1940

En mai 1940, Trotsky rédige le manifeste de la IV° Internationale sur la guerre. Ce texte basé sur les principes de l'internationalisme prolétarien servira de base à l'activité trotskyste durant toute cette période et sera l'un des derniers de Trotsky avant son assasinat.


Manifeste d'alarme de la IV° Internationale

Léon Trotsky

Centrisme et Anarchisme


Parce qu'elle met à l'épreuve tout ce qui existe et balaie tout ce qui est pourri, la guerre représente un danger mortel pour les Internationales qui se survivent. Une partie considérable de la bureaucratie de l'I.C., surtout dans le cas d'un revirement de l'U.R.S.S., se tournera sans aucun doute vers sa propre patrie impérialiste. Les travailleurs, au contraire, iront de plus en plus à gauche. Dans ces conditions, scissions et ruptures sont inévitables. Nombre de symptômes indiquent également la possibilité d'une rupture de la « gauche » de la II° Internationale. Des groupements centristes d'origine diverses vont fusionner, rompre, créer de nouveaux « fronts », de nouveaux « camps », etc. Notre époque manifestera cependant que le centrisme lui est intolérable. Le rôle pathétique et tragique joué dans la révolution espagnole par le P.O.U.M., la plus sérieuse et la plus honnête des organisations centristes, restera toujours dans la mémoire du prolétariat avancé comme un terrible avertissement [1].

Mais l'histoire aime à se répéter. La possibilité n'est pas exclue de nouvelles tentatives pour construire une organisation internationale sur le modèle de l'Internationale 2 1/2 [2], cette fois une Internationale 3 1/4. De telles initiatives ne méritent qu'on s'y attache qu'en tant que reflets des processus bien plus profonds qui se produisent dans les masses laborieuses. Mais on peut dire d'avance en toute certitude que les « fronts », « camps » et « Internationales » centristes, manquant de fondements théoriques, de tradition révolutionnaire ou de programme achevé, n'auront qu'un caractère éphémère. Nous les aiderons en critiquant impitoyablement leur indécision et leur pusillanimité.

Cette esquisse de la banqueroute des vieilles organisations ouvrières ne serait pas complète si nous ne mentionnions pas l'anarchisme. Son déclin constitue le phénomène le plus incontestable de notre époque. Même avant la première guerre impérialiste, les anarcho‑syndicalistes français ont réussi a devenir les pires opportunistes et les serviteurs directs de la bourgeoisie. Au cours de la dernière guerre, la plupart des dirigeants anarchistes internationaux sont devenus patriotes [3]. Au plus chaud de la guerre civile en Espagne, les anarchistes ont pris des postes de ministres de la bourgeoisie [4]. Les phraseurs anarchistes nient l'Etat aussi longtemps qu'il n'a pas besoin d'eux. A l'heure du danger, comme les social‑démocrates, ils se font les agents de la classe capitaliste.

Les anarchistes sont entrés dans la guerre actuelle sans un programme, sans une seule idée et avec un drapeau sali par leur trahison du prolétariat espagnol. Ils sont aujourd'hui incapables d'introduire dans les rangs des ouvriers autre chose que la démoralisation patriotique parfumée de lamentations humanitaires. En cherchant un rapprochement avec les ouvriers anarchistes qui sont réellement préparés à se battre pour les intérêts de leur classe, nous exigerons en même temps qu'ils rompent complètement avec ceux de leurs dirigeants qui, dans la guerre comme la révolution, servent de garçons de course à la bourgeoisie.


[1] Sur le P.O.U.M. (Partido Obrero de Unificaciôn Marxista) cette appréciation nuance un peu la sévérité des critiques que l'on retrouvera notamment dans les volumes 10 à 20 des Œuvres.

[2] Tel était le surnom que les communistes avaient donné, au début des années 20, à l'Union des partis socialistes qui réunissait, autour des social-démocrates autrichiens, les partis qui ne voulaient être membres ni de la Il° ni de la III° Internationales.

[3] Parmi ceux qui furent accusés de s'être ralliés à la guerre, mentionnons le Français Sébastien Faure et le Russe Kropotkine.

[4] Les anarchistes déléguèrent quatre ministres dans le gouvernement Largo Caballero, puis participèrent plus tard à un gouvernement Negrin.


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