1946

L'EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L'ŒUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES (Marx)
Nº 5 – Bulletin inter-usines de l'opposition syndicale
BULLETIN INTERIEUR – Prix : 2 frs.


La Voix des Travailleurs

Barta

5 janvier 1946


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UN JEU CATASTROPHIQUE

"...Malgré toutes les difficultés du dedans et du dehors, nous nous jouons nous-mêmes gagnants", déclare De Gaulle dans son message du nouvel an.

Ainsi, le travail d'arrache-pied des masses, leurs souffrances et leurs misères, cela n'est qu'une CARTE dans la partie que nos dirigeants ont engagée avec les capitalistes des autres pays.

Mais les discours optimistes ne suffisent pas à refaire une économie délabrée. Au lieu des discours "encourageants", les travailleurs ont besoin de savoir la vérité sur la situation économique, QUELLES sont les ressources et COMMENT elles sont réparties...

Ainsi, tandis que le Ministre du Ravitaillement déclare que si la carte de pain est rétablie, la faute en est aux Etats-Unis qui n'ont pas envoyé le blé promis, le Service américain d'information de Paris déclare de son côté qu'au lieu de 125 000 tonnes mensuelles promises, la France en aurait reçu plus de 150 000 (Combat, 1er janvier 1946) ! Qui ment ?

Les gros trafiquants savent à quoi s'en tenir, mais il est impossible aux travailleurs d'y voir clair. Produire, produire, produire... pour que la bourgeoisie s'approprie le fruit de leur travail, voilà le seul "droit" des ouvriers !

Ceux qui produisent toutes richesses, les travailleurs manuels et techniciens, eux seuls peuvent, parce que c'est leur intérêt le plus profond, assurer une répartition équitable et rationnelle de ces richesses. C'est cela que nous voulons réaliser par le CONTROLE OUVRIER sur la production et sur la consommation, au moyen de Comités d'usine et de Comités de ménagères.

En fait, l'économie du pays est complètement désorganisée par la concurrence acharnée entre les capitalistes, concurrence dans laquelle les usines et la main d'oeuvre jouent le rôle de soldats sacrifiés au gain des capitaines d'industrie.

Nous sommes d'autre part écrasés par la charge parasitaire et anti-ouvrière de l'Etat capitaliste : sur environ 500 milliards de dépenses pour 1946, il est avoué 27 milliards pour l'Intérieur (police et l'ex-D.G.E.R.) et 160 milliards pour la guerre !

La ruine et la dépendance de l'économie française vis-à-vis de l'économie mondiale (capitaliste) sont clairement manifestées par la dévaluation, précédée et accompagnée de l'émission accrue de papier-monnaie. La presse gouvernementale nous rassure sur les "intentions" du gouvernement et Le Peuple (29-12) nous apprend que Croizat espère que "si les dispositions prises par le gouvernement sont respectées... il n'y a pas de raison de s'inquiéter particulièrement..."

Doit-on considérer comme "mesure prise par le Gouvernement" la baisse des prix de tâches dans les Houillères Nationales, qui atteint jusqu'à 50% et fait perdre dans certains puits de 200 à 500 tonnes par jour ? Et si le Gouvernement n'est pas responsable de cette surexploitation et de ce sabotage qui se produit dans les entreprises "nationalisées", comment pourrions-nous lui accorder le moindre crédit pour l'ensemble du pays ?

En fait, malgré toutes les déclarations sur la "stabilisation", les capitalistes font monter les prix en flèche, tandis que les salaires ne bougent pas.

Cependant, les "stratèges" syndicaux passés du côté de la bourgeoisie s'opposent à L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES parce que cela ferait monter les prix !

La position de la C.G.T. -stabilisation des prix- montre combien elle a abandonné le point de vue ouvrier pour s'intégrer à la machine gouvernementale bourgeoise.

En essayant de justifier la politique catastrophique de notre classe "dirigeante", elle en prend la responsabilité aux yeux des masses, et ce ne sont pas ses 5 000 000 d'"adhésions" qui empêcheront son isolement. Les dirigeants actuels ont vécu sur la confiance que leur accordaient les travailleurs. Ce capital est maintenant bien prêt d'être épuisé. La crise est telle qu'il n'est plus possible aux "grands camarades" de jouer double jeu : il faut être avec les travailleurs ou avec le gouvernement bourgeois. Nos "chefs" ont eu le temps d'agir au Gouvernement. C'est sur ses actes que, dès maintenant, les travailleurs le jugent.


Contre les délégués ouvriers de chez Alsthom...
Benoît Frachon défend la carte de pain

Un ouvrier de l'usine Alsthom-Lecourbe nous écrit :


Le samedi 29 décembre, à l'usine Alsthom, dans chaque secteur des ouvriers ont eux-même établi des listes de protestation contre le rétablissement de la carte de pain. Des ouvriers ont demandé à la section syndicale d'intervenir au sujet de l'insuffisance de la ration, sans cela ils seraient obligés d'agir eux-mêmes.

Mercredi, à la première heure, a lieu un débrayage. Les délégués téléphonent à la locale. Lorrel arrive pour demander la reprise du travail et explique qu'on n'a pas de blé, que les Américains n'ont pas tenu leurs promesses, etc.

Plusieurs camarades ont répondu qu'il y avait du blé, qu'à la campagne il y avait encore des meules intactes.

Lorrel promet alors que la C.G.T. allait faire pression sur le gouvernement et qu'une délégation ira au Ministère du Ravitaillement.

Nous formons une délégation de délégués ouvriers et d'ouvriers du rang, en tout 43, qui se rend au Bureau Confédéral, rue Lafayette ; elle est reçue par Henri Raynaud qui nous renvoie rue Timbaud à l'Union des Métaux.

La délégation ayant répondu qu'elle voulait frapper à la tête, il a commencé à crier puis a été chercher Frachon qui nous donnait du "cher camarade" et a recommencé le même laïus sur la situation difficile, etc. Les camarades insistant pour savoir ce qu'il comptait faire. La réponse est : "Ca fait 40 ans que je milite, ce n'est pas pour me faire engueuler dans notre (!?) propre maison".

La délégation se rend alors rue Timbaud à l'Union des Métaux. Hénaff la reçoit et donne la même réponse sur les temps difficiles, il se met lui aussi à rabrouer quelques ouvriers. Nahele demande si on était ici dans une maison de combat. Un ouvrier répond que si nous payions des cotisations, il était normal qu'on veuille être défendus.

Quelqu'un a dit à Frachon qu'il s'était bien voté les 1 000 francs d'indemnité parlementaire. Celui-ci a répondu que les communistes avaient voté contre et qu'ils ne les touchent pas ; que nous venions dans un but politique, que nous n'aurions pas dû faire un mouvement de grève, qu'il ne voulait recevoir qu'une petite délégation, que c'était de la provocation (!!), et qu'il a toujours combattu pour la classe ouvrière.

Nous allons ensuite au Ministère du Ravitaillement où on ne voulait laisser monter que quelques gars. Comme nous voulions entrer tous, on nous envoie rue de Varenne qu'on prévient de notre arrivée ; de nombreux agents attendaient, toutes les rues étaient barrées. Six ouvriers seulement sont reçus par le chef de cabinet ; là encore on leur dit qu'on ne pouvait pas grand-chose, qu'il fallait s'estimer heureux car la ration de pain aurait pu n'être que de 200 grammes, qu'on savait bien qu'il restait du blé à la campagne, mais qu'il le faudra pour la soudure au mois d'août".

A la suite de notre délégation au Bureau Confédéral, celui-ci a promis de demander l'augmentation de la ration des travailleurs.

A la suite des protestations qui ont déjà eu lieu en province, les ouvriers de chez Alsthom donnent ainsi l'exemple dans la région parisienne de la résistance aux nouvelles mesures d'affamement.

Benoît Frachon, dans L'Humanité du 4-01, reconnaît que "le pain constitue l'aliment de base des travailleurs... et qu'il est des ouvriers chargés de famille nombreuse qui ne peuvent acheter la viande que leur octroie le ravitaillement" ; mais il s'indigne contre les protestations des ouvriers et les montre comme fomentées par les syndicats chrétiens et le M.R.P. ! Il répète la même chose que tous les journaux bourgeois : il n'y a pas de blé, pas de devises... il n'y a qu'à serrer la ceinture.

Pourquoi Frachon dit-il aujourd'hui que la carte de pain est nécessaire, quand il y a six mois encore, L'Humanité affirmait tout le contraire ? Que croire ?


S'il n'y a pas de devises, pourquoi ont-ils voté le budget de la guerre, de la D.G.E.R., etc. ? Dans Combat du 19-12 nous lisons : "Les navires (venant d'Amérique chargés de blé) font route vers la France par le détroit de Magellan et la Terre de feu, car le gouvernement français ne dispose pas d'assez de devises pour solder leur passage par le Canal de Panama. Le voyage jusqu'aux ports français dure, dans ces conditions, 40 jours". Si cette affirmation est vraie, où passent les devises, sinon pour les nombreuses commandes de matériel d'armement ?

Entre l'alimentation des riches et des pauvres, il y a un fossé. Les premiers disposent d'une alimentation de luxe et vivent du marché noir. On devrait donc recenser les riches et les éliminer du ravitaillement en leur retirant les cartes d'alimentation.

Le marché noir prospère par le trafic et les stocks cachés chez les grossistes. On devrait donc inventorier les stocks et établir un contrôle par en bas de la répartition. Les dirigeants syndicaux ont-ils un boeuf sur la langue qu'ils ne parlent pas du contrôle indispensable des ouvriers, des ménagères, des paysans sur la production et la répartition ?

Si dans toutes usines les ouvriers faisaient montre d'autant d'énergie que ceux de chez Alsthom, au lieu de frapper à la porte des "responsables", ils pourraient d'ailleurs organiser directement ce contrôle en commençant par aller dépister et inventorier les stocks et les dépôts. Travailleurs, revendiquez le contrôle ouvrier sur la production et la répartition ! TOUTE LA POPULATION LABORIEUSE EST AVEC VOUS DANS CETTE VOIE.


Dans plusieurs ateliers de l'usine Citroën-Clichy, les ouvriers ont, d'eux-mêmes, débrayé pour protester contre la carte de pain de famine.

De même chez Renault.


"De nombreuses manifestations ont eu lieu, hier, en province, contre le rétablissement de la carte de pain.

Des grèves de protestation contre la carte ont éclaté dans les usines d'Armentières, d'Halluin et de Fourmies. Les ouvriers protestent aussi contre l'insuffisance de la ration. A Fourmies et à Wigneries, les manifestants exigent des boulangers qu'ils vendent le pain sans tickets. A Rennes, dans la Somme, à La Rochelle-La Pallice des incidents analogues se sont produits". (Le Monde, 4-1-46)


Les Syndicats allemands en zone française

Depuis octobre 1945, les ouvriers sont autorisés à organiser des syndicats libres, mais seulement sur le plan local. Les contacts régionaux restent interdits, ce qui a pour premier effet d'empêcher toute résistance efficace des ouvriers à l'exploitation capitaliste qui, elle, n'est pas locale.

Malgré ces entraves et les effets démoralisants d'une occupation sur le mouvement ouvrier, l'esprit de classe des travailleurs s'est manifesté par le nombre de demandes d'adhésion : 45 300 au début de novembre 1945 pour le Palatinat et le Wurtemberg-Hessen.

Les nouveaux syndicats se sont chargé de toutes sortes de questions d'administration générale, de transport, de ravitaillement, etc... Ainsi, partout, la bourgeoisie "refile" aux organisations ouvrières toutes les difficultés causées par sa propre gestion.

Bien que les syndicats allemands soient plus occupés d'administration que de lutte de classe (tout comme la C.G.T.), la reconstitution d'une classe ouvrière allemande organisée est un appui dans la lutte que mènent tous les travailleurs.


La journée de travail et les pannes de courant

Le manque de courant vient ajouter une pression supplémentaire au fardeau déjà bien lourd que la bourgeoisie fait supporter aux masses travailleuses sous divers prétextes.

Les usines de la région parisienne ne tournent que quelques jours par semaine et nombre d'ouvriers voient leur paye considérablement réduite.

Sous le prétexte du manque de courant on impose d'abord aux ouvriers le travail du samedi et du dimanche : le dimanche, repos traditionnel des travailleurs depuis des siècles, et le samedi, repos traditionnel depuis 1936. Cela ne se passe pas sans résistance et sans mauvaise humeur de la part des ouvriers.

Pour faire respecter la semaine des deux dimanches des milliers de militants ont lutté d'abord contre les décrets de Paul Reynaud. Sous l'occupation, jamais la répression vichyssoise n'a réussi à imposer aux ouvriers l'abandon des deux dimanches.

Mais aujourd'hui, le prétexte du manque de courant permet à la bourgeoisie d'imposer sa volonté aux ouvriers. Ainsi ils travaillent à des heures irrégulières, ce qui a pour conséquence de compromettre leur unité : ils ne peuvent assister aux réunions syndicales, leurs contacts sont limités, la presse circule mal.

Ce prétexte permet encore à la bourgeoisie d'écraser les ouvriers en leur faisant supporter le poids de l'anarchie actuelle : la consigne est que les ouvriers doivent profiter des quelques heures de courant pour produire au maximum ; de façon à ce que pour le patron la production de 27 ou 30 heures soit sensiblement égale à celle de 40 ou 48 heures de travail normal.

Mais pour l'ouvrier la paye est considérablement réduite et il devient absolument impossible de faire bouillir la marmite. Déjà avec les salaires qui ne sont pas rajustés, les ouvriers, en faisant 48 heures, n'arrivent pas à vivre. Les indemnisations pour heures perdues sont basées sur la semaine de 40 heures (là on se souvient qu'il y a une loi des 40 heures). Mais la façon d'attribuer ces indemnités les réduit à presque rien pour la plupart des ouvriers. La majorité est classée dans la 2e catégorie d'O.S. ; les heures perdues sont réglées à 25 fr 40 sur lesquelles on prélève malgré tout les A.S. et les impôts, ce qui se solde par une diminution de plus de 2 000 francs par quinzaine.

De plus, ces indemnisations ne sont pas payées par les patrons, mais par l'Etat ; ce qui a pour conséquence d'augmenter le déficit du budget, donc d'augmenter l'inflation et en dernier lieu se retourne contre l'ensemble des masses laborieuses sous forme d'impôts et de hausse des prix.

Là où les ouvriers réclament une compensation pécuniaire à leurs sacrifices, le patronat ne voit plus que ses seuls intérêts et ne se soucie nullement de 'l'intérêt général". C'est ainsi que chez Thomson (C.G.C.T.) la direction s'étant fait passer en prioritaire a obtenu du courant pour 40 heures de travail; ; mais elle a posé comme condition aux ouvriers qu'ils ne revendiquent pas l'indemnisation du travail du dimanche ! Un arrêté du 13 mars 1944 du gouvernement de Pétain, prévoyait dans de pareils cas une indemnisation des heures de travail du dimanche de 50%.

Mais le ministre du Travail n'ayant pas "encore régularisé" cette situation, on ne peut plus considérer cet arrêté comme une "obligation". Ce qui, pratiquement, signifie que la C.G.C.T. a la possibilité légale d'imposer ses conditions aux ouvriers.

Tous les motifs imposés par la bourgeoisie pour écraser les ouvriers doivent être repoussés par la classe ouvrière. Il n'y a pas de charbon ? Que le gouvernement (bourgeois) en achète à l'Amérique au lieu de lui acheter du matériel de guerre pour aller combattre les Indochinois.

Ce que les ouvriers veulent, c'est 40 heures de travail avec une paye leur permettant de vivre. C'est pourquoi ils doivent engager la lutte pour l'échelle mobile des heures de travail dans le cas où le patronat est incapable de leur assurer les 40 heures, ou dans le cas où il veut exiger d'eux des heures supplémentaires, et l'échelle mobile des salaires pour se garantir un salaire minimum vital.

VAUQUELIN


Conversation AVEC UN CHOMEUR

– "Dire qu'il y en a qui font des 54 heures pendant que les autres la crèvent ! Ils s'en foutent, eux, ils bouffent !

– Il ne faut pas leur en vouloir : une heure supplémentaire tous les jours, c'est la seule façon d'améliorer l'ordinaire. Ce qu'il faut, c'est que les ouvriers puissent manger sans faire d'heures supplémentaires. Ce qu'il faut, c'est l'échelle mobile des heures de travail.

– C'est pareil, ils augmenteraient la vie.

– Il faut l'échelle mobile des salaires !

– Ils n'accepteront jamais.

– 1936 a montré ce qu'il fallait faire dans ce cas là.

– Oui, mais ils nous enverront des prisonniers allemands.

– En Belgique, des prisonniers allemands ont fait la grève de solidarité.

– Voilà ce qu'il faudrait faire, mais on n'en est pas encore là.

– On en arriverait vite là si les dirigeants syndicaux faisaient leur travail.

– 5.000.000 d'adhérents, tu penses, il y a de quoi "se sucrer".

– Il ne faut pas regarder les syndicats comme des percepteurs. Déjà des ouvriers ont compris qu'il fallait ramener le syndicat à la lutte. (Je lui donne La Voix des Travailleurs.)

– Alors ce sont des ouvriers qui n'ont pas peur de se faire fiche à la porte ; avec la rareté des places ?"

La femme intervient :

– "Oui, il faudrait faire quelque chose... Maintenant qu'il y a la carte de pain ; le pain, c'est tout quand on n'a pas d'argent."


LA SECTION DE LANGUE INDOCHINOISE

La conscience élevée et le souci de solidarité internationale des travailleurs indochinois en France se sont manifestés par leur adhésion en bloc à la C.G.T. dès qu'ils en ont eu la possibilité. Leurs conditions de vie spéciales et, souvent la barrière de la langue, rendaient nécessaire la formation traditionnelle d'une section de langue.

En accord avec les délégués français, les travailleurs indochinois s'organisèrent rapidement et solidement sur le plan départemental, apportant ainsi un appui sérieux à la lutte des ouvriers français. Mais nos "dirigeants" et le bureaucrate Tollet, freinèrent la constitution du Comité National, en posant des conditions :

– participation à la direction d'"élites" qui offrent toutes "garanties" aux dirigeants de la C.G.T., mais connues des travailleurs comme des bureaucrates pourris et dociles comme on en trouve trop dans les syndicats aujourd'hui.

– un mandat de vote pour chaque corporation, qu'elle ait 50 ou 50 000 adhérents.

Les travailleurs indochinois n'ont pas accepté ces conditions. Au cours d'une réunion de délégués départementaux, ils décidèrent, eux aussi, de poser leurs conditions : élection démocratique de leurs représentants et attribution de mandats de vote suivant une représentation proportionnelle.

Mis au pied du mur, les bonzes de la C.G.T. n'ont pas pu refuser, mais vont très probablement "manoeuvrer" pour reprendre en fait ce qu'ils reconnaissent en parole. C'est non seulement aux indochinois mais à tous les travailleurs et aux responsables syndicaux fidèles à leur classe de veiller à ce qu'ils n'y réussissent pas.


ECHOS


Dans l'armée.

– Au garage Novex, parc-auto de la Mission Militaire pour les affaires allemandes, les militaires et les civils qui travaillent au garage savent tous que certains officiers, toujours en "mission" (ce sont eux qui établissent les ordres de mission) se "sucrent" en faisant du trafic. Ces derniers jours le trafic a pris une extension considérable à la faveur de la liquidation de ce garage. Le matériel a d'abord été dirigé vers le garage Danrémont, puis sur un contre-ordre, a été expédié au garage Mirabeau. Dans ces divers déménagements une grande quantité de matériel a disparu et plusieurs officiers, porteurs d'ordre de mission en règle, ont "fait leur beurre". De grandes quantités de pneus, de batteries, de moteurs et même d'automobiles ont disparu. Une enquête pourrait faire découvrir certain commandant, certain lieutenant (qui vient d'être démobilisé) et d'autres, "bourrés aux as".

Camarades ouvriers, produisez ! Les margoulins s'engraissent !

LE BIFFIN


Gnome et Rhône (S.N.E.C.M.A.)

– Le secrétaire Delteil expliquait, il y a une quinzaine, que la section syndicale n'était pour rien dans les mauvaises directives de travail de ces derniers temps. Nous devions faire 5 jours, puis total nous avons travaillé le lundi, mardi, avec arrêt le mercredi pour reprendre le jeudi. La semaine qui a suivi, certains ouvriers ont dû se renseigner sur les jours de travail auprès du gardien, qui, aimablement, les envoyait "balader".

Le rôle d'une section syndicale n'est pas de s'excuser des provocations patronales en disant qu'elle n'y est pour rien (c'est heureux !), mais d'imposer aux exploiteurs de traiter les ouvriers autrement que du bétail.


Dans les ascenseurs

La maison la plus réactionnaire de la corporation, les ascenseurs Roux-Combaluzier, a trouvé le moyen de réduire à 30 heures par semaine le travail de ses ouvriers en prétextant les pannes d'électricité. Or, toutes les autres maisons de la place de Paris assurent le même nombre d'heures de travail hebdomadaire en fournissant un éclairage de fortune : lampes à essence, à carbure, piles, etc. Ainsi, Roux-Combaluzier, dont les directeurs Vernes et Guinet sont liés à la fameuse banque Vernes, fait payer par le gouvernement les heures de la 30e à la 40e, soit dix heures, mais à un taux réduit : mais le patron, lui, continuera à toucher intégralement ses contrats d'entretien qui viennent d'être majorés récemment.


Bâtiment

– La différence journalière entre la paye d'un garçon maçon et celle d'un compagnon est de 40 à 50 francs, le travail est aussi pénible pour l'un que pour l'autre. En 1936, le prix de l'heure était sensiblement le même pour les deux catégories.

Des ouvriers compagnons nous font savoir qu'ils sont opposés à ce genre de division et qu'ils sont prêts, devant la carence de l'U.S.B. à approuver les revendications de salaire de leurs garçons.


Chantiers de la Loire

Des ouvriers se plaignent de la différence de salaire horaire de 15 francs qui existe entre les compagnons et les manoeuvres.

Nous devons lutter contre la manoeuvre patronale qui tend à créer des trous énormes entre les classifications et contre le grand nombre de celles-ci, défavorable aux ouvriers.


A la Radiotechnique (Suresnes)

– Après avoir pendant de longs mois demandé aux ouvriers et ouvrières de "produire", la direction vient de fermer l'usine en laissant aux travailleurs la somme de 600 francs pour 10 jours (y compris Noël et jour de l'An). Prétextant ne pas connaître le tarifs de la récupération des heures improductives, elle oblige le personnel à attendre ses décisions. Les travailleurs de la Radio, qui se souviennent de leur semaine impayée, lors du manque de charbon il y a des mois, n'accordent aucun crédit aux promesses de la direction.

Camarades de la Radiotechnique, pour une répartition plus judicieuse du travail, pour une lutte contre les brimades patronales, devant les appels à la collaboration de classe des dirigeants de la C.G.T., formez votre opposition syndicale Lutte de Classes et faites nous connaître les provocations patronales. La Voix des Travailleurs les dévoilera.


Renault.

– Les ouvriers qui manquent un jour dans les journées de travail (même dans des cas indépendants de leur volonté) se voient retirer l'intégralité du salaire chômé de la semaine. Devant les protestations d'un ouvrier qui voulait aller au bureau de son service, le délégué lui répond : "Cela est un ordre du ministre du Travail, on ne peut rien faire !".

Le ministre cégétiste du Travail, M. Croizat, s'y entend à aider les actionnaires de chez Renault pour faire marcher les ouvriers à la baguette. Peut-être se prépare-t-il aussi, en homme d'action qu'il est, à supprimer à son collègue des Affaires étrangères Bidault, les dizaines de billets de mille qu'il touchera en rentrant de son voyage de noce à l'étranger, pour avoir déserté l'Assemblée ?

– – –

– Devant les demandes d'ouvriers sur les temps trop courts, un contremaître répond : "Allonger les temps ! Regardez les affiches, il faut produire, retrousser les manches, votre C.G.T., elle est même d'accord pour cela, d'ailleurs, vous avez vos représentants au gouvernement, vous n'avez qu'à vous en prendre à eux".

Ce qu'il oublie de dire, c'est que nous n'avons pas élu des représentants ouvriers dans le but de produire ni de retaper le régime pourri qui nous a menés où nous sommes, mais pour qu'ils mènent une politique d'action, que nous sommes prêts à appuyer sur le terrain de l'usine.

– – –

– Tous les mensuels (employés, personnel de maîtrise, etc.), continuent, malgré les jours chômés, à toucher l'intégralité de leur mois. Certains ouvriers ayant protesté, la direction répond que les employés ont souvent à venir à l'usine malgré l'arrêt des ouvriers. Cela est le prétexte de la direction. Le véritable motif est autre : c'est que ce personnel ne réalise pas de plus-value, et que le salaire qu'il touche rentre dans les frais généraux. De toutes façons, les ouvriers ne doivent pas protester contre le règlement intégral des mensuels (ce serait faire le jeu de Lefaucheux), mais lutter pour qu'ils soient traités de la même façon, la classe ouvrière n'étant pas responsable de la ruine où le capitalisme a mené le pays.


Citroën. – A Clichy

aux récentes élections de collège, nous n'avons pu voter selon notre conscience, nous trouvant devant une liste à un seul ouvrier ou des bulletins blancs.

Par suite des méthodes d'exploitation Boulanger, beaucoup d'ouvriers prennent leur compte au bout de quelque temps. Or, pour être candidat au titre de titulaire, les conventions actuelles exigent un an de présence dans l'établissement et 21 ans d'âge. Ces mesures anti-démocratiques servent les intérêts des patrons, beaucoup des délégués élus sont des ouvriers ayant de petites "planques", ou des résignés depuis longtemps dans l'usine. Nous devons lutter pour le droit d'éligibilité et de vote dès notre entrée dans l'usine, et cela sans limite d'âge aucune. Mais dès maintenant, dans toute action, à chaque fois qu'un délégué ne veut pas appliquer nos décisions, nous devons élire pour nous représenter les camarades les plus combatifs, sans nous soucier de toutes les formules bureaucratiques dans lesquelles patauge maintenant la C.G.T.


Abonnement pour 10 numéros : 20 francs.

Adresser provisoirement la correspondance et les fonds au
camarade Jacques Ramboz
7, impasse du Rouet – Paris 14ème

PERMANENCE
Jeudi et vendredi, 18h à 20h ; samedi de 9h à 12h, de 14h à 20h ; dimanche de 9h à 12h


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