Œuvres – mars 1936

Léon Trotsky

10 mars 1936

Lettre à Léon Lesoil

[Attention à Godefroid]

Cher Camarade Lesoil,

J'ai reçu grâce à vous cinq numéros de La Jeune Garde. Mon impression : c'est un organe des plus louches du mouvement ouvrier. Ce n'est pas une feuille centriste avec des oscillations inévitables comme l'était l'Action Socialiste sous Spaak. Non, c'est un instrument de duperie, de perfidie et de trahison. Godefroid arrange consciemment les articles et les formules pour mieux tromper la jeunesse et pour la livrer au patron Vandervelde [1] c'est‑à-­dire au patron Capital. Dans ces conditions, Dauge [2] propose d'abandonner les discussions « oiseuses ». Qu'est‑ce que cela veut dire ? Et que signifie la photo de Dauge publiée sur La Jeune Garde  ?

La seule politique juste serait de dénoncer La Jeune Garde et Godefroid [3] dans chaque numéro en démasquant leurs formules creuses, en leur posant des questions et en exigeant des réponses précises. Sans cela on retombe dans la déclamation « oiseuse » sur le défaitisme révolutionnaire en dehors de l'espace et du temps.

Mes saluts la plus chaleureux.

Notes

[1] Emile Vandervelde (1866‑1938), avocat et dirigeant de l'aile la plus droitière du P. O.B., était à cette époque à la fois ministre du roi (sans portefeuille) et président de la II° Internationale. Sa participation au cabinet de guerre en 1914 faisait de lui aux yeux de Trotsky un symbole du « social‑traÎtre ».

[2] Walter Dauge (1907‑1944), fils de mineur, ancien étudiant, puis speaker de radio révoqué, était dirigeant des J.G.S. du Borinage et leader de l'Action socialiste révolutionnaire dans laquelle il avait été en principe gagné par la fraction trotskyste « entriste ». Il refusait d'engager la lutte contre le dirigeant J.G.S. Fernand Godefroid ce qui provoquait chez Trotsky méfiance et inquiétude.

[3] Fernand Godefroid (né en 1909) était depuis 1930 secrétaire national des J.G.S. Membre de la « gauche », il avait depuis peu choisi son Cam p et commencé l'expulsion systématique des c trotskystes » du J.G.S. Trotsky envoyait lettre sur lettre pour que l'A.S.R. cesse d'être conciliante à son égard et se heurtait à la résistance de Dauge.