1971

"L'histoire du K.P.D. (...) n'est pas l'épopée en noir et blanc du combat mené par les justes contre les méchants, opportunistes de droite ou sectaires de gauche. (...) Elle représente un moment dans la lutte du mouvement ouvrier allemand pour sa conscience et son existence et ne peut être comprise en dehors de la crise de la social-démocratie, longtemps larvée et sous-jacente, manifeste et publique à partir de 1914. "


Révolution en Allemagne

Pierre Broué

Présentation


II: La social-démocratie avant 1914

Le congrès de Gotha

Le congrès de Gotha - mai 1875

La scission entre social-démocrates et communistes, en germe à partir d'août 1914, réalisée à partir de 1919, a projeté sur l'histoire de l'Internationale un éclairage déformant. Bien des auteurs, politiques ou historiens, attachés à découvrir dans le passé les racines d'une scission à la portée immense, la traitent comme un phénomène prévisible. En fait, inscrite avant la guerre dans les événements et le comportement des hommes, elle était loin encore de l'être dans leur conscience.  La fraction bolchevique russe, noyau du futur mouvement communiste mondial, ne se voulait que fraction russe, construisant un parti ouvrier social-démocrate - c'est-à-dire « révolutionnaire » marxiste dans le langage de l'époque - dans les conditions historiques données de l'empire des tsars. Polémiquant en 1905 contre Pierre Strouvé, Lénine s'indignait des interprétations scissionnistes données à sa politique :

« Où et quand ai-je appelé « opportunisme » le révolutionnisme de Bebel et de Kautsky ? Où et quand a-t-on vu surgir des divergences de vue entre moi, d'une part, Bebel et Kautsky de l'autre, je parle de divergences de vues se rapprochant tant soit peu par leur sérieux de celles qui, par exemple, surgirent entre Bebel et Kautsky ? » [1].

Indignation légitime que celle du dirigeant bolchevique en 1905. Malgré bien des discussions et bien des divergences, il maintient fondamentalement cette attitude jusqu'en 1914 et ne laisse passer aucune occasion de rendre hommage à la social-démocratie allemande, modèle de cette « social-démocratie révolutionnaire » qu'il veut construire en Russie, contre ceux qu'il considère contre des opportunistes, mais qu'il ne veut exclure du parti que parce qu'ils en nient la nécessité et s'en font  les « liquidateurs ».

Un modèle de social-démocratie révolutionnaire.

Pour Lénine, jusqu'au congrès de Stuttgart en 1907, c'est « la social-démocratie allemande qui a toujours soutenu le point de vue révolutionnaire dans le marxisme » [2] ; et si, sous cet angle, il critique l'attitude, qu'il juge opportuniste, des délégués allemands à ce congrès, c'est pour s'aligner entièrement sur la critique qui en a été faite par Kautsky. Il maintient  cette analyse jusqu'à la veille de la guerre. Le 6 août 1913, il conclut l'article de la Pravda consacré à la vie et à l'œuvre d'August Bebel par ces lignes :

« Personne n'a incarné les traits particuliers ni les tâches de cette période de façon aussi vivante qu'August Bebel. Ouvrier lui-même, il était parvenu à se frayer un chemin vers de fermes convictions socialistes, à devenir un dirigeant ouvrier modèle, représentant et participant de la lutte de la masse des esclaves salariés pour un système meilleur de société humaine. » [3]

Le 4 avril 1914, critiquant sévèrement les positions opportunistes défendues au cours de son voyage aux États-Unis par le dirigeant syndical Legien, il célèbre encore « les très grands mérites » de la social-démocratie allemande, sa « théorie marxiste forgée dans une lutte inlassable », son « organisation de masses, ses journaux, ses syndicats, ses associations politiques » [4].

Parmi les hommes qui constitueront le noyau dirigeant et fondateur de l'Internationale communiste, seul peut-être Trotsky semble avoir entrevu le destin ultérieur de la social-démocratie allemande puisqu'il écrit, dans Bilan et perspectives, au lendemain de la révolution de 1905 : 

« La fonction des partis ouvriers était et est de révolutionner la conscience de la classe ouvrière, de même que le développement du capitalisme a révolutionné les rapports sociaux. Mais le travail d'agitation et d'organisation dans les rangs du prolétariat a son inertie interne. Les partis socialistes européens, spécialement le plus grand d'entre eux, la social-démocratie allemande, ont développé leur conservatisme dans la proportion même où les grandes masses ont embrassé le socialisme, et cela d'autant plus que ces masses sont devenues plus organisées et plus disciplinées. Par suite, la social-démocratie allemande, organisation qui embrasse l'expérience politique du prolétariat, peut, à un certain moment, devenir un obstacle direct au développement du conflit ouvert entre les ouvriers et la réaction bourgeoise . » [5]

En fait, les critiques à l'égard de la social-démocratîe allemande venant de l'intérieur de la II° Internationale émanent, non de social-démocrates révolutionnaires, mais de social-démocrates opportunistes comme les socialistes français. Les dirigeants allemands ont été les élèves de Marx et d'Engels, leurs successeurs directs à la tête du mouvement socialiste mondial, et personne ne peut contester les « droits à la succession » d'hommes comme Bebel et Kautsky. Bebel [6] incarne l'organisation de la classe ouvrière allemande dans la période de l'essor du capitalisme : cet ouvrier, tourneur dans la métallurgie,  député au Reichstag en 1871, a lancé le mot d'ordre de « Guerre aux palais » au moment où les troupes de Bismarck aidaient  les soldats de Thiers à écraser les combattants de la Commune de Paris. Deux fois emprisonné et deux fois condamné, il a été, dans le dernier tiers du XIX° siècle, le bâtisseur patient, l'âme de la résistance aux lois antisocialistes, le militant aux larges épaules qui, inlassablement, recrute, encadre, rédige, convainc par son argumentation solide et sa confiance de lutteur tranquille les foules ouvrières qu'elles doivent prendre en mains leur destin. De quatorze ans plus jeune, né en 1854, l'Autrichien Karl Kautsky [7] incarne l'ambition intellectuelle du socialisme scientifique : aux côtés du praticien Bebel, il est le théoricien, le savant, qui déblaie et éclaire la route sur laquelle s'engagent le parti et les masses. Il a rédigé en Suisse le Sozialdemokrat, que les militants diffusaient clandestinement en Allemagne au temps des lois d'exception antisocialistes de Bismarck. Ami et disciple d'Engels, il a poursuivi dans les colonnes de la revue théorique Die Neue Zeit l'œuvre des fondateurs du socialisme scientifique. Ses adversaires disent qu'il est le pape de la social-démocratie et qu'il prétend à l'infaillibilité. C'est que son autorité est immense et son prestige considérable. Il semble le cerveau agile d'un bras solide.

Un univers nouveau.

En quarante ans, malgré les persécutions et les poursuites, les sociaux-démocrates allemands sont parvenus à organiser la classe ouvrière dans tous les domaines, en vue de l'action politique sous toutes ses formes, mais aussi sur le plan de ses revendications immédiates, de l'organisation de ses loisirs, de son éducation et de sa culture. Ce sont des hommes qui agissent au nom du parti social-démocrate qui constituent les véritables cadres organisateurs de la classe : hommes de confiance (Vertrauensmänner) du parti dans les localités ou les entreprises, délégués syndicaux, responsables de syndicats, de coopératives, d'organisations de masse, élus à des titres divers. Dans l'État et contre lui, les disciples de Marx et Engels ont construit un parti si puissant qu'il constitue un véritable État dans l'État.

Le parti social-démocrate allemand compte, en 1914, 1 085 905 adhérents. Ses candidats aux élections législatives de 1912 ont rassemblé plus de 4 250 000 voix. Les syndicats qu'il a créés et qu'il encadre comptent plus de deux millions de membres, disposent d'un revenu annuel de 88 millions de marks. Autour de lui, ses militants ont su tisser un large réseau d'organisations parallèles encadrant, à un niveau ou à un autre, la presque totalité des salariés, et s'étendant à tous les domaines de la vie sociale : association de femmes socialistes, mouvement de jeunes, universités populaires, bibliothèques et sociétés de lecture, organisations de loisirs et mouvements de plein air, maisons d'édition, journaux, revues, magazines. L'édifice repose sur la solide armature d'un appareil administratif et technique compétent et efficace, rompu aux méthodes modernes de gestion et de propagande. Dans ses quatre-vingt-dix quotidiens, le parti emploie 267 journalistes permanents, 3 000 ouvriers et employés, gérants, directeurs commerciaux, représentants. La majorité des dirigeants - notamment les membres de sa direction, le Parteivorstand - et des bureaux centraux, la totalité des responsables dans les différents États, la majorité des secrétaires des organisations locales sont des fonctionnaires permanents du parti, professionnels appointés par lui, lui consacrant tout leur temps, de même que la majorité de ses élus, ses 110 députés au Reichstag, les 220 députés qu'il compte dans les différents Landtag, ses 2 886 élus municipaux. Les dirigeants des fédérations syndicales, des syndicats de métier ou des cartels locaux, eux-mêmes depuis des années professionnalisés, sont dans leur quasi-totalité membres du parti.

Un mouvement d'une pareille envergure, organisé sur une base de classe dans l'Allemagne impériale capitaliste, ne saurait être assimilé à une simple machine politique de type traditionnel, ni même au modèle d'un « parti ouvrier » dans une démocratie parlementaire. Ruth Fischer a écrit :

« Les socialux-démocrates allemands furent capables de réaliser un type d'organisation qui était infiniment  plus qu'une association plus ou moins bien soudée d'individus se réunissant temporairement pour des objectifs temporaires, infiniment plus qu'un parti de défense des intérêts ouvriers. Le parti social-démocrate allemand devint une manière de vivre. Il fut beaucoup plus qu'une machine politique, il donna à l'ouvrier allemand dignité et statut dans un monde à  lui. L'ouvrier en tant qu'individu vivait dans son parti, le parti pénétrait les habitudes quotidiennes de l'ouvrier. Ses idées, ses réactions, ses attitudes résultaient de l'intégration de sa personne dans cette collectivité. » [8]

Univers ou contre-société, la social-démocratie allemande avec ses traditions, ses usages, ses rites et  ses cérémonies, parfois alignées sur leurs homologues religieux, fournit plus qu'une attitude politique ou un mode de pensée : un cadre, une façon de vivre et de sentir. Ainsi s'explique que des tendances aussi fondamentalement divergentes que celles qui ont été incarnées par Bernstein et par Rosa Luxemburg aient pu coexister au sein d'une organisation dans laquelle elles plongeaient toutes deux leurs racines. Ainsi s'explique que, polémiquant contre la conception du parti développé par Lénine dans Que faire ?, la représentante de l'aile révolutionnaire de la social-démocratie allemande ait pu écrire : 

« Le parti social-démocrate n'est pas lié aux organisations de la classe ouvrière, il est lui-même le mouvement de la classe ouvrière. » [9]

Réformes ou révolution.

De fait, les grands courants de pensée autour desquels s'organise le mouvement ouvrier se sont inscrits à toutes les étapes de l'histoire de la social-démocratie allemande sous forme de discussions sur la théorie et la stratégie, sans jamais affecter son unité d'organisation. Tandis que les autres mouvements socialistes d'Europe s'émiettaient en des querelles parfois byzantines d'apparence, la social-démocratie allemande donnait le spectacle de la cohésion d'un parti où cohabitaient des tendances dont les équivalents, ailleurs, avaient pris la forme de partis rivaux. Depuis la fusion réalisée en 1875, au congrès de Gotha du parti ouvrier social-démocrate, marxiste, de Bebel et de Liebknecht, et de l'Association générale des travailleurs allemands, fondée par Ferdinand Lassalle, n'ont jamais cessé de s'exprimer au sein du parti des courants dans lesquels un spécialiste du mouvement ouvrier français n'aurait pas de peine à distinguer des homologues allemands des « possibilistes », des « guesdistes », des « blanquistes » ou des « allemanistes ». Mais ils demeurent dans le même parti, baignent et  respirent dans le même univers, ce qui suffit à donner à leurs désaccords une coloration particulière, car les débats réglés par des compromis en vue de l'action ont une autre portée que les dialogues de sourds.

Marx s'était inquiété des importantes concessions faites par ses disciples à ceux de Lassalle dans le programme de Gotha [10]. Lorsque Bismarck, en 1878, tente d'écraser le jeune parti sous les coups de sa loi d'exception, un courant s'y affirme en faveur d'une acceptation, qualifiée de « réaliste », du cadre ainsi imposé. Mais les disciples de Höchberg sont  rapidement  vaincus par les marxistes [11] : sans renoncer non plus aux possibilités légales d'expression, si limitées soient-elles, comme le suggèrent des éléments impatients [12], ancêtres des gauchistes, les social-démocrates vont mener de front un travail illégal de propagande, d'agitation et d'organisation qui permet au parti de continuer à progresser malgré la répression. En 1891, la loi d'exception n'est pas renouvelée, et les socialistes font le point sur la situation nouvelle ainsi créée. Contre les « jeunes » [13] qui réclament le boycottage des élections et une politique permanente d'offensive, et aussi contre l'aile droitière de Vollmar qui voudrait engager le parti dans la voie du possibilisme [14] et d'une lutte exclusivement électoraliste, les dirigeants font  triompher, dans le programme adopté au congrès d'Erfurt [15], la conception développée par Kautsky selon laquelle, sans pour autant renoncer à son programme maximum, la révolution socialiste, rendue lointaine par l'expansion capitaliste, le parti peut  et doit lutter pour les revendications d'un programme minimum, des objectifs partiels, des réformes, politiques, économiques, sociales, travailler à consolider la puissance politique et économique du mouvement ouvrier, tout en élevant  la conscience des travailleurs. Ainsi se crée la dichotomie qui distingue le programme maximum - révolution et socialisme - du programme minimum de réformes réalisables  dans le cadre du régime capitaliste existant : séparation qui dominera théorie et  pratique de la social-démocratie pendant des décennies.

Après 1898, c'est du noyau même du parti, d'un ami d'Engels, organisateur de la presse illégale du temps des persécutions, que vient la première attaque sérieuse sur le plan théorique contre les bases marxistes du programme d'Erfurt : le « révisionnisme » d'Eduard Bernstein. S'appuyant sur les vingt années écoulées de développement pacifique du capitalisme, Bernstein remet en question les perspectives de Marx sur l'aggravation des contradictions capitalistes et, du même  coup,  ses bases philosophiques, le matérialisme dialectique. Le socialisme cesse à ses yeux d'être la conséquence dialectique de ces contradictions, imposée par la lutte consciente de la classe ouvrière, pour devenir le résultat du libre choix  d'hommes dégagés de leur conditionnement économique et social, une option morale au lieu d'une nécessité sociale. A ce qu'il considère comme la phraséologie révolutionnaire démodée, Bernstein oppose la recherche réaliste de réformes pour lesquelles la classe ouvrière aurait à se fondre, avec des secteurs importants de la bourgeoisie, au sein d'un large mouvement démocratique [16].

Le débat ainsi ouvert, la « bernsteiniade », est à la fois très violente et très riche. Aux côtés de Kautsky, dont l'effort porte sur la réfutation des arguments de Bernstein empruntés à l'économie [17], le groupe des « radicaux » défenseurs du marxisme trouve un porte-parole de qualité en la personne de Rosa Luxemburg, qui ranime le souffle révolutionnaire en proposant sa propre interprétation de la synthèse d'Erfurt : le dilemme « réformes ou révolution » est dénué de sens, la lutte pour les réformes ne pouvant aboutir qu'à des objectifs révolutionnaires et ne pouvant être conduites par des social-démocrates que dans cette perspective [18]. Le congrès de Dresde, en 1903, clôt, au moins formellement, le débat, en condamnant la tentative des révisionnistes de « remplacer la politique de conquête du pouvoir au moyen de la victoire par une politique qui s'accommoderait de l'ordre existant » [19].

Le débat pourtant va se poursuivre au cours des années suivantes. La révolution russe de 1905 constitue pour les social-démocrates allemands une véritable décharge électrique : Kautsky écrit qu'elle est « l'événement que nombre d'entre nous avaient fini par croire impossible après l'avoir si longtemps attendu en vain » [20]. Elle coïncide avec une agitation spontanée au sein de la classe ouvrière qui culmine la même année avec la grande grève sauvage des mineurs de la Ruhr [21]. Un nouveau conflit se dessine entre les cadres syndicaux qui, par crainte de l'aventure, freinent les mouvements revendicatifs et s'abstiennent de les politiser, et les éléments radicaux qui pensent avec Rosa Luxemburg que la « grève générale politique » constitue l'un des moyens par lesquels peut progresser la conscience politique des masses demeurées jusque-là les plus arriérées, et par conséquent l'une des armes essentielles du mouvement socialiste. Au congrès d'Iéna, en septembre 1905, la résolution présentée par Bebel sur la grève générale politique est votée [22]. Il semble que les radicaux l'aient emporté sur les nouveaux révisionnistes, retranchés désormais dans les syndicats derrière Legien, qui a proclamé de son côté que la grève générale était « l'absurdité générale ».

En réalité, pendant ces quelques années, le champ de bataille s'est déplacé et les débats de congrès n'en sont plus qu'un reflet infidèle. La vraie bataille se déroule de façon feutrée dans l'appareil du parti et des syndicats. Au congrès de Mannheim, en 1906, les dirigeants des syndicats obtiennent l'appui de Bebel pour une résolution qui place sur pied d'égalité syndicats et parti, puisqu'elle prévoit une consultation obligatoire entre les deux organisations sur les affaires communes [23] : le vote  d'Iéna est par là même annulé. L'un des organes radicaux, la Leipziger Volkszeitung peut écrire :

« Le révisionnisme que nous avons tué dans le parti ressuscite plus vigoureux que jamais dans les syndicats. » [24]

Rosa Luxemburg résume les nouvelles relations à l'intérieur du couple syndicats-parti par la phrase attribuée à un paysan (identifié au syndicat) qui dit à sa femme (le parti) :

« Quand nous sommes d'accord, c'est toi qui décides ; quand nous ne sommes pas d'accord, c'est moi. » [25]

Le révisionniste Eduard David pavoise :

« La brève floraison du révolutionnarisme est fort heureusement passée. ( ... ) Le parti va pouvoir se consacrer ( ... ) à l'exploitation positive et à l'expansion de son pouvoir parlementaire. » [26]

En concluant avec les dirigeants syndicaux le compromis d'Iéna, la direction du parti social-démocrate a définitivement  tourné le dos au radicalisme, en d'autres termes à son ancienne orientation révolutionnaire. Au cours des débats ultérieurs, ce n'est qu'épisodiquement qu'elle relèvera le drapeau de la révolution : désormais, elle est le « centre », à égale distance du nouveau révisionnisme, nourri des succès de l'impérialisme et soucieux d'adapter le parti à ce qu'il appelle l'économie « moderne »,  et du radicalisme, que nourrissent, à partir de 1910, les difficultés économiques croissantes et le mouvement de grèves des travailleurs ainsi menacés. En outre, à partir de 1907, où le parti subit une sérieuse défaite aux élections générales, les dirigeants se persuadent qu'il faut, avant de songer à des succès importants et durables, conquérir les électeurs de la petite bourgeoisie, qu'ils craignent d'effrayer par une phraséologie par trop révolutionnaire. Kautsky est le théoricien de la direction centriste. Mais les discussions sur la question nationale et l'antimilitarisme, le débat sur l'impérialisme à propos de  l'affaire  du Maroc, celui sur les moyens d'action en faveur de la réforme électorale et de l'obtention du suffrage universel en Prusse, cristallisent une alliance toujours plus étroite entre la droite et le centre et, par contre-coup, la solidification d'une gauche qui met de plus en plus l'accent sur les problèmes du fonctionnement interne et prête même le flanc, comme en 1912, à l'accusation d'activités « fractionnelles ».

L'Allemagne, comme les autres pays d'Europe, est à cette date sortie de la période d'expansion et elle affronte la période de crise et d'aggravation des antagonismes aussi bien entre les différentes bourgeoisies nationales qu'entre les classes. Sceptique sur les chances d'une révolution, inquiet de tout ce qui pourrait menacer l'unité du parti au moment où la pratique réformiste n'obtient plus ces réformes qui la justifient, le centre s'efforce de contenir les tendances centrifuges en maintenant, comme à l'époque du congrès d'Erfurt, mais dans un contexte bien différent, la pratique quotidienne légaliste et l'attachement aux principes et à la perspective révolutionnaires.

La bureaucratie du parti.

Les analyses des sociologues comme Max Weber et Robert Michels [27] et les furieuses attaques des socialistes français comme Charles Andler ont contribué à brosser de la social-démocratie allemande un tableau quelque peu schématique, visant à expliquer le triomphe du révisionnisme dans ses rangs, celui d'une organisation sclérosée et bureaucratique, foncièrement conservatrice, étroitement soumise à un appareil de fonctionnaires bornés, et, par là, finalement, intégrée à la société allemande qu'elle prétendait à l'origine combattre et transformer. Ces accusations ont une base réelle. L'exécutif, le Parteivorstand, renforcé sur la demande des radicaux à l'époque de la lutte contre le révisionnisme, est dominé par des permanents pratiquement incontrôlés. C'est lui qui désigne et rétribue les secrétaires locaux et régionaux, la hiérarchie des cadres qui enserrent toute l'activité des organisations de base d'un filet aux mailles serrées. La discipline est stricte, et  les élus du parti ou ses représentants dans les organisations de masse y sont soumis à un étroit contrôle dans le cadre des « fractions sociales-démocrates » que dirigent des membres permanents de l'appareil. C'est également l'exécutif  qui désigne les candidats aux élections, fait les carrières des professionnels, déplaçant fonctionnaires et techniciens, instructeurs et journalistes, et dirige comme manœuvres militaires les campagnes électorales, lesquelles sont sa grande affaire.

Cette organisation, la centralisation à outrance de l'appareil, le règne d'une stricte discipline expliquent pour Michels le triomphe du conservatisme dans l'idéologie du parti après 1906. Ce sont pourtant ces mêmes traits qui incitent Lénine  à  faire de la social-démocratie allemande le modèle de la social-démocratie révolutionnaire. Bebel et les militants de sa génération ont à ses yeux réalisé l'objectif proclamé mais non atteint encore par les bolcheviks : un parti de masses, discipliné,  centralisé, encadrant une armée de travailleurs fermement dirigée par un état-major professionnel ; de ce point de vue, la social-démocratie allemande fait l'objet d'une admiration quelque peu envieuse de la part des rares émigrés  russes qui ont  eu la chance de se familiariser avec son fonctionnement.

La contradiction n'existe qu'en apparence. Discutant le point de vue des sociologues et celui de Robert Michels en particulier, Carl Schorske fait cette remarque :

« Les objectifs pour lesquels - et les circonstances dans lesquelles - la bureaucratie fut construite représentaient  des forces beaucoup plus considérables dans le sens du conservatisme que le simple fait que ces fonctionnaires étaient salariés. » [28]

Les révolutionnaires professionnels qui avaient bâti la fraction bolchevique et lutté pour introduire conscience et organisation social-démocrate dans la classe ouvrière russe l'avaient fait dans des conditions d'illégalité et de répression qui ne leur donnaient guère la possibilité ni même la tentation de s'adapter ou de s'intégrer à la société tsariste. Ils avaient maintenu l'objectif révolutionnaire - apparemment plus lointain encore qu'en Allemagne - au premier plan de leur propagande  générale, tout en centralisant fortement leur organisation, et rien de conservateur ne perçait dans leur pratique quotidienne.  Au contraire, l'appareil de la social-démocratie allemande, qui ne reniait pas, lui non plus, en principe, son objectif  révolutionnaire à long terme, a été bâti tout entier entre 1906 et 1909 dans la recherche de l'efficacité électorale et de l'augmentation du nombre des suffrages et des élus, pendant une période de calme social relatif et de reflux ouvrier, avec la préoccupation d'éviter que les conflits internes n'émoussent l'impact électoral du parti et que la phraséologie révolutionnaire de son aile radicale ou les revendications des ouvriers les moins favorisés n'effraient l'électorat, supposé modéré, de la petite bourgeoisie démocrate et des couches ouvrières les plus conservatrices. Le révisionnisme de Bernstein et le réformisme des dirigeants syndicalistes avaient plongé leurs racines dans une conjoncture économique qui nourrissait une idéologie optimiste de progrès continu et pacifique.

C'est ce que Zinoviev s'efforcera de démontrer à travers une étude des statistiques publiées pour l'organisation du Grand Berlin en 1907, afin d'expliquer a posteriori le changement de nature du parti et la « trahison » de ses chefs en 1914 [29]. Il souligne qu'à cette date on peut estimer à 9,8 % du nombre total des adhérents le pourcentage des non-salariés définis comme « travailleurs indépendants », parmi lesquels les tenanciers d'auberges ou tavernes, les coiffeurs, artisans, commerçants et même les petits industriels [30] : le poids de ces éléments petits-bourgeois est d'autant plus important  que  c'est dans leur direction que le parti oriente son effort électoral en adaptant son langage à celui de cette clientèle à gagner. A l'opposé, le contrepoids est mince : 14,9 % seulement des militants du parti figurent dans les statistiques avec la simple étiquette de « travailleurs », ce qui indique qu'ils sont en réalité des travailleurs non qualifiés [31] - ceux qui constituent dans les faits la masse ouvrière.

Le cœur des adhérents du parti est donc constitué en définitive de travailleurs qualifiés, ouvriers privilégiés par la possession d' un métier et dans lesquels Zinoviev désigne l'« aristocratie ouvrière » [32]. C'est dans ses rangs que se recrute le personnel permanent, l'appareil des quelques milliers de fonctionnaires privilégiés [33], cumulant fonctions et indemnités, disposant des promotions dans l'appareil et des instruments de sa puissance, presse, caisses, organisations de masse,  bref  ce que Zinoviev caractérise comme « la bureaucratie ouvrière », qu'il définit comme une caste cherchant à dissimuler son existence mais ayant ses intérêts propres et clairement définis [34]. Elle aspire « à l'ordre et à la paix », au statu quo social, et c'est cette aspiration qui donne à la politique du parti son caractère de plus en plus conservateur : il en conclut que les membres de cette caste constituent en réalité les émissaires de la bourgeoisie dans les rangs du prolétariat [35].

Carl Schorske aboutit à une analyse et à des conclusions très semblables, quoique différemment formulées, dans son étude du mécanisme de la sécrétion du conservatisme. Il écrit :

« Ce que le fonctionnaire du parti désirait avant tout, c'était la paix et l'unité dans l'organisation ( ... ), ce qui (en) faisait l'adversaire naturel de la critique et du changement. Et, comme la pression pour le changement venait toujours plus vigoureusement de la gauche, le fonctionnaire s'identifiait lui-même toujours plus à la droite. » [36]

 Le phénomène est particulièrement sensible, il l'a souligné, dans le fonctionnement même du parti et notamment dans la préparation de ses congrès. Les ouvriers, généralement radicaux, des grandes villes, sont noyés par les représentants des organisations moins nettement prolétariennes et révolutionnaires. Au congrès du Land du Wurtemberg en 1911, les 8 659 membres, surtout ouvriers, de l'organisation de Stuttgart, sont représentés par 43 délégués, tandis que 723 membres d'organisations du parti de petites localités ou de villages ont pour leur part 49 délégués [37]. En 1912, dans le même Land,  les 17 000 militants de Stuttgart et de Cannstadt ont 90 délégués, tandis que 5 000 autres, issus de centres non prolétariens,  en comptent  224 [38]. Les exécutifs des États s'appuient ainsi sur des majorités de délégués d'organisations semi-rurales  subissant plus fortement la pression de l'État et des classes dirigeantes, et tiennent du coup tête aux organisations  locales des centres ouvriers, dans un cadre qui est très exactement calqué, non plus sur le lieu du travail, mais sur les  circonscriptions électorales. Konrad Haenisch, à l'époque rédacteur radical à la Dortmunder Arbeiterzeitung dans un fief de mineurs très radicaux, écrit en 1910 à l'un de ses amis que, « malgré les votes de confiance unanimes et répétés des organisations de mineurs », ses conditions de travail sont devenues si intolérables sous la férule de ceux qu'il appelle les « superbonzes » (Oberbonzen), qu'il va abandonner : élu à un poste responsable par une conférence du parti, il en est écarté par l'exécutif régional sur l'intervention directe des responsables syndicaux [39]. L'étude de la composition de l'organe suprême du parti, son congrès national, fait apparaître le même phénomène. En 1911, 52 % des militants, ceux des districts comptant plus de 8 000 membres - en principe, les centres ouvriers -, ne sont représentés que par 27 % des délégués. Le rapport général de représentation varie de un délégué pour 57 membres dans les petites organisations du parti à un pour  5 700  dans celles des grandes cités industrielles [40] : le prolétariat industriel est sous-représenté dans les organismes de décision et  ce n'est pas là la moindre des causes des échecs répétés des radicaux dans les congrès après 1905, situation voulue et systématiquement exploitée par les hommes qui détiennent dans l'appareil les leviers de commande, souvent anciens prolétaires dont la montée à des fonctions professionnelles a constitué une véritable promotion sociale.

Pour l'histoire, la bureaucratie social-démocrate s'incarne dans la personne de Friedrich Ebert [41], devenu secrétaire en 1906, à trente-six ans, et président du parti en 1913, après la mort de Bebel. Cet ancien ouvrier sellier, très tôt militant, s'est distingué par ses talents d'organisation : d'abord manœuvre sur des chantiers de Brême, il a géré un café-cantine du parti qui était un centre de propagande social-démocrate. En 1900, il est permanent, membre du secrétariat du parti à Brême, chargé des questions ouvrières. Il y acquiert la réputation d'un homme efficace. Dès son élection au secrétariat central, il se fait le champion des méthodes modernes d'organisation, introduit dans les locaux poussiéreux le téléphone, les sténos et les dactylos, multiplie rapports et questionnaires, fichiers et circulaires. Schorske écrit de lui :

« Incolore, froid, déterminé, industrieux et intensément pratique, Ebert avait toutes les qualités qui allaient faire de lui, mutatis mutandis, le Staline de la social-démocratie. » [42]

C'est lui qui a construit l'appareil. C'est en lui que les révisionnistes placent finalement leur confiance : en 1911, il est  soutenu par Legien et les dirigeants syndicaux, contre Haase - soutenu par Bebel - pour la succession, à la présidence, du vétéran radical Singer [43]. Battu [44], il succédera, sans difficulté cette fois, à Bebel lui-même deux ans après [45]. Ses lieutenants,  les autres patrons de l'appareil, semblent moins ternes au premier abord. Otto Braun, d'origine ouvrière, a appartenu dans sa  jeunesse au groupe d'opposition gauchiste qui a combattu le programme d'Erfurt ; journaliste à Koenigsberg, il s'est ensuite tenu à l'écart des grands débats théoriques [46]. L'ancien typographe Philip Scheidemann est devenu journaliste en Hesse  : agitateur de talent, il passe pour un radical lors de son élection à l'exécutif, mais s'est lui aussi tenu à l'écart des grands débats, ne prenant la parole à aucun des congrès auxquels il participe - trois seulement entre 1906 et 1911 - et il est devenu au Reichstag l'expert de la fraction en matière d'élevage [47].

On est au premier abord surpris de l'importance du rôle joué dans un mouvement de l'ampleur et de la signification de la social-démocratie par des personnalités aussi falotes. C'est qu'Ebert, Braun, Scheidemann et les autres se sont trouvés placés dans une position en quelque sorte privilégiée, à la charnière de forces de classes opposées. La transformation économique de l'Allemagne, la relative paix sociale en Europe - interrompue seulement par la flambée révolutionnaire de 1905 dans l'empire russe -, les progrès de la législation sociale, ces conquêtes de la social-démocratie et des syndicats, les perspectives d'ascension sociale, de réussite individuelle qu'offrent aux prolétaires capables les organisations ouvrières et leur univers clos, ont nourri des tendances révisionnistes, fondamentalement opposées à celles de Marx, notamment celle d'un mouvement socialiste national où le sort matériel de l'ouvrier paraît lié à la prospérité des affaires de « ses » capitalistes, où le niveau de vie de la classe ouvrière allemande semble conditionné par conséquent par l'ouverture de nouveaux marchés, c'est-à-dire en définitive par l'expansion impérialiste allemande. Après Bernstein, mais avec beaucoup plus de brutalité et de cynisme, sans l'idéalisme et les préoccupations morales qui l'animaient, des perspectives similaires sont désormais développées et appliquées par les représentants du courant que Charles Andler baptise « néo-lassallien »,  des « socialistes » pour qui les classes ouvrières sont solidaires du capitalisme, de sa politique coloniale, de sa politique  d'armements,  défensive en principe, mais offensive au besoin ; si l'empire allemand était entraîné dans une guerre, offensive ou défensive, les ouvriers allemands ne pourraient en aucun cas souhaiter sa défaite. Gustav Noske, un ancien bûcheron devenu fonctionnaire du parti, puis député, exprime le plus clairement ce renversement des données mêmes de l'analyse  traditionnelle de l'« internationalisme prolétarien » quand il proclame au Reichstag que les socialistes ne sont pas des « vagabonds sans patrie » et invite les députés des partis bourgeois à œuvrer afin de donner aux prolétaires allemands de véritables raisons d'être les soldats de l'Allemagne [48]. Les forces qui sont à l'ouvrage derrière des hommes comme Noske ne se dissimulent pas. Saisissant l'occasion offerte par ce discours, le junker von Einem, ministre de la guerre de Prusse,  somme Bebel de désavouer les écrits antimilitaristes de son camarade de parti Karl Liebknecht [49]. C'est donc en définitive par l'intermédiaire de Noske et du ministre prussien von Einem que le parti social-démocrate va être amené à engager  le débat sur la question nationale, et notamment le problème de la défense nationale : la Haute Cour impériale y dira son mot en condamnant Karl Liebknecht à dix-huit mois de prison [50].


Notes

[1] Œuvres, t. IX, p. 61.

[2] Ibidem, t. XIII, p. 85.

[3] Ibidem, t. XIX, p. 319.

[4] Ibidem, t. XX, p. 267.

[5] Trotsky, « Bilan et perspectives », 1905, tr. fr., Paris, 1969, pp. 462, 463. Il écrira plus tard : « A cette époque je ne prévoyais pas moi-même à quel point cette hypothèse toute théorique devait être justifiée par les faits » (Ma Vie, p. 241).

[6] On n'a pas encore écrit une biographie d'August Bebel digne de son rôle historique. Voir ses « moires », Aus meinem Leben (3 vol. Berlin, 1910-1914).

[7] Voir Karl Renner, Karl Kautsky. Skizze zur Geschichte der geistigen und politischen Entwicklung der deutschen Arbeiterklasse, Berlin, 1929.

[8] R. Fischer, Stalin and German Communism, p. 4.

[9] « Organisatorische Fragen der russischen Sozial-demokratie », Die Neue Zeit, 1903, 4, vol. Il, pp. 484-92 et 529-35, citéd'après sa traduction anglaise Leninism or Marxism ?, p. 89.

[10] La Critique du programme de Gotha, rédigée en 1875, devait être publiée pour la première fois par Engels en 1891. Voir F. Mehring, Geschichte der deutschen Sozialdemokratie, II, pp. 48-51.

[11] Ibidem, pp. 577, 579-581.

[12] Ibidem, p. 556.

[13] Ibidem, pp. 676-678.

[14] Ibidem, pp. 563-564.

[15] Ibidem, pp. 681-683.

[16] Schorske, German Social-Democracy 1905-1917, pp. 16-20. Voir E. Bernstein, Die Voraussetzungen des Sozialismus und die Aufgaben der Sozialdemokratie (1906).

[17] Schorske, op. cit., pp. 19-20 et Kautsky, Bernstein und das sozialdemokratische Programm, Eine Antikritik (1899).

[18] Schorske, op. cit., pp. 21-22, et R. Luxemburg, Sozialreform und Revolution (1900).

[19] Cité par Schorske, op cit., pp. 23-24.

[20] Kautsky, Massenstreik, p. 109.

[21] Schorske, op. cit., pp. 35-37.

[22] Ibidem, pp. 42-44.

[23] Protokoll.. S.P.D. 1905, pp. 131-132.

[24] Leipziger Volkszeitung, n. d. cité par Schorske, op. cit., p. 52.

[25] Protokoll... S.P.D. 1906, p. 315.

[26] Sozialistiche Monatshefte, X (XII), II, 914, cité par Schorske, op. cit., p. 53.

[27] Zur Soziologie des Parteiwesens in den modernen Demokratie, Leipzig, 1911, et « Die deutsche Sozialdemokratie. Parteimitgliedschaft und soziale Zusammensetzung », Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, XXIII, pp. 471-556 (1906).

[28] Schorske, op. cit., p. 127.

[29] G. Sinowjew (Zinoviev) Der Krieg und die Krise des Sozialismus, dont la première édition a paru à Petrograd en 1917.

[30] Ibidem, éd. all. de 1924, p. 548.

[31] Ibidem, p. 549.

[32] Ibidem.

[33] Zinoviev évalue leur nombre à 4000 environ. (Ibidem, p. 510.)

[34] Ibidem, p. 507.

[35] Ibidem, p. 532.

[36] Schorske, op. cit., p. 127.

[37] Ibidem, p. 130.

[38] Ibidem, p. 131.

[39] Ibidem, p. 134.

[40] Ibidem, p. 138-139.

[41] G. Kotowski, Friedrich Ebert. Eine politische Biographie, 1963.

[42] Ibidem, p. 124.

[43] Ibidem, pp. 211-212.

[44] Kenneth R. Collins, « The Election of Hugo Haase to the Co-Chairmanship of the Pre-War German Social-Democracy », International Review ot Social History, 1968, n° 2, pp. 174-188.

[45] Schorske,  op. cit., p. 280.

[46] Ibidem, pp. 206-207.

[47] Ibidem, pp. 207-208.

[48] Cité par Schorske, op. cit., p. 77.

[49] Ibidem,. p. 78.

[50] W. Bartel,  Die Linken in der deutschen Sozialdemokratie im Kampt gegen Militarismus und Krieg, pp. 75-77.


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