1920

Source : numéro 21/22 du Bulletin communiste (deuxième année), 26 mai 1921.


L'Angleterre, puissance mondiale

Sa situation économique et sociale

Jenö Varga

1er décembre 1920



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L'Angleterre est sortie du grand conflit entre les impérialistes incontestablement victorieuse. Son importance mondiale, qui n'a cessé de s'accroître depuis un demi-siècle, est à son apogée. L'empire anglais encercle le monde de son anneau de fer. Sur toutes les mers, sa flotte a des bases navales. Son pouvoir s'étend aussi aux régions qui complètent l'empire proprement dit. Et s'il peut apparaître que la France est à l'heure actuelle à la tête du capital, coalisé contre la Russie, l'Angleterre demeure pourtant le dernier refuge du capitalisme européen à l'agonie. Toutes les phrases sur les droite de nationalités et sur la démo­cratie, dont l'Angleterre s'est servie pour pousser contre l'Allemagne son prolétariat, ne sont plus à présent que boniments hors d'usage. Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a permis de démembrer l'Europe Centrale et Orientale et d'y former de nombreux petits Etats, qui ne sont en l'ait que des colonies anglaises.

Tous les points stratégiques importants, tous les points internationaux, sont à l'Angleterre. Constantinople est un port anglais. 19 000 Anglais y tiennent garnison. L'Angleterre alloue à la Grèce une partie importante de l'Asie Mineure, afin de tirer parti des forces grecques dons la guerre contre la Turquie, mais elle garde l'Ile de Chypre, peuplée d'Hellènes, dont l'importance stratégique est considérable pour la flotte britannique. L'An­gleterre a mis la main sur la navigation du Da­nube, ce qui fait tomber sous son influence les Etats danubiens. Il semblerait à première vue que l'Angleterre soit sortie de la guerre, non affaiblie, mais affermie.

Il n'en est pourtant pas ainsi. Mais pour mon­trer les lézardes qui ont fait leur apparition à la suite de la guerre dans l'édifice de l'Empire an­glais, il convient d'en exposer d'abord fa cons­truction.

L'Angleterre et ses colonies

Los colonies anglaises forment deux groupes nettement différents. Dans le premier entrent les colonies, peuplées d'Anglo-Saxons et d'émigrants et dont les autochtones ont été ou chassés ou exterminés. Les plus importantes sont : le Ca­nada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis de l'Afrique du sud. Voici quelques chiffres qui suffisent à en définir l'importance.

COLONIES Superficie en millions de miles carrés1 Population (millions)
Canada 3,8 environ 7
Australie et Nou­velle Zélande 3,9 environ 6 (moins les indigènes)
Afrique du Sud approx. 0,5 environ 10 (y compris les indigènes)
Indes approx. 1,2 environ 300



Ces colonies jouissent depuis longtemps d'une large autonomie : elles ont leurs parlements, leurs armées et le Canada a même son système moné­taire. Leur population est principalement formée d'Anglais, qui depuis toujours, se sont considérés comme les égaux, aux points de vue sociaux et économiques, des citoyens de la métropole.

Le second groupe est formé de colonies peu­plées de race indigène, de pays vaincus en un mot, dont la population, privée de certains droits poli­tiques, n'est maintenue dans la soumission que par les armées anglaises et est administrée par des fonctionnaires britanniques. Les plus importantes de ces colonies sont : l'Inde, l'Égypte, l'Afrique Centrale, une partie considérable du Sud-Ouest de l'Asie, qui s'étend de l'Égypte aux Indes et qui a été conquise, en grande partie, pendant la ré­cente guerre. Les populations de ces régions résis­tent encore à l'heure actuelle. Les pays depuis longtemps conquis par l'Angleterre ont pu être maintenus sous le joug, au moyen de forces de très peu d'importance, grâce à l'excellente organi­sation des autorités anglaises et à l'inappréciable expérience acquise par les Anglais au cours des siècles dans l'art de conquérir et d'assujettir les peuples. Au début de la guerre mondiale, les trou­pes tenant garnison aux Indes c'est-à-dire dans un pays peuplé de 300 millions d'habitants, n'é­taient fortes que de 80 000 hommes (officiers com­pris). Et l'on put au début de la guerre, diminuer encore sans inconvénient sérieux cette garnison déjà numériquement insignifiante.

En dépit des conditions sociales très différentes entre les pays colonisés et conquis, l'attitude de l'Angleterre envers toutes ses colonies a toujours été assez uniforme. Le centre de gravité de la vie économique anglaise, c'est la ville, c'est-à-dire les centres industriels de l'immense empire, les rap­ports entre les colonies et l'Angleterre peuvent être ainsi résumés :

  1. L'Angleterre recevait de ses colonies des matières premières — coton d'Egypte et des Indes, laine d'Australie, jute des Indes, denrées coloniales de tous ces pays, — et leur fournissait en échange des articles manufacturés, des machines, des outils, principalement des métaux ouvragés.

    Le caractère industriel de l'Angleterre ressort avec évidence de la quasi-disparition de sa population agricole. Avant la guerre, un sixième de' la population de la Grande-Bretagne, s'occupait d'a­griculture. Le pays, et par conséquent les capita­listes anglais, trouvait beaucoup plus avantageux d'exporter le labeur du prolétariat anglais, sous forme de produits industriels, et de l'échanger contre les produits de l'agriculture et contre les matières premières des colonies.

  2. L'Angleterre est depuis longtemps le capita­liste bailleur de fonds des colonies. Avant la guerre, la moitié à peu près des capitaux de formation nouvelle étaient placés aux colonies. Les bénéfices qu'ils rapportaient revenaient de la sorte à la métropole.

  3. L'Angleterre était l'armateur et le fréteur de toutes les colonies. La navigation entre l'Europe et les colonies et même la navigation des colonies entre elles était, dans l'immense majorité des cas, entre les mains des compagnies anglaises. Le droit exclusif d'exploiter la navigation avait donné au capital anglais, une supériorité considérable sur ses concurrents.

  4. L'Angleterre était le banquier de toutes les colonies jusqu'à la guerre, le papier-monnaie anglais était considéré depuis des siècles comme le meilleur. Les bank-notes anglaises étaient depuis longtemps échangées pour de l'or et valaient sur le marché mondial leur valeur nominale en or.

  5. Sa puissante flotte faisait de l'Angleterre le défenseur attitré de ses colonies contre les entreprises possibles des Etats impérialistes.

Le résultat de cette situation économique, prolon­gée pendant des siècles, était que la balance com­merciale de l'Angleterre demeurait passive. L'An­gleterre recevait chaque année pour un milliard de plus qu'elle n'exportait. Cette différence pro­venait des capitaux anglais passés à l'étranger : intérêts des emprunts d'Etat, prix du fret que les compagnies anglaises se faisaient payer à l'étranger. Et enfin, revenus fixes tels qu'impôts, appointements des fonctionnaires britanniques, frais d'entretien des troupes, etc., administrativement soldés par les colonies. Dans cette situation, les classes dominantes de la métropole et des colonies, sans en exclure celles des pays conquis, ne se trouvaient jamais en perte. Car dans ses co­lonies, l'Angleterre recherche toujours l'appui des classes dirigeantes. C'est ainsi que, d'après la re­vue The Nation « elle s'appuie en Perse, sur la classe des propriétaires fonciers, la plus oisive et la plus rapace de l'Orient »

La liste des colonies anglaises proprement dites est complétée par une liste d'Etats politiquement indépendants en apparence, mais en réalité situés dans la sphère de domination de l'empire anglais : tel est tout d'abord le Portugal et toutes ses co­lonies ; tels sont aujourd'hui, depuis la victoire de l'impérialisme anglais, les Etats limitrophes qui se sont détachés de la Russie, et, peut-on dire, tous ceux de l'Europe continentale.

Conséquence de la guerre sur l'économie anglaise

Bien que la puissance britannique semble s'être élevée à une hauteur inconnue jusqu'à ce jour (ce que voudraient croire les politiciens bourgeois et ce qu'ils répètent en toute occasion), la guerre n'a pas été sans influer profondément sur l'économie anglaise. Les changements de la vie économique qui intéressent également tous les pays belligé­rants se sont produits dans la vie économique de l'Angleterre : appauvrissement de richesse vérita­ble ; croissance monstrueuse, enflure des capitaux fictifs ; enrichissement apparent de la population, ce qui, par suite de la dépréciation de l'argent, de­vient pour la classe ouvrière, une aggravation di­recte de ses conditions d'existence ; amoindrisse­ment de la productivité du travail et mauvaise volonté des ouvriers à intensifier leur labeur au sein de la société capitaliste alors que leurs con­ditions d'existence empirent : incapacité des classes dirigeantes à assurer au prolétariat un mini­mum de bien-être. Tout ceci, répétons-le, nous le voyons en Angleterre, et nous en reparlerons, par le menu. Soulignons pourtant que les change­ments dans l'économie anglaise ne sont pas aussi profonds que dans celle des autres Etats euro­péens belligérants.

La cause en est que l'Angleterre était aupara­vant la plus riche puissance du monde. C'est ce qui fait qu'elle a pu faire la guerre aussi long­temps, en ne dépensant que ses réserves de ri­chesse et en ne touchant pas au mécanisme même producteur de ses richesses. Après quoi, elle a pu retirer de ses colonies et des autres pays du mon­de, une partie considérable des capitaux qu'elle y avait placés, et les consacrer à la guerre ; c'est-à-dire qu'elle a su pendant les hostilités accumuler chez elle une grande quantité de valeurs de toute provenance, sans les rembourser en marchandises. Et quand les capitaux qu'elle avait naguère pla­cés à l'étranger (les actions et les titres furent principalement rachetés par les Etats-Unis d'Amérique et par les colonies anglaises elles-mêmes) furent épuisés, tous les Etats du monde lui ouvrirent un crédit qui devait lui permettre de rece­voir pendant toute la durée de la guerre des marchandises, sans ruiner pour cela son économie propre, car sa maîtrise des mers lui permettait parfaitement de se ravitailler et de ravitailler les théâtres de la guerre.

Le fait suivant est aussi à noter. Fidèle à elle-même, l'Angleterre a dans cette guerre aussi usé de ses traditionnelles méthodes de perfidie et de trahison. Elle a laissé les alliés commencer la guerre, elle n'a elle-même accru ses armements que lentement et progressivement, si bien qu'à la fin de la guerre, alors que la plupart des Etats belligérants y compris les alliés étaient complè­tement épuisés, l'Angleterre disposait encore d'une formidable armée à l'apogée de sa puissance combative.

C'est ce qui fait qu'elle a pu, au cours des pre­mières années du la guerre, consacrer sa main-d'œuvre à la production au lieu de l'envoyer au front. D'autre part, sa bonne organisation financière de guerre a contribué à diminuer les effets du conflit international sur la vie économique du pays. Tandis que la France et l'Angleterre, pour ne rien dire des petits Etats, faisaient la guerre exclusivement sur leurs crédits, c'est-à-dire au moyen d'emprunts considérables et de l'émission pour des sommes fabuleuses de papier-monnaie, faisant ainsi retomber le fardeau du présent sur les générations futures et créant l'illusion d'un enrichissement de la population, les Anglais finan­çaient la guerre conformément à leur tradition ; dès le début, les impôts avaient été sérieusement accrus si bien que la plus grande partie des dé­penses de guerre était couverte par les rentrées. Ainsi fut évité l'enrichissement apparent, et sa conséquence, la multiplication des industries de luxe ; ainsi se créèrent au contraire des mœurs correspondant parfaitement aux revenus réels de la population. L'Angleterre a de la sorte réussi à boucler aujourd'hui son budget sans déficit et à couvrir à peu près le tiers de ses frais de guerre, pendant la guerre même. Mais la liste des ren­trées du gouvernement anglais n'est pas tout à fait correctement rédigée : on y trouve la men­tion de trois cent millions de livres « de rentrées extraordinaires » provenant de la vente des stocks de guerre. De cette façon seulement, le budget de la Grande-Bretagne se solde par un excédent.

Tous ces facteurs ont fait croire à la bourgeoi­sie anglaise que le développement économique de sa domination du monde continuerait à progres­ser après la guerre en repartant du point où il s'était arrêté en août 1914. La bourgeoisie anglaise s'était longuement préparée à la conclusion de la paix. Des quantités énormes de matières premières avaient été importées. Le monopole anglais du cabotage et de la navigation avait servi à empê­cher tous les autres Etats à se pourvoir de ma­tières premières. Le fait est que, dès le lendemain de l'armistice, alors que la plupart des belligé­rants manquaient de tout, l'industrie anglaise se relevait. Mais son relèvement ne dura pas long­temps. L'Angleterre traverse aujourd'hui une des plus graves crises que son histoire connaisse. Examinons-en les causes de plus près.

Le développement industriel des colonies anglaises

La primauté économique de l'Angleterre vient de ce que la Grande-Bretagne a été le centre in­dustriel d'une moitié du monde. Mais pendant la guerre, lorsqu'il lui fallut adapter sa production aux nécessités du moment, se servir de sa flotte surtout pour le transport des troupes et des muni­tions, lorsque, dans des colonies éloignées, des stocks considérables de matières premières s'ac­cumulèrent, tandis que d'autre part le manque des articles manufacturés se faisait sentir, lors­que ces pays éloignés commencèrent à s'enrichir rapidement, par suite du renchérissement des produits d'agriculture, — une nouvelle industrie naquit dans toutes les colonies anglaises et en­treprit de lutter sur les marchés locaux contre les articles de la métropole. Nous n'avons malheu­reusement pas sous la main de statistiques per­mettant de donner un tableau précis de ce fait. Aussi devons-nous nous contenter de faire con­naître, quelques phénomènes bien symptomatiques.

L'essor économique du Canada est surtout re­marquable. Nous lisons par exemple dans The Economist du 19 juin dernier :

La situation des industries rurales au Cana­da s'est sérieusement aggravée. Au début de l'an­née 1914, les travailleurs des campagnes, attirés par les hauts solaires et les courtes journées de travail, affluèrent par milliers dans les villes.
Le Canada produit moins d'articles alimentai­res qu'il n'en faut pour sa consommation et en produit moins à l'heure actuelle qu'il y a six ans. Tant qu'un remède n'aura, pas été apporté, nous n'avons nul espoir de voir diminuer le minimum d'entretien d'un travailleur. L'industrie se déve­loppe au Canada de la façon la plus moderne. Une concentration grandiose des capitaux et des entreprises s'accomplit, accompagnée de tous les développements inévitables du capital usuraire qui finance la production. Donnons-en un exemple : la British Empire Steel Company a trusté toutes les usines métallurgiques travaillant le fer et l'acier du Canada. Cette compagnie étend mainte­nant son influence sur les grandes sociétés de na­vigation aux mains desquelles se trouvent les li­gnes de service intérieur du Canada et dont la principale est la Canada Steam Ship Company.
Le capital, totalement remboursé de cette so­ciété, se monte — d'après les chiffres de M. Armstrong, membre du parlement canadien — à six millions de dollars et d'après un des directeurs de la compagnie en question (M. Bristal) à dix-sept millions de dollars. La British Empire Steel Company offre 44 millions de dollars d'actions afin de racheter toutes celles de la compagnie de navigation Marge qui, dans ces conditions, va­lent vingt-sept (ou en comparant les cours, trente-huit) millions de dollars. (Remarquons que le capital de cette société est formé d'actions de cinq et dix dollars. Une semblable concentration s'ob­serve aussi dans l'industrie forestière et dans les chemins de fer canadiens.

Remarquons que la production de ces vastes entreprises et notamment de la Steel Company tend à diminuer. Elle s'élevait ainsi à :

HOUILLE


Millions de tonnes
1916 5,3
1917 4,3
1918 3,8
1919 3,6
1920 3,5

FER ET ACIER


Fonte
Acier
Rails
1919 308 000 tonnes 342 000 tonnes 165 000 tonnes
1920 184 000 tonnes 220 000 tonnes 69 000 tpnnes



Dans ces conditions, il n'est rien d'étonnant à ce que les capitalistes canadiens veulent défendre leurs bénéfices par les méthodes mêmes dont se servent les puissances impérialistes ; ils récla­ment des tarifs douaniers protecteurs. Les capi­talistes canadiens et leur presse font campagne dans ce sens.

L'introduction des tarifs douaniers protecteurs est non seulement exigée par les représentants de l'industrie textile, mais aussi par les maîtres de branches d'industrie telles que la fabrication d'outillage agricole, qui avant guerre exportaient beaucoup et notamment en Russie. Ajoutons ici que la bank-note canadienne a un cours sensible­ment plus élevé que la livre anglaise. On voit désarmais combien se sont modifiés les rapports économiques entre l'Angleterre et le Canada.

Dans d'autres colonies anglaises, nous voyons se produire le même fait. En Australie par exem­ple, les fermiers se sont considérablement enri­chis pendant la guerre, les prix élevés, surtout ceux des terres, les ont enrichis au point que l'Austra­lie a pu, de même que le Canada, payer à la mé­tropole une grande partie de ses dettes et devenir même son bailleur de fonds. On observe en con­séquence en Australie une tendance marquée à l'autonomie politique et le désir de satisfaire les besoins locaux par les forces propres du pays.

Le Times du 3 octobre dernier citait l'opinion du sénateur Millen qui affirme que l'Australie a sur­tout besoin d'un accroissement de population. Les firmes industrielles anglaises ont créé des succur­sales dans toute l'Australie. L'Australie encou­rage leurs initiatives et encouragera de même toute importation de capital industriel.

Même situation en Nouvelle Zélande. Hausse de la valeur des terres et enrichissement des fer­miers. Au cours des dix dernières années, se plaît-on à répéter, des trésors ont été accumulés en Nouvelle-Zélande.

En Tasmanie, une nouvelle industrie se crée. Nous lisons dans le Manchester Guardian du 8 septembre : « Trois grandes firmes anglaises ont ouvert dans la capitale de l'île de grandes fabri­ques de cacao et de chocolat. Non loin de la cité, une fabrique de carbite et de sel de potasse est construite, dont les machines sont actionnées par des turbines d'une puissance de 3 500 chevaux vapeur. Au nord, une firme anglaise construit une fabrique de tissus, la Tasmanie manquant d'ou­vriers qualifiés, des maîtres ouvriers y ont été transporté du Lancashire afin d'y enseigner les métiers nécessaires. L'île éprouve un grand be­soin de ciment ; une firme anglaise fonde une usi­ne pour lui en fournir (Manchester Guardian du 5 novembre 1920). (D'une façon générale, les renseignements abondent sur le développement fé­brile de l'industrie dans ce pays. Même dans l'In­de, c'est-à-dire dans le domaine de l'empire an­glais soumis à la plus grande exploitation, l'in­dustrie est prospère : il est vrai que sa prospérité se fonde sur le traitement inqualifiable des tra­vailleurs indigènes.

Nous avons trouvé, dans un numéro de l'Huma­nité un extrait de la Modern Review, revue édi­tée à Calcutta, qui nous renseigne sur les condi­tions de travail faites aux indiens2. De 1910 à 1917, et en dépit de la cherté croissante des vi­vres, les salaires des ouvriers anglais n'ont aug­menté que de 20 à 30 %. Les travailleurs de la terre gagnaient en 1917 de 20 à 80 centimes par jour. Les menuisiers de 80 centimes à 2 francs. Les tailleurs de pierre gagnaient jusqu'à 2 fr. 40. En 1910 les ouvriers de, fabrique touchaient des salaires de 40 à 80 centimes par jour. Les fabri­ques de tissus de l'Inde septentrionale payaient 4 francs par semaine et les fabriques de jute 3 francs 30. Les mineurs ne gagnent depuis 1910 que 80 centimes. Leur salaire équivaut à 1 fr. 15 la tonne de charbon extrait qui est payée 15 fr. à l'ouvrier anglais.

Ce développement remarquable de l'industrie coloniale est l'une des causes de la difficulté d'é­coulement des produits anglais sur les marchés du monde.

Naturellement, le même processus s'est accom­pli ailleurs que dans les colonies anglaises, et surtout aux Etats-Unis et au Japon. Nous consa­crerons à ces deux pays une étude spéciale. Les progrès surprenants de l'industrie textile (hors d'Angleterre) et ce qu'ils signifient nous sont ex­pliqués par un article de l'Economist du 8 no­vembre 1920. L'article s'intitule : « De l'outillage de l'industrie textile destiné à réimportation ». Nous y trouvons notamment ce qui suit :

Des représentants de l'industrie textile japo­naise sont arrivés au cours des dernières semai­nes a Longshire afin d'y acheter des machines à tissu de papier. Ils ont trouvé les fabricants sur­chargés de commandes : la plupart des firmes ont conclu des contrats dont l'exécution prendra trois à quatre années. Ne pouvant acquérir ce qu'ils désiraient, les Japonais ont cherché à acheter les fabriques anglaises afin d'en exporter l'outillage après avoir liquidé les stocks. Leurs pourparlers avec les directeurs de certaines sociétés conti­nuent, dit-on, mais nous ne sommes pas convain­cus, ajoute l'Economist, que l'on puisse considé­rer une semblable opération comme avantageuse.

Non seulement la concurrence des industries de formation récente dans Les colonies anglais, mais aussi la concurrence de l'Amérique du Nord et du Japon mettent obstacle à l'écoulement des produits anglais. Les produits de l'Europe cen­trale qui, grâce au cours dérisoire du papier-mon­naie, se vendent à bon marché dans les pays neu­tres, concurrencent aussi avantageusement les ar­ticles anglais.

Les revues anglaises, comme toute la presse d'outre-Manche, sont pleines d'articles sur la concurrence que les capitaux américains et japonais font à l'industrie anglaise. Le supplément hebdo­madaire du Manchester Guardian du 5 novembre 1920 donnait un article fortement documenté sur les succès rapides du capital japonais en Chine. Mais passons sur les détails, afin de ne pas trop nous écarter de notre sujet principal.

L'Europe exclue du nombre des clients

Restent à l'industrie anglaise les marchés de l'Europe continentale qui, avec ses 400 millions d'habitants manquant de combustible, pourrait re­cevoir une quantité énorme de marchandises. Mais la vente en Europe centrale est compliquée du fait que ses marchés ne peuvent rien donner en échan­ge. A la conclusion de l'armistice, les capitalistes anglais ont voulu tourner la difficulté de deux façons. Ils achetaient des actions et des entrepri­ses entières en Europe et payaient leurs achats en marchandises. D'autre part, ils permettaient aux nouveaux Etats de l'Europe orientale et prin­cipalement à ceux dont l'avenir semble assuré, d'émettre des emprunts couverts surtout en marchandises anglaises. Mais les Etats de l'Europe centrale et orientale ont été si complètement rui­nés par la guerre qu'ils consommaient immédia­tement les marchandises reçues et qu'il ne leur resta plus bientôt qu'un crédit limité. A l'heure actuelle, ils ne peuvent d'une façon générale plus acheter de marchandises anglaises, l'argent an­glais atteignant chez eux une valeur trop haute.

Rien d'étonnant après cela que la courte période de prospérité qui suivit pour l'Angleterre la con­clusion de l'armistice aboutit à la crise grave dont parlent aujourd'hui tous les journaux.

La crise économique en Angleterre

Les facteurs dont nous avons parlé plus haut n'ont agi avec toute leur puissance que depuis l'au­tomne dernier. Jusqu'à ce moment la crise fut la­tente, voilée par l'habileté des capitalistes. Les stocks augmentaient, mais les fabriques conti­nuaient le travail. Ce ne fut qu'au début de sep­tembre que les premiers symptômes de la crise se manifestèrent. Une des grandes aciéries de Sheffield, associée à la corporation de l'Acier (syndicat patronal qui embrasse toute l'industrie anglaise), commença à congédier, faute de travail, des milliers d'ouvriers. (Gazette de Francfort, 3 oc­tobre 1920.)

L'Economist du 2 octobre 1920 écrit : « Les pers­pectives de l'industrie sont obscures. La vente de­vient difficile. » Le 7 octobre 1920, nous lisons dans le Times : « Nous voici en présence d'une redou­table baisse de prix. »

Depuis, les renseignements sur la crise se mul­tiplient dans toute la presse anglaise et dans toutes les revues spéciales. Le Manchester Guardian du 29 octobre décrit la situation en ces termes :

Le trimestre qui vient de s'écouler (septem­bre) atteste une telle baisse du commerce de no­tre pays que les plus grandes inquiétudes en sont justifiées. Point n'est besoin d'en douter ; les évé­nements des derniers mois ont fait comprendre à beaucoup que les conditions artificielles créées par la guerre : hausse anormale des prix, enflure des crédits, émission exagérée de papier-monnaie et gaspillage inutile des forces militaires, ont causé un préjudice énorme à la vie sociale et qu'il fau­dra de longues années de patience et de travail opi­niâtre pour réparer le mal.
Entre autres causes de la crise du commerce, il convient de mentionner : l'appauvrissement de nos clients étrangers, la cherté de l'argent, la suppres­sion du crédit, l'effervescence parmi les ouvriers, qui crée aux patrons des difficultés et ne leur per­met pas de garantir l'exécution des contrats dans un certain délai, et enfin l'accroissement des im­pôts, y compris les taxes exagérées sur les béné­fices.
Commerce du coton. — fin septembre et octobre s'est produite une baisse de prix du coton brut ; les commandes cessent et les efforts faits pour as­surer aux fabriques de tissus-papier tant soit peu de travail sont vains.
Industrie de la laine et filature de laine. — Baisse de prix et cessation des commandes, d'où arrêt du travail dans nombre de fabriques de l'ouest.
D'autres grandes industries sont également at­teintes par la crise.

Le même journal écrit, le même jour, sur l'industrie de la chaussure :

L'existence de grands stocks, la fermeture des marchés continentaux et les difficultés financières, telles sont les causes principales de la baisse des prix des chaussures. Les prix de vente au détail n'ont pourtant aucune tendance à baisser, même en rapport avec les prix du gros du marché.
Et cette industrie souffre comme la plupart des autres des conséquences de la guerre. Ainsi, des grands stocks existent. Les marchés du continent sont fermés, le nombre des ouvriers s'est accru de 20 à 30 % par rapport aux chiffres de l'avant-guerre ; les acheteurs du pays même ont moins de capacité d'achat qu'auparavant, à cause de l'é­lévation des prix, et le salaire hebdomadaire du travail s'est amoindri. On escompte une baisse sen­sible des prix au cours du mois prochain.
Les prix en gros ont baissé, selon certaines sources d'information, de 15 à 20 % et, selon d'au­tres, de 20 à 30 %.

Nous pourrions multiplier ces citations.

Deux circonstances confèrent à cette crise un cachet particulier. Elle réunit d'une façon très cu­rieuse l'insuffisance de production et la surpro­duction. Tandis que le charbon, le bois et quelques produits alimentaires de première nécessité : fro­ment, beurre, œufs, font défaut, la surproduction sévit à coup sûr dans toute une série d'industries (le prix du pain a été récemment élevé de trois pen­ce par livre, une prochaine augmentation de deux pence est officiellement annoncée). Ceci à l'heure précise où le prix du froment américain baisse sensiblement. L'augmentation de la ration du beurre est remise jusqu'à la fin de l'année. Les œufs ont dernièrement été tarifés. Les causes en sont compréhensibles. Ou les marchés étrangers n'ont pas besoin de produits anglais et peuvent largement se suffire avec les produits du pays et l'importation américaine, ou ils achètent en Europe continentale, bénéficiant ainsi de la baisse du change ; ou bien ils ne peuvent acheter d'articles anglais, même si les besoins s'en font sentir, par suite de la dépréciation de la monnaie. Quant au marché intérieur, les travailleurs anglais ne peuvent rien acheter par suite de la cherté des den­rées alimentaires et des articles de première né­cessité. Cette situation permet même l'apparition sur le marché anglais — et non sans succès — de produits de l'industrie allemande (pourtant bien débilités).

Nous lisons à ce sujet, dans le Times du 10 no­vembre 1920 :

Tels sont les résultats des variations du chan­ge (le mark allemand vaut 4/5 de pence) ; les fa­bricants allemands peuvent vendre sur les mar­chés anglais, à des prix défiant la concurrence de nos industriels. Un fabricant allemand de verres d'optique a, par exemple, fait une excellente af­faire en vendant, en Angleterre, ses produits à 60 ou 100 % au-dessous de leur prix de revient dans le pays même. 12 000 jumelles prismatiques ont été offertes à Londres par des négociants alle­mands à un prix au-dessous de leur prix de revient en Angleterre.
Ganterie. — En 1913, la fabrication des gants, en Angleterre, en produisait 880 000 yards. Nos manufacturiers la développèrent tant et si bien qu'en 1918, leur production atteignait 5 200 000 000; mais au cours de ces temps derniers, les repré­sentants des firmes allemandes se sont donné pour tâche de conquérir le marché anglais, et ont fré­quemment fait des offres de marchandises à des prix inférieurs de plusieurs shillings au prix de revient anglais. Nous savons que les maisons de gros ont fait de grandes commandes à l'industrie allemande.

La situation de l'industrie anglaise du jouet est désastreuse. Dans les premiers mois de 1920, on a importé d'Allemagne au Royaume-Uni pour plus de 1 630 000 shillings de jouets. La valeur de cette importation a donc augmenté de 120 % par rap­port à ce qu'elle était en 1914.

Une seconde circonstance intéressante, c'est que la crise se développe en quelque sorte avec orga­nisation ; pas de brusque baisse de prix, pas de panique, pas de grandes faillites. Elle est la conséquence de la surproduction et se terminera lors­que les grands stocks de marchandises auront at­teint leur « prix social », lorsque toutes les marchandises seront jetées sur le marché à un prix normal. Mais nous ne voyous encore rien de semblable. Le capital soutient toutes les entreprises, les prix ne baissent que dérisoirement, les stocks se conservent, mais la production est ou restreinte ou arrêtée.

Qu'est-ce à dire au point de vue social ?

Cela veut dire que les ouvriers feront les frais de la crise. Toutes les charges du rétablissement de l'équilibre de la production retomberont évidem­ment sur le prolétariat sous la forme d'un long chômage. Les capitalistes de l'industrie textile in­troduisent, dans leurs manufactures, le « short time » ou courte journées de travail ; de nom­breux fabricants anglais ont profité de la grève des mineurs pour arrêter le travail, bien qu'ils eus­sent du charbon pour plusieurs semaines (Workers' Dreadnought du 23 nov. 20). Et les dividendes con­sidérables payés en 1920 par des sociétés anglaises à leurs actionnaires ne doivent pas nous induire en erreur. Ils provenaient des bénéfices réalisés en 1919 et parfois même en 1918, pendant la guerre. La tendance du capital organisé à faire retomber tout le fardeau de la crise sur les ouvriers lui a permis de payer ses dividendes. Mais le prolétariat anglais ne peut pas ne pas s'émouvoir de ce que les firmes textiles versent en moyenne du 16 % à leurs actionnaires, alors que leurs ouvriers ne travaillent que trois jours par semaine.

Situation des organisations ouvrières

La prospérité de l'industrie anglaise, après l'armistice, n'a rien donné aux ouvriers. La cherté des vivres a augmenté chaque mois. L'attente d'une baisse de prix a été déçue, alors que la hausse des articles de première nécessité dépassait sensiblement celle des salaires.

Les journaux anglais ont beaucoup écrit, depuis quelques mois, sur la baisse des prix. D'après l'Economist, les prix ont atteint leur apogée au printemps 1920, et depuis ont eu une tendance à la baisse, qui a surtout été remarquable au mois de novembre. Si nous examinons de plus près ce fait, nous trouverons que cette tendance à la baisse se fait surtout sentir dans la vente en gros des articles que ne consomme point la population ouvrière ; par contre, et jusqu'en novembre 1920, les prix des articles de première nécessité n'ont pas cessé d'augmenter. Les chiffres régulièrement publiés par la Labour Gazette, sous la rubrique « Cost of Living » (coût de la vie) nous le montrent. Si l'on désigne par 100 unités le cours de la vie à la fin de la guerre mondiale, on obtient la tableau suivant :

1919 1920
Juillet 110 % Janvier 125 %
Août 115 % Février 130 %
Septembre 120 % Mars 130 %
Octobre 123 % Avril 132 %
Novembre 125 % Mai 141 %
Décembre
Juin 150 %


Juillet 152 %


Août 155 %


Septembre 161 %


Octobre 164 %


Et si nous nous bornons à considérer les prix des denrées alimentaires, l'augmentation, au 1er octobre 1920, sera de 170 %.

Cette cherté des vivres entraîne une diminution rapide du bien-être des ouvriers anglais. Un communiste anglais a exposé de façon saisissante, dans le numéro 11 de l'Internationale Communiste, la situation de l'ouvrier anglais. Mais elle s'est depuis aggravée, et nous n'avons nul espoir de la voir s'améliorer dans un avenir proche. La Federation of British Industries, qui est l'une des plus grandes sociétés d'employeurs anglais (voir le Times du 7 octobre 1920), l'a nettement déclaré : « La classe ouvrière ne peut espérer une rapide amélioration de sa situation ; il est au contraire à redouter que celle-ci s'aggrave encore. »

Les capitalistes anglais, comme ceux du monde entier, ne connaissent qu'un moyen : élever la productivité de la main-d'œuvre. Mais c'est précisément ce qui est en question en Angleterre et partout. Les données précises que nous possédons sur l'extraction de la houille, facile à surveiller à cause de son peu de complexité, sont assez connues. Le ministre Horne constatait récemment que « Notre exploitation est maintenant inférieure de 50 % de ce qu'elle était avant la guerre. L'extraction de la houille s'élevait alors à 287 000 000 de tonnes par an. Pour le premier trimestre de cette année, elle correspond & 248 millions de tonnes et pour le second, elle tombe à 232 millions. » Nous pouvons ajouter que ces chiffres ont encore baissé, par suite de la grève du second semestre de 1920. Avant guerre, un mineur fournissait 270 tonnes de charbon par an ; il n'en fournit que 200 en 1920. La production a baissé dans les mêmes proportions dans toutes les branches de l'industrie anglaise. Si nous parcourons dans les journaux les rapports des directeurs des grandes sociétés par actions, présentés aux actionnaires — lecture hautement intéressante, à qui étudie l'histoire du développement économique de notre temps — nous y trouvons à tout moment des récriminations contre la paresse des travailleurs et la baisse de la production. Et, certes, les récriminations sur l'augmentation des salaires passent, dans ces conditions, au second plan.

Les directeurs ont beau souligner que le travail a atteint sa productivité maximum et que toute hausse des salaires supprimerait les bénéfices, il n'en est pas moins vrai que la grande question est celle de la production du travail.

La différence entre la hausse des salaires et celle du coût de la vie ne peut pas nous servir à mesurer l'aggravation des conditions d'existence du prolétariat anglais. Car il faut encore tenir compte du chômage croissant.

Nous citerons ici des chiffres qui ne concernent que les industries dont les chômeurs sont secourus par l'Etat. Il s'agit donc de certaine catégorie d'ouvriers qualifiés. Les chiffres suivants indiquent le maximum et le minimum de chômage par mois et par pourcentage :

1913 1,7—2,6
1916 0,3—0,6
1917 0,3—1,4
1918 0,4—1,2
1919 1,6—3,2
1920 janvier 2,9
Février 1,1
Avril 0,9
Mai 1,1
Juin 1,2
Juillet 1,4
Août 1,6

Le ministre du travail, Mac Namara, a donné a la Chambre des Communes, sur l'extension du chômage au cours des derniers mois, les renseignements suivants (Times du 18 novembre) :

Au moment où éclata la grève des mineurs, c'est-à-dire le 15 octobre 1920, le nombre des sans-travail atteignait 4,5 %. Ne sont pas inclus, dans ce nombre, les ouvriers non qualifiés, les manœuvres et les apprentis parmi lesquels le nombre des chômeurs est beaucoup plus grand.

Des centaines de milliers d'ouvriers ne travaillent en outre que 3 heures par semaine. Et la grève des mineurs a fortement accru le chômage.

Nous sommes donc fondés a dire que la situation de l'ouvrier qualifié anglais est loin d'être aussi favorable qu'elle l'était avant la guerre. La baisse de niveau de ses conditions d'existence et la croissance du chômage le démontrent. Le capital anglais, n'étant plus maître des marchés du monde, ne peut plus assurer aux ouvriers les mêmes conditions d'existence qu'auparavant, et il n'est certes pas question de les améliorer par rapport à ce qu'elles étaient avant la guerre. Les intentions des capitalistes anglais sont exprimées d'une façon très caractéristique par les lignes suivantes, que nous cueillons dans le Times du 17 novembre :

Les prix baissent ; que la classe ouvrière ne s'oppose donc pas à une diminution nominale des salaires, puisque les salaires, même diminués, permettront d'acquérir autant de produits.

Si nous rapprochons cette phrase de la déclaration de la Federation of British Industries, il ressortira à nos yeux avec évidence que les capitalistes anglais, loin de penser à améliorer la condition de leurs ouvriers, songent à diminuer encore les salaires.

Une sourde irritation, qui n'a pas encore pris une forme décisive, en résulte dans la classe ouvrière. Et nous avons déjà pu noter les symptômes d'un véritable mouvement révolutionnaire. Cet été, les soldats revenus de la guerre se sont emparés, en Ecosse, de terres qu'ils ont commencé à défricher ; et la passivité des autorités locales a provoqué l'indignation du Times. « Devons-nous croire que les violations de la loi passeront désormais inaperçues en Ecosse ? N'y a-t-il donc plus de contrôle véritable sur les pouvoirs ? » (Times du 3 août). Le mouvement des Shop Stewards Committees, la rapide unification des trade-unions, jusqu'alors isolés, l'insubordination de plus en plus fréquente des syndiqués envers la bureaucratie syndicale, la formation du comité d'action et, surtout, la sympathie toujours croissante pour la Russie des Soviets, autant de symptômes de la transformation de l'état d'esprit des masse ouvrières en Angleterre. Mais tout cela est encore en voie de croissance, plein d'hésitations, instable et contradictoire.

Les leçons de la grève des mineurs

L'état d'esprit indécis, équivoque même, des ouvriers anglais, l'esprit révolutionnaire des masses et le conservatisme des chefs qui entravent le mouvement, se sont nettement manifestés pendant la grande grève des mineurs d'octobre 1920. Nous supposons naturellement te lecteur au courant des faits, et nous nous bornerons donc à n'en indiquer que les traits essentiels.

Comment débuta le mouvement ? Il se donna dès le début un programme révolutionnaire. Nationalisation des mines et contrôle ouvrier. Et en attendant, les ouvriers non qualifiés exigeaient une augmentation des salaires, en posant cette condition qu'elle ne retomberait pas sur le consommateur et que l'augmentation du prix du charbon, autorisée par le gouvernement au printemps 1920, serait abrogée. En d'autres termes, c'était une tentative pour améliorer la situation des ouvriers au détriment des bénéfices du capital. (On ne peut pas dire que cette conception ait été en tout point correcte ; le monopole du charbon, sur les marchés du monde, dont l'Angleterre dispose en fait, permettait au capital britannique de faire retomber, avec l'approbation du gouvernement, tout le poids de l'augmentation des salaires sur les mineurs, et partant sur le prolétariat des autres pays. Bref, l'ancienne tactique des capitalistes anglais aurait pu revêtir une forme nouvelle ; mais il eût toujours été question de jeter à une couche privilégiée de la classe ouvrière les miettes des bénéfices acquis par le pillage de diverses parties du monde.)

Comment se termina le mouvement ? Il se termina en contradiction absolue avec son début. Avant la grève même, toutes les revendications révolutionnaires (nationalisation, contrôle ouvrier, baisse des prix) avaient été éliminées. Et il ne subsistait qu'une très ordinaire demande d'augmentation des salaires. Ce n'était déjà plus qu'une bagatelle, pour les capitalistes miniers, — leur monopole étant donné — qui auraient pu aisément faire payer les augmentations de salaires par les pays étrangers. Mais ils tirèrent parti de la concession des ouvriers, pour s'assurer une augmentation de production ; le contrat spécifiait que les mineurs n'auraient droit à une augmentation des salaires que lorsque la production atteindrait un maximum défini. Les capitalistes anglais réussirent donc à retourner contre les ouvriers une grève révolutionnaire à son début, et à conclure avec les mineurs un contrat qui assurait l'augmentation de la production. Solution tout à fait contre-révolutionnaire.

Comment réussit-on à retourner ainsi le mouvement ? Grâce à l'influence des chefs des trade-unions. Pendant les pourparlers, qui durèrent des mois, toute ardeur révolutionnaire s'éteignit dans les masses. Le gouvernement eut la faculté de prendre toutes mesures propres à amener l'échec de la grève et de neutraliser sa vigueur révolutionnaire. La puissante presse capitaliste, qui submerge littéralement la presse ouvrière, eut tout le loisir de préparer l'opinion publique et les larges masses de la classe ouvrière, dont la grève menaçait l'existence même, contre le mouvement. Cependant la situation économique empirait sensiblement. Les capitalistes résolurent de profiter de la grève pour congédier en masse leurs ouvriers (Worker's Dreadnought, 23 octobre 1920) et s'efforcèrent de préparer dans le public un état d'esprit hostile à la grève. Tout ceci ne fut possible que grâce à la longueur des pourparlers. Les chefs des trade-unions avaient réussi à épuiser totalement l'ardeur révolutionnaire des masses.

Ils ont d'ailleurs fait plus encore, ils ont répété en toute occurrence que les mineurs ne voulaient pas la révolution, que les mineurs consentaient à intensifier la production, que le travail et le capital dépendent l'un de l'autre. Avec des chefs de cet acabit le triomphe de la bourgeoisie était assuré.

Le jour même de la grève, le Times écrivait qu'il n'y avait dans cette crise grave qu'un fait rassurant que « les chefs des trade-unions n'avaient pas perdu la tête ».

Thomas, leader des cheminots, à qui il appartenait d'apporter aux mineurs, un concours puissant (la grève de solidarité des chemins de fer était fixée au 25) adressa un appel au gouvernement. Rétablissez la confiance ! lui disait-il en l'invitant à consentir aux mineurs, une augmentation de salaire. Et quand Lloyd George ouvrit les négociations, les cheminots renoncèrent aussitôt à la grève. L'attitude de Smillie3 fut tout ce qu'on voudra, mais ne fut pas révolutionnaire. On conçoit que la bourgeoisie ait pu suivre les événements avec tranquillité. Le Spectator du 23 novembre écrit : « La Cité était, à la déclaration de grève, parfaitement calme. Les gros capitalistes ne veulent pas de lutte jusqu'au bout ». Les personnes intéressées à la prospérité des affaires ne peuvent pas se permettre le luxe de tant d'héroïsme A quoi bon ? les intérêts du capital, étant donné la mentalité que nous connaissons aux « chefs » ouvriers. devaient être mieux assurés par un contrat que par une lutte à outrance, dont le résultat aurait peut-être été de tourner l'énergie révolutionnaire des ouvriers contre les leaders.

La victoire de la bourgeoisie est-elle assurée pour longtemps ?

Nullement. Déjà le référendum organisé pour la ratification du contrat a donné une majorité, faible il est vrai, à l'opposition. Le contrat n'a pu être validé que parce que les statuts exigent pour continuer une grève, alors que les dirigeants des unions en conseillent la fin, une majorité des trois-quarts de voix. Mais un profond mécontentement en résulte. Les ouvriers qui se sentent trompés, n'ont pas craint de manifester leurs sentiments. La presse bourgeoise a constaté avec effroi que « les chefs des trade-unions perdent rapidement leur popularité ». L'accord a été conclu pour un délai de quatre mois. Une nouvelle grève semble imminente, en présence du laquelle la victoire de la bourgeoisie est problématique. Le Manchester Guardian du 15 novembre écrit sur ce référendum :

Le référendum atteste plutôt le désir de terminer la grève, que la joie ou la satisfaction des résultats acquis. Les clauses de l'accord sont impopulaires, et la majorité des votants n'y voit assurément qu'un palliatif temporaire, lis ne considèrent nullement que le principe de la modification des salaires, conformément au cours de la production, demeurera intangible dans le mécanisme qui régularise la fixation des salaires.

L'ouvrier anglais et la politique bourgeoise

Thomas, représentant le plus typique des trade-unionistes et des parlementaires ouvriers, bien disposé envers la bourgeoisie a pu dire pendant la grève des mineurs : « il y avait dans les deux camps des hommes qui espéraient que la lutte serait cette fois poussée jusqu'au bout ». Il ajoutait que si les ouvriers voulaient réellement, renverser l'ordre bourgeois, ils n'avaient qu'à se servir pour leur fin de l'urne électorale (Daily Herald, 25 octobre 1920).

La suggestion de faire du bulletin de vote la meilleure arme contre le capital n'est nullement personnelle à Thomas, cette tactique a été habituellement préconisée par les chefs conservateurs du mouvement ouvrier anglais. Quant à l'issue de la guerre mondiale, les ouvriers virent que Lloyd George les avait dupés, que toute la rhétorique, la lutte contre l'impérialisme allemand, pour la démocratie et pour le droit des nationalités, n'avait servi qu'à substituer au militarisme germanique le militarisme anglo-français, tout aussi réactionnaire (la France a maintenant 800 000 hommes sous les armes. L'Angleterre entretient, outre sa flotte, une armée d'un demi million d'hommes, — Labour Leader, du 2 octobre 1920), que le droit des nationalités avait servi à justifier, le démembrement de l'Europe Orientale et Centrale en de petits Etats rivaux, colonisés par l'Angleterre et la France, que la Ligue des Nations, si solennellement instituée, était devenue, par l'exclusion de l'Allemagne et de la Russie, une arme entre les mains de l'Angleterre, arme dont cette dernière se sert pour soumettre (diplomatiquement) tous les peuples du monde, — quand ils ont compris tout cela, les ouvriers anglais, en ont éprouvé une profonde indignation. Mais à toutes leurs récriminations, les chefs répondaient : « Si vous aviez voté, après l'armistice, pour le Labour Party, la politique du pays aurait été tout autre. »

Mais le fait est que, si nous étudions la composition sociale du Parlement anglais actuel, l'incapacité du parlementarisme à faire face aux antagonismes sociaux nous sautera aux yeux. En Angleterre, c'est-à-dire dans un pays où l'immense majorité de la population est formée de prolétaires, de salariés, au sens littéral du mot, nous trouvons dans la Chambre des Communes (d'après M. Harold, I. Lasky, The Nation, 9 octobre 1920 :

A l'exception de ces derniers, des médecins, des officiers et des avocats, 422 membres, sur 710, y représentent donc les intérêts du gros commerce et de la grande industrie.

Nul n'ignore que la même personne peut diriger simultanément une douzaine de sociétés différentes. Il a été difficile de comprendre pourquoi le ministère de l'industrie s'est refusé à renvoyer devant les tribunaux les compagnies de navigation, dont les vaisseaux n'ont pas le personnel prescrit par la loi pour le service de radiotélégraphie : c'est que ce personnel s'est tout dernièrement mis en grève. — Point n'est besoin de s'étonner non plus que Lloyd George ne craigne pas de se servir de la calomnie contre les mineurs qui demandent justice. Il faut bien qu'il se soumette ou qu'il se démette. La Fédération anglaise de l'Industrie, dont le capital s'élève à 4 milliards de livres sterling, n'envoie pas pour rien 300 députés aux Communes.

À la fin de la guerre, les ouvriers obéissaient en tout aux directives de leurs chefs : toutes les élections complémentaires furent des succès pour le parti ouvrier. On parla même de la nécessité de refaire les élections générales. A peu près à l'époque de la fin de la grève des mineurs, les élections municipales avaient lieu en Ecosse et en Irlande et, fait remarquable, le Labour Party n'y remportait déjà plus de si brillants succès. La proportion des votants était moindre. Bien que le Labour Party ait encore fait d'assez bonnes affaires, il a, néanmoins, éprouvé des échecs, précisément, dans les centres ouvriers. Il a perdu :

à Bradford 6 sièges
à Birmingham 6 sièges
à Leeds 3 sièges
à Liverpool 2 sièges
à Manchester 2 sièges
(Manchester Guardian, 5 novembre)


L'arrêt de développement du Labour Party. serait difficile a expliquer, autrement que par le dégoût inspiré aux ouvriers par la politique parlementaire. C'est un pas vers l'antiparlementarisme. Les ouvriers anglais, y compris les communistes, doivent apprendre à surmonter leur répugnance. Sachant bien que la lutte de classe ne peut ni se dérouler, ni s'achever au Parlement, ils doivent pourtant apprendre à tirer parti du Parlement, comme de tout autre champ d'action, pour faire naître parmi les masses prolétariennes un état d'esprit révolutionnaire.

La question irlandaise

La question irlandaise se situe un peu à l'écart de la grande politique anglaise. Il est facile de commettre en l'examinant de grandes erreurs, bien naturelles si l'on y applique le point de vue du « Capital » et d'autres œuvres socialistes plus anciennes encore. Ces points de vue ont vieilli. Il n'y a plus en Irlande de fermiers misérables ; ceux-ci sont devenus des petits propriétaires cossus et ravitaillent les villes anglaises en farine, en beurre, en fromage, en viande et autres articles de consommation. La lutte qui fait rage actuellement en Irlande, n'est plus aucunement celle des pauvres fermiers contre les landlords.

Le lecteur connaît assez l'acharnement déployé dans cette lutte de part et d'autre, les assassinats des policiers anglais, les brutales représailles de la troupe britannique, la mort de faim du lord-maire de Cork. Nous ne voulons donner ici que quelques renseignements précis sur la situation en Irlande.

Le Times du 21 octobre écrit : « Il convient de classer au nombre des actes de provocation commis par la troupe et par la police anglaises, pour la seule année 1919, 14 000 agressions armées contre les domiciles particuliers, 1 000 arrestations politiques, 300 dispersions de réunions publiques, la fermeture des foires et marchés dans 7 grands districts agricoles, la suppression de 25 journaux, le sac de 3 villes, l'assassinat de 10 citoyens ». Le Times du 20 octobre, écrivait : « Sir Homer Greenwood, secrétaire d'Etat pour l'Irlande, a fait connaître, que les agressions commises dans l'île contre les soldats et contre la police depuis le premier janvier 1920, n'ont pas coûté moins de 118 vies : 100 policemen et 18 soldats ont été tués, 160 policemen et 66 soldats ont été blessés, 657 agressions ont eu lieu contre les casernes de police, et dans la plupart des cas, les baraques ont été détruites. Au cours des trois dernières semaines, les tribunaux militaires de l'Irlande ont jugé 194 affaires et prononcé 150 condamnations. Le Manchester Guardian du 20 octobre écrivait :

Les évêques et les archevêques irlandais ont publié un appel, à propos des événements actuels. En voici les principaux passages : les violences de toutes sortes, pillages, incendies, meurtres s'accomplissent aujourd'hui. La vraie justice doit tout connaître et tout peser ; elle jugera les agressions innombrables et les arrestations commises dans l'ombre les condamnations sauvages de tribunaux qui ne méritent et n'inspirent aucune confiance, l'incendie des demeures, des marchés, des fabriques, des fermes, des moissons. Des insensés enivrés du vin qu'ils ont volé, détruisent l'industrie du pays qu'ils acheminent vers la misère et la faim. La force armée du roi assomme et tue de paisibles citoyens. On ne voit chez les autorités aucun désir de mettre un terme à ces actes, de les blâmer, ou même de les connaître pour en châtier les coupables. On ferme les yeux sur ces attentats, ils sont inspirés, sinon organisés, non par des personnes obscures et irresponsables, mais, par le gouvernement même de l'empire, par un gouvernement qui a osé invoquer l'idéal du droit et de la justice.

Pourtant si l'on examine la question irlandaise d'un point de vue objectif, on doit conclure qu'il n'y a pas en Irlande de lutte de masses, de lutte populaire. Un communiste bien informé de la situation d'Angleterre a attiré mon attention sur ce fait que pendant la lutte acharnée de l'Irlande, l'Ile continue à ravitailler régulièrement l'Angleterre, que les régiments irlandais continuent à maintenir l'ordre aux Indes et ont même mérité des félicitations pour s'être héroïquement distingué en Mésopotamie. Serait-ce possible, si la lutte en Irlande était réellement une lutte de classe ou une lutte populaire ? Mais qu'est-elle si elle n'est pas cela ?

C'est surtout la lutte d'un petit groupe d'idéologues activement soutenus par une minorité de prolétaires, encore imprégnés de sentiments nationaux, et passivement soutenus par les masses paysannes. Les paysans ont encore conservé la vieille haine de l'Anglais, qui fut autrefois l'oppresseur, et espèrent d'autre part payer moins d'impôts dans une Irlande indépendante. Ces circonstances et aussi l'aspiration des intellectuels à une plus grande influence politique et une situation plus avantageuse forment le fond de la révolution irlandaise. Nous ne devons donc pas nous laisser égarer par la prose abondante que lui consacrent les journaux anglais. Il ne s'agit pas d'une lutte de classes, ni d'une « révolution ». Et je serais même enclin à supposer, sans pouvoir il est vrai, le prouver, que l'acuité de la situation en Irlande est consciemment accrue par le gouvernement anglais, et exagérée par la presse, pour distraire le prolétariat britannique des questions réellement révolutionnaires.

Ainsi, de profondes lézardes nous apparaissent dans la façade orgueilleuse de l'empire britannique. La suprématie coloniale de l'Angleterre sur ses colonies s'effondre. Les colonies cherchent à se créer une industrie et à pourvoir elles-mêmes a leurs besoins. L'Amérique et le Japon éliminent l'Angleterre des marchés avantageux. Presque toute l'Europe continentale est à biffer de sa liste de clients. L'Angleterre n'est plus le banquier du monde. Elle est même le débiteur de l'Amérique et des Etats neutres. Le lien économique, qui rattachait la périphérie de l'empire mondial anglais au centre s'est usé. Les îles Fidji n'ont plus besoin de la métropole et s'en détachent. Dans les colonies conquises, ce processus revêt la forme des insurrections nationales. L'Angleterre ne recevra plus chaque année une énorme quantité de marchandises, représentant les bénéfices de ses capitaux placés à l'étranger. La bourgeoisie anglaise ne pourra plus abandonner à ses ouvriers les miettes des richesses pillées dans l'univers. Elle ne pourra plus améliorer même lentement la condition de ses ouvriers, comme elle l'a toujours fait, pendant les dernières décades. Et ceci mettra un terme à l'éloignement des ouvriers anglais privilégiés du mouvement révolutionnaire.

Les ouvriers anglais deviennent rapidement révolutionnaires. Or, le début de la révolution en Angleterre, assurera la révolution dans le monde4.

Notes

1 Le Bulletin communiste parle de « km ». Mais, même en tenant compte de la modification des frontières depuis 1921 les surfaces données correspondent plutôt à des miles carrés qu'à des kilomètres carrés. (Note de la MIA)

2 Le Bulletin communiste écrit « Hindous », terme utilisé en 1921 pour désigner les indiens de toutes religions – le terme « anglais » dans l'article se révèle par ailleurs correspondre en fait à « britannique » – mais cette confusion est encore prégnante aujourd'hui (2012) en français.

3 Robert Smillie (1857-1940), dirigeant du syndicat des mineurs.

4 Remarquons que la bourgeoisie anglaise cherche le salut dans l'augmentation de la population agricole. Lors des débats sur le bill agraire à la Chambre des Communes, Lloyd George a prononcé ces mots : « La sécurité sociale exige le renforcement de la classe paysanne, qui est la classe la plus saine et la plus calme de la population. » (Cette note figure dans Le bulletin communiste)


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