1930

Avril 1930 : le combat pour unifier et souder l'Opposition de Gauche Internationale face à la tourmente qui s'annonce.


Œuvres - avril 1930

Léon Trotsky

21 avril 1930

Cher Camarade Landau,

Il n'y a des mois que je ne vous ai plus écrit. J'en ai d'abord été empêché par des affaires personnelles, puis je suis resté longtemps sans collaborateur allemand. Maintenant, j'ai heureusement la possibilité de mener une correspondance en allemand. Je vous ai déjà fait savoir par l'intermédiaire du camarade Olberg que je tiens pour très importants les faits que vous me communiquiez dans votre dernière lettre. Mais votre appréciation optimiste des succès obtenus ne me semble malheureusement pas correspondre à la situation réelle, il s'en faut même de beaucoup.

La conférence a produit sur les camarades étrangers un effet des plus pénibles à tous points de vue. Si cette fois-ci nous ne parvenons pas non plus à nous unir, cela ne pourra avoir qu'une seule signification : que les défaites, les luttes intestines, les erreurs commises, les manquements de la direction, les déceptions, etc... ont broyé les cadres dirigeants et les ont passablement usés, et qu'il faut former un nouveau noyau dirigeant. Bien entendu, si tous les efforts entrepris devaient se solder par un tel bilan, ce serait très funeste à tous points de vue pour l'opposition allemande et internationale.

Pour ma part, je n'ai pas abandonné l'espoir que le développement de l'opposition puisse encore se faire à partir des cadres actuels. Il devient de plus en plus clair qu'il faut épouser ces cadres pour en éliminer ceux qui nous ont rejoints pour mettre des bâtons dans les roues, et j'espère qu'il est non moins clair, d'autre part, qu'on ne peut parvenir à ce résultat qu'avec l'aide des plus larges cercles de l'opposition. Dans les deux parties il y a des éléments qui prennent au sérieux la cause de l'Opposition, qui s'identifie actuellement à celle de l'unité.

Ces éléments doivent se rassembler et unir leurs forces pour rabattre leur caquet aux braillards des deux groupes, pour les mettre, si nécessaire, tout à fait sur la touche, et même en dehors de l'Opposition. J'ai écrit dans ce sens non seulement de façon officielle à l'adresse du camarade Grylewicz , mais aussi à titre privé aux camarades Seipold et Roman Well . On m'a appris que le camarade Schwalbach a fait montre d'une volonté d'unité beaucoup plus sérieuse que d'autres camarades du groupe de Wedding. Cela ne signifie pas de ma part un jugement.

Où en est la discussion sur les syndicats ? Les thèses de l'une et l'autre partie sont-elles prêtes, sont-elles éditées, existe-t-il une instance destinée à préparer ces thèses, c'est-à-dire à examiner avec soin et formuler les points d'accord avant même la discussion, pour éviter les malentendus et délimiter les véritables divergences ? Ce travail est absolument indispensable pour cette discussion si l'on veut éviter qu'elle n'échoue dès le départ. Bien entendu, si une discussion honnête menée de la sorte et portant sur les principes devait aboutir à des antagonismes irréductibles, alors chacun de nous contribuerait à l'inévitable scission, comme ce fut le cas avec Urbahns. Mais j'ai bien l'impression que cette perspective est fort peu vraisemblable, qu'il s'agit en fait de divergences anciennes que l'expérience a déjà considérablement résorbées, et qu'en fait l'obstacle réside surtout dans un certain désarroi politique de l'Opposition plutôt que dans des divergences cristallisées et clairement délimitées.

Je n'ai pas besoin de vous dire, camarade Landau, que non seulement moi-même mais toute l'Opposition internationale attendons de votre dévouement à la cause que vous meniez votre tâche en faisant totalement abstraction de tous ressentiments ou toutes rancunes de nature personnelle, et avec la seule volonté de servir notre cause.

C'est dans des moments si critiques qu'on mesure chacun à sa propre volonté.


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