1946

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! LA LUTTE de CLASSES Organe de l'Union Communiste (Trotskyste) n°62 – 4ème année


LA LUTTE DE CLASSES nº 62

Barta

27 mai 1946


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LA SEULE VOIE

A nouveau le Parti Communiste français sonne l'alarme contre l'offensive réactionnaire. "Oui, le danger est réel", s'écrie L'Humanité du 15 mai. "Face au danger, une seule arme, union de toutes les forces démocratiques, de tous les Français, de tous les Républicains -en avant pour une grande victoire le 2 juin".

Mais dans la voie électorale la classe ouvrière peut-elle aller de l'avant plus qu'elle ne l'a déjà fait le 29 avril et le 21 octobre 1945 ?

Le 6 novembre nous écrivions (La Voix des Travailleurs n°2) :

"Jusqu'à maintenant, les Partis ouvriers tentaient de justifier leur "sagesse" en répétant qu'ils étaient trop faibles et isolés. Il va falloir trouver un nouveau prétexte. Plus de 5 millions de voix au P.C.F., plus de 4 millions et demi à la S.F.I.O. Qu'est-ce qu'il leur faut de plus pour agir ? Il est peu probable qu'ils en recueillent davantage."

Déjà après les élections du 29 avril et la manifestation du 1er mai de l'année dernière, nous écrivions (Lutte de Classes, n°46) : "Maintenant, messieurs les bureaucrates, les masses ont fait leur devoir, faites le vôtre ! Allez-vous oui ou non, agir ?... Obéirez-vous à la volonté des masses ?"

Qu'ont fait les chefs staliniens et "socialistes" de la volonté ouvrière ?

Au lieu de se faire les champions des revendications des travailleurs contre l'exploitation patronale, de rassembler les masses laborieuses pour la défense et la lutte contre le régime capitaliste de misère, ils ont camouflé le pouvoir bourgeois affameur et répressif contre les masses, en un pouvoir à majorité "ouvrière", et fourni ainsi au fascisme sa principale source d'agitation.

C'est pour cela qu'au referendum du 5 mai beaucoup de travailleurs, faute d'avoir trouvé la voie révolutionnaire pour exprimer leur mécontentement (en rejetant le "referendum" par le vote blanc), ont voté "non", "non à la trahison, non à la misère, sans pour cela vouloir faire le jeu de la réaction", - explique un ouvrier. Comme nous écrit également un camarade de province : "Je sais de bonne source que beaucoup de gens, ennemis du M.R.P. et du P.R.L. (qui prospère ici), ont voté "non" par dégoût des crétins et des vendus S.F.I.O. et surtout par haine des staliniens qui écoeurent tout le monde par leurs procédés fascistes. Beaucoup de gens se sont d'ailleurs répandus en injures sur leur bulletin contre tous les partis."

Ainsi, de larges couches travailleuses n'ont pas été convaincues par le slogan stalinien "votez pour nous contre la réaction", PUISQU'ELLES DECOUVRAIENT DANS L'ACTION MEME DES PARTIS "OUVRIERS" LE VISAGE DE LA REACTION.


De la politique menée par les Partis "ouvriers", la bourgeoisie fait aujourd'hui le bilan suivant (Le Monde, 23-5) : "Qui sait... si, après les bouleversements des dernières années, nous ne serions pas allés à des luttes civiles violentes, à des oppositions brutales d'idéologies ? Le tripartisme nous les a sans doute épargnées par un effort de conciliation entre des conceptions opposées, mais qui se rejoignaient sur le plan économique et social (défense de revendiquer, "produire", etc.). Nous lui devons l'établissement de certains principes désormais incontestés et le maintien de l'ordre."

Et c'est parce que les social-patriotes jouent ce rôle de "conciliation", de défenseurs de la bourgeoisie contre les revendications ouvrières, de paratonnerre contre la révolution ouvrière, que la bourgeoisie souhaite la continuation de leur tâche "gouvernementale". C'est pourquoi Le Monde rappelle à l'ordre des Partis comme le P.S. qui pour des raisons électorales attaquent "violemment" le P.C.F., car le tripartisme doit continuer.

Mais il est certain que si on laisse les chefs staliniens continuer dans cette voie, quand ils auront fini d'étrangler le mouvement ouvrier, quand ils auront fini d'être nécessaires à la bourgeoisie, celle-ci les rejettera dans l'opposition et les traquera comme "Parti de l'étranger" non pas platoniquement, comme aujourd'hui, dans le cadre de la collaboration ministérielle, mais à la manière de Daladier en 1939-40.

Tout en jouant leur rôle de "conciliation" et de "maintien de l'ordre" (capitaliste), les social-patriotes se prétendent les champions contre la réaction.

Mais comment le P.C.F. peut-il aujourd'hui parler aux ouvriers d'écraser le fascisme, quand ceux-ci sont écrasés dans les usines à l'aide de leurs propres représentants ?

Comment peuvent-ils parler aux paysans et aux petites gens de lutter contre la "réaction", quand ceux-ci la voient à juste titre dans l'activité ACTUELLE d'un gouvernement à majorité socialiste-communiste qui camoufle l'Etat, collecteur d'impôts, organisateur du marché noir et du désordre économique ?


Aux élections d'avril et d'octobre 1945, nous avons appelé les travailleurs à voter pour les Partis se réclamant de la classe ouvrière. Nous disions en même temps : "Des élections et des manifestations sont un moyen de consultation de la volonté des masses et de leur degré de préparation. Mais après la consultation doit suivre L'ACTION.

Les Partis "socialiste" et stalinien ont trahi la volonté des ouvriers et, par leur politique de collaboration avec la bourgeoisie, ont fait le jeu de celle-ci.

Aujourd'hui, ils répètent : votez pour nous... pour avoir la vraie démocratie, la liberté, le pain, le bien-être, un meilleur ravitaillement...

Mais par quel moyen, grâce à quels FAITs, les masses travailleuses des villes et des campagnes feront-elles la différence, distingueront-elles ces promesses des promesses et de la démagogie de tous les autres multiples Partis ? Car les Partis "ouvriers" n'ont pas réalisé leurs anciennes promesses.

Les ouvriers conscients doivent montrer aux masses travailleuses de ce pays UNE VOIE NOUVELLE. S'ils restent dans l'ornière, les ouvriers continueront à rester prisonniers du parlementarisme, à voter pour les social-patriotes, tandis que les masses pauvres des villes et des campagnes prêteront de plus en plus attention à la propagande des agents fascistes de la bourgeoisie. En Allemagne aussi, au moment même où Hitler prenait le pouvoir, les réformistes et les stalinien continuaient à recueillir la majorité des voix ouvrières.

Devant la multitude des promesses et l'impuissance du système actuel, les masses travailleuses, exaspérées, attendent aujourd'hui des actes. D'où viendra l'initiative de ces actes ?

De la bourgeoisie qui, à l'aide de ses démagogues et agents mercenaires, prendra les masses désorientées dans le noeud coulant de l'"Etat fort", du fascisme – POUR REJETER TOUT LE FARDEAU DE LA CRISE SUR LES MASSES, TOUT EN EMPECHANT TOUTE PROTESTATION ET REACTION DE LEUR PART – ou du prolétariat qui, dans l'action directe, réalisera le "bloc de lutte du prolétariat et de toutes les petites gens", pour constituer un gouvernement à la fois centralisé et démocratique, le Gouvernement ouvrier et paysan, appuyé sur l'activité et le contrôle direct des millions de travailleurs organisés dans leurs Partis, leurs Syndicats, leurs Comités, et qui, en mettant à la raison la mino-rité d'exploiteurs et de spoliateurs, METTRAIT FIN A LA CRISE ET ASSURERAIT LE RELEVEMENT DU PAYS.

Les ouvriers français doivent reprendre la lutte en suivant l'exemple des ouvriers belges et américains. Il n'y a pas d'autre voie.


DECLARATION

Dans le but d'enlever tout prétexte formel à la direction du P.C.I., section française officielle de la IVème Internationale, qui exploitant l'ignorance (qu'elle entretient en même temps) où se trouvent les ouvriers au sujet des traditions révolutionnaires, crée à notre égard une atmosphère d'hostilité de la part de ses militants et fait passer ainsi au deuxième plan les problèmes politiques, l'Union Communiste (IVe Internationale) décide de remplacer la deuxième partie de son nom et s'appellera désormais Union Communiste (Trotskyste).

Nous n'en poursuivrons pas moins la création d'une commission d'enquête (réclamée depuis bientôt un an) à l'encontre de la direction du P.C.I., concernant cette question aussi bien que d'autres.


LEUR LUTTE EST LA NOTRE

Pour justifier son intervention par la force contre les travailleurs, Truman a prétexté que "l'enjeu, c'est le ravitaillement, le logement des Américains, l'aide aux pays éprouvés".

Mais si les ouvriers entrent en grève, n'est-ce pas parce qu'en Amérique même, où les capitalistes ont encaissé de si fabuleux bénéfices et où le potentiel industriel a augmenté de plus de 100%, subsistent le chô-mage, le paupérisme, les conditions inhumaines de travail ?

Après avoir, dans des buts de conquête impérialiste, mis le monde à feu et à sang, assassiné et mutilé 100 millions d'êtres, précipité la société dans la barbarie, et pendant qu'ils préparent une nouvelle guerre, les monopoleurs capitalistes voudraient faire oublier leurs crimes par le "soutien" -chèrement négocié- qu'ils accordent aux "pays éprouvés", quelques gouttes de soulagement dans un océan de misère. Est-ce étonnant que, par-dessus le marché, ils prennent prétexte du mouvement d'émancipation des travailleurs, pour accuser celui-ci de leurs propres crimes ?

Mais les masses travailleuses n'en seront pas dupes. Les intentions du capitalisme américain de s'attaquer à l'U.R.S.S. après la capitulation du Japon ("profitons de notre supériorité actuelle puisque le conflit est inévitable"), n'ont-elles pas été déjouées justement par la crise sociale, par le mouvement ouvrier américain ?

Le caractère même de la grève générale est tel qu'une décision doit intervenir rapidement : ou les tra-vailleurs obtiennent satisfaction à leurs revendications, ou ils prennent eux-mêmes en main et organisent les transports, la production et la distribution.

Et si les banquiers font semblant d'aider un univers qui se débat dans la misère, la victoire du peuple travailleur d'Amérique ouvrirait réellement des voies entièrement nouvelles à l'humanité entière.

C'est pour cela que la classe ouvrière française salue dans la lutte du prolétariat américain, une lutte pour la cause des ouvriers de tous les pays.


LES GREVISTES AMERICAINS ACHEVENT LE FRONT UNIQUE DES EXPLOITES
ET OPPRIMES DU MONDE ENTIER CONTRE LA 3ème GUERRE IMPERIALISTE

La grève générale des Chemins de fer, venue se joindre à celle des Charbonnages, a fait trembler le Capital américain.

"La crise provoquée par Pearl Harbor", a déclaré Truman, "avait été le résultat d'une action perpétrée par une puissance étrangère. La crise que nous connaissons est provoquée, au sein de notre propre pays, par une troupe d'hommes qui placent leurs intérêts au-dessus du bien-être de la nation..."

Cette "troupe d'hommes" ce sont les 300.000 cheminots avec leurs familles, venus se joindre aux 400.000 mineurs, qui à leur tour appuyaient la lutte que depuis le mois d'octobre dernier mènent 2 millions de travailleurs de l'industrie (automobile, aciéries, etc...). Cette "troupe d'hommes" c'est l'avant-garde, l'élite des masses travailleuses américaines, qui tiennent tête aux 60 familles tremblant pour leurs privilèges.

La guerre, qui a interrompu le mouvement ouvrier et lancé les travailleurs sur les champs de bataille, a permis aux monopoleurs capitalistes de ramasser des centaines de milliards de bénéfices. Le trust chimique Dupont de Nemours, fabricant de la bombe atomique, a réalisé en quatre années de guerre 270 années de bénéfices normaux.

Les conflits entre le patronat et la classe ouvrière qui avaient pu être contenus pendant la guerre, ont éclaté de toutes leurs forces avec la fin de celle-ci. Les ouvriers réclamaient l'augmentation de leurs salaires, que les représentants patronaux ont d'abord refusé pour des "raisons de principe", mais ont finalement dû céder. La conscience de classe des ouvriers américains se développait rapidement à travers ces luttes. Déjà les grévistes de la puissante General Motors ont réclamé la publication des prix et l'ouverture des livres de compte des industriels, ce qui aurait permis de dévoiler au pays les véritables rapports entre la situation des classes laborieuses et les bénéfices scandaleux des requis du Capital.

Les grévistes mineurs et cheminots demandaient l'établissement de véritables lois sociales et de sécurité dans le travail (voir Lutte de Classes n°61), et l'établissement d'un fonds de sécurité prélevé sur les profits des actionnaires et contrôlé exclusivement par les organisations syndicales.

Plutôt que de satisfaire aux revendications ouvrières, le patronat américain, pour des "raisons de principe", a mobilisé l'armée et la marine et menacé les ouvriers de les écraser par la force. Il juge les grévistes, à juste titre, comme beaucoup plus dangereux que tout ennemi extérieur, car par leurs revendications sociales, les ouvriers américains "touchent de près à la question la plus brûlante de toutes : qui sera le maître dans le pays, les corporations industrielles (monopoles capitalistes) ou le peuple ?"

Les cheminots s'étant trouvés devant un ultimatum, engager un combat à mort ou céder, ont repris le travail sur un compromis qui leur accorde l'augmentation de leurs salaires. Mais cette reprise du travail n'est pas une défaite des ouvriers.

Il y a encore à peine une dizaine d'années, la classe ouvrière américaine croyait son sort lié à celui du capitalisme et de sa prospérité ; aujourd'hui la classe ouvrière a acquis une conscience nouvelle et c'est rapidement que la bourgeoisie elle-même lui apprend tous les obstacles qu'elle doit vaincre. La résistance à laquelle se sont heurtés les cheminots, l'attitude du gouvernement, la mobilisation de l'armée contre les ouvriers, lui montrent la vraie figure de ses ennemis, la véritable ampleur du combat, et donc les moyens nécessaires pour vaincre.

Comme l'écrivait le journal révolutionnaire américain The Militant déjà le 23 février :

"...le mouvement ouvrier américain a triomphalement démontré sa grande puissance dans l'action. Les grèves ont forgé une unité de classe nouvelle et plus puissante. De ces luttes les rangs du prolétariat sortent plus acérés et acquièrent une plus grande conscience. Dans le feu du combat ouvert, les travailleurs se trempent et se forgent pour les plus grands combats qui sont encore devant eux. Le grand capital conspire avec le gouvernement pour dévorer graduellement les augmentations de salaire par l'inflation (comme le fit Blum après 1936)... A chaque occasion, les ouvriers se heurtent au gouvernement capitaliste comme à l'agence la plus puissante et la plus dangereuse de leurs exploiteurs. C'est sur l'arène politique, dans ses rapports avec le gouvernement, que le mouvement ouvrier a montré une grande faiblesse. Le refus des chefs syndicaux à rompre leur alliance avec la machine politique du grand capital et le gouvernement de Wall Street, est le plus grand handicap pour le mouvement ouvrier. La prochaine étape du mouvement demande avant tout la rupture complète avec cette politique de banqueroute, de soutien des politiciens capitalistes. Les gains atteints par les Comités de grève, seront perdus à moins que les Unions ne soient préparées à les défendre sur l'arène politique à l'aide de leur propre et indispensable instrument politique, un Parti ouvrier indépendant."

Les ouvriers américains sont faibles dans l'arène politique, c'est-à-dire devant l'Etat bourgeois, parce que seul un Parti politique de classe peut opérer la liaison entre la classe ouvrière et l'armée (les soldats et les cadres inférieurs), conquérir une influence sur les couches avancées de toutes les classes de la société et saper de l'intérieur tous les organes de domination de la bourgeoisie (Parlement, etc...).

Mais le prolétariat américain est un prolétariat neuf et, comme la classe ouvrière dans l'ancienne Russie tsariste, il progresse par bonds vers une conscience révolutionnaire. Il ne lui faudra pas des dizaines d'années pour former son avant-garde révolutionnaire ; c'est la tâche de la présente génération de préparer la révolution et de la mener à la victoire.

Car la classe ouvrière, quels que soient ses fautes, ses reculs ou ses défaites, peut vaincre et vainc la bourgeoisie, à condition qu'elle n'ait pas dans son sein une organisation politique qui, créée pour la défendre, s'oppose à elle, la paralyse, la livre à son ennemi, si elle n'est pas trahie comme le prolétariat européen qui, par suite de toute une série de circonstances historiques, s'est trouvé, depuis 1914, dans l'incapacité de se défendre contre la guerre, le fascisme, en un mot contre le capitalisme, parce que ses propres organisations politiques, la II° et ensuite la IIIème Internationale, se sont transformées en organisations bureaucratiques opposées à la révolution prolétarienne.

De ce point de vue, la classe ouvrière américaine a un avantage décisif sur la classe ouvrière d'Europe, car elle n'a pas cet obstacle sur sa route, elle n'est pas prisonnière d'une lourde bureaucratie politique, héritage du passé. De même que le mouvement syndical est faible devant l'Etat parce que limité à la lutte économique, de même les chefs syndicaux, comme Lewis et Cie, en tant que leaders économiques, ne sont pas assez forts pour briser le développement politique de la classe ouvrière. En France, ce n'est pas Jouhaux et Frachon qui ont empêché le développement du mouvement révolutionnaire en 1936, c'est Thorez qui l'a brisé.

La tendance révolutionnaire américaine, représentée par le Socialist Workers Party (trotskyste), réussira à créer le Parti de classe du prolétariat et celui-ci brisera la puissance du Capital américain, son Etat.

Car si l'Etat américain est la plus grande force capitaliste du monde, la classe ouvrière américaine constitue, elle aussi, la plus grande force ouvrière organisée du globe.

Au mois de septembre 1945, le dirigeant du S.W.P., Cannon, avait escompté, à juste titre, que simultanément avec le soulèvement des peuples coloniaux, les ouvriers d'Amérique combattraient le maître impérialiste du monde, le Capital américain. "Celui-ci sera attaqué des deux côtés et battu".

La classe ouvrière américaine tient ses promesses et attaque. La classe ouvrière d'Europe doit toute sa sympathie et tout son appui au premier front anti-impérialiste, le front ouvrier américain, en créant le front révolutionnaire européen.


La Voix des Travailleurs

UNE NOUVELLE ORGANISATION SYNDICALE

Une nouvelle Centrale syndicale - la C.N.T. - vient de se créer, se proposant de défendre les revendications ouvrières, telles que l'échelle mobile des salaires, etc. Voilà à quoi aboutit le régime de brimades, de violence et de trahison des dirigeants actuels de la C.G.T. : à l'émiettement des organisations syndicales.

Dans certaines usines des ouvriers se sont dit : puisqu'une nouvelle organisation syndicale a un programme correspondant à nos intérêts (par exemple l'échelle mobile), il n'y a plus de raison de rester dans la C.G.T. ; il n'y a plus qu'à adhérer à la nouvelle organisation.

Mais si ces camarades réfléchissaient davantage, ils verraient que le problème n'est pas aussi simple. S'il suffisait de coller des timbres sur d'autres cartes, de payer des cotisations à une "bonne" organisation, il y a longtemps que la classe ouvrière se serait émancipée, ou en tout cas ne serait pas là où elle est aujourd'hui. Quand ces ouvriers auront adhéré à la nouvelle organisation, en quoi la situation, telle qu'elle résulte aujourd'hui de la collaboration anti-ouvrière de l'Etat, du patronat et des stalino-réformistes, sera-t-elle modifiée au profit des ouvriers ? Sortir de la situation actuelle, c'est changer le rapport de forces entre la classe ouvrière d'une part, ses exploiteurs et leurs serviteurs de l'autre. Pour cela, il faut l'activité consciente et la solidarité des travailleurs dans l'usine, une meilleure capacité de combat et d'union, un niveau plus élevé de conscience de classe. C'est sur ce terrain de l'activité réelle de la classe ouvrière que se trouve la solution, et non pas dans la multiplication des organisations syndicales.

Les organisations politiques de la classe ouvrière trouvent leur importance dans la qualité des principes et des méthodes qu'elles défendent ; leur multiplication se justifie donc pour autant qu'elles défendent des principes différents. Dans le domaine syndical, c'est avant tout le nombre des ouvriers combatifs qui importe. Qu'arrivera-t-il si chaque tendance politique crée son syndicat ?

Quand nous écrivions dans le n°10 de La Voix des Travailleurs : "Nous sommes pour une seule C.G.T. groupant l'ensemble des syndiqués et agissant au nom de tous les ouvriers", nous n'étions pas et nous ne sommes pas pour la C.G.T. actuelle des Frachon, Jouhaux et autres de leurs pareils, mais pour une seule C.G.T. de la classe ouvrière. C'est donc en organisant les travailleurs, en rendant combatives les couches décisives de la classe ouvrière, que nous atteindrons notre but : avoir une organisation syndicale dévouée aux intérêts des travailleurs.

La rupture avec l'actuelle C.G.T. de la part d'une organisation qui se propose de défendre ces intérêts (échelle mobile des salaires, etc...), serait justifiée seulement si elle pouvait grouper la majorité décisive des ouvriers. Dans le cas contraire, elle ne fait qu'affaiblir la masse ouvrière en retirant à celle-ci, qui reste groupée dans la C.G.T., les camarades qui pourraient être ses meilleurs éclaireurs.

A. MATHIEU


LA PARTICIPATION AUX BENEFICES CHEZ RENAULT

La Régie a décidé de prélever sur une partie de ses bénéfices des primes à répartir à l'ensemble du personnel à titre de "prime de persévérance dans l'effort commun". Elles seront réparties comme suit : 12 frs.50 par journée de travail effectuée, plus 2% du salaire perçu pendant l'année 1945, soit environ 4 frs. par jour. La direction regrette (?) que beaucoup de prisonniers ou d'ouvriers victimes de la maladie ne participent que partiellement à cette prime, car elle entend que soit encouragé le travail effectif des ouvriers. D'autre part, les ouvriers qui pour un motif quelconque ont dû quitter l'usine, ne sont pas compris dans le "partage" des bénéfices.

Ces primes ne sont distribuées qu'après paiement des dividendes aux actionnaires. D'autre part, les bénéfices convertis en réparations, ateliers nouveaux, en machines et outillage, se sont transformés en capital également pour les actionnaires. Et sur ce capital, fruit des bénéfices accumulés, extorqués aux travailleurs, le personnel n'a aucun droit. Il reste propriété des actionnaires.

Par le système de la "participation aux bénéfices" on voudrait faire admettre aux ouvriers qu'ils ont leur part dans la répartition des profits et on en prend prétexte pour les convaincre qu'ils ont intérêt à intensifier leur effort toujours davantage. Mais ceux-ci ne sont pas assez niais pour croire que tout leur effort s'est soldé en 3 cigarettes par jour. Ils savent que les capitalistes s'engraissent avec leur sueur et qu'ils voudraient faire accepter aux ouvriers leur esclavage pour 16 frs. par jour !

La "participation aux bénéfices" allouée par le patronat, a toujours été combattue par les organisations ouvrières, car les travailleurs n'ont aucun moyen de contrôle sur les bénéfices réels de l'entreprise. Pendant que de gros actionnaires empochent des millions, on lance à l'ouvrier une aumône...

Quand les ouvriers imposeront leur contrôle sur la gestion des entreprises, ils sauront répartir les bénéfices à leur manière. En attendant, ce qu'ils veulent ce n'est pas une prime d'encouragement de 16 frs. par jour, mais un SALAIRE VITAL garanti par l'échelle mobile.

VAUQUELIN


LA MAIN-D'ŒUVRE ETRANGERE

Pour remédier au "manque" de main-d'oeuvre, notre Etat "démocratique" applique la même méthode qu'Hitler : l'importation c'est-à-dire la déportation de travailleurs étrangers. 700 000 prisonniers allemands sont utilisés en France. 20 000 travailleurs italiens -principalement mineurs et maçons- doivent les rejoindre. Cependant, la direction de la C.G.T. s'indigne non contre ce trafic d'esclaves, mais contre les travailleurs qui, crevant de faim chez eux, cherchent du travail en France sans contrat de travail régulier. C'est ainsi que le Bureau confédéral communique que le 15 mai, il "a examiné à nouveau la situation créée par l'entrée irrégulière de main-d'oeuvre italienne sur le territoire français. Il a chargé ses délégués à l'Office d'immigration de proposer toutes mesures utiles pour enrayer ces entrées et pour porter remède à la situation de fait déjà créée". (Le Peuple, 18-5).

De quelles "mesures" s'agit-il ? D'une chasse policière accrue, de nouvelles brimades ?

Les capitalistes n'ont pas de préjugés nationaux quand il s'agit d'exploiter les ouvriers. Mais brimés par des mesures policières, les ouvriers étrangers sont plus facilement abandonnés aux mains du patronat comme main-d'oeuvre "inférieure". En propageant les préjugés nationaux, les syndicalistes chauvins ne font que contribuer à dresser les travailleurs les uns contre les autres. Ce n'est pas à nous de faire la police des frontières : il y a assez de douaniers et de flics pour cette besogne. Notre tâche, c'est d'organiser et de relier à notre lutte nos compagnons des autres pays ; les défendre, c'est nous défendre.


LA LUTTE OUVRIERE EN BELGIQUE

Les grèves dans le pays, avertissement au patronat ! (Extrait de La Lutte Ouvrière belge, 18 mai)

A la veille de la Conférence Nationale du Travail, partout dans le pays des conflits isolés continuaient à éclater, expression de la volonté revendicative des travailleurs, expression également de la criminelle politique de la direction de la F.G.T.B. Car celle-ci, au lieu d'unir et de généraliser les conflits afin de montrer au patronat ce dont la classe ouvrière est capable et d'arracher ainsi ce qui lui est dû, a mis tout en oeuvre pour que ces luttes isolées s'éteignent comme des feux de paille. Au BORINAGE, l'Intersyndicale avait décidé une grève générale le 8 mai. Le mot d'ordre fut pratiquement suivi partout. A deux puits près, tous les mineurs cessèrent le travail.

Au CENTRE, des grèves éclatèrent dans plusieurs charbonnages sur la question des salaires. D'autre part, à Anderlues, les mineurs cessèrent de nouveau le travail pour défendre leur délégué, notre camarade Bourgard, renvoyé par le patronat désireux d'éliminer les éléments combatifs à la veille de grands conflits sociaux.

Dans la région de CHARLEROI il y eut un début de mouvement gréviste dans plusieurs puits.
Dans la région de LIEGE plusieurs puits cessèrent également le travail.

A ANVERS, le mouvement de solidarité des dockers avec la grève des ouvriers du port d'Amsterdam continue, malgré les tentatives furieuses des dirigeants syndicaux de l'étouffer.

Les travailleurs montrent ainsi partout qu'ils désirent et qu'ils peuvent lutter.
Il faut maintenant qu'ils n'attendent plus rien d'en haut et qu'ils organisent leurs luttes eux-mêmes !

Les revendications et les grèves ouvrières : voilà ce qui explique les décisions spectaculaires du gouvernement belge concernant la baisse des prix, que les journaux mettaient ici sur le compte de sa soi-disant "énergie". Mais les travailleurs belges continuent néanmoins leur action pour l'augmentation des salaires, car ils se méfient de la capacité de "contrôle" des prix du gouvernement.


E C H O S. . .


HISPANO

Assemblée générale du 13 mai 1946

Le délégué annonce, qu'enfin après deux mois de combat (?) avec la direction, le syndicat a obtenu une augmentation de 3 francs. Mais cette augmentation se fera soit par des primes, soit sur le boni, ce qui revient à dire que les ouvriers pourront gagner un peu plus en travaillant beaucoup plus.

D'autre part la Direction qui préfère réserver sa production pour l'exportation plutôt que fabriquer des tours pour des petites boîtes, comme le propose la section syndicale, veut réduire la semaine de 48 heures à 40 heures.

Les délégués se plaignent de ce que la direction ne tienne pas ses promesses qui étaient de conserver les 48 heures jusqu'à la fin de l'année et ils geignent que "de cette façon le standard de vie de l'ouvrier baissera encore et qu'il deviendra impossible de vivre".
Aussi la section syndicale se "lave les mains" des conséquences que cela peut entraîner.

Quelles conséquences ?

La baisse de la production ?

Mais alors la section syndicale avoue que les problèmes de la production ne peuvent pas être résolus uniquement par le travail des ouvriers dans une société capitaliste. Et puisqu'en fin de compte c'est la direction qui tranche les questions, puisqu'elle dispose des capitaux, ce n'est pas au syndicat de se plaindre du retour aux 40 heures, au contraire, mais d'exiger sur la base de ces 40 heures, un salaire vital.


CHEZ FRELAT CHARLET

Le délégué avec les 47 signatures d'ouvriers est monté demander au patron le repos du samedi, c'est-à-dire la semaine de 45 heures au lieu de 54 heures. "Vous perdez des heures", dit le patron. - On s'en fout, il y a une loi de 40 heures, nous la voulons.
La semaine suivante les ouvriers appuyés par leur délégué ont revendiqué une augmentation de salaire.
Les salaires actuels sont de : manoeuvres, 30 frs. ;
O.S., 33 frs.50 ; ouvriers qualifiés, 36 frs.95.
Pour que la diminution de la journée de travail ne se solde pas par une diminution de salaire ils revendiquent 35 frs. pour les manoeuvres, 40 frs. pour les compagnons. Dans leurs revendications ils ont inclus le principe : pas de prime ! A bas le salaire au rendement ! Pour un travail décent, un salaire décent !

Mais le délégué se plaint de ce que les ouvriers lui fassent "confiance" sans l'appuyer suffisamment. Camarades, ce n'est que dans la mesure où vous appuierez vos délégués qu'ils pourront faire aboutir vos revendications. Sans votre soutien effectif les délégués ne pourront pas exiger votre dû et en seront réduits à faire des compromis qui les feront prisonniers de la Direction.


CHEZ RENAULT

Dans le département 6 on recommence la pratique du travail de samedi. Les salaires sont très bas (32 et 34 frs pour les O.S.) et ce n'est qu'avec les heures supplémentaires majorées que les ouvriers arrivent à un salaire à peu près convenable. C'est pourquoi de nombreux ouvriers sont contraints d'accepter le travail du samedi.

Voilà où conduisent les "améliorations" de M. Croizat. Elles obligent les ouvriers à faire 53 heures par semaine pour pouvoir arriver à manger. En 1939 Paul Reynaud a déclaré : "fini la semaine des deux dimanches". Les ouvriers laisseront-ils s'échapper une conquête si durement acquise ? Il faut revendiquer un salaire vital et non se laisser ravir nos conquêtes sociales en les sabotant nous-mêmes.


CITROEN – LE SALAIRE AU RENDEMENT CONTRE LES TRAVAILLEURS

A Levallois comme partout ailleurs la direction de l'usine Citroën fait descendre les chronos, et les ouvriers qui travaillent pour augmenter leur rendement sont les victimes du slogan. La délégation syndicale du 30 avril, qui a été trouver Boulanger dans le but de lui faire appliquer les salaires dits "progressifs", s'est heurtée au refus de celui-ci. M. le Directeur de Citroën a répondu simplement qu'il ne comprenait pas que le système actuel employé aux établissements depuis dix ans était subitement condamné, que lui le trouvait très bien et que par conséquent, il ne le modifierait pas. La section syndicale tente de justifier ce refus par la propagande dite "des éléments de la IV° Internationale", qui essaient de faire croire aux travailleurs qu'"il est préférable de demander une augmentation sur les taux d'affûtage que sur les boni-minute". (V.O. du 9 mai 1946).

Pour semer l'obscurantisme chez les travailleurs, la section syndicale fait un calcul très savant : "Si nous réclamons l'augmentation à l'affûtage, 21 frs.50 + 3 francs d'augmentation = 24 frs.50 + 13 frs.60 de boni = 38 frs.10. Donc l'ouvrier perdrait encore : 43 frs.35 - 38 frs.10 = 5 frs.25 de l'heure.

Les travailleurs de Citroën-Levallois ont assez de mémoire pour se souvenir de ce que disait Beaumont aux ouvriers qui réclamaient l'augmentation sur le boni dans une réunion de Commission exécutive le dernier trimestre 45 : "Nous devons réclamer notre augmentation sur les taux horaires parce que sur les bonis, ce sont les ouvriers qui seront les victimes. Avec les défections de machines, les bons de crédit sont payés sur les taux horaires." C'est justement parce que les travailleurs ne veulent pas être les victimes des exploiteurs capitalistes et qu'ils ne tiennent pas à donner leur santé et leur force, ce que faisait avec juste raison ressortir Beaumont, qu'ils sont contre le salaire au rendement.

Mais Boulanger a bien posé la question. Par son refus systématique, il a lancé le défi aux réformistes. Qu'attendent-ils pour passer à l'action ? Quand les ouvriers seront réunis en Comités de grève, ils pourront se prononcer ouvertement démocratiquement sur l'objectif de leur lutte : Lutter pour une forme de salaire qui a toujours été combattu, y compris par Beaumont et la Section syndicale, ou lutter pour un salaire horaire décent avec comme seule garantie devant la montée incessante des prix : L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES. Mais cela, c'est justement ce que la section syndicale ne veut pas.


A la dernière vente de La Lutte de classes, les staliniens, selon leur habitude se sont attaqués à une de nos vendeuses. Un attroupement s'est formé et un passant a pris la défense de notre camarade : "Laisse-la vendre son journal, moi je ne lui achète pas, mais elle est libre de le vendre". "Il n'y a pas de liberté pour les fascistes, répond le stalinien. D'abord, toi, tu es un ancien P.S.F.., et maintenant tu es au P.R.L." - "Oui, j'étais au P.S.F. et maintenant je suis P.R.L. Je ne suis pas du tout d'accord avec les trotskystes, mais je ne les empêche pas de vendre leur journal. Ils ont le droit de s'exprimer, nous sommes en République".

Les ouvriers, qui assistaient à la scène étaient profondément indignés de l'attitude stalinienne.

Ainsi, grâce aux méthodes fascistes des staliniens, le vrai fasciste, le P.R.L. peut se poser, aux yeux des ouvriers, comme le champion de la liberté.


Le poids qu'ils pèsent...

Les membres des conseils d'Administration représentant la C.G.T. s'abstiendront d'assister aux réunions des conseils des banques nationalisées. Telle est la résolution du bureau confédéral du 22 mai.

Est-ce parce que les "nationalisations" capitalistes sont une escroquerie visant à "discipliner la classe ouvrière, à la faire travailler davantage au service des intérêts communs de l'Etat" ? Non.

Est-ce parce que les travailleurs n'ont de droits que celui de "produire" pendant que les capitalistes détruisent ? Pas du tout.

C'est parce que le candidat présenté par la C.G.T. à la présidence de la Société Générale a été blackboulé. Parce qu'on leur refuse une place, nos bonzes découvrent la collusion "des représentants de la C.F.T.C., du Ministère des Finances et des représentants de la grande banque."

Encore quelques congédiements, et nos larbins en chef découvriront peut-être la lutte de classes !


OUVRIERES, MENAGERES, SAUVONS-NOUS NOUS-MEMES !!!

Si la politique du blocage des salaires, tout en étant rigoureusement maintenue, est camouflée par les bonzes syndicaux derrière le mot d'ordre "augmentez le rendement, vous augmenterez vos salaires", la politique du blocage des prix est une faillite complète.

Et c'est ouvertement que la presse bourgeoise déclare : "Blocage des prix et blocage des salaires : c'est le système qu'avait adopté la France. Mais le premier frein s'est relâché de lui-même". (Combat, 15 mai).

Maintenant, c'est au jour le jour que nous, ménagères, voyons les prix monter. Le mardi 21 mai sur les marchés de Paris, le prix de vente courant des petits-pois était de 20 frs. la livre, celui des cerises de 20 frs. la livre, et celui de la laitue de 10 frs. Le mercredi 22 mai les petits pois valaient 30 et 35 frs., les cerises 30 frs.50, la laitue, 12 frs.50. Le vendredi 24, les cerises sont passées à 34 francs.

Ouvrières d'usine, pour sauvegarder notre pouvoir d'achat, exigeons l'Echelle mobile des salaires ! Ménagères, pour lutter contre les affameurs, formons nos comités de quartier. Prenons exemple sur les femmes qui nous montrent la voie :

"Au marché de Nantes, les ménagères se sont opposées à la vente des petits pois au prix de 40 frs. le kilo et ont obtenu que ce prix fût ramené à 25 frs." (Combat, 26 mai).

Blanche


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