1930

Mai 1930 : le combat pour unifier et souder l'Opposition de Gauche Internationale face à la tourmente qui s'annonce.


Œuvres - mai 1930

Léon Trotsky

L'Education zinoviéviste

17 mai 1930

Cher camarade,

Je demeure fort inquiet, non de la scission elle-même, mais de la tactique que se fixe la direction restée en place pour maintenir l'unité et la capacité d'action de l'Opposition. Je vous ai déjà écrit le plus important à ce sujet. Il y a un aspect que je n'ai pas suffisamment souligné: que trois camarades s'unissent secrètement pour lutter pour l'unité, je trouve cela, je veux dire le secret, tout à fait superflu, mais cela, en soi, ne serait pas encore très dangereux. Ce qui me paraît bien plus préjudiciable, c'est que ces trois camarades se partagent entre eux les postes les plus importants. Cela ressemble fort à un complot contre l'Opposition, même si c'est dans l'intérêt bien compris de celle-ci. Je vous dis tout à fait franchement mon opinion. Qu'une telle chose soit possible ne peut s'expliquer que par une éducation spécifique reçue dans le passé, et cette éducation, qui provient de la période zinoviéviste de l'Internationale, me semble s'être également emparée de maints jeunes camarades de l'Opposition. C'est peut-être l'une des raisons les plus importantes pour lesquelles nous pataugeons dans ce sectarisme étroit de groupuscules au lieu d'aller de l'avant. Il nous faut faire naÎtre un esprit nouveau, plus vaste et plus généreux, sinon l'Opposition mourra du même cancer qui ronge le Komintern officiel et encore ce mal trouve-t-il là-bas pour se nourrir un organisme autrement plus puissant!

Si ces pensées-et ces craintes me reviennent sans cesse, c'est aussi en raison d'un autre fait, moins important, dont j'ai eu connaissance. Roman Well est un bon camarade, animé d'un grand dévouement à la cause. Il dirige le groupe de Leipzig qui, pour autant que je puisse en juger, est l'un des plus combatifs et des plus énergiques. Roman Well est lié au groupe des démissionnaires et, en s'éloignant de Well, on court le risque de perdre non seulement un bon camarade, mais tout le groupe de Leipzig. Cela devrait vous amener, vous et les autres camarades de la direction, à accorder plus d'égards au camarade Well, y compris au plan personnel. Il est venu à Paris. Il se trouve qu'il était alors de l'intérêt de l'Opposition internationale qu'un camarade allemand collabore au secrétariat parisien, comme représentant temporaire de l'Opposition allemande. Cela ne pouvait qu'être profitable et ne prétendait régler la question de la représentation définitive. Pour ma part, en tout cas, il ne faisait aucun doute que Well accomplirait cette tâche à Paris dans l'interêt de l'Opposition allemande et internationale. Mais Well m'apprend que tel n'est nullement le cas, et lorsqu'il vous a demandé ce qu'il devait transmettre à Paris, c'est vous-même, camarade Landau, qui lui avez répondu "Il n'y a rien de spécial à signaler".

Croyez-vous vraiment, cher camarade, qu'en traitant ainsi les camarades les plus proches, il soit possible de créer une organisation soudée, dotée de cadres solide ? Non, en agissant ainsi, on ne peut que tout détruire. Je vous écris à titre purement personnel, animé par le seul sentiment de vouloir vous aider à agir avec succès au sein de l'Opposition allemande et internationale.

Vous savez que les plaintes contre vous étaient nombreuses, mais elles me semblaient bien vagues et politiquement sans objet. Mais, dans ce cas, je me suis moi-même convaincu de deux faits hautement caractéristiques et je considérais de mon devoir de m'en ouvrir à vous en toute franchise. J'espère que vous ne le prendrez pas en mal.


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