1930

août 1930 : le combat pour unifier et souder l'Opposition de Gauche Internationale face à la montée de la bureaucratie stalinienne.


Œuvres - août 1930

Léon Trotsky

Lettre à R. Well

19 août 1930

Cher camarade Well,

En bref, à propos de votre lettre du 14 août.

1 . Je suis tout à fait désolé que le projet de votre venue ici n'ait pu se réaliser. J'espère que vous pourrez tout de même venir dans quelques mois.

2 . Ce que vous m'apprenez des affaires internes de l'Opposition allemande n'est guère satisfaisant. Je ne peux me permettre de porter d'ici un jugement définitif à propos des frictions personnelles et il ne s'agit malheureusement que de problèmes de personnes. Aucun des protagonistes n'avance la moindre divergence de principe. Il en allait de même avec les trois qui nous ont quittés. Je ne veux nullement dire que les camarades Müller ou Landau aient agi de façon entièrement correcte envers le camarade Grylewicz, mais son départ de l'Opposition démontre pourtant que Grylewicz n'est pas à prendre au sérieux. Je crois qu'on peut tranquillement tirer un trait sur cette affaire. A mon avis, les frictions entre Leipzig et Berlin ne menacent pas seulement la réputation de l'Opposition allemande, mais également son existence. Car, si on vient à une rupture, chacun d'entre nous sera contraint de dire que le choix des membres de la direction a été malheureux et qu'il faudra reprendre le travail sur d'autres bases.

Sans pour autant me solidariser d'une façon quelconque avec les camarades Landau et autres, je dois pourtant vous dire franchement que votre façon d'agir ne me semble pas échapper à toute critique. Je ne veux pas revenir sur le premier conflit (Neumann, Grylewicz, Joko, etc.). Votre proposition d'appeler le camarade Frank de Vienne à la direction me semble totalement incorrecte. Je connais assez bien le camarade Frank, je l'aime et I'estime beaucoup. Il possède une culture marxiste et des capacités théoriques et c'est un bon écrivain. Je suis sur qu'il rendra encore de grands services à l'Opposition de gauche. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Il était à Berlin en mission officieuse et il y a fort malencontreusement semé la discorde en laissant libre cours à ses sentiments et humeurs personnelles, sans souci de sa mission officieuse.

Le résultat pour Berlin a été hélas négatif. Des deux groupes en conflit, c'est pourtant celui avec lequel le camarade Frank était en conflit le plus aigu qui s'est finalement imposé. S'il était lui-même berlinois et membre de l'organisation, il serait naturellement de votre devoir de permettre que la collaboration s'établisse. Mais le faire venir spécialement de Vienne, alors que vous-même vous trouvez déjà impliqué dans certain conflit, ne pourrait qu'être considéré comme une sorte de défi. Comme je considère cette proposition comme hautement symptomatique, je suis un peu inquiet de votre attitude, car je m'étais toujours imaginé que c'était justement vous qui seriez, pour ainsi dire, l'élément régulateur et conciliant au sein de la direction.

3 . Qu'attendez-vous de la conférence de septembre ? Je pense que la présence de représentants étrangers est absolument nécessaire. Je crois qu'au nom de l'organisation de Leipzig, vous pourriez prendre l'initiative d'une discussion franche avec la majorité de la direction, dans l'intention fermement affirmée de préserver d'une part les intérêts de l'organisation de Leipzig, et d'assurer d'autre part la collaboration dans le travail avec la majorité de la direction. Une telle discussion devant la conférence permettrait également de déblayer le terrain à la conférence elle-même.


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