. Nous avons déjà rappelé que l'un des mots d'ordre de guerre du gouvernement britannique était celui-ci : " Guerre. jusqu'à l'écrasement total de l'impérialisme germanique ". Mr. Baldwin ne pense-t-il pas que, dans la mesure où la catastrophe militaire a préparé à l'Allemagne avec une certaine participation à cette œuvre de Mr. Baldwin lui-même, - la catastrophe révolutionnaire, tous ces événements ne se sont pas accomplis sans porter un préjudice appréciable aux gradations historiques ? On peut, certes, objecter que les coupables sont ici le militarisme allemand et par surcroît la volonté malfaisante du Kaiser. Nous croyons bien volontiers que si Mr. Baldwin avait créé le monde, il n'aurait pas manqué de le peupler de kaisers les mieux intentionnés et des militarismes les plus débonnaires. Mais le Premier anglais n'en a pas eu l'occasion. Et nous l'avons entendu dire que les hommes, le Kaiser y compris, ne naissent ni égaux, ni bons, ni frères. Il faut donc prendre le monde tel qu'il est. Il y a plus : si la défaite de l'impérialisme germanique est un bien, il faut admettre que la Révolution allemande, achevant l'œuvre de la défaite militaire, en a été un autre, c'est-à-dire que la catastrophe qui renversa d'un seul coup l'édifice érigé peu à peu fut un bien.

Mr. Baldwin peut, il est vrai, objecter que tout ceci ne se rapporte pas directement à l'Angleterre et que le principe de la gradation n'a trouvé son expression légitime que dans ce pays élu. S'il en était ainsi, Mr. Baldwin aurait eu tort d'en référer à mes propos se rapportant à la Russie et de prêter par là-même au principe de la gradation un caractère universel, général, absolu. Mon expérience politique ne le confirme pas. Pour autant que je m'en souviens, trois Révolutions se sont accomplies en Russie : en 1905, en février 1917 et en octobre 1917. Pour ce qui est de celle de février, Buchanan, qui n'est pas un inconnu pour Mr. Baldwiu, et qui considérait, de toute évidence, à ce moment, non sans l'aveu de son gouvernement, qu'une petite catastrophe révolutionnaire à Pétersbourg, favoriserait davantage les intérêts de la Grande-Bretagne que la gradation de Raspoutine, y contribua dans une modeste mesure.

Mais est-il enfin vrai que le " caractère et l'histoire du peuple anglais " soient, à un degré aussi décisif et inconditionnel, pénétrés des traditions conservatrices de la gradation ? Est-il vrai que le peuple anglais soit tellement hostile aux " transformations violentes" ? D'abord, toute l'histoire de l'Angleterre est celle des transformations violentes effectuées par les classes dominantes britanniques dans la vie… des autres peuples. A titre d'exemple, il nous intéresserait de savoir si la conquête de l'Inde ou de l'Egypte peut être expliquée à l'aide du principe de la gradation ? La politique des classes possédantes anglaises à l'égard de l'Inde a été définie avec la plus grande franchise par lord Salisbury, en ces termes : " L'Inde doit être saignée ". (India must be bled.) Il n'est pas superflu de rappeler que Salisbury fut le leader du parti aujourd'hui dirigé par Mr. Baldwin. Ajoutons encore, entre parenthèses, qu'à la suite de la conjuration parfaitement organisée de la presse bourgeoise, le peuple anglais ignore en fait ce qui se passe aux Indes (Nota bene : et c'est précisément ce qui s'appelle la démocratie). Rappelons-nous l'histoire de l'Irlande infortunée, histoire riche en manifestations des méthodes évolutives des classes dominantes britanniques. Nous ne nous souvenons pas que la soumission de l'Afrique du Sud [2] se soit heurtée aux protestations de Mr. Baldwin, et pourtant, lorsque les troupes du général Roberts eurent rompu le front de défense des colons boers, il est fort douteux que ces derniers aient vu, dans cette action, une manifestation particulièrement persuasive du principe de la gradation. Tout ceci s'applique, il est vrai, à l'histoire extérieure de l'Angleterre, Il reste pourtant étrange que le principe de la gradation évolutive, qui nous est recommandé comme un principe général, cesse d'agir en dehors des frontières de l'Angleterre : aux frontières de la Chine, quand il faut contraindre par la guerre ce pays à acheter de l'opium ; aux frontières de la Turquie, quand il faut arracher Mossoul à cette dernière ; aux frontières de la Perse et de l'Afghanistan, quand il faut imposer à ces pays la soumission à l'Angleterre…. N'est-il pas permis d'en conclure que l'Angleterre réussissait d'autant mieux à appliquer la gradation dans ses propres frontières qu'elle exerçait avec de plus grands succès la violence contre d'autres peuples? Précisément. Pendant trois siècles, l'Angleterre a soutenu une série ininterrompue de guerres tendant à élargir, par la piraterie et la violence exercées contre d'autres nations, son champ d'exploitation, à ravir les richesses d'autrui, à porter un coup mortel à la concurrence commerciale de l'étranger, à anéantir les forces navales de ce dernier, et à enrichir ainsi les classes dominantes britanniques. L'étude sérieuse des faits et de leur liaison intérieure nous amène infailliblement à là conclusion que les classes dominantes de l'Angleterre réussissent d'autant mieux à éviter des ébranlements révolutionnaires à l'intérieur du pays qu'elles réussissaient, à l'aide de guerres et de bouleversements variés des pays étrangers, à augmenter leur puissance matérielle, obtenant ainsi la possibilité de contenir, grâce à des concessions opportunes toujours parcimonieuses, l'indignation révolutionnaire des masses. Mais cette conclusion, tout à fait incontestable en soi, démontre tout juste le contraire de ce que voulait démontrer Baldwin, l'histoire de l'Angleterre attestant en réalité qu'on ne peut assurer le développement pacifique d'un pays qu'à l'aide d'une série ininterrompue de guerres, de conquêtes coloniales et de bouleversements sanglants. Ce qui ne ressemble guère à la gradation.

Un vulgarisateur assez connu de l'histoire d'Angleterre pour les masses populaires, Gibbons, écrit dans son esquisse de l'histoire de l'Angleterre contemporaine : " En général - quoique cette règle connaisse naturellement des exceptions - l'appui donné aux libertés politiques et aux gouvernements constitutionnels est le principe dirigeant de la politique étrangère de l'Angleterre ". Cette phrase est en réalité remarquable ; profondément officieuse, d'un esprit national, traditionnel, elle ne laisse rien subsister de l'hypocrite doctrine de la non-intervention dans les affaires des autres peuples ; elle témoigne aussi que l'Angleterre encouragea le mouvement constitutionnel dans d'autres pays, pour autant que ce fut conforme à ses intérêts commerciaux et autres ; dans les cas contraires, " cette règle connut des exceptions ", dit l'inimitable Gibbons. Toute l'histoire de l'Angleterre est représentée, pour l'édification de son propre peuple, en contradiction avec la doctrine de la non-intervention, comme une lutte glorieuse pour la liberté, soutenue dans tout l'univers, par le gouvernement britannique. Toute nouvelle entreprise de violence et de perfidie - guerre de l'opium avec la Chine, assujettissement de l'Egypte, guerre contre les Boers, intervention en faveur des généraux du tsar - est représenté comme une exception accidentelle à la règle. De sorte que la gradation apparaît maintes fois enfreinte, tantôt du côté de la liberté, tantôt du côté du despotisme.

On peut naturellement aller plus loin, et dire que la violence est admissible et même inévitable dans les relations internationales, mais qu'elle est condamnable entre les classes d'un même pays. Mais alors point n'est besoin de parler de la loi naturelle de la gradation qui présiderait, paraît-il, au développement de la nature entière et de la société. Il faut alors dire tout simplement : la classe opprimée doit soutenir la classe dominatrice de sa nation quand celle-ci exerce la violence à ses propres fins ; mais la classe opprimée n'a pas le droit de recourir à la violence pour s'assurer une meilleure situation dans une société fondée sur l'oppression. Ce ne sera pas une loi de la nature, mais une loi du code pénal de la bourgeoisie.

Pourtant, le principe du développement graduel et pacifique est loin d'être aussi dominant dans l'histoire intérieure de la Grande-Bretagne que ne le disent les philosophes conservateurs. En fin de compte, toute l'Angleterre actuelle est sortie de la Révolution conservatrice du XVIIe siècle. Les origines des whigs et des tories [3], qui mettent leur sceau sur l'histoire de l'Angleterre pendant prés de trois siècles, remontent à la puissante guerre civile de cette époque. Quand Mr. Baldwin en appelle aux traditions conservatrices de l'histoire d'Angleterre, nous nous permettrons de lui rappeler que la tradition du parti le plus conservateur repose sur la Révolution du milieu du XVIIe siècle. De même, l'argument portant sur le caractère du peuple anglais nous oblige à rappeler que ce caractère se forgea dans la guerre civile, qui mit aux prises les " têtes rondes " et les " cavaliers " [4]. Le caractère des indépendants [5] : petits bourgeois, négociants, artisans, agriculteurs fibres, petite noblesse rurale, gens pratiques, pieux, économes, laborieux et entreprenants, se heurta haineusement au caractère des classes dirigeantes, dissolues et orgueilleuses, de la vieille Angleterre : noblesse de cour, fonctionnarisme titré, épiscopat. Les uns et les autres étaient cependaut des Anglais. C'est aveu un lourd marteau de guerre qu'Olivier Cromwell forgea, sur l'enclume de la guerre civile, le caractère national qui assura, au cours de deux siècles et demi, à la bourgeoisie anglaise, une immense supériorité dans la lutte mondiale pour, ensuite, à la fin du XIXe siècle, se révéler trop conservateur, même au point de vue du développement capitaliste. Il va de soi que la lutte du Long Parlement avec le pouvoir personnel de Charles Ier [6] et la sévère dictature de Cromwell avait été préparée par l'histoire antérieure de l'Angleterre. Mais cela signifie seulement que les Révolutions ne se font pas arbitrairement, mais naissent, de façon organique, des conditions du développement social, et constituent tout au moins des étapes aussi inévitables dans le développement des rapports des classes d'un seul peuple entre elles que les guerres dans ceux des nations organisées. Peut-être Mr. Baldwin pourra-t-il découvrir dans cette gradation des acheminements une source de consolation théorique.

Les vieilles ladies conservatrices, entre autres Mrs. Snowden [7], qui découvrait récemment que les familles royales forment la classe la plus laborieuse de la société, frémissent vraisemblablement la nuit au souvenir de l'exécution de Charles Ier. Or, Macaulay, assez réactionnaire cependant, s'est approché de la compréhension de cet événement. " Les hommes qui le tenaient entre leurs mains (le roi), dit-il, n'étaient pas des assassins nocturnes. Ce qu'ils faisaient, ils le faisaient dans l'intention que ce fût un spectacle pour le ciel et la terre, qui restât gravé dans la mémoire éternelle. Ils jouissaient avidement de leurs propres tentations. L'antique constitution et l'opinion publique de l'Angleterre s'opposaient au régicide ; c'est justement pourquoi le régicide tentait particulièrement le parti qui aspirait à accomplir une Révolution politique et sociale complète. A cette fin, il lui était nécessaire de démolir d'abord de fond en comble toutes les pièces de la machine gouvernementale ; et cette nécessité lui était plutôt agréable que pénible… Une Haute Cour de Justice fut instituée. Elle reconnut Charles tyran, traître, assassin, ennemi du peuple ; et la tête du roi tomba, devant des milliers de spectateurs, vis-à-vis de la salle des fêtes de son propre palais. " Du point de vue de l'aspiration des puritains à démolir de fond en comble toutes les pièces de l'ancienne machine gouvernementale, il était tout à fait secondaire que Charles Stuart fût un gredin extravagant, faux et poltron. Ce n'est pas seulement à Charles Ier, c'est aussi à l'absolutisme monarchique que les puritains portèrent un coup mortel, des fruits duquel les protagonistes de la gradation parlementaire bénéficient jusqu'à ce jour.

Le rôle des Révolutions dans le développement politique et social, en général, de l'Angleterre, ne s'épuise pourtant pas au XVIIe siècle. On peut dire - bien que cela paraisse paradoxal - que tout le développement le plus moderne de l'Angleterre s'est accompli avec l'aide des Révolutions européennes. Nous ne donnerons ici qu'une énumération sommaire de ses principales phases ; peut-être ne sera-t-elle pas utile qu'à Mr. Baldwin.

La grande Révolution française donna une puissante impulsion au développement des tendances démocratiques en Angleterre et, par-dessus tout, au mouvement ouvrier, que les lois d'exception de 1799 réduisirent à l'illégalité. La guerre contre la France révolutionnaire ne fut populaire que parmi les classes dirigeantes. Mécontentes du gouvernement Pitt [8], les masses populaires sympathisaient avec la Révolution française. La création des trade-unions fut dans une importante mesure le résultat de l'influence de la Révolution française sur les masses laborieuses d'Angleterre.

La victoire de la réaction sur le continent, accroissant l'importance des landlords, amena en 1815 la restauration des Bourbons en France et l'établissement des droits sur les blés en Angleterre.

La Révolution de juillet 1830 en France donna l'impulsion au premier bill sur la réforme électorale de 1831 en Angleterre : la Révolution bourgeoise du continent amenait la réforme bourgeoise de l'Ile Britannique.

La réorganisation radicale de l'administration du Canada, dans le sens d'une large autonomie, eut lieu après l'insurrection canadienne de 1837-1838.

Le mouvement révolutionnaire du chartisme amena en 1844-1847 à la journée de travail de 10 heures, et en 1846 à l'abolition des droits sur les blés. La défaite du mouvement révolutionnaire sur le continent en 1848, signifia non seulement un fléchissement du mouvement chartiste, mais encore un ralentissement prolongé de la démocratisation du Parlement anglais.

La réforme électorale de 1868 fut précédée de la guerre civile aux États-Unis [9]. Quand, en 1861, la guerre éclata en Amérique entre le Nord et le Sud, les ouvriers anglais manifestèrent leurs sympathies pour les États du Nord, tandis que celles des classes dirigeantes allaient tout entières aux propriétaires d'esclaves. Il est édifiant que le libéral Palmerston [10], surnommé le " lord incendiaire ", et nombre de ses collègues, y compris le fameux Gladstone, sympathisèrent avec le Sud et s'empressèrent de reconnaître aux États du Sud la qualité de partie belligérante, au lieu de celle d'insurgés. On construisit sur les chantiers anglais des vaisseaux de guerre pour les " sudistes ". Le Nord l'emporta néanmoins, et cette victoire révolutionnaire remportée sur le territoire des États-Unis procura à une partie de la classe ouvrière anglaise le droit de vote (loi de 1876). En Angleterre même, la réforme électorale s'accompagna d'un mouvement littéralement orageux, dont les " journées de juillet " 1868, marquées par 48 heures de troubles graves, furent l'aboutissement.

La défaite de la Révolution de 1848 avait affaibli les ouvriers anglais, la Révolution russe de 1905 les fortifia d'un seul coup. Après les élections générales de 1906, le Labour Party forma, pour la première fois au Parlement, une importante fraction de 42 membres. Ainsi, se manifestait indéniablement l'influence de la Révolution russe de 1905.

En 1918, dès avant la fin de la guerre, une nouvelle réforme électorale, élargissant considérablement le cadre des électeurs ouvriers et accordant, pour la première fois, le droit de vote aux femmes, était accomplie en Angleterre. Mr. Baldwin lui-même ne niera probablement pas que la Révolution russe de 1917 ait donné la principale impulsion à cette réforme. La bourgeoisie anglaise croyait possible d'éviter par ce moyen une Révolution. Il ne suffit donc pas, pour l'accomplissement même des réformes, du seul principe de la gradation, et il faut la Menace réelle de la Révolution.

Un coup d’œil jeté sur l'histoire de l'Angleterre au cours des 150 dernières années, dans les cadres du développement général de l'Europe et du monde, montre que l'Angleterre exploita, non seulement économiquement, mais encore politiquement, d'autres pays, diminuant ses frais généraux, grâce à la guerre civile, entretenue chez les peuples de l'Europe et de l'Amérique.

Quel sens ont donc les deux phrases que Mr. Baldwin tire de mon livre pour les opposer à la politique des représentants révolutionnaires du prolétariat anglais ? Il n'est pas difficile de montrer que le sens clair et direct de mes paroles est diamétralement opposé à celui dont a besoin Mr. Baldwin. Plus il a été facile au prolétariat russe de conquérir le pouvoir, et plus il a rencontré d'obstacles à son édification socialiste. Je l'ai dit et je le répète. Nos anciennes classes dirigeantes étaient économiquement et politiquement insignifiantes. Nos traditions parlementaires et démocratiques n'existaient pour ainsi dire pas. Il nous fut d'autant plus facile d'arracher les masses à l'influence de la bourgeoisie et de renverser la domination de celle-ci. Mais, justement parce que notre bourgeoisie tard venue avait fait peu de chose, nous ne reçûmes qu'un héritage médiocre. Nous avons maintenant à tracer des routes, à construire des ponts et des écoles, à apprendre aux adultes à lire et à écrire, etc., c'est-à-dire à exécuter le grand travail économique et culturel effectué dans de plus vieux pays capitalistes par le régime bourgeois. En ce sens précis, j'ai dit que plus il nous avait été facile de venir à bout de la bourgeoisie, et plus nous rencontrions des difficultés dans l'édification socialiste. Mais ce théorème politique suppose un théorème contraire : plus un pays est riche et cultivé, plus ses traditions parlementaires et démocratiques sont anciennes, et plus il est difficile au parti communiste de s'emparer du pouvoir ; mais plus l'édification socialiste, après la prise du pouvoir, y sera rapide et couronnée de succès. De façon plus concrète, la tâche est malaisée de renverser la domination de la bourgeoisie anglaise ; cette tâche exige une certaine gradation, c'est-à-dire une préparation sérieuse ; mais en revanche, le pouvoir conquis, ainsi que la terre, l'industrie, le mécanisme de la banque et du commerce, le prolétariat anglais pourra, avec beaucoup moins de sacrifices, avec beaucoup plus de succès, à une allure beaucoup plus rapide, effectuer la réorganisation socialiste de l'économie capitaliste. Tel est le théorème inverse qu'il m'est arrivé plus d'une fois d'exposer et de démontrer, et qui se rapporte de la façon la plus étroite à la question qui intéresse Mr. Baldwin.

Et ce n'est pas tout. Quand je parlais des difficultés de l'édification socialiste, je n'avais pas seulement en vue l'état arriéré de notre pays, je pensais aussi, à la formidable résistance extérieure que nous rencontrons. Mr. Baldwin sait probablement que les gouvernements britanniques dont il a fait partie ont dépensé prés de 100.000.000 de livres sterling en interventions militaires et en frais de blocus contre la Russie des Soviets. Le renversement du pouvoir des Soviets était, rappelons-le, le but de ces coûteuses entreprises : les conservateurs anglais, et les libéraux aussi, - à cette période, tout au moins, - renonçaient résolument, vis-à-vis de la République ouvrière et paysanne, au principe de la gradation et tendaient à résoudre un problème historique à l'aide d'une catastrophe. Il suffit en réalité de produire ce renseignement pour que toute la philosophie de la gradation apparaisse extrêmement semblable à la morale des moines de Heine qui boivent du vin, tout en recommandant l'eau à leurs ouailles [11]. Ainsi ou autrement, l'ouvrier russe, s'étant emparé le premier du pouvoir, s'est trouvé d'abord en face de l'Allemagne, puis en face de tous les pays de l'Entente dirigés par l'Angleterre et la France. Le pouvoir une fois pris, le prolétariat anglais n'aura contre lui ni le tsar russe, ni la bourgeoisie russe. Il trouvera au contraire un appui dans les immenses ressources matérielles et humaines de notre Union Soviétique, car - nous ne le cacherons pas à Mr. Baldwin - la cause du prolétariat anglais est la nôtre dans les mêmes proportions tout au moins que la cause de la bourgeoisie russe fut et reste, en réalité, celle des conservateurs anglais.

Mes paroles sur les difficultés de notre édification socialiste, le Premier britannique les interprète comme si j'avais voulu dire : Le jeu n'en vaut pas la chandelle. Ma pensée avait un caractère diamétralement opposé à celui-là : nos difficultés découlent d'une situation internationale qui nous est défavorable, à nous, pionniers socialistes ; surmontant ces difficultés, nous modifions la situation à l'avantage du prolétariat des autres pays ; de sorte que, dans le bilan international des forces, aucun de nos efforts révolutionnaires ne se perd et ne se perdra.

Nous tendons sans doute, comme l'indiquait Mr. Baldwin, au rendement le plus élevé du travail. Sans cela, l'augmentation du bien-être et de la culture du peuple serait inconcevable ; or, tel est le but essentiel du communisme. Mais l'ouvrier russe travaille aujourd'hui pour son propre compte. Héritiers d'une économie dévastée d'abord par la guerre impérialiste, ensuite par la guerre civile, celle-ci nourrie par l'intervention et le blocus, les ouvriers de la Russie ont déjà réussi à ramener l'industrie, presque immobilisée en 1920-1910, à une moyenne de 60% de son rendemcnt d'avant-guerre [12]. Ce résultat, aussi modeste qu'il soit, en comparaison avec nos fins, constitue un succès indéniable et sérieux. Si les 100.000.000 de livres sterlings dépensées par l'Angleterre en tentatives de bouleversements catastrophiques chez nous avaient été placées sous forme d'emprunts ou de capital de concessions dans l'économie soviétique pour contribuer à son relèvement graduel, nous aurions sans nul doute dépassé dès à présent le niveau d'avant-guerre de la production, nous paierions au capital anglais des intérêts élevés, et, ce qui est le principal, nous constituerions pour lui un marché vaste et sans cesse élargi. Ce n'est pas notre faute si Mr. Baldwin a enfreint le principe de la gradation, précisément là où il ne fallait pas l'enfreindre. Même, étant donné le niveau actuel, encore très bas de notre industrie, la situation de l'ouvrier s'est sensiblement améliorée par rapport à ce qu'elle était il y a peu d'années. Quand nous atteindrons le niveau de la production d'avant-guerre, - dans les deux ou trois prochaines années, - la situation de nos ouvriers sera incomparablement meilleure que ce qu'elle était avant la guerre. C'est justement pourquoi, et ce n'est que pour cela, nous nous sentons en droit. d'appeler le prolétariat russe à élever le rendement du travail. Une chose est de travailler dans les usines, les fabriques, les docks et les mines des capitalistes, et une autre de travailler dans les siens propres. Il y a là, Mr. Baldwin, une grande différence ! Et quand les ouvriers anglais s'empareront des puissants moyens de production que leurs ancêtres et eux-mêmes ont créés, ils emploieront toutes leurs forces à élever le rendement du travail. L'industrie anglaise en a le plus grand besoin, car, malgré ses acquisitions les plus grandes, elle est prise tout entière dans le filet de son propre passé. Mr. Baldwin paraît le savoir, tout au moins lorsqu'il dit dans son discours : " Nous devons dans une large mesure notre position, notre place dans le monde, au fait que nous avons été la première nation à connaître les souffrances infligées au monde par l'époque industrielle ; mais nous payons cher cette position privilégiée, et nos villes mal tracées, malsaines, avec leurs entassements de maisons, nos fabriques hideuses, notre atmosphère empoisonnée par les fumées sont une partie de cette rançon. " Il faut y ajouter l'éparpillement de l'industrie anglaise, son conservatisme technique, son insuffisante souplesse d'organisation. C'est justement pourquoi l'industrie anglaise le cède maintenant à l'industrie allemande et américaine. L'industrie anglaise a besoin, pour son salut, d'une réorganisation large et hardie. Il faut considérer le sol et le sous-sol de l'Angleterre comme la base d'une économie unique. Alors seulement l'industrie houillère pourra être réorganisée sur des bases saines. La production et la répartition de l'énergie électrique, en Angleterre, se distinguent par un éparpillement et par un état arriéré extrêmes tous deux; les tentatives de la rationaliser rencontrent à chaque pas la résistance des intérêts particuliers. Il n'est pas que le tracé des villes qui soit mauvais, en raison de leurs origines historiques. Toute l'industrie anglaise, graduellement chargée de superstructures, manque de système et de plan. On ne peut lui insuffler une vie nouvelle qu'en l'abordant comme un tout unique. Mais c'est inconcevable tant que la propriété privée des moyens de production est maintenue. Le but essentiel du socialisme est d'élever la puissance économique du peuple. On ne peut concevoir que sur cette base la construction d'une société humaine, plus harmonieuse, plus cultivée, plus heureuse. Si Mr. Baldwin est contraint, malgré toutes ses sympathies pour la vieille industrie anglaise, de reconnaître que les nouvelles formes du capitalisme - trusts et syndicats - représentent un progrès, nous considérons que le trust unique de la production socialiste représente un immense pas en avant, par rapport aux trusts capitalistes. Mais ce programme ne peut se réaliser sans la transmission de tous les moyens de production à la classe ouvrière, c'est-à-dire sans expropriation de la bourgeoisie, Baldwin rappelle lui-même les " forces titaniques qui furent libérées par la Révolution industrielle du XVIIIe siècle et modifièrent la physionomie du pays ainsi que tous les traits de sa vie nationale ". Pourquoi Baldwin parle-t-il dans ce cas d'une Révolution et non d'un développement graduel ?  Parce qu'à la fin du XVIIIe siècle, des transformations radicales, qui amenèrent en particulier à l'expropriation des petits producteurs, s'accomplirent. Pour quiconque se rend compte de la logique intérieure du procès historique, il doit être évident que la Révolution industrielle du XVIIIe siècle, qui transforma la Grande-Bretagne du haut en bas, eût été impossible sans la Révolution politique du XVIIe siècle. Sans une Révolution faite au nom des droits de la bourgeoisie et de son esprit pratique - contre les privilèges aristocratiques et l'oisiveté des nobles - l'esprit, si grand, des inventions techniques, ne se fût pas éveillé, et il n'y aurait eu personne, d’ailleurs, pour appliquer les inventions à des fins économiques. La Révolution politique du XVIIe siècle, née de tout le développement antérieur, prépara la Révolution industrielle du XVIIIe siècle. L'Angleterre a besoin, à cette heure, comme tous les pays capitalistes, d'une Révolution économique dépassant de loin par sa portée historique la Révolution industrielle du XVIIIe siède. Et cette nouvelle Révolution économique - la reconstruction de toute l'économie d'après un plan socialiste unique - ne peut s'accomplir sans une Révolution politique préalable. La propriété privée des moyens de production est en ce moment une entrave beaucoup plus lourde au développement économique que ne le furent. en leur temps les privilèges des métiers, forme de la propriété petite-bourgeoise. Comme la bourgeoisie n'abdiquera, en aucun cas, de son plein gré, ses droits de propriété, il est nécessaire de recourir hardiment à la violence révolutionnaire. Jusqu'à présent, l'histoire n'a pas encore inventé d'autres méthodes. Et il ne sera pas fait d'exception pour l'Angleterre.

En ce qui concerne la deuxième citation que m'impute Mr. Baldwin, ma stupéfaction n'a pas de bornes. Je. nie catégoriquement avoir jamais dit, à aucun moment, qu'il existe je ne sais quelle nature invariable de l'homme russe, que la Révolution aurait été impuissante à modifier. D'où vient cette citation ? Une longue expérience m'a appris que les citations, même faites par les premiers ministres, ne sont pas toujours exactes. J'ai tout à fait par hasard, retrouvé dans mon petit livre sur les Questions du travail culturel, un passage qui se rapporte entièrement et pleinement à notre sujet. Le voici dans son intégralité:

" Quelles sont donc les raisons de notre espérance de vaincre ? La première, c'est que 1’esprit critique et l'activité des masses se sont éveillés. Par la Révolution, notre peuple s'est ouvert une fenêtre sur l'Europe - en entendant par Europe la culture européenne - de même que deux cent et quelques années auparavant, la Russie du tsar Pierre ouvrait, pour les milieux privilégiés d'un État de nobles et de fonctionnaires, non une fenêtre, mais une meurtrière sur l'Europe. Les qualités passives de douceur et de résignation que les idéologues officiels ou volontairement insensés déclaraient qualités sacrées, spécifiques et invariables du peuple russe, et qui n'étaient en réalité que l'expression de sa résignation d'esclave et de son éloignement de la culture, ces qualités misérables, ces qualités honteuses, ont reçu en octobre 1917 un coup mortel. Cela ne veut pas dire, bien entendu, que nous ne portons pas en nous l'héritage du passé. Nous le portons et nous le porterons longtemps encore. Mais une grande transformation, et pas seulement matérielle, psychique, s'est accomplie. Personne n'osera plus recommander au peuple russe de bâtir sa destinée sur les fondements de la douceur, de la soumission et de la patience dans la souffrance. Non, désormais les vertus de plus en plus profondément ancrées dans la conscience populaire seront : critique, activité, création collective. Et c'est, avant tout, sur cette immense conquête populaire que repose, pour toute notre œuvre, notre espérance de succès. "

C'est, comme on voit, très différent de ce que, m'impute Mr. Baldwin. Il convient de dire, à sa justification, que la constitution britannique n'impose pas au Premier l'obligation des citations exactes. Et pour ce qui est des précédents, puisqu'ils jouent dans la vie britannique un si grand rôle, ils ne manquent certes pas : quant aux citations fausses, quelle n'est pas la valeur inestimable du seul William Pitt !


On pourrait objecter : Y a-t-il un sens à discuter Révolution avec le chef des tories ? Quelle importance peut bien avoir pour la classe ouvrière la philosophie historique d'un Premier conservateur ? Mais c'est ici qu'apparaît le clou de la question : la philosophie de Macdonald, de Snowden, de Webb et des autres leaders du Labour Party n'est qu'une transposition de la théorie historique de Baldwin. Nous le montrerons plus loin avec toutes les… gradations nécessaires.


Notes

[1] Robert Owen (1771-1858), célèbre socialiste utopiste anglais, fils d'un bourrelier. Dans sa jeunesse, fut commis à Londres et dans d'autres villes. A 20 ans, directeur d'une fabrique textile de Manchester, acquit bientôt une fabrique à la New-Lamark (Écosse) où il appliqua pratiquement ses vues de réformateur social. Diminua la journée de travail, augmenta les salaires, construisit des ateliers hygiéniques, etc. Ces mesures augmentèrent sensiblement le rendement du travail. Le succès amena Owen à préconiser parmi les industriels la promulgation d'une législation industrielle conçue dans l'esprit de ses réformes. Ne se bornant pas à l'agitation dans la bourgeoisie anglaise, Robert Owen se rendit en France, en Allemagne et ailleurs, afin d'entretenir divers hommes d'État de ses projets de solution de la question ouvrière. N'ayant obtenu aucun résultat, il se rendit en Amérique, où il créa des " communes d'intérêt organique ", y continuant ses expériences, sans grand succès toutefois. L'attitude d'Owen envers le chartisme fut négative. Il considéra la lutte de classe du prolétariat comme une erreur et crut à la possibilité d'une paisible collaboration entre la classe ouvrière et la bourgeoisie.

[2] La conquête de l'Afrique du Sud. Dès 1806-1814, l'Angleterre conquit plusieurs colonies hollandaises de l'Afrique du Sud. Ses possessions dans cette région n'allaient plus cesser de s'étendre. Incitant les peuples noirs à se combattre sans cesse les uns les autres, agissant par la force et par la corruption, l'Angleterre s'empara peu à peu de presque tous les pays avoisinant les républiques Boers - fondées par les descendants des colons hollandais - s'efforçant de couper ces républiques de la mer, ce qui lui réussit. Quand, en 1872, des mines d'or furent découvertes au Transvaal, l'Angleterre exigea la soumission de cet État au contrôle britannique. Les Boers s'y refusèrent et, de plus en plus molestés par les Anglais, finirent, en 1880, par leur déclarer la guerre. Ils remportèrent, au cours des hostilités, une série de succès marqués. Le libéral Gladstone, ayant repris au pouvoir la succession du conservateur Beaconsfield, fit dans la même année des propositions de paix aux Boers aux conditions suivantes : soumission des républiques sud-africaines du Transvaal et d'Orange au contrôle britannique, paiement des frais de la guerre par les Boers, autonomie de l'administration intérieure. Le traité définitif ne fut conclu Qu'un peu pins tard, à des conditions moins pénibles pour les Boers : la politique étrangère du Transvaal tomba pourtant sous la dépendance absolue de l'Angleterre. En 1894, à la suite de la découverte au Transvaal de nouvelles mines d'or, la lutte entre les populations agricoles du pays et les nouveaux venus anglais s'envenima, les Boers ne consentant pas à abandonner leurs richesses à l'exploitation britannique. L'impérialisme anglais était en plein épanouissement ; la lutte entre les conquérants et les deux républiques sud-africaines devint âpre. Le Transvaal et l'État libre d'Orange conclurent une alliance défensive contre les Britanniques. En 1895, l'administrateur de la Rhodesia - colonie anglaise de l'Afrique du Sud - Jameson, soutenu en secret par le gouvernement anglais, organisa une agression contre les Boers ; le " raid Jameson " se termina par un échec. La lutte continua dans les deux républiques. Les possesseurs anglais des mines d'or du Transvaal et de l'État libre d'Orange, désireux de rompre les entraves qui les empêchaient d'exploiter à leur gré le pays, aspiraient à sa conquête pure et simple. L'Angleterre déclara la guerre aux Boers en 1899. Le Transvaal fut envahi en 1900, et l'État libre d'Orange en 1902. Après la conquête, la main-d'œuvre jaune et noire, payée à vil prix, fut largement employée dans les mines, le salaire des ouvriers blancs baissa en conséquence, et l'exploitation du pays par les Anglais fut poussée à fond. La brutale conquête de l'Afrique du Sud provoqua en son temps un sursaut d'indignation des masses ouvrières de l'Europe. Les gouvernements mêmes, inquiétés par le développement de la puissance anglaise, élevèrent. des protestations contre la violence britannique et manifestèrent leur sympathie aux Boers.

[3] Les whigs et les tories forment les deux plus anciens partis politiques de l'Angleterre. Leurs origines remontent aux " Têtes-rondes " et aux " cavaliers " de l'époque du Long Parlement (1640) (Voir la note 15). Les " Têtes-rondes ", représentant la petite bourgeoisie commerçante, firent la force principale du parlement révolutionnaire. Leur parti donna naissance à celui des whigs. Celui des " cavaliers ", partisans, lors de la grande Révolution, de l'affermissement du pouvoir royal, devait devenir par la suite le parti des tories. Les whigs et les tories reçurent ces nouvelles appellations en 1679, lorsque, à la mort de Charles II, la question de l'avènement au trône de Jacques II, prince catholique et réactionnaire, se posa au Parlement, Les adversaires de Jacques II furent appelés les whigs et ses partisans devinrent les tories. Ces deux partis se cristallisèrent plus tard, les whigs, comme l'organisation de classe de la bourgeoisie industrielle et commerçante, les tories, comme celle de l'aristocratie et de la grande propriété foncière. Au cours de l'histoire ultérieure de l'Angleterre, les whigs travaillèrent à élargir les droits du parlement et à restreindre ceux de la royauté, que défendirent, par contre, les tories. Toute l'histoire de l'Angleterre au XVIIIe et dans la première moitié du XIXe siècles est celle de la lutte incessante des whigs et des tories pour le pouvoir, lutte qui, du reste, ne les empêcha pas de s'unir contre le mouvement ouvrier. Les whigs, pourtant, s'appuyèrent dans une large mesure, contre les tories, sur la classe ouvrière, alors dépourvue d'un parti à elle. Le passage des whigs aux tories furent fréquents, ainsi que des évolutions inverses : les tories de gauche s'unirent souvent, pour obtenir certaines réformes, aux whigs dont ils formèrent la droite ; de leur côté , les droitiers whigs devinrent plus d'une fois des tories de gauche. Après la grande victoire des whigs - la réforme électorale de 1832 - les whigs et les tories perdent, avec leurs anciennes appellations, leur physionomie primitive : les whigs, peu à peu confondus avec les radicaux et les tories libéraux, forment le parti libéral; les tories deviennent le noyau principal du parti conservateur. Le parti whig, qui fut au début l'organisation de classe de toute la bourgeoisie industrielle et commerçante, devint, après sa transfiguration en parti libéral, le représentant des intérêts de la petite et de la moyenne bourgeoisie industrielle et commerçante. L'ancien parti de l'aristocratie foncière, celui des tories, devient le parti conservateur, dont l'aristocratie foncière et la grande bourgeoisie industrielle et financière forment l'assise principale.

[4] Têtes-rondes et Cavaliers dans la guerre civile du XVIIe siècle. Ancêtres des whigs et des tories, les partis des " Têtes-rondes " et des " cavaliers " se constituèrent en Angleterre à l'époque du Long Parlement, convoqué en 1640. Le parti des cavaliers défendit le pouvoir royal et s'appuya sur la garde du roi. Les nobles propriétaires fonciers en furent l'élément dominant. Dans le domaine religieux, ce parti chercha à affermir la vieille Église anglicane épiscopale. Les " Têtes-rondes ", ennemis des cavaliers, voulaient l'affermissement d'un système parlementaire constitutionnel et la rénovation de l'Église dans l'esprit puritain ; les petits bourgeois et les artisans, les commerçants, les yeomen (petits tenanciers libres) formaient la force principale de ce parti. La guerre civile jeta les cavaliers dans les rangs de l'armée royale, contre laquelle les Têtes-rondes levèrent l'armée révolutionnaire du Parlement. Les Têtes-rondes l'emportèrent. Les " Indépendants " s'étaient joints à eux (voir la note 16). Une partie des Têtes-rondes combattit par la suite les modérés du Long Parlement, qui voulaient une monarchie limitée.

[5] Les Indépendants étaient contre l'absolutisme royal et l'Église anglicane. Leur existence politique était de beaucoup antérieure à la Révolution du XVIIe siècle. Systématiquement persécutés, ils émigraient un masse, en Amérique et en Hollande. Quand éclata la Révolution anglaise, ils s'unirent à l'armée révolutionnaire du Parlement, et conduits par Cromwell, sortirent victorieux de la guerre civile. Ils se recrutaient presque entièrement dans la petite bourgeoisie urbaine et rurale. Il y avait parmi eux des républicains et des partisans de la monarchie modérée. La restauration amena de nouvelles persécutions contre eux ; ils émigrèrent en masse en Amérique, où ils allaient perdre peu à peu leur esprit révolutionnaire et devenir une des nombreuses sectes religieuses du Nouveau Monde.

[6] La lutte du Long Parlement contre l'absolutisme de Charles Ier. Le Long Parlement, convoqué en 1640, par Charles Ier, après une interruption du travail parlementaire qui avait duré onze ans, adopta tout de suite vis-à-vis du roi une attitude d'opposition intransigeante. Il ordonna l'arrestation et l'exécution du ministre Strafford, l'un des principaux chefs de la réaction, exigea la libération immédiate de tous les détenus politiques et des sujets arrêtés pour avoir refusé de verser l'impôt, déclara illégaux les impôts dépourvus de la sanction du Parlement. Le roi perdit le droit de dissoudre le Parlement. Le Long Parlement adressa à Charles Ier l'acte connu sous le nom de " grande remontrance ", où étaient exposés les principes fondamentaux de la constitution anglaise. Le roi lui refusa sa sanction et ordonna l'arrestation de cinq leaders de l'opposition parlementaire. Le Parlement ayant refusé de livrer les chefs populaires, les deux partis en présence se préparèrent hâtivement à la guerre civile.

[7] Mrs Snowden, militante en vue du mouvement fabien, épouse de Philipp Snowden, un des chefs de l'Independent Labour Party (Parti Ouvrier Indépendant). Visita en 1920, avec la délégation ouvrière anglaise, la Russie des Soviets. Publia ensuite un livre intitulé : A travers la Russie bolchévique.

[8] William Pitt (junior) (1759-1806). Homme d'État anglais. Défendit et concilia les intérêts des grands propriétaires fonciers et de la bourgeoisie industrielle. Resta jusqu'en 1801 à la tête du ministère qu'il avait formé en 1783. Fut, en politique intérieure et extérieure, un libre-échangiste modéré. poursuivit, à l'égard des colonies une politique d'asservissement complet et d'exploitation sans vergogne. La grande Révolution française, qui donna une impulsion au mouvement révolutionnaire anglais et menaça la puissance de l'Angleterre sur le continent, eut en Pitt un ennemi irréconciliable. Il fut l'organisateur et l'âme de toutes les coalitions contre-révolutionnaires formées contre la France jacobine, dont les succès politiques et militaires se multipliaient. L'occupation de la Belgique par les armées révolutionnaires amena, en 1793, Pitt à déclarer la guerre à la France. Il réprima avec cruauté le soulèvement de l'Irlande (1798) qui avait éclaté sous l'influence de la Révolution française. A partir de ce moment, les rigueurs de la répression redoublèrent en Angleterre même. Cette période de l'activité contre-révolutionnaire de Pitt fut caractérisée par la persécution des révolutionnaires, les subsides prodigués aux armées de la contre-révolution française, la corruption de la presse, l'organisation de la calomnie contre la France, l'intrigue incessante dans les autres pays, qu'il s'agissait de pousser contre la République révolutionnaire. Pitt incarna aux yeux des Français la contre-révolution mondiale,; les ennemis des jacobins furent souvent appelés " agents de Pitt ". Rendu impopulaire par les revers de l'Angleterre, le cabinet Pitt tomba en 1801. Mais, en 1804, les éclatantes victoires de Napoléon menaçant la situation internationale de l'Angleterre, la bourgeoisie anglaise rappela Pitt au pouvoir. Il mourut peu de temps après.

[9] La guerre civile aux Etats- Unis et la réforme électorale de 1867 en Angleterre. La guerre civile des États-Unis, dite guerre de Sécession, qui mit aux prises les États du Nord et ceux du Sud, dura quatre ans, de 1861 à 1865. Elle fut le résultat de l'antagonisme grandissant des États industriels du Nord et des États agricoles du sud, où les planteurs de coton avaient maintenu l'esclavage. L'élection du président Lincoln, membre du parti républicain et partisan de l'abolition de l'esclavage, en novembre 1860, détermina l'ouverture des hostilités. Les États du Sud, voyant dans l'élection de Lincoln une menace dirigée contre leur système économique, prirent les armes. Les chances parurent longtemps égales entre " sudistes " et " nordistes " ; le Nord finit cependant par remporter une victoire décisive, L'abolition complète de l'esclavage dans les États du sud, qui entrèrent ainsi dans la voie du libre développement capitaliste, en fut le résultat. La bourgeoisie anglaise soutint sans réserve les États du Sud, qui lui servaient de marché colonial et lui fournissaient du coton à vil prix. Les sympathies des masses ouvrières anglaises allèrent aux États du Nord. L'appui donné par le gouvernement de Londres aux sudistes provoqua dans les milieux ouvriers une protestation organisée. La victoire des nordistes compromit le gouvernement et entraîna, en Angleterre, la nouvelle réforme électorale. Celle-ci accorda le droit de vote aux habitants des comtés ne payant pas moins de 12 livres sterling d'impôt de loyer par an et à tous les citadins ne payant pas moins de 10 livres de loyer. Outre ces modifications du cens électoral, le nombre des députés fut accru. Un certain nombre de localités peu importantes au point, de vue de la population perdirent le droit de vote, tandis que les villes étaient avantagées. L'âge des électeurs fut fixé à 10 ans. Le nombre des électeurs augmenta d'un tiers dans les campagnes et doubla dans les villes. Au total, l'augmentation fut d'un million. Cette réforme électorale, bien qu'elle n'établit pas l'égalité de droits de tous les électeurs et conserva le cens, fut en son temps une grande victoire des ouvriers anglais.

[10] Palmerston, Henry John Temple (1784-1865), célèbre politique anglais. Commença sa carrière dans le parti tory, en qualité de fonctionnaire du ministère de la Guerre. Passa ensuite au parti whig et devint, en 1830, ministre des Affaires étrangères. Partisan, en politique intérieure, de certaines réformes libérales, Palmerston fut, en politique étrangère, un impérialiste résolu, et s'attacha à développer les conquêtes coloniales de l'Angleterre en Orient. Il fut un des inspirateurs de la guerre de Crimée (les Français et les Russes en Crimée, 1853-1856). Plusieurs fois contraint de démissionner, il revint toujours au pouvoir. Au sein du parti whig, se situa invariablement à l'extrême-droite. Ministre des Affaires étrangères à la fin de sa vie, fit une politique réactionnaire. Son rôle dans la politique étrangère de l'Angleterre a été très grand. Dès 1853, Marx l'appréciait en ces termes : " Henry John Temple, Vicomte Palmerston, descendant de pairs, fut, en 1807, lors de la constitution du ministère du duc de Portland, nommé lord de l'Amirauté, Ministre de la Guerre en 1809, le resta jusqu'en mai 1828. Passa en 1830, avec une extrême habileté aux whigs, au gouvernement desquels il fut le ministre perpétuel des Affaires étrangères. A l'exception des intervalles au cours desquels les tories exercèrent le pouvoir, c'est-à-dire de deux périodes allant de novembre 1834 à avril 1835, et de 1841 à 1846, il porte la responsabilité de toute la politique étrangère de l'Angleterre, depuis la Révolution de 1830 jusqu'à décembre 1851. "

[11] Ne voulant pas nous départir de notre discrétion, nous ne demandons pas - à titre d'exemple - dans quelle mesure les faux documents attribués à un État étranger et utilisés à des fins électorales peuvent être considérés comme des moyens conformes aux gradations du développement de la morale dite chrétienne de la société civilisée ? Mais, sans poser cette question délicate, nous ne pouvons pas renoncer à rappeler l'affirmation de Napoléon, selon laquelle la falsification des documents diplomatiques ne fut nulle part d'un usage aussi courant que dans la diplomatie anglaise. Or, la technique a réalisé depuis de grands progrès. Note de Trotsky.

[12] En 1925. (Note du traducteur).


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