1947

L'EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L'ŒUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES
Nº 11 – Prix : 3 francs


La Voix des Travailleurs de chez Renault

Barta

25 juin 1947


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FAIRE PAYER LES RICHES

"Il faut bien que quelqu'un paie", disent les représentants du gouvernement et leurs soutiens, pour appuyer la provocation que constituent les lois financières de Schuman. "Sans ces lois, il faudrait que l'Etat demande des avances à la Banque de France et dans ce cas, par un autre bout, vous auriez le même résultat. Or, ce moyen, l'inflation, a déjà été utilisé à fond ; il ne nous reste plus qu'à serrer la vis au "contribuable".

Il faut en effet que quelqu'un paie. Mais pour savoir exactement QUI DOIT PAYER, il faut savoir QUI A DEPENSE ET POURQUOI.

Le tract de la C.E. du S.D.R. a expliqué fort justement ce qui doit être payé : c'est une note résultant de la politique de pillage et de gaspillage menée par le gouvernement au seul bénéfice des capitalistes.

Ces dépenses couvrent l'entretien de la guerre fratricide coloniale, d'un appareil militaire tout juste bon à faire la guerre aux peuples sans pouvoir réaliser la défense du pays, des faux frais de l'exportation à bas prix, pour que les capitalistes puissent soutenir la concurrence internationale et se procurer des devises pour la spéculation, etc.

Ce sont ces dépenses en faveur des riches que le gouvernement veut, UNE FOIS DE PLUS, faire payer... aux pauvres.

Quand le système capitaliste était encore viable, les masses payaient la note et il leur restait encore de quoi vivre tant bien que mal. Mais maintenant que l'agonie du capitalisme a ramené le niveau de vie des masses travailleuses à cent ans en arrière par rapport à celui de 1936, ces notes à payer mettent en danger L'EXISTENCE MEME PHYSIQUE ET MORALE DE LA CLASSE OUVRIERE. Or la déchéance de la classe ouvrière signifie, étant donné son rôle essentiel dans la production, la déchéance de toute la nation. C'est pourquoi toutes les phrases des capitalistes sur le relèvement de la production, en même temps qu'ils font une politique antiouvrière, ne sont que de la poudre aux yeux pour cacher leur rôle ANTISOCIAL.

Le Parlement qui, pour la forme, avait rejeté, en commission, les projets Schuman, vient de se rallier autour du gouvernement, avec la complicité de tous les parlementaires, dont certains, comme ceux du P.C.F. et du P.S., n'ont protesté que formellement. Car en dehors d'un vote où ils se savent en minorité, ces derniers ne préconisent aucune action et laissent faire.

Or il y avait quelque chose à faire. S'il y avait eu des députés amis des travailleurs, ils auraient dû faire appel aux masses travailleuses pour les appuyer contre le complot anti-populaire de la majorité parlementaire. Est-ce la légalité qui les en a empêchés ? S'il s'était agi d'un quelconque pacte soviéto-X (pour le P.C.F.) ou d'une émeute fasciste genre 6 février (pour le P.R.L.), ces gens-là ne se seraient guère embarrassés de la légalité parlementaire ; mais quand il s'agit des intérêts des travailleurs ils ne lèvent même pas le petit doigt.

Devant cette situation, il n'y a qu'un moyen de défense, qu'il s'agit de réaliser dans la période qui vient.

Puisque TOUS les députés du Palais-Bourbon, loin de nous défendre, nous passent au contraire la corde au cou pour les riches, il faut que des délégués directs de toutes les usines, de tous les chantiers, de tous les bureaux, des ménagères travailleuses, se réunissent d'abord de quartier à quartier, de localité à localité, de région à région, pour former une sorte de "Parlement" ouvrier et paysan qui envisage, lui, d'urgence, les mesures à prendre.

Cette tâche n'est pas plus au-dessus des forces de la classe ouvrière que tout ce qu'elle a déjà accompli tout au long de sa rude histoire.


Réflexions d'un Cheminot

REMETTRE CA ! ... MAIS ...

Le plan financier de M. Schuman, voté par l'Assemblée nationale, portera, quoi qu'on dise le gouvernement, un coup dur aux petits salaires.

Quiconque peut en faire rapidement le calcul. Pour une famille de 4 personnes, l'augmentation des charges se soldera par les chiffres suivants :

Pain : 1 kg par jour à 13,50 frs. d'augmentation

405 frs. par mois

Lait : 1 litre 1/2 par jour à 4,50 frs. d'augmentation

135 frs. par mois

Tabac : en ne prenant que les décades réglementaires

111 frs. par mois

Total 

651 frs. par mois

Ceci pour ce qui est acquis ou presque.

D'autre part, le métro, l'autobus, le chemin de fer vont augmenter : le premier, parce qu'on lui supprime les subventions ; le second, parce que l'essence va augmenter ; le troisième, soi-disant pour pallier aux nouvelles charges imposées par l'augmentation de nos salaires. En fait, pour accroître les profits des actionnaires.

Pour nous, directement, seule l'augmentation du prix des transports urbains influera sur notre budget, environ 100 francs par mois par personne de plus, à moins de rester cloîtré.

L'augmentation des transports ferroviaires se sentira, pour nous, par l'incidence qu'elle aura sur le prix de toutes les marchandises véhiculées par fer ; d'autant plus que s'y ajouteront encore les nouveaux frais dus à l'augmentation du prix de l'essence.

Nous pouvons compter sur une hausse générale de 5 à 6%. Ce qui veut dire qu'aux augmentations sur les produits alimentaires déjà citées s'ajoutera une augmentation de 6 à 700 francs par mois, par personne, rien que pour les transports. Ce qui donne, au total 1.400 francs de plus à sortir chaque mois du porte-monnaie, sans parler du gaz, de l'électricité et du loyer...

Déduisant des avantages obtenus récemment par les cheminots les nouveaux impôts et charges, nous obtenons les augmentations de salaires réelles suivantes :

Echelle 1

1.700 - 1.400

=   300 frs.

Echelle 5

2.480 - 1.400

= 1.080 frs.

De 1 à 4, l'augmentation de salaire devient dérisoire et c'est le cas pour 75% du personnel de la S.N.C.F. C'est seulement à partir de l'échelle 5 que l'augmentation vaut la peine d'être considérée comme telle.

Et il est fort probable que les nouvelles charges soient supérieures à celles sur lesquelles nous venons de baser nos calculs.

Tous les cheminots l'ont senti. La plupart voient, avec amertume, fondre les avantages qu'ils viennent d'arracher. Et certains parlent déjà de remettre ça, c'est-à-dire de se remettre en grève. "Mais cette fois-ci, ajoutent-ils, ce n'est pas une augmentation de salaires que nous demanderons mais la baisse des prix, générale et immédiate, de 25 à 30%. Et nous ferons appel aux autres corporations pour obliger le gouvernement à faire baisser réellement la vie."

En fait, l'expérience nous a montré que l'Etat est complice des capitalistes, que le gouvernement est entre leurs mains. La seule façon que nous ayons de faire baisser les prix, c'est d'ouvrir les livres de comptes dans les entreprises et les banques. Alors que le salaire de l'ouvrier ne représente qu'une minime partie de son effort et de la quantité des biens produits, les patrons, eux, calculent les prix sur une base purement spéculative et sans aucun lien avec la production réelle. Seul le contrôle ouvrier, en dévoilant les spéculations des capitalistes et en s'appuyant sur la masse de la population, pourra imposer la baisse des prix en les liant à la production et non aux profits du gros patronat.

LOUIS


L'ONCLE SAM PHILANTHROPE

par J. RAMBOZ

Depuis l'autre guerre, les choses, pas plus que les gens, ne sont restées en place. Si, après 1918, l'oncle Sam c'était le parent à héritage, maintenant il s'est élevé moralement jusqu'à devenir philanthrope.

L'oncle Sam qui devait déjà, dès 1944, nous gaver de cigarettes et de chocolat, offre maintenant aux peuples d'Europe, qui se débattent dans la misère, un plan de relèvement. Ce plan se présente sous la forme la plus alléchante possible : DES MILLIARDS DE DOLLARS !

Du président de la République au plus petit journaliste, tout le monde déborde d'enthousiasme.

En la graissant à coups de dollars, nos capitalistes espèrent remettre en marche la machine économique, délabrée par leur rapacité. Mais à supposer qu'à coups de dollars les capitalistes arrivent à renouveler l'outillage, reconstituer les stocks, amortir leurs installations (voir Conseil national du patronat), le sort des travailleurs s'en trouvera-t-il amélioré ?

Pour cela, il n'y a qu'à regarder l'Amérique elle-même. Si la générosité de l'oncle Sam devait apporter une aide aux ouvriers et aux populations d'Europe, elle l'aurait d'abord apportée aux ouvriers et aux populations d'Amérique ; car charité bien ordonnée commence par soi-même. Or, que se passe-t-il en Amérique ? Depuis de longs mois, les ouvriers américains, par des grèves incessantes, sont obligés de se défendre comme nous contre la rapacité des capitalistes ; de lutter contre la baisse continuelle de leur niveau de vie, conséquence de la vie chère, et contre l'inflation, résultat d'une politique de guerre. Les générosités de l'oncle Sam, ce sont les lois anti-grévistes et les tentatives d'extorquer aux travailleurs américains le maximum de travail pour le plus bas salaire possible.

Le relèvement que le capitalisme américain réserve aux peuples d'Europe n'est autre que celui qu'a déjà connu l'Allemagne après l'autre guerre. En 1924, les dollars américains ont renfloué le capitalisme allemand. Mais le peuple, comme chacun sait, n'a connu que la misère, le chômage, et, par la suite, le fascisme. Pour préparer sa nouvelle guerre, l'oncle Sam a besoin, aujourd'hui, de renforcer les capitalistes qu'il met, par son aide financière aussi efficacement que par sa pression militaire, sous sa tutelle. C'est pourquoi, cette aide, l'accorde-t-il aussi bien aux capitalistes français qu'allemands ou japonais.

Le relèvement du potentiel industriel des capitalistes ne signifie pas forcément le relèvement du niveau de vie des ouvriers. C'est ainsi qu'au Japon, un capitalisme fortement industrialisé maintenait une classe ouvrière dans la misère la plus noire.

Si nos capitalistes encaissent des dollars, ce n'est pas nous qui en profiterons. Et, que les capitalistes aient ou non des dollars, l'expérience des ouvriers américains eux-mêmes nous prouve que c'est seulement par la lutte que les travailleurs peuvent défendre leur niveau de vie ou arracher une amélioration quelconque.

Quant à relever l'économie et le potentiel industriel, il faut, pour cela, d'abord délivrer la machine économique de la poignée de pillards capitalistes et la remettre en marche sur de nouvelles bases.

Nous nous proposons de voir, dans un prochain article, les moyens dont dispose la classe ouvrière pour relever l'économie et la voie qu'elle doit suivre pour atteindre ce but.


Malgré les saboteurs, l'unité ouvrière grandit

UNITE CONTRE LES LOIS SCELERATES DE VIE CHERE !

La C.E. du Syndicat démocratique Renault avait lancé, le lundi 23, un tract invitant les travailleurs à agir sans retard en allant manifester de façon PACIFIQUE mais DECIDEE devant le Palais Bourbon, contre les lois de vie chère.

La C.E. proposait à la direction syndicale C.G.T. d'organiser en commun cette manifestation de tous les travailleurs de chez Renault.

Malgré le nombre restreint de tracts, la majorité des travailleurs s'est montrée prête à participer à l'action proposée par la C.E. du S.D.R. Mais les dirigeants cégétistes, qui n'hésitent pas à utiliser toutes les méthodes antidémocratiques, se sentant débordés par la poussée d'en bas, ont trouvé un moyen très simple pour saboter la lutte. Ils ont joué aux Ponce-Pilate ; "les ouvriers sont assez grands, qu'ils fassent ce qu'ils veulent", a répondu Delame aux propositions du S.D.R. Ils ont ensuite fait tout leur possible pour empêcher les ouvriers de manifester et les ont dispersés en fractionnant la manifestation par petits paquets.

Voilà l'attitude de ces messieurs qui vivent des salaires élevés, payés par les ouvriers, mais qui se lavent les mains quand ceux-ci auraient besoin d'eux. Ayant passé, quoique de justesse, aux élections de délégués, ces gens-là ont du se dire : après tout, quoi qu'on fasse, nos places sont assurées par les élections.

Dans ces conditions, la manifestation n'a pris qu'un caractère assez limité, bien que les ouvriers, ayant assimilé la leçon de la grève des cheminots pendant laquelle il s'est manifesté dans l'usine un esprit d'attentisme, aient cette fois-ci réalisé qu'il fallait se mettre en mouvement. Les Départements 5, 9, 88 et 30 ont été à l'avant-garde de ce mouvement et ont prouvé que ce n'est pas un secteur seulement de l'usine qui a l'esprit combatif ! Plusieurs groupes de plusieurs centaines d'ouvriers ont pu ainsi se rendre devant la Chambre. Mais il n'y a pas eu la manifestation imposante de nos 30.000 ouvriers entourant le Palais Bourbon, qui aurait effectivement impressionné le gouvernement affameur.

Cependant les travailleurs de chez Renault ne sont pas seuls à mener une telle lutte. Commencées la semaine dernière dans le 15°, les protestations directes devant le Parlement capitaliste ont continué cette semaine. Ce que les travailleurs de chez Renault n'ont pas fait, 10.000 ouvriers du 15° l'ont fait. Malgré l'opposition des responsables syndicaux, qui, après une réunion à 16 h. 30, voulaient partir dans une délégation de 600 "représentants" de Citroën, Alsthom et autres usines du 15°, les 10.000 ouvriers présents ont tenu à "accompagner" leurs délégations.

D'autres délégations, qui se trouvaient autour du Palais Bourbon, en voyant les groupes compacts de Renault et des usines du 15°, ont fait la réflexion suivante : nous n'aurions eu qu'un mot à dire dans notre usine et on auraient tous été là.

Cependant la lutte de la classe ouvrière ne se borne pas à ces manifestations, malgré tout limitées. 20.000 mineurs du Pas-de-Calais se sont mis lundi en grève pour protester contre la mauvaise qualité du pain, le manque de viande et les décrets scélérats de vie chère de Schuman. Les 20.000 ouvriers de toutes les usines Citroën sont en grève pour les salaires, contre la vie chère.

Il y a quelque chose de changé. Les travailleurs, lentement, mais sûrement, reprennent leurs traditions de lutte et vont tous les jours un peu plus de l'avant dans leur unité et dans leur capacité d'action.

Qu'on le veuille ou non, la lutte reste à l'ordre du jour. Les petits calculs personnels ne peuvent entrer en ligne de compte. LES TRAVAILLEURS VAINCRONT ENSEMBLE OU SE FERONT BATTRE EN DETAIL.

POUR UN SALAIRE DECENT : LE MINIMUM VITAL CALCULE SUR L'INDICE DES PRIX (ECHELLE MOBILE) !

POUR LA BAISSE DES PRIX : CONTROLE OUVRIER SUR LES LIVRES DE COMPTES DES CAPITALISTES.


APRES DE PSEUDO-ELECTIONS

par Pierre BOIS

Le personnel de la Régie vient d'être appelé à désigner ses délégués. Tout en tenant compte des différentes pressions et irrégularités exercées par les cégétistes, le résultat global du vote donne : 12.683 voix à la C.G.T. et 6.696 pour le boycott.

Les résultats par départements n'ont pas été affichés.

Le dépouillement s'est fait "en haut". Comme nous ne connaissons pas les résultats de nos secteurs, nous ne pouvons pas vérifier si les chiffres accusés au dépouillement général sont bien ceux recueillis dans chaque collège électoral. Aux élections législatives, la moindre commune affiche ses résultats et chaque électeur a la possibilité de vérifier si les chiffres publiés au dépouillement général sont exacts. Rien de pareil n'a eu lieu pour les élections de nos délégués. En fait, nous n'avons aucun moyen de contrôle, comme nous n'avions pas eu non plus la possibilité de présenter des délégués de notre choix (liste unique et désignée d'en haut). Et c'est ainsi qu'en vertu d'un mode d'élection antidémocratique (loi Croizat du 16 avril 1946), 31% des ouvriers ayant boycotté les élections et 10% s'étant prononcés pour la C.F.T.C., soit en tout 41% des ouvriers, se voient imposer des représentants cégétistes !

En plus de cela, la proportion de 59% des cégétistes est loin d'être répartie également dans toute l'usine. S'il y a des secteurs que la C.G.T. contrôle entièrement, d'autres, par contre, lui sont nettement hostiles. Et ceux-ci se voient imposer des délégués élus par les voix d'autres départements. C'est ainsi, par exemple, qu'au département 88, M. Hourier, inscrit sur la liste de la C.G.T., se trouve élu délégué, alors que la majorité des ouvriers de ce département s'est prononcée contre lui... et pour cause : M. Hourier, le jour du déclenchement de la grève, tenta d'empêcher, une barre de fer à la main, qu'on arrête les moteurs !...

D'autre part, 40% des ouvriers de l'usine n'ont pas voté du tout, la loi bourgeoise enlevant aux jeunes, qui sont les plus exploités, et aux ouvriers qui n'ont pas six mois de présence dans l'usine, le droit de vote. Et, dans ces deux catégories, les proportions auraient été sûrement encontre plus défavorables à la C.G.T.

Malgré cela, il faut constater que, parmi les votants, seule une minorité a choisi la voie de l'opposition et de la lutte, préconisée par nous. La majorité des ouvriers hésite encore ou s'en remet aux bureaucrates, en un mot, attend que la solution tombe du ciel. Ainsi l'exemple de cette ouvrière, qui voulait mettre une enveloppe vide pour boycotter la loi antidémocratique, mais, en présence des cégétistes, n'a pas osé le faire. Si l'on en est encore à avoir peur d'exprimer notre mécontentement par un bulletin de vote, comment arrivera-t-on à abolir l'ordre social qui est la cause de tous nos maux ?

Il résulte du plébiscite électoral, organisé par la C.G.T., que la majorité des ouvriers de l'usine ne réalise pas encore que la seule voie, c'est celle de l'action résolue de tous les travailleurs ; que personne d'autre que nous-mêmes ne peut nous défendre. Notre tâche, pour l'avenir immédiat, c'est donc de convaincre, par les paroles et par les actes, tous les travailleurs de l'usine que seule la lutte paye !

Cependant, il n'empêche que, dès maintenant, les nombreux ouvriers qui ont boycotté les élections sont décidés à se débarrasser de la tutelle des dirigeants cégétistes traîtres et revendiquent en conséquence la possibilité d'élire leurs représentants par départements et le droit de les révoquer par un simple vote local.

Les départements 6, 18 et 88 ont décidé de ne pas reconnaître des délégués qu'ils n'ont pas élus et que la loi veut leur imposer d'"en haut". Nos délégués seront élus et révocables par la masse des ouvriers de nos départements. Nous ne devons en aucun cas admettre les restrictions apportées à la représentation ouvrière par une loi qui n'a pas été votée et approuvée par les ouvriers.

Actuellement, les élections des délégués sont réglementées de la même façon que les réactionnaires voulaient réglementer le droit de grève en le limitant dans le but de le supprimer. Mais, de même que l'organisation de la grève, son mode de déclenchement ne regarde que les ouvriers, nous ne devons admettre aucune loi qui, à l'avance, entrave la liberté des ouvriers d'élire ceux qui ont pour rôle de les engager devant le patron.

Nous demandons à tous les camarades de l'usine de nous communiquer, dans toute la mesure du possible, le résultat du vote dans leurs départements et de suivre l'exemple de nos secteurs partout où les délégués ont été imposés et non élus.


DANS L'USINE.


IL Y A CONTROLE ET CONTROLE

Au nombre des revendications de la C.G.T. vis-à-vis du patronat figure le contrôle de l'embauche et les licenciements. Beaucoup de camarades se sont dit : "Alors, si la C.G.T. a contrôle sur l'embauche et sur la débauche, il est certain que ne ferons pas long feu dans l'usine, car quiconque n'aura pas sa carte de la C.G.T. sera vidé".

Et ces camarades concluent : "Il ne faut pas de contrôle sur l'embauche".

Du contrôle sur l'embauche par les bureaucrates cégétistes ? Certes non ! Car, en effet, qui ne montrerait pas patte blanche n'aurait pas accès à l'usine. Mais la revendication du contrôle ouvrier sur l'embauche et les licenciements ne doit pas pour cela être abandonnée.

Pour être efficace et ouvrier, le contrôle sur l'embauche et les licenciements devrait être effectué non pas par les dirigeants de la C.G.T., qui n'ont pour tout souci que leurs intérêts à défendre, mais bien par les ouvriers eux-mêmes. Y aurait-il un nouveau venu dans le département ? Immédiatement, les ouvriers du secteur nommeraient une commission chargée d'examiner le dossier du nouvel arrivant. Y aurait-il un projet de licenciement ? La même commission interviendrait et statuerait. De cette manière, la direction ne pourrait pas embaucher des briseurs de grève professionnels, ni des mouchards, et elle ne pourrait pas non plus vider les éléments qu'elle appelle "indésirables", c'est-à-dire les camarades les plus combatifs.

A ce sujet, au département 88, un cas vient de se produire. Il s'agit du camarade Abgrall, qui, après avoir été attaqué par les hommes de main du P.C.F., fut menacé d'être mis à la porte par la direction. Il n'a, du reste, été que muté, grâce à la pression que les ouvriers ont exercée.

Mais, dans ce cas, si les ouvriers avaient eu le contrôle sur l'embauche, une commission se serait réunie dans le département, et aurait vite fait d'établir que les motifs professionnels que la direction invoquait ne masquaient, en réalité, qu'un acte de répression contre un ouvrier combatif.

Un contrôle des ouvriers sur la débauche éviterait les coups de main du patronat en les démasquant.

Henri DURIEUX


Département 30

– Alors que je distribuais nos tracts, le sieur Parisé, atelier 479, s'est précipité sur moi pour me les arracher. N'ayant pu y parvenir, il m'a injurié. Voilà comment ces gens-là comprennent la liberté et la démocratie.

LAURENT


Au rodage (département 6, atelier 31), de par notre travail, nous ne pouvions pas réaliser un boni supérieur à 125%.

En effet, la cadence ne dépend pas de nous, mais surtout de la qualité des couples à roder.

A notre dernière paye, le délégué cégétiste Facompré nous dit qu'il n'était pas possible d'obtenir une augmentation de notre salaire sur le taux de base "comme toujours", mais, par un effort de production, notre coefficient passerait de 127 à 130% et plus...

Nous décidâmes de faire circuler parmi les ouvriers (environ 20) une pétition, demandant l'équivalence de notre salaire par rapport aux autres ateliers.

Nous avons désigné deux camarades qui sont allés porter la revendication au chef de département. Nous étions décidés, en cas de refus de la direction à nous donner satisfaction, à cesser le travail. Trois jours après, nous avons obtenu 1 fr. 40 d'augmentation sur le taux de base qui passe de 36 francs à 37 fr. 40.

MERLIN


UN ANNIVERSAIRE INAPERÇU

"Faire la grève c'était faire le jeu de la réaction". C'est ce que nous ont expliqué les cégétistes pendant des mois. Une fois de plus, leur propagande s'est avérée mensongère.

Nous n'avons pas eu, cette année, de manifestation Châteaudun, comme en juin 1946. A ce moment-là, dans "l'entente républicaine" et la "tranquillité" du tripartisme, le porte-parole de la réaction, De Gaulle, pouvait, par ses discours démagogiques, rallier les bandes fascistes et les exciter à des actes de terrorisme, tel l'attaque contre le siège du P.C.F. Cette année, les remous de la vague gréviste ont entièrement couvert la voix de la réaction. L'effet de l'action gréviste a été tel qu'on n'entend même plus les discours de De Gaulle. C'est que les travailleurs s'étant éveillés à la lutte pour l'amélioration de leurs conditions de vie, la force ouvrière agissante menace en même temps le patronat et tous ses serviteurs. La lutte contre le patronat dans les usines s'avère en même temps la lutte contre le fascisme.

Il ne reste pour l'instant d'autres ressources au patronat que de passer la parole aux social-traîtres, "socialistes" ou P.C.F., pour que ceux-ci tentent de démoraliser les ouvriers et de les ramener au "calme". Mais même de ce côté, le patronat n'aura pas gain de cause. Car les ouvriers ont montré qu'ils ont appris aussi à lutter contre la trahison dans leur propre sein.


PRIME OU SALAIRE

L'Acier du 12 juin tente de nous expliquer les "avantages" des primes à la production qu'il veut nous faire admettre comme étant une "bonne combine" pour reprendre au patron une partie des super-bénéfices.

Les primes ont toujours été un moyen d'accroître le rendement sur le dos de l'ouvrier. Chacun sait que la prime ou le boni, lorsqu'ils rapportent 5 fr. à l'ouvrier, en rapportent bien davantage au patron.

L'Acier prétend "qu'il n'est pas question de demander un effort supplémentaire aux travailleurs".

Mais dans L'Humanité du 31 mai, nous lisons que ce qu'on cherche, c'est augmenter l'effort de l'ouvrier ; et on y précise que depuis que les ouvriers de chez Renault ont leurs 3 francs, la production journalière est passée de 201 véhicules avant la grève à 216 après la grève, soit une augmentation de 7,5%. Comment s'est produit cet accroissement de la production ? Tout simplement par un redoublement de l'effort des ouvriers. Si la direction n'a pas diminué les temps (ce qu'elle fera tôt ou tard, si nous n'y veillons pas), elle a augmenté la journée de travail. Au lieu de neuf heures, on en fait dix.

Mais pourquoi L'Acier, qui est si enthousiaste à vanter les mérites des primes à la production, se montre-t-il si réticent à une augmentation sur le taux de base ?

C'est que, dit-il, cela donnerait prétexte aux patrons pour augmenter les prix.

Mais les prétextes ne manquent jamais aux patrons ; et ils augmentent les prix même quand ils n'ont pas de prétextes. Si nous avons dû nous mettre en mouvement, c'est justement parce que les prix montaient, tandis que les salaires restaient sur place malgré une production accrue.

Si le patron préfère accorder une "prime" plutôt qu'une augmentation reconnue du salaire, c'est qu'au point de vue légal il peut reprendre la prime comme il l'a donnée ; car elle ne comporte qu'un caractère paternaliste de récompense et non pas la reconnaissance sans arrière-pensée du droit qu'ont les salariés d'être payés pour leur travail.

Actuellement, notre salaire de base est de 36 francs. Les primes et le boni forment le tiers de notre salaire. Sans les primes, avec 36 francs de l'heure, comment pourrait-on vivre ?

Ce que réclament les ouvriers, c'est un salaire leur permettant de vivre. Ils revendiquent actuellement 10 francs sur le taux de base, comme acompte sur le minimum vital garanti par l'échelle mobile.


LES REVENDICATIONS DU PAIEMENT DES HEURES DE GREVE

Depuis que les ouvriers de chez Renault, dans leur grève, ont posé comme revendication essentielle le paiement des heures de grève et qu'ils l'ont obtenu, à leur suite, les ouvriers des différentes boîtes qui se sont mis en grève ont tous repris cette revendication et l'ont presque toujours obtenue, pour ne citer que les ouvriers de l'"Air Liquide" et les cheminots.

Pourtant, avant la grève Renault, les cégétistes ne cessaient de répéter aux ouvriers : "On ne peut pas faire grève parce qu'on n'a pas assez d'argent pour tenir". Les faits se sont chargés de démontrer la valeur de cet argument. N'est-ce pas le droit le plus élémentaire, pour les ouvriers, que d'exiger le paiement des heures de grève ? En réalité, ce sont les patrons qui les contraignent à se mettre en grève en leur donnant des salaires de famine. Et ce n'est qu'une partie de l'argent que les patrons leur ont volé que les ouvriers récupèrent par le paiement des heures de grève. Ne pas être payé pendant la grève signifierait, pratiquement, pour l'ouvrier, la suppression du droit de grève, droit que la classe ouvrière a arraché à la bourgeoisie au prix de luttes longues et sanglantes. En posant cette revendication, les ouvriers de chez Renault n'ont fait qu'user de leur droit. Et c'est parce qu'elle était juste que leur revendication a été reprise et obtenue par les grévistes des autres usines.


EXEMPLES A SUIVRE

Un camarade du département 6 nous signale qu'il a vendu trente numéros de La Voix, à la criée, devant "l'Aéronautique", un soir, à 18 heures.

Il avait commencé le travail plus tôt, le matin, pour pouvoir sortir plus tôt le soir et aller vendre.

Le même camarade vend plusieurs Voix à "la Radiotechnique", par l'intermédiaire d'une voisine qui y travaille.

Par ailleurs, nous savons que plusieurs camarades font circuler La Voix chez Citroën ; que d'autres l'affichent dans des endroits où passent beaucoup d'ouvriers et que d'autres, enfin, l'envoient par la poste à leurs camarades d'autres usines.

Tous ces camarades ont compris que le développement de notre journal dépend de notre effort à tous, que c'est à nous à le faire lire, à le diffuser pour le faire connaître le plus largement possible. Et cet effort est d'autant plus facile à accomplir que nous sommes sûrs, d'après les expériences passées, que partout notre journal sera bien accueilli. Car il répond aux aspirations de tous les ouvriers et aux questions qu'ils peuvent se poser à l'heure actuelle aussi bien sur le plan général de la société que sur le plan particulier de l'usine.

La Voix n'est pas le journal d'une usine, mais de tous les travailleurs, entre lesquels elle établit le premier lien en vue de la lutte commune.


Adresser toute correspondance, abonnements et mandats par poste à Jean Bois, 65 rue Carnot, Suresnes (Seine).

Rendez-vous de 18h à 20h : café-tabac «Le Terminus» 
angle r. Collas av. Edouard Vaillant. M° Pont-de Sèvres


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