1930

Face à la stabilisation de la bureaucratie stalinienne, construire et souder une force fidèle au bolchévisme.


Œuvres - décembre 1930

Léon Trotsky

Les divergences subsistent

22 décembre 1930

Chers camarades,

Dans une lettre privée du 15 décembre, que j'ai reçue aujourd'hui 22, le camarade Naville m'informe que la conférence nationale de la Ligue a été fixée à la mi-janvier. En d'autres termes, des dispositions ont été prises pour priver toutes les sections de la possibilité de s'exprimer sur les questions en discussion dont la solution desquelles dépend l'existence à venir de notre organisation internationale. La circulaire de secrétariat administratif concernant la conférence européenne indique:

"La conférence de notre section allemande, qui se tient en ce moment, nous fournira certainement les matériaux pour l'évaluation de la situation politique et des tâches de l'Opposition. La préparation de la conférence de la Ligue communiste française doit être faite dans le même esprit" .

L'exemple déplorable de la conférence allemande démontre où conduit la subordination des tâches internationales et révolutionnaires, en général, à des questions d'organisation de second ordre. Fixer la date de la conférence de la Ligue au milieu de janvier signifierait virtuellement la liquidation de l'organisation internationale des bolcheviks-léninistes. Parce que l'internationalisme marxiste consiste avant tout dans la participation active pour quelque temps le sujet de divergences internes d'opinion ou j'ai toujours été amené à vérifier que le groupe Naville adoptait une position erronée sur toutes ces questions parce qu'il avait lui-même un point de départ erroné.

On pourrait soulever l'objection que tout cela concerne le passé. J'aimerais le penser. Malheureusement cependant la politique du groupe Naville en ce qui concerne le "tournant" tactique du parti prouve que les mêmes divergences anciennes existent encore sous le couvert d'une phraséologie plus prudente. L'erreur à cet égard est d'autant plus grande que certains camarades de la Ligue ont pris une position qui est (en essence) tout à fait juste, mais pour laquelle ils ont été brutalement attaqués par la rédaction de La Vérité. Si nous passons en revue toute cette période, nous ne pouvons qu'en venir à la conclusion que le groupe ou la sous-fraction du camarade Naville - bien entendu sans l'avoir voulu - a aidé la bureaucratie du parti à se sortir des convulsions du "tournant" pratiquement dans l'impunité. Pouvons-nous laisser cette expérience politique importante sans évaluation nationale ou internationale ? Je ne crois pas que nous le puissions.

Non moins importante est la question du rapport entre l'organisation nationale et internationale. Là aussi les divergences sont apparues presque le jour où le groupe du camarades Naville a rejoint l'Opposition de gauche. La lutte, qui a été menée principalement dans des lettres et conversations privées, a duré presque un an et demi. Le groupe du camarade Naville a une évaluation erronée du rôle de l'organisation internationale pour les bolcheviks-léninistes, un fait qui nous a fait bien du mal au cours de l'année écoulée. La tendance à faire la conférence de la Ligue sans la participation de l'organisation internationale est en elle-même une expression graphique suffisante de l'erreur de base du groupe du camarade Naville sur la question dl l'internationalisme.

Les camarades dirigeants de la Ligue sont déjà familiers avec les divergences persistantes et systématiques entre le groupe du camarade Naville et la rédaction du Biulleten russe. La sérieuse correspondance sur les questions en discussion pourrait remplir un livre. J'ai consacré à cette même question ma circulaire n°1 du 21 Juin 1930. Pour des raisons tout à fait évidentes, j'ai évité de donner des noms et en général de mettre les points sur les i, tant que je nourrissais encore l'espoir de pouvoir arriver en privé à un accord mutuel; malheureusement mes efforts n'ont pas abouti. Les expériences des derniers mois ont montré que les divergences d'opinion étaient exactement aussi grandes aujourd'hui qu'elles l'étaient il y a un an et demi.

En politique, rien n'est plus dangereux qu'une solidarité apparente externe masquant les divergences entre tendances fondamentales. Dans ces conditions, la lutte d'idées est inévitablement remplacée par des conflits et querelles personnelles qui empoisonnent toute l'atmosphère.

Je souscris donc à l'opinion du camarade Naville que la question de la collaboration ultérieure et la base pour elle ne peut être réglée que par une discussion ouverte et principielle. Mais, contrairement au camarade Naville, je crois que cette discussion doit prendre un caractère international. Il est entendu que la Ligue, comme toute autre section, est autonome dans ses décisions. Cependant, avant de les prendre, elle doit aussi donner aux autres sections une occasion de s'exprimer, pour ne pas les placer devant le fait accompli. Pour cela, il est indispensable qu'une période d'au moins quatre semaines soit ménagée entre la publication du projet de thèses et la convocation de la conférence. En tout cas, je fais appel à vous de la façon la plus pressante au nom de la section russe à cet effet, puisque je vois là l'unique possibilité d'assurer une collaboration vraiment internationale à l'avenir.

Je ne doute pas que la crise dans la Ligue qui est devenue une crise de notre organisation internationale, puisse être résolue sans convulsions ni scissions. Dans ce but, deux conditions sont nécessaires: la clarté politique et la bonne volonté de part et d'autres.


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