1930

Juillet 1930 : le combat pour unifier et souder l'Opposition de Gauche Internationale face à la tourmente qui s'annonce.


Œuvres - juillet 1930

Léon Trotsky

Une lettre de Naville

27 juillet 1930

Cher ami,

Je n'ai pas voulu vous déranger dans votre asile. Malheureusement j'y suis forcé par la dernière lettre de N[aville], où il parle de la lettre de F[rankel] à vous comme d'une partie de tout un système de "dénigrement" à son égard, d'une information "déloyale" et "malhonnête". Il y met en cause M[olinier], Léon et Fr[ankel] [1].

Or, vous devez savoir mieux que personne que j’avais le mêmes idées sur N[aville] - sur ses côtés excellents comme sur les mauvais – et sur les dangers qui s'en ouvrent (sic)- quand il n’y avait aucune question "M[olinier]" et quand je n'avais même pas soupçonné l'existence de F[rankel]. La meilleure preuve : ma lettre de janvier à M[olinier].

Je me suis servi de quelques paroles de Frankel non pour former mon opinion mais pour donner à vous une nouveau témoignage. C'était de ma part une certaine indiscrétion à l'égard de Frankel. Mais le caractère intime de notre correspondance entre amis a excusé dans mes yeux cette indiscrétion. Vous avez trouvé bon d'écrire là-dessus à Frankel. J'en étais étonné. Frankel vous a répondu dans un ton de confiance complète qu'il a envers vous. Maintenant, vous avez trouvé nécessaire d'envoyer la copie de sa lettre à N[aville].

Dans mes dernières lettres à vous, J’ai employé à l’égard de N[aville] des expressions brutales qui dépassent de beaucoup ma pensée. Je me suis dit : R[osmer] me comprendra, des exagérations pareilles dans une lettre entre amis n’expriment que le besoin de souligner quelque chose, d'attirer l'attention d'autrui. Or je suis déjà presque obligé de me demander si les copies de mes lettres ne sont pas chez N[aville]. Je n'ai rien à lui cacher. S'il se donne la peine d’y réfléchir, il comprendra ce que signifie telle ou telle expression brutale. Mais, tout de même, je devrai être plus prudent dans l’avenir dans mes lettres amicales, avec des allégations personnelles, et des expressions énergiques.

Je vous prie de ne pas prendre trop au tragique tout cela comme je ne le fais pas moi-même. Je veux seulement arrêter un processus qui s’embrouille. Je suis déjà forcé de cacher la lettre de N[aville] aux yeux de Léon et de Fr[ankel] (qui est mon secrétaire)…

Je crois qu’on devrait passer à l’ordre du jour.

Mes meilleurs saluts pour vous et pour M[arguerite].

Tout à vous comme toujours.

L. T.


Notes

[1] Le 20 juillet 1930, Pierre Naville avait écrit à Trotsky : "… je veux vous dire que j'ai reçu une copie d'une lettre du camarade Frankel à Rosmer à mon sujet. Voilà une lettre très sujette à la psychanalyse! Même si vous n’aviez pas connaissance de cette lettre, vous avez évidemment connaissance des arguments qu'elle contient [ ... ] Je suis obligé de constater qu'il y a eu et qu'il y a une entreprise systématique de dénigrement à mon égard. "  Il parle de la "manière déloyale et franchement malhonnête", du "rôle joué par le camarade Frankel et Léon en accord avec Molinier".

Pour qui a lu la correspondance de Harvard, il n'est pas discutable que Molinier, Sedov et Frankel avaient partie liée et cherchaient à manœuvrer Trotsky. Mais le provocateur Senine – agent du G.P.U. – manœuvrait aussi les manœuvriers. Dans une lettre à Sedov du 28 juin, Molinier informe Sedov de l'indignation éprouvée par… Senine à la suite d'une conversation avec Naville, qu'il traite de "salaud". Il termine cette lettre ainsi : "Je t’écris cette lettre pour toi - et pour Frankel. Gardez-la pour vous. Nous allons demain à la frontière, Frankel, Senine, Obin et moi, pour avoir une petite conférence sur ces questions. Je vais insister auprès de Senine pour qu'il rapporte lui-même cette conversation à L. D. par une lettre. Cela n’a pas du tout l’aspect d'un mouchardage (sic) Mais c'est très significatif." (Note de P. Broué)


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