1938

Compte rendu sténographique d'une discussion de Trotsky avec les délégués du S.W.P. à Coyoacan (troisième discussion).


Œuvres - mars 1938

Léon Trotsky

Discussion sur la lutte contre la guerre et l'amendement Ludlow

22 mars 1938


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Shachtman. — Pour résumer les discussions que nous avons eues au comité national, je crois que le problème peut se résumer ainsi : il y a aujourd'hui aux Etats-Unis un sentiment très important contre le danger de guerre, non seulement dans la classe ouvrière mais aussi parmi les éléments bourgeois : ce sentiment a été renforcé par la guerre de Chine, l'incident du Panay [1] et le budget militaire sans précédent de Roosevelt [2] ainsi que par l'instabilité générale de la situation européenne. On pense que les Etats-Unis vont plonger dans une guerre d'ici deux ou trois ans.

En ce moment précis, il ne fait aucun doute que 99 %, sinon plus, de ce sentiment de masse contre la guerre est purement pacifiste. Cela se comprend parfaitement. La position révolutionnaire sur la guerre est confinée à des cercles très restreints de radicaux et de marxistes. Notre problème consiste à mettre en avant en pratique notre position fondamentale prolétarienne révolutionnaire, en l'opposant à l'agitation pacifiste générale, et, en même temps, de participer à un mouvement anti-guerre plus large, sinon fondamentalement, du moins de façon prédominante, pacifiste, et même patriotique d'un point de vue national. Le parti socialiste et les lovestonistes ont maintenant réalisé une opération et ont constitué ce qu'ils appellent un Comité pour garder l'Amérique hors de la guerre. En substance, c'est le vieux mouvement de Münzenberg — La ligue contre la Guerre, etc. — sauf que ses déclarations programmatiques sont beaucoup plus à droite.

Trotsky. — Qui sont les dirigeants de ce comité ?

Shachtman. — Norman Thomas, Lovestone et Homer Martin[3] sont ses porte-parole, mais je ne sais pas si Martin est membre de ce comité. Il a fait un discours contre la guerre et en même temps un discours patriotique. Ils ont aussi avec eux quelques généraux en retraite, qui sont des isolationnistes. Jusqu'où ce mouvement se développera, c'est difficile à dire. Tant qu'il reste aux mains de ce comité, il ne repose sur aucune autre organisation. Ils sont maintenant en train de préparer un congrès national.

Trotsky. — Ce comité a-t-il aujourd'hui quelque influence ?

Shachtman. — Non. Il reflète les aspirations de l'Américain moyen contre la guerre en Europe ou en Asie, contre l'envoi de troupes ailleurs, mais si nous sommes attaqués, nous nous défendrons, etc. Nous avons eu par exemple un problème tout à fait concret à Cleveland, où nous avons un camarade très actif, Cochran[4]. Le P.S. et les lovestonistes organisaient un meeting de masse avec comme orateurs Charles Beard [5] et Homer Martin. Le P.S. et les lovestonistes sont allés voir notre camarade pour qu'il patronne ce meeting. Il nous a écrit pour nous demander notre accord. Nous l'avons approuvé, mais sans enthousiasme. Plus tard, dans nos discussions au comité politique, nous avons changé d'avis, car ils avaient les orateurs, nous pas; Cochran devait patronner, mais pas parler !

Cannon. — Ce n'est pas encore réglé ; nous lui avons dit d'essayer de parler.

Shachtman. — Mais je ne crois pas qu'il parlera. Formellement le P.S. et les lovestonistes n'ont pas d'autres orateurs.

Nous avons adopté un programme sur la guerre dans lequel sont proposées un certain nombre de revendications minimum. Sur cette base, nous avons établi un modèle de résolution à faire adopter dans les syndicats et discuter partout.

Notre position est très difficile, et je ne crois pas qu'aucun d'entre nous la voit bien jusqu'au bout; il y a un grand danger à plonger dans un soi-disant mouvement de masse contre la guerre — pacifiste par essence — en négligeant l'éducation révolutionnaire de l'avant-garde. Et maintenant, ne pas entrer dans ce mouvement nous laisse essentiellement sur une position propagandiste.

La discussion sur l'amendement Ludlow, vous la connaissez déjà. Vous avez vu les motions adoptées et celles qui ont été repoussées.

Cannon. — Sur la question du comité, voici comment il a été constitué : Norman Thomas a invité chez lui une vingtaine de personnalités — écrivains, vieilles dames qui sont pour la paix, les lovestonistes et Liston Oak [6]— mais aucun de nous. Oak a proposé que nous soyons invités, mais ils ont refusé. Ils ont décidé un meeting où parleraient des gens comme LaFollette — vous connaissez sa politique — et un général en retraite, et Thomas, et Wolfe [7] pour les lovestonistes. Quelques camarades pensaient qu'il fallait y aller. Nous ne l'avons pas fait. Par essence, c'est une caricature de toute cette affaire Barbusse. Ils mettent sur pied des comités dans les autres Etats et veulent tenir un congrès à Washington. Ils adressent leur appel aux citoyens, pas aux travailleurs.

L'autre aspect de la question, c'est l'amendement Ludlow[8]. Le comité a pris position contre. Minneapolis a adopté une politique différente dans le Northwest Organizer, et Cochran à Cleveland est contre notre position sur cet amendement. Il a plus ou moins la même position que vous, bien qu'il ne soit pas au courant de votre lettre. La position du comité s'est un peu modifiée depuis, mais il reste encore beaucoup à éclaircir. Reste ensuite la question de savoir si nous devrions présenter dans les syndicats des résolutions contre la guerre. Nous voudrions commencer à présenter une telle résolution à Minneapolis, et à la populariser en tant que résolution de Minneapolis.

Dunne. — Nous avons déjà adopté cette résolution.

Cannon. — La voici. Nous espérons une critique soigneuse.

Trotsky. — Je commencerai par l'amendement Ludlow comme question pratique qui peut nous servir d'introduction à la question générale, de façon concrète, il me semble. Je ne peux pas être d'accord avec la position du C.N., ni la première, ni la seconde, celle qui a été proposée par Shachtman contre la motion de Burnham, et Gould [9], je crois, et adoptée par le C.N. Quand j'ai parlé de cette question à Cannon dans une lettre privée, je n'imaginais pas, à l'époque, que cette question deviendrait aussi importante dans la vie des Etats-Unis. C'est pourquoi j'ai seulement formulé ma position dans cette lettre, sans insister pour que l'organisation américaine reconsidère cette question. Mais maintenant, à travers la presse et surtout les camarades présents ici, j'ai appris que cette question avait connu de nouveaux développements et qu'on peut là-dedans jouer un rôle important, dans cette question importante en elle-même, mais qui a aussi une valeur de symptôme pour notre politique en général.

La déclaration du C.N. affirme que la guerre ne peut pas être arrêtée par un référendum. C'est tout à fait juste. Cette affirmation fait partie de notre attitude générale sur la guerre en tant que développement inévitable du capitalisme, et selon laquelle on ne peut changer la nature du capitalisme ou l'abolir par des moyens démocratiques. Un référendum est un moyen démocratique, mais ni plus ni moins. En réfutant les illusions sur la démocratie, nous ne renonçons pas pour autant à cette démocratie tant que nous sommes incapables de la remplacer par l'institution d'un Etat ouvrier. En principe, je ne vois aucun argument qui puisse nous obliger à modifier notre attitude générale vis-à-vis de la démocratie dans ce cas d'un référendum. Mais il nous faut utiliser ce moyen comme nous devons utiliser les élections présidentielles ou l'élection de Saint-Paul : en combat-tant énergiquement pour notre programme.

Nous disons : le référendum Ludlow, comme les autres moyens démocratiques, ne peut arrêter les activités criminelles des Soixante Familles qui sont incomparablement plus fortes que toutes les institutions démocratiques. Cela ne veut pas dire que je renonce aux institutions démocratiques, ou au combat pour le référendum, ou au droit de vote à dix-huit ans pour les citoyens américains. Je serais pour que nous commencions une campagne de ce type ; les gens de dix-huit ans sont assez mûrs pour se faire exploiter, donc pour voter. Mais ce n'est qu'une parenthèse.

Maintenant, naturellement, ce serait mieux si nous pouvions immédiatement mobiliser les ouvriers et les fermiers pauvres pour renverser la démocratie et la remplacer par la dictature du prolétariat qui est l'unique moyen d'éviter les guerres impérialis¬tes. Mais nous ne pouvons le faire. Nous constatons que de larges masses cherchent des moyens démocratiques pour arrêter la guerre. C'est une question qui a deux aspects : l'un est entière-ment progressiste, c'est la volonté des masses d'arrêter la guerre des impérialistes, leur manque de confiance dans leurs propres représentants. Ils disent : oui, nous envoyons des gens au parlement, mais nous voulons les contrôler sur cette importante question, qui signifie vie ou mort pour des millions et des millions d'Américains. C'est un pas tout à fait progressiste. Mais il est lié à des illusions selon lesquelles on ne peut arriver à cet objectif que par ce moyen. Nous critiquons cette illusion. Quand le pacifisme vient des masses, c'est une tendance progressiste, avec des illusions. Nous ne pouvons pas dissiper ces illusions par des décisions a priori, mais seulement dans le cours de l'action commune.   Je crois que nous pouvons et que nous devons dire ouvertement aux masses : chers amis, nous pensons que nous devrions établir la dictature du prolétariat, mais vous ne le pensez pas encore. Vous croyez que vous pouvez tenir l'Amérique hors de la guerre par un référendum. Qu'allez-vous faire ? Vous dites que vous n'avez pas suffisamment confiance dans le président et le Congrès que vous avez élus, et que vous voulez les contrôler par un référendum. Bien, très bien, nous sommes d'accord avec vous qu'il vous faut décider vous -mêmes. Le référendum en ce sens est une excellente chose et nous le soutiendrons. Ludlow a proposé cet amendement, mais il ne se battra pas pour lui. Il n'appartient pas aux soixante familles, mais aux cinq cents. Il a lancé ce mot d'ordre parlementaire, mais c'est d'une lutte sévère qu'il s'agit et seuls les ouvriers peuvent la mener avec les fermiers, les masses — et nous combattrons avec vous. Ceux qui vous proposent ces moyens ne veulent pas se battre pour eux. Nous vous le disons d'avance. Ainsi nous devenons les champions de ce combat. A toute occasion favorable, nous disons : cela ne suffit pas, les magnats de l'industrie de guerre ont entre eux des liaisons, etc., nous voulons les contrôler aussi ; il nous faut établir le contrôle ouvrier sur l'industrie de guerre. Mais, sur la base de ce combat dans les syndicats, nous devenons les champions de ce mouvement. Nous pouvons dire que c'est presque une règle. Il nous faut avancer avec les masses, et pas seulement répéter nos formules, mais parler de façon à ce que nos mots d'ordre soient compréhensibles par les masses.

Le plus grand exemple historique est celui du parti bolchevique russe. Je vais le répéter, parce qu'il est significatif. Du début du siècle à 1917 — pendant presque vingt ans — nous avons combattu les soi-disant social-révolutionnaires ou populistes. Leur propagande était en faveur de l'expropriation de la terre et de son partage en lots égaux. Nous dénoncions ce programme comme utopique. Nous disions que, sous le capitalisme, c'était impossible et que, sous le socialisme, il s'agissait non de partage mais de collectivisation. La lutte a duré pendant presque vingt ans. Elle a revêtu une forme théorique en 1883 avec la création des premiers groupes d'intellectuels marxistes de Plékhanov et Axelrod et elle s'est aggravée encore en ce siècle. La ligne de démarcation, c'était celle du programme agraire. En 1917, les paysans ont adopté le programme des S.R. — de nombreux congrès l'ont adopté : expropriation du sol, partage entre les paysans en lots égaux. Qu'avons-nous fait dans cette situation ? Nous avons dit : vous ne voulez pas adopter notre programme et, à la place, vous avez adopté celui des S.R. Il y a là-dedans deux parties : l'expropriation du sol — qui est une mesure tout à fait progressiste, mais l'autre — le partage en lots égaux — est tout à fait utopique. Mais vous voulez faire cette expérience. Nous sommes prêts à la faire avec vous. Nous vous disons seulement à l'avance que les S.R. ne sont pas capables de réaliser leur propre programme. Que ce sont des petits-bourgeois dépendant par conséquent de la grande bourgeoisie. Ce n'est pas notre programme, mais nous vous aiderons à le réaliser, ce programme qui est compliqué par des illusions !

La situation est maintenant différente — ce n'est pas une situation révolutionnaire. Mais la question peut devenir décisive. Le référendum n'est pas notre programme, mais c'est un pas en avant évident ; les masses démontrent qu'elles veulent contrôler leurs représentants à Washington. Nous disons, c'est un pas en avant que vous souhaitiez contrôler vos représentants. Mais vous avez des illusions et nous les critiquerons. En même temps, nous vous aiderons à réaliser votre programme. Ceux qui le patronnent vous trahiront comme les S.R. ont trahi les paysans russes.

La dernière résolution du C.N. sur cette question n'est pas juste. Que nous voterions pour l'amendement Ludlow s'il fallait lui assurer une majorité contre les staliniens, excusez-moi, mais c'est tout à fait bureaucratique. Comment pouvez-vous dire à un meeting de masse : nous allons nous mettre de côté et voir comment le vote tourne. Les masses ne peuvent pas comprendre. Nous devons devenir les champions de ce mouvement. Nous devons éditer des tracts et expliquer entièrement notre position. Mais, dans les réunions syndicales et à celles des "farmers", nous devons dire que nous sommes les véritables champions du mouvement. Mais, comme pour le Labor Party, il faut lier ce mouvement au programme concret, en l'opposant à celui des Lovestonistes-Thomasistes. Je suis bien d'accord que nous ne devons rien avoir à faire avec le comité pour garder l'Amérique hors de la guerre. Mais sur cette question non plus, il n'est pas possible de rester dans une opposition d'inactivité. Il faut étudier leur programme et le critiquer. Dans ce cas, le mot d'ordre le plus compréhensible, le plus progressiste, le plus révolutionnaire, est celui du contrôle ouvrier de l'industrie de guerre, puisque nous savons tous que c'est de la guerre qu'il s'agit. Nous disons : ouvriers, vous êtes en train de développer l'industrie, non pour les progrès de la patrie, mais pour les patriotes de guerre. Le contrôle de l'industrie de guerre fait partie du contrôle de l'industrie en général.

Ce n'est pas une question américaine, c'est une question générale. Je crois qu'il nous faut aussi examiner le mot d'ordre suivant lequel nous ne sommes évidemment pas opposés à une guerre contre des agresseurs, mais qu'elle doit être menée par une armée d'ouvriers et de fermiers, sous le contrôle de syndicats, sous un gouvernement d'ouvriers et de fermiers. Une telle armée n'aurait pas d'objectifs impérialistes, mais si elle était attaquée, etc. Ce programme, il faut l'examiner concrètement. Ce n'est pas une question de « coopération américaine pour la paix internationale » mais de la coopération de la classe ouvrière américaine avec les ouvriers des autres pays pour la paix. Je reviens à notre mot d'ordre de transition, contrôle de l'industrie de guerre et peut-être expropriation des soixante familles, en commençant par celle de l'industrie de guerre.

Cannon. — Pensez-vous que le programme syndical devrait contenir un point en faveur de l'amendement Ludlow ? Car je crois aussi que si nous ne pouvons pas lancer directement le mot d'ordre de l'expropriation des industries de guerre, nous pouvons au moins lancer celui du contrôle des industries de guerre.

Trotsky. — Ces gens-là ne sont même pas de bons pacifistes. Ils disent : nous ne voulons pas qu'on augmente l'armée, ni les armements. Et ceux qui existent, c'est tout bien ? Nous disons, nous, que l'armée existante est une armée anti-ouvrière, et pour la guerre. S'ils étaient des pacifistes véritables ils devraient au moins dire : « Supprimons l'armée ! »

Nous voulons changer le caractère de l'armée, que les ouvriers et les fermiers soient armés, qu'ils aient une formation militaire sous le contrôle des syndicats — ce n'est pas pacifiste. Nous disons contrôle ouvrier de l'industrie de guerre comme un pas vers leur expropriation — ce n'est pas du pacifisme.

Cannon. — Qu'entendez-vous par gouvernement des ouvriers et des fermiers ?

Trotsky. — On peut l'examiner de deux points de vue : en tant que chapitre passé dans l'histoire de l'Amérique, on peut en discuter seulement à titre d'hypothèse et pour l'éducation des masses. De larges masses le comprendront dans un sens parle¬mentaire démocratique, mais nous essaierons de le leur expliquer dans un sens révolutionnaire. Mais nous dirons de nouveau : vous ne voulez pas l'accepter comme dictature du prolétariat et des fermiers pauvres. Vous voulez voter pour des candidats ouvriers et paysans. Très bien, nous vous aiderons. Si ces candidats sont élus, et s'ils ont la majorité, prendrons-nous la responsabilité de leur programme ? Non, non. Leur programme ne suffit pas. Voici le nôtre. Au Congrès, nous serons une minorité. Mais nous commencerons à souligner la nécessité non seulement de candidats indépendants, mais de candidats avec un programme. Il est bien possible que, sous notre influence, et celle d'autres facteurs, arrive un gouvernement John Lewis, LaFollette et LaGuardia, et ils l'appelleront un gouvernement ouvrier et « farmer ». Mais nous nous opposerons à lui de toutes nos forces.

En 1917, nous avons dit aux ouvriers et aux paysans : vous avez confiance dans les mencheviks et les S.R. — alors obligez-les à prendre le pouvoir contre le capitalisme. C'était la façon correcte d'aborder la question. Mais nous restions en opposition à Kerensky. S'il avait rompu avec les capitalistes et s'était allié aux mencheviks et aux S.R., nous serions restés en opposition, mais ce gouvernement, pour nous, aurait constitué un pas vers la dictature du prolétariat. Matériellement, nous n'avons pas eu un tel gouvernement — mais, pour l'éducation des masses, pour leur divorce avec les mencheviks et les S.R., ce fut très important. Nous acceptions ce gouvernement contre la bourgeoisie, et nous disions aux masses : si vous les obligez à prendre le pouvoir contre le capitalisme, nous vous aiderons.

Shachtman. — Comment faites-vous la distinction entre votre soutien à l'amendement Ludlow et notre position sur le désarmement, l'arbitrage international, etc. ?

Trotsky. — Ils n'ont aucun rapport. L'amendement Ludlow, c'est seulement pour les masses un moyen de contrôler leur gouvernement. S'il est adopté et intégré à la constitution, ce ne sera pas quelque chose comme le désarmement, mais comme l'inclusion du droit de vote à dix-huit ans. Je dirai : vous autres, les gars, vous serez demain de la chair à canon, aujourd'hui vous devriez avoir le droit de vote. Cela n'a rien à voir avec le désarmement puisque j'apprendrai à ces jeunes, non le désarmement, mais la défense révolutionnaire. C'est un moyen démocratique, ni plus ni moins.

Cannon. — Et vis-à-vis de ce comité, est-il juste d'y adhérer ou d'y manoeuvrer, mais de l'attaquer directement ?

Trotsky. — Oui. Les critiquer, les attaquer non seulement parce qu'ils ne sont pas révolutionnaires, mais parce qu'ils ne sont pas pacifistes. Ce sont des agents cachés de l'impérialisme. Oui, je crois qu'il faut les attaquer sans pitié. Je crois que si l'on regarde le programme de Bryan [10] nous découvrirons qu'il était plus radical avant-guerre. Puis il est devenu secrétaire à la Guerre. Mais son programme était plus radical que ce comité.


Notes

[1] La guerre entre le Japon et la Chine avait commencé en août 1937. Le 12 décembre 1937, le navire américain Panay avait été bombardé et coulé sur le Yang Tsé Kiang par l'aviation japonaise.

[2] Le budget militaire des E.-U., qui était de 689 millions de dollars en 1935 était passé à 1 029 millions de dollars en 1938.

[3] Norman Thomas (1884-1968), pasteur protestant, pacifiste, avait dirigé le parti socialiste américain lors de la poussée à gauche des années 30, avait soutenu le comité de défense de Trotsky, mais était en train de s'aligner sur la ligne du Front populaire. Warren Lamer Martin (1902-1968), ancien athlète, champion du triple saut, pasteur baptiste, avait travaillé comme ouvrier dans l'automobile à partir de 1932 et avait été actif dans le mouvement de syndicalisation à partir de 1934. Il fut président du comité d'organisation de l'U.A.W. puis de l'U.A.W. elle même.

[4] Bert Cochran (né en 1917), artiste de talent, grand pianiste, était étudiant à l'université du Wisconsin quand il fut gagné, alors qu'il était au P.C., et rejoignit la C.L.A. en 1934. Il avait milité à Cleveland et avait été élu au comité national du S.W.P.

[5] Charles A. Beard (1874-1948), professeur et historien de très grande réputation, avait refusé, bien que convaincu de l'innocence de Trotsky, de collaborer à la contre-enquête. Lié au parti socialiste, il militait pour les Droits de l'Homme.

[6] Liston Oak (1875-1970), journaliste lié au P.C., avait longtemps collaboré à sa presse internationale, mais avait rompu sous l'influence de son expérience en Espagne.

[7] Bertram D. Wolfe (1896-1977) avait été l'un des tout premiers communistes et dirigeants du P.C., dont il avait été exclu avec les lovestonistes parmi lesquels il était la personnalité la plus indépendante : il avait été le premier d'entre eux à rejeter la version stalinienne des procès de Moscou.

[8] Le député Louis Ludlow (1873-1950), de l'Indiana, avait proposé un amendement à la constitution qui soumettait l'entrée en guerre à un référendum. Burnham, au comité national du S.W.P. puis Trotsky par lettre, avaient préconisé contre la majorité de la direction le soutien de cet amendement. Voir G. Breitman, « La discussion autour de l'amendement Ludlow », Cahiers Léon Trotsky, nº 2, pp. 65-72.

[9] Nathan Gould (né en 1913), d'abord « pionnier rouge », puis membre de l'Y.W.L., en avait été exclu, avait dirigé ensuite la Young Spartacus League, puis, après l'entrisme, la Y.P.S.L.

[10] William Jennings Bryan (1860-1925), surnommé « The Commoner », avait été plusieurs fois candidat « progressiste » aux élections présidentielles.


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