1930

Face à la stabilisation de la bureaucratie stalinienne, construire et souder une force fidèle au bolchévisme.


Œuvres - décembre 1930

Léon Trotsky

Naville et le Bulletin International

9 décembre 1930

Cher camarade Mill,

 

Je vous écris sur le cas Naville, en vous donnant l'autorisation d'utiliser cette lettre s'il y en a besoin.

Votre information n'a été pour rien dans ma lettre à Naville. Je suis habitué à la politique de m'orienter selon les faits. Or le fait décisif était la non-parution du n°2 du Bulletin international presque complètement préparé collectivement ici. Vous vous en souvenez, j'en suis sûr, nous avons dit qu'ici nous étions prêts à faire au moins la moitié du travail pour le Bulletin.

L'histoire avec le bulletin en général dure depuis huit mois déjà, sans compter le temps précédant la conférence d'avril. J'ai écrit au camarade Naville là-dessus un grand nombre de lettres. Je lui ai expliqué ma conviction qu'on peut compromettre totalement l'opposition par des pareils procédés. Je n'ai reçu que de vagues explications, que le camarade Naville est accablé de travail. Sans ménager mon temps, j'ai essayé de nouveau dans des lettres réitérées, d'expliquer que la cause de milliers et de milliers de camarades dans les différents pays, que nous concevons comme celle du prolétariat, ne peut dépendre du fait que le camarade Naville est ou non accablé de travail. La règle, dans le travail révolutionnaire, c'est de donner sa démission quand on n'a pas la possibilité d'accomplir son devoir. Pour ma part, je trouve que c'est le seul cas où la démission est légitime. J'apprécie sincèrement les qualités du camarade Naville, mais je ne crois pas que notre organisation internationale, un instrument d'une si grande importance, puisse dépendre exclusivement du camarade Naville.

Or notre entente à Prinkipo sur le n°2 et 3 du Bulletin, était la conclusion d'un passé assez chargé dans cette question, et ce passé même m'a donné le droit de croire que cette fois-ci au moins, la décision prise en commun de faire paraître le numéro 2 dans deux semaines au maximum, allait être réalisée. On l'a annoncée aux autres sections pour se débarrasser de ce déplorable passé; on a créé une nouvelle organisation et on a donné aux camarades les plus inquiets, c'est-à-dire les plus intéressés, de l'Opposition, l'assurance que tout sera dorénavant en règle, etc. Je ne veux pas souligner le fait qu'au moment de son départ, Naville a répété de sa propre initiative qu'il n'y aurait plus maintenant de sa part de manquements, qu'il allait soutenir une correspondance intense avec le groupe de Prinkipo pour faire marcher le bulletin. La non parution du n°2 du bulletin, l'absence d'une seule lettre explicative du camarade Naville (il a seulement écrit au camarade Frankel qu'il est "accablé de travail"), ce sont des faits absolument suffisants en eux-mêmes pour la conclusion que j'en ai tirée.

Perte de temps par une négligence impardonnable dans une question aussi importante, et surtout faire perdre le temps des autres, y compris nous ici, qui sommes tout à fait prêts à faire marcher le bulletin à condition qu'on ne l'empêche pas de manière aussi systématique - cette perte de temps est en petit la même chose que l'attitude passive et expectative des brandlériens en 1923; les dimensions sont différentes, la méthode la même.

Le camarade Naville a été indigné de la lettre privée que je lui ai écrite, étant pour ma part tout à fait indigné de son attitude. Je ne puis regretter d'avoir eu recours à une lettre privée dans un cas où j'avais le plein droit - après les tentatives vaines qui durent depuis plus d'un an - de l'adresser ouvertement et directement à l'organisation avec l'exposé des faits. Le seul reproche que je puisse me faire, c'est d'avoir trop longtemps ajourné l'intervention officielle par des tentatives d'explication personnelle dont ma lettre du 25 novembre était la dernière tentative , tout à fait superflue, je l'avoue.

Je ne puis que féliciter le camarade Naville, s'il fait un emploi officiel de ma lettre à lui. Dans ce cas, je communiquerai à l'organisation à laquelle il va s'adresser toute la correspondance échangée entre moi et lui, pour faire voir aux camarades que, malgré le fait que j'aie aussi du travail à faire, je me suis donné la peine d'essayer de persuader le camarade Naville de l'importance du travail international et son urgence, plus qu'il n'en aurait fallu pour régler la question du bulletin international.


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