1939

Le bilan du "Frente Popular" espagnol selon les trotskystes : "Battre le fascisme, seule la révolution prolétarienne le pouvait. Or, toute la politique des dirigeants républicains, socialistes, communistes et anarchistes, tendait à détruire l'énergie révolutionnaire du prolétariat."

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L'Espagne livrée

M. Casanova

Comment le Front Populaire a ouvert les portes à Franco


XIX. La IV° Internationale dans la révolution espagnole

Les critiques que nous formulons dans ce travail contre la politique mencheviste du Front populaire sur la base de la tragique expérience des trente et un mois de guerre civile en Espagne ont été faits avant les événements et exprimés avec une netteté qui ne laissait place à aucune équivoque par la IV° Internationale.

Notre organisation internationale a le droit de dire qu'elle sort de cette tragique épreuve renforcée idéologiquement. Nos conceptions politiques ont été confirmées par la vie, c'est-à-dire que la non-application des méthodes révolutionnaires bolchevistes défendues actuellement d'une façon conséquente par la IV° In­ternationale a eu pour conséquence une nouvelle ca­tastrophe : le Front populaire et le stalinisme n'ont pas seulement écrasé une révolution prolétarienne, ils ont aussi fait le lit du fascisme, et ouvert les portes à Franco. Malgré toutes les critiques qu'on pourrait lui faire, il faut rappeler que le Secrétariat Interna­tional pour la IV° Internationale a flétri, avec une netteté qui était plus que justifiée par la gravité des événements, non après le coup, mais à l'avance, non seulement les crimes des staliniens et des réformistes, mais aussi les graves fautes du POUM qui était à la remorque du Front populaire. Le représentant de notre organisation internationale à Barcelone prévit et expliqua au mois d'août 1936, non dans les coulisses, mais à haute voix, les conséquences tragiques, pour le POUM et pour la révolution espagnole de la liqui­dation de la dualité du pouvoir et de la dissolution du Comité Central des Milices Antifascistes. Les diri­geants du POUM ne nous ont pas écouté. A la voie « sectaire » de la IV° Internationale, ils ont préféré la voix « réaliste » de la collaboration dans la Généralité. Le camarade Trotsky, s'inspirant de l'expérience de la révolution russe, s'est exprimé dans le même sens que le Secrétariat International : le POUM, tout en luttant avec d'autres forces antifascistes contre Franco ne devait pas prendre même une ombre de responsabilité pour la politique criminelle des chefs petits bourgeois du Front populaire.

La IV° Internationale peut donc dire avec raison : Nous avons prévu tout cela ; conséquences tragiques et inéluctables de la politique du Front populaire ! Cependant, nous ne sommes pas des philosophes. La satisfaction de prévoir et de comprendre mieux que les autres ne peut nous suffire. Nous voulons non seu­lement expliquer le monde, mais le changer. « Nous avons tout prévu ! » Mais, aussi, nous n'avons rien su empêcher ! Avons-nous fait notre devoir ?

A part les critiques théoriques et idéologiques, où était la IV° Internationale au cours de la révolution espagnole ?

Ne nous contentons pas de critiquer les autres courants. Faisons le bilan vrai de notre propre activité. Où étalent, non les trotskistes « honteux », mais, les trotskistes vrais ?

Quand le 19 juillet en Espagne se sont produits les événements, il n'y avait pas de section bolchevik-léniniste en Espagne. Les anciens dirigeants de Izquierda Communiste (Gauche communiste), Nin et Andrade, qui jouissaient grâce à leur passé révolution­naire, d'un certain prestige dans le mouvement ou­vrier, avaient rompu avec la IV° Internationale, non seulement organisationnellement, mais aussi idéologiquement. Il ne s'agit pas ici seulement de leur rentrée dans le POUM. Il s'agit ici de leur rupture avec des méthodes et avec une politique, celle de la IV° dont ils sont devenus des adversaires convaincus. A notre grand regret, Nin et Andrade ont préféré à l'orientation marxiste de la IV° Internationale, l'orientation centriste, et sont tombés dans le sillage du Bureau de Londres. Seuls les hommes qui ne voient pas plus loin que leur nez (et on en trouve dans certains groupuscules « trotskistes anti-trotskistes ») peuvent expliquer la rupture de Nin et Andrade avec la IV° Internationale par certains excès de langage de Trotsky, par le manque de souplesse de la part du Secrétariat International, sa médiocrité dans le domaine de la diplomatie, etc...

Malgré l'importance que jouent chez les Espagnols les questions d'amour-propre blessé, nous pouvons rappeler que Nin et Andrade n'étalent pas des enfants, et cela serait déjà trop les diminuer que d'expliquer leur évolution par le manque de souplesse de la part du Secrétariat International, ou par les conflits secondaires sur les questions d'organisation. Le conflit sur le problème d'organisation entre les dirigeants de Izquierda Communiste et le Secrétariat International de la IV° Internationale cachait en réalité de sérieuses divergences politiques qui se sont révélées au cours de la révolution espagnole.

Cet abandon de Nin et Andrade rappelé, il reste le fait qu'après le 19 juillet, il ne restait que des bolcheviks-léninistes espagnols isolés partisans du Secré­tariat International. Il est venu en Espagne après lé 19 juillet une centaine environ d'étrangers, membres de notre organisation internationale, de plusieurs pays du monde : des Français, des Belges, des Suisses, des Hollandais, des Italiens, des Allemands, des Polonais, des Danois, des Tchécoslovaques, et aussi des Amé­ricains, et même des membres de notre organisation d'Afrique du Sud. La plupart d'entre eux étaient des volontaires, soit dans les milices du POUM, soit dans celles de la CNT-FAI. « L'arme de la critique, ils l'avaient remplacé par la critique par les armes », et certains d'eux ont laissé leurs os sur le front d'Aragon et aussi sur celui de Madrid. Si l'éclair, symbole de la IV° Internationale, était dessiné dans les tranchées près de Manicomio de Huesca, dans le parapet de la mort, les bolcheviks-léninistes étaient aussi à l'assaut pendant les attaques de Blechite, Codo, Quinto. En un mot, sous Caballero et aussi sous Négrin, les bolcheviks-léninistes se sont battus les armes à la main contre Franco, et c'est tête haute qu'ils peuvent sous ce rapport être confrontés avec d'autres tendan­ces du mouvement ouvrier.

Après l'abandon de Nin et d'Andrade, le groupe bolchevik léniniste espagnol ne se reconstitua que vers novembre 1936, mais au début il fut constitué en sa majorité d'étrangers. Il demanda son adhésion au POUM, en se réservant seulement le droit de défen­dre ses conceptions politiques, et en s'engageant à respecter la discipline du parti. La direction du POUM lui ferma les portes : comme condition de son entrée, elle lui demanda des choses impossibles, à savoir des déclarations dans lesquelles on devait condamner « la soi-disant IV° Internationale ». Maigre les obstacles de la direction, notre groupe espagnol se créa des sympathies au sein du POUM.

A chaque étape de la révolution, notre groupe prit une position juste, et il indiqua dans la mesure de ses faibles moyens la voie à suivre. Nous avons critiqué du dehors et du dedans les fautes opportunistes du POUM et son orientation vers une nouvelle expérience ministérielle, et sa politique à la remorque du Front populaire.

Au sein de la CNT, organisation de masse du prolétariat révolutionnaire catalan, nous avons développé nos conceptions de la révolution permanente. On peut en dire autant des Jeunesses Libertaires. Nous avons tout fait pour pousser la base des organisations anar­chistes contre la collaboration des classes, contre l'anarcho-ministérialisme, dans le sens anti-bourgeois et marxiste. Tout en ne cherchant pas à s'attribuer tous les mérites, nous serons dans la vérité en disant que la formation de certains groupes de gauche de la CNT, comme les « Amis de Durruti », ne fut pas insensible à notre travail de pénétration idéologique.

Au cours de l'année 1937, nous avons gagné des éléments au sein du POUM et aussi de la CNT. Mais les événements allaient vite, et nous commencions à peine à exister. Les glorieuses journées de mai à Barce­lone nous ont trouvé faibles organisationnellement, mais idéologiquement forts et éprouvés. Nous étions seuls, avec « Les Amis de Durruti » à formuler le plan d'action, le plan de résistance, au complot stalino-bourgeois, c'est-à-dire le plan et les mots d'ordre de l'insurrection prolétarienne. Pendant ces journées, nous avons non seulement formulé les mots d'ordre généraux, mais aussi dans nos tracts et papillons, les moyens pratiques de les réaliser : la formation des comités de quartier sur la base du Front Ouvrier Révolutionnaire POUM-CNT-FAI. Mais, à la différence de la direction du POUM, nous avons tout le temps dénoncé les trahisons de la direction réformiste de la CNT-FAI. Les événements de mai nous ont trouvé aussi chacun à son poste, c'est-à-dire sur les barrica­des, avec les ouvriers révolutionnaires de Barcelone contre les chiens du capital, les staliniens : les uns sur les barricades du POUM, sur les Ramblas, les autres sur les barricades de la CNT, à la Casa CNT-FAI. Si Fauconnet et d'autres ont laissé leur os au front, Cid, militant du POUM, mais membre de notre fraction bolchevik-léniniste de ce parti, donna sa vie sur les Ramblas en défendant les conquêtes du 19 juillet...

Nous avons critiqué, nous avons expliqué, nous avons propagé nos idées partout où le sort et le hasard nous ont placés, au front, à l'usine, dans les syndicats ; nous avons critiqué en luttant avec l'en­semble du prolétariat contre le fascisme, ce qui nous donnait le droit à la critique. Mais nos ennemis étaient trop puissants et disposaient d'atouts formidables. Nous avons eu contre nous Franco, c'est-à-dire le fascisme, appuyé par le capitalisme international, les démocrates républicains, genre Companys, Miaja, Cesado qui servaient indirectement le fascisme, les socialistes de la deuxième Internationale qui, qu'ils soient de la tendance Prieto ou de Caballero, n'ont rien appris et rien oublié et suivaient les démocrates bourgeois.

Nous avons eu contre nous les staliniens, qui tout en couvrant la politique menchéviste de trahison et qui s'appelle le Front populaire, se revendiquaient et jouissaient de l'autorité de la Révolution Russe, et se servaient de cette autorité pour étrangler la révo­lution espagnole. L'histoire a de ces ironies tragiques et imprévues. C'était l'ambassadeur de l'URSS du premier Etat ouvrier dans l'histoire, qui empêcha la création d'un autre Etat ouvrier, et étrangla la révolution. Antonov-Ovséenko, qui dirigea la prise du Palais d'Hiver en 1917, vingt ans après, en 1937, aida à Barcelone la bourgeoisie, les Kerensky catalans et espagnols, à chasser les ouvriers du Central Téléphonique. La bureaucratie stalinienne jouissait non seulement de l'appui moral, mais aussi de l'appui matériel que lui procurait le fait qu'elle s'appuyait sur la puissance de l'Etat ouvrier, qu'elle exploitait à ses fins particulières de caste parasite et conservatrice.

Mais, à gauche des staliniens, « les grands artisans de la défaite du prolétariat espagnol », nous avons eu contre nous et contre la révolution prolétarienne des anarchistes qui, malgré leur combativité, ne faisaient que des stupidités, si ce n'est pas pire, dans tous les domaines. La direction de la CNT-FAI, tout en prêchant le « communisme libertaire » dans un avenir indéterminé comme la deuxième Internationale dans la période de sa décadence l'exécution de son programme maximum, travaillait, tout en observant le rite bakouniniste, pour la bourgeoisie et la reconstitution de son appareil étatique.

Nous avons eu contre nous aussi le POUM et surtout sa direction qui craignait le trotskisme comme le diable d'eau bénite, et voulait par sa lutte contre nous, se justifier et prouver qu'elle n'était pas trotskiste.

Nous avons eu en somme contre nous une coalition de forces formidable et nous n'étions qu'un petit groupe de propagandistes.

Mais ici j'entends une interruption :

« Et les bolcheviks en 1917 ? Ils étaient aussi une petite minorité, et ils ont su gagner les masses dans un court laps de temps. Et vous, bolcheviks-léninistes, vous vous revendiquez des bolcheviks. Vous êtes ca­pables de critiquer tout le monde. Certes, Mais vous n'êtes capables de convaincre personne. Vous n'êtes que des littérateurs ! »

Les bolcheviks ne sont pas nés en 1917. Ils avaient derrière eux un passé de quinze ans de lutte frac­tionnelle. Ils avaient une organisation avec sa tradi­tion, avec ses cadres, une organisation qui était une force matérielle. Quand Lénine rentra en Russie, il n'était pas un étranger, mais le chef d'un parti reconnu, ou au moins d'une tendance. Malheureusement, il n'y a aucune base pour comparer la situation des bolchéviks en 1917 avec celle des partisans de la IV° Internationale en Espagne en 1936-1939. Mais, nous avons le droit à dire à la direction du POUM : « Vous, vous étiez un parti avec des cadres, quoique un parti minoritaire, mais un parti de masse, vous auriez pu, avec une politique bolcheviste, en vous appuyant sur les éléments du second pouvoir, devenir un facteur important, peut-être décisif dans le pays, et changer la situation. » Mais la direction du POUM ne peut pas tenir le même raisonnement aux bolchéviks-léninistes espagnols. Nous ne pouvions que propager nos mots d'ordre dans les organisations de masse, les pousser dans la voie révolutionnaire, y renforcer les tendances progressives et gagner les meilleurs éléments. En somme, notre travail ne pouvait que tendre à créer les cadres qui ne pourraient jouer leur rôle que dans la nouvelle étape de la révolution, et en attendant, pousser les organisations les plus proches de nous dans la voie révolutionnaire. Ce travail, nous l'avons fait. Nous avons, au cours de l'année 1937, gagné des éléments dans le POUM où nos idées et nos critiques, dans la mesure ou elles étaient confirmées par les événements, ont été de plus en plus écoutées. La même chose dans la CNT, où une collaboration malheureusement de courte durée put s'établir avec « Les Amis de Durruti » et d'autres groupements, qui évoluaient quoique lentement vers le marxisme révolutionnaire.

Après les journées de mai est venue la répression stalinienne. Nos camarades Erwin Wolf et Hans Freund (connu sous le nom de Moulin) ont été en­levés et assassinés par les staliniens. Le premier, ci­toyen tchécoslovaque, vint à Barcelone à la fin du mois de mai 1937. Il était correspondant d'un journal anglais Spanish News. La G.P.U. ne pouvait pas lui pardonner d'avoir été secrétaire de Léon Trotsky. Selon certaines informations, il aurait été fusille en URSS avec Antonov-Ovséenko, qui avait organisé sur les ordres de Moscou le complot contre-révolutionnaire de mai, mais auquel Staline ne peut comme à tant d'autres, pardonner son beau passé révolutionnaire. Quant à Hans Freund (Moulin) c'était un émigré allemand, un propagandiste dévoué et ardent de la IV° Internationale. Il partit immédiatement après le 19 juillet 1936, pour se mettre à la disposition de la révolution espagnole. Il travailla d'abord à Madrid, puis à Barcelone. La Guépéou ne le perd pas de vue. C'est le Polonais Mink, agent du Guépéou, qui est chargé de le surveiller. Il fut arrêté le 2 août 1937 par les poli­ciers staliniens.

Mais malgré les coups que lui porte la Guépéou, notre organisation continue son travail. Elle se renforce. De nouveaux éléments du POUM et des anar­chistes viennent la rejoindre. Nos camarades au front font de la propagande pour la reconstitution des co­mités de miliciens. En arrière, continue malgré les énormes difficultés à paraître La Voz Leninista qui tire les leçons des tragiques événements. Dans nos tracts, nous protestons contre les calomnies lancées contre le POUM, nous le défendons contre la répres­sion stalinienne.

Vers novembre 1937, la Guépéou réussit à envoyer dans notre groupe deux provocateurs. L'un d'eux, un commissaire politique des Brigades Internationales, un Allemand qui portait le pseudonyme de Max Juan parvient à gagner une certaine confiance. Max travaillait d'accord avec un autre provocateur, Léon Narvitch, qui selon des renseignements de plusieurs camarades, prit part à l'organisation de l'assassinat d'Andrès Nin.

La police stalinienne qui avait besoin d'un autre « procès de Moscou » à Barcelone, arrêta nos cama­rades Munis, Adolpho Carlini, Jaime Fernandez, Teodoro Sanz, Ondzik, etc... C'est Max Joan qui livra à la police nos camarades. Mais la police stalinienne n'a pas le courage d'accuser et de juger nos camara­des pour délit de propagande révolutionnaire. Elle veut les calomnier et les couvrir de boue. La police accuse nos camarades du groupe bolchevik-léniniste espagnol de l'assassinat du capitaine des Brigades Internationales Léon Narvitch. L'acte d'accusation parle aussi de préparation « de varios atentados contra las destacadas personalidades de la Republica » (de dif­férents attentats contre des personnalités éminentes de la République). Nos camarades sont accusés de terrorisme. C'est la même main qui a orienté les pro­cès de Moscou, qui emploie des méthodes du gangsté­risme contre l'avant-garde révolutionnaire à l'échelle internationale, qui a enlevé Klement à Paris, et qui agit à Barcelone contre la section espagnole de la IV° Internationale.

Nos camarades accusés du terrorisme !... La base sur laquelle on construit l'accusation est le cadavre de Léon Narvitch, comme à Moscou le point de départ de la vague de terreur stalinienne, fut le cadavre de Kirov. Pourtant, les deux ont été livrés à l'assassinat par la Guépéou. Quant à Kirov, lumière est déjà faite.

On sait que c'est la Guépéou de Léningrad qui a organisé cet attentat. On sait que c'est elle qui a remis le revolver à Nicolaev, Staline, pendant ses procès, a dû l'avouer. Quant à la provocation stalinienne à Barcelone, la lumière n'est pas encore faite. Mais il parait probable que c'est la Guepéou qui a exécuté Léon Narvitch, comme tant d'autres de ses propres exécutants : c'était un témoin qui savait trop et qui pouvait être gênant dans l'avenir.

Le commissaire Mendez arriva à tirer du jeune Zanov des « aveux » contre d'autres camarades, au sujet de la soi-disant préparation d'attentats contre Negrin et Prieto, le sabotage, etc...

Cet épisode confirma point par point la façon dont sont arrachés les « aveux » à Moscou.

Nos camarades Munis, Carlini, Rodriguez, firent hautement front aux tortionnaires dégénérés de la Guépéou. Ils prirent la responsabilité du travail de la IV° Internationale en Espagne. Ce n'étaient pas des trotskistes « honteux », mais des bolcheviks-léninistes défendant ouvertement et courageusement les conceptions de la révolution permanente dans les conditions les plus dures.

Convoqué par l'avocat du POUM lors du procès de ce parti, afin de témoigner que le POUM n'est pas trotskiste et nettoyer Gorkin et Andrade de cette si terrible accusation, notre camarade Munis prit devant le tribunal de Comorera la responsabilité politique pour le travail du groupe bolchevik-léniniste en Espa­gne et pour la rédaction de La Voz Leninista.

Mais la Guépéou s'est brûlé les doigts dans le procès de Moscou qu'elle préparait à Barcelone. Notre organisation internationale fut informée, nos sections à l'étranger dénoncèrent cette ignoble canaillerie stali­nienne. Les faussaires et les imposteurs de la Guépéou furent pris la main dans le sac. La police de Negrin-Comorera, qui avait déjà subi un échec avec le procès du POUM dût reculer la date du procès plusieurs fois. Il fut enfin fixé pour le 26 janvier 1939. Mais c'est une ironie du sort et une coïncidence tragique : le jour même où devaient être jugés nos ca­marades les troupes de Franco entraient à Barcelone.

Le sens de cette coïncidence tragique est clair : nos camarades ne purent être jugés car la criminelle po­litique stalinienne du Front populaire a ouvert les portes a Franco. La persécution des trotskistes a été un des éléments et non des moindres, qui a désarmé le prolétariat, et rendu possible les victoires du fascisme. L'administration des prisons, qui brûlait les dossiers, libérait les fascistes et les espions de la cin­quième colonne, et se préparait ainsi à recevoir les nouveaux maîtres, voulut remettre nos camarades à Franco, c'est-à-dire au poteau d'exécution fasciste. Même au dernier moment de la débâcle générale, les staliniens n'oubliaient pas leur haine contre les trots­kistes, c'est-à-dire leur haine envers la révolution pro­létarienne.

Si certains camarades ont pu s'échapper, on le doit non aux sentiments humanitaires de la Guépéou, ni à celles du gouvernement républicain, mais à la soli­darité prolétarienne.

Mais malgré la détention de nos camarades au cours de l'année 1938, les bolcheviks-léninistes conti­nuaient leur travail dans l'illégalité. Dans les moments critiques, ils indiquaient au sein des organisations de masse, principalement de la CNT, la voie à suivre. Au mois de mars, pendant la débâcle sur le front d'Aragon et la chute du premier gouvernement de Négrin, suivi du débarquement de Prieto, nos camarades indiquaient à la base de la CNT la voie à suivre, la voie de la reconstitution des organismes in­dépendants de la classe ouvrière, et dénonçaient la voie d'une nouvelle expérience d'anarcho-ministérialisme. Tout en critiquant, nos camarades se battaient au front en qualité de soldats, artilleurs, commissaires politiques, contre Franco.

Les staliniens peuvent tuer des militants éprouvés, ils peuvent aussi lancer contre nous des calomnies les plus ignobles. Mais rien à faire ! Notre peau est dure !

Nous sortirons renforcés de toutes les épreuves, idéologiquement et moralement.

Le marxisme se fraye la voie. Il est l'espoir de tous les opprimés et il prépare pour l'humanité l'avenir du socialisme. La IV° Internationale, des dé­faites du prolétariat, conduira le prolétariat à de grandioses victoires.


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