1921

Un travail de Boukharine récapitulant les acquis du marxisme. Il servira de manuel de formation de base aux militants communistes durant les années de construction des sections de l'Internationale Communiste.


La théorie du matérialisme historique

N.I. Boukharine

Supplément
Brèves remarques sur le problème de la théorie du matérialisme historique


2: Dialectique et théorie de l'équilibre.

Marx, on le sait, a dégagé la dialectique de son enveloppe mystique, en posant la thèse que la dialectique, comme catégorie de la pensée, est le reflet de la dialectique dans le processus du devenir réel, matériel, car l'« idéal » n'est que le « matériel » traduit dans le cerveau humain en une langue spécifique. Néanmoins, on tente encore, et de plus en plus fréquemment, de détacher le processus pensée du processus matériel, de transformer la dialectique en une construction purement idéologique, en une méthode à laquelle ne correspond aucune réalité. Sous ce rapport, l'« austro-marxisme » avec son théoricien Max Adler est typique. Comment doit-on combattre cette déviation manifestement anti-matérialiste du marxisme ? Il est clair qu'il faut mettre en évidence la racine matérielle de la dialectique, c'est-à-dire trouver dans les formes de la matière en mouvement ce à quoi « correspond » la formule dialectique de Hegel. Le choc incessant des forces, la désagrégation, le développement des systèmes, la formation de systèmes nouveaux et leur propre mouvement, en d'autre% termes, la destruction continuelle de l'équilibre, son rétablissement sur une autre base, rétablissement suivi d'une nouvelle destruction, et ainsi de suite. voilà ce qui correspond de façon réelle à la triade de Hegel. Qu'apporte de « nouveau » cette interprétation  ? Pour le fond, rien. Mais elle souligne le processus matériel, et le mouvement de la forme matérielle. Autrement dit, on a ici la dialectique du devenir matériel, exprimé idéologiquement par la triade hégélienne.

Reprocher à cette formulation d'être mécanique, c'est faire erreur, et cela parce que l'on ne peut opposer la mécanique actuelle à la dialectique. Si la mécanique n'est pas dialectique, c'est-à-dire si le mouvement en son entier n'est pas dialectique, que reste-t-il alors de la dialectique  ? Au contraire, le mouvement constitue, si l'on peut s'exprimer ainsi, l'âme matérielle de la méthode dialectique et sa base objective.

Marx et Engels dégageaient la dialectique de son enveloppe mystique en action, c'est-à-dire en appliquant de façon matérialiste la méthode dialectique dans l'étude des différents domaines de la nature et de la société. Il s'agit maintenant, de donner un exposé théorique systématique de cette méthode et de l'asseoir sur une argumentation également théorique systématique. On y arrive précisément par la théorie de l'équilibre.

Il est encore un argument, et non des moindres, en faveur de la théorie de l'équilibre : cette théorie débarrasse la conception du monde d'un certain élément téléologique inévitablement lié à la formulation hégélienne, qui repose sur l'évolution immanente de l'« esprit ». Au lieu de l'évolution, et uniquement de l'évolution, elle permet de voir aussi les cas de destruction des formes matérielles. Par là même, elle constitue une formulation plus générale des lois régissant les systèmes matériels en mouvement, formulation qui est en outre, épurée de tout élément idéaliste.


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