1930

Juin 1930 : le combat pour unifier et souder l'Opposition de Gauche Internationale face à la tourmente qui s'annonce.


Œuvres - juin 1930

Léon Trotsky

Responsable du tournant : le trotskysme

On sait que l'Opposition est en train de dévier à droite, c'est-à-dire contre le socialisme et la collectivisation. On sait aussi que l'opposition est pour la collectivisation forcée. Et puisque la sélection et la formation de l'appareil, comme on le sait très bien également, était au cours des dernières années aux mains de l'Opposition, elle est donc responsable des tournants. Au moins, c'est ce qu'on écrit dans la Pravda. Si cela ne vous plait pas, ne la lisez pas, mais n'interférez pas avec la "ligne générale".

Nous avions précédemment cité d'après la plate-forme officielle de l'Opposition publiée en 1927 ce qui concerne la collectivisation. Mais allons plus loin en arrière à la période du Communisme de guerre, quand la guerre civile et la famine nécessitaient une politique rigoureuse de réquisition des grains. Quelle était la perspective des bolcheviks sur la collectivisation dans ces dures années ? Dans un discours sur les soulèvements paysans provoqués par la réquisition du grain, le camarade Trotsky disait le 6 avril 1919 :

"Ces soulèvements nous ont donné la possibilité de développer notre plus grande force idéologique et organisationnelle. Mais en outre, comme vous le savez, ces soulèvements étaient aussi un signe de notre faiblesse, parce qu'ils ont entraîné non seulement les koulaks mais aussi - ne nous racontons pas des histoires sur ce point - une certaine partie de la paysannerie moyenne et intermédiaire. Cela peut être expliqué par les raisons générales que j'ai données - l'arriération de la paysannerie elle-même. Nous ne devons pas cependant rejeter la responsabilité sur l'arriération. Marx disait une fois qu'un paysan a des préjugés, mais aussi utilise son jugement et qu'on peut faire appel du préjugé du paysan à son jugement, et qu'on peut appeler du préjugé du paysan à son jugement afin de le conduire vers un ordre nouveau sur la base de l'expérience. La paysannerie devrait sentir, à travers l'expérience des faits qu'il a dans la classe ouvrière, dans son parti, dans son appareil soviétique, un dirigeant, un défenseur. Le paysan devrait comprendre que la réquisition était obligatoire pour nous, l'accepter comme inévitable; il devrait savoir que nous allons dans les campagnes pour déterminer sur qui la réquisition est la plus facile et sur qui la plus difficile. Que nous faisons la différence et cherchons l'amitié la plus étroite avec les paysans moyens.

C'est nécessaire parce que, jusqu'à ce que la classe ouvrière ait pris le pouvoir dans l'Europe occidentale, jusqu'à ce que notre aile gauche puisse s'appuyer sur la dictature prolétarienne d'Allemagne, de France et d'autres pays, nous sommes obligés d'appuyer notre aile droite sur le paysan moyen. Mais pas seulement dans cette période, non, également après la victoire décisive, inévitable et historiquement voulue par le destin de la classe ouvrière dans l'Europe entière, pour nous, dans notre pays, il reste la tâche importante et énorme de la socialisation de notre économie agricole, la transformant d'une économie paysanne arriérée et dispersée en une nouvelle économie communiste collective. Cette très grande tradition dans l'histoire mondiale peut-elle être de quelque façon que ce soit réalisée contre la volonté de la paysannerie ? D'aucune façon. Aucune mesure de force ne sera nécessaire, aucune mesure de compulsion, de soutien, d'exemples d'encouragement : ce sont les méthodes par lesquelles la classe ouvrière organisée et éclairée s'adresse au paysan moyen.


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