1870-71

Marx et Engels face au premier gouvernement ouvrier de l'histoire...


La Commune de 1871

K. Marx - F. Engels

Prolongements historiques et théoriques de la Commune


Vivante commune

Marx-Engels

Au président du meeting slave, convoqué le 21 mars 1881 pour commémorer la Commune de Paris

Citoyens,

A notre grand regret, nous devons vous informer que nous ne sommes pas en mesure d'assister à votre meeting.

Lorsque la Commune de Paris finit par succomber et fut massacrée par les défenseurs de l' « ordre », les vainqueurs ne se doutaient pas, certes, qu'il ne passerait pas dix ans avant que, dans la lointaine Pétersbourg il se déroule un événement qui, sans doute, après un long et violent combat, ne manquera pas d'aboutir lui aussi à l'instauration d'une Commune russe.

Ils ne se doutaient pas non plus que le roi de Prusse avait préparé la Commune en assiégeant Paris et en forçant le pouvoir bourgeois à armer le peuple, que ce même roi de Prusse, dix ans après, serait assiégé dans sa propre capitale par les socialistes, et qu'il ne pourrait sauver son trône qu'en proclamant l'état de siège dans la capitale berlinoise.

De même, en persécutant systématiquement, après la chute de la Commune, l'Association internationale des travailleurs pour l'obliger à abandonner son organisation formelle et extérieure, les gouvernements du continent croyaient pouvoir détruire, par décrets et lois d'exception, le grand mouvement international des travailleurs et ne se doutaient pas que ce même mouvement ouvrier international serait, dix ans plus tard, plus puissant que jamais et s'étendrait non seulement aux classes ouvrières d'Europe, mais encore à celles d'Amérique, et que la lutte commune pour des intérêts communs contre un ennemi commun les réunirait spontanément en une nouvelle et plus grande Internationale, qui dépasse de loin ses formes extérieures d'organisation.

Ainsi, la Commune que les puissances du vieux monde croyaient avoir exterminée vit plus forte que jamais, et nous pouvons nous écrier avec vous: Vive la Commune !

Engels

Discours de commémoration du quinzième anniversaire de la Commune de Paris

Le Socialiste, le 17 mars 1886

Citoyens,

Ce soir, avec vous, les ouvriers du monde entier commémorent l'événement le plus glorieux et le plus terrible des annales du prolétariat. En 1871, pour la première fois dans l'histoire, la classe ouvrière d'une grande capitale conquit le pouvoir politique. Hélas, cela ne dura que le temps d'un rêve. Écrasée entre les mercenaires de l'ex-Empire bourgeois français d'un côté, et les Prussiens de l'autre, la Commune ouvrière fut bientôt étouffée dans un bain de sang qui reste sans exemple et que nous n'oublierons jamais. Après la victoire, les orgies de la réaction ne connurent plus de bornes: le socialisme semblait noyé dans le sang et le prolétariat réduit à tout jamais à l'esclavage. Quinze années se sont écoulées depuis cette défaite. Pendant ce temps, dans tous les pays, le pouvoir au service de ceux qui possèdent la terre et le capital n'a reculé devant aucun moyen pour étrangler les derniers sursauts de révolte des ouvriers. Or, quel en fut le résultat ?

Regardez autour de vous ! Le socialisme révolutionnaire des ouvriers, plus vivant que jamais, est aujourd'hui une puissance qui fait trembler tous les pouvoirs établis, les radicaux français aussi bien que Bismarck, les rois américains de la bourse aussi bien que le tsar de toutes les Russies.

Mais, ce n'est pas tout.

Nous sommes arrivés au point où tous nos adversaires - quoi qu'ils fassent - travaillent pour nous.

Ils ont cru tuer l'Internationale. Eh bien ! aujourd'hui l'union internationale du prolétariat, la fraternité des ouvriers révolutionnaires de tous les pays est mille fois plus forte, plus vivante qu'avant la Commune de Paris. L'Internationale n'a plus besoin d'une organisation formelle; elle vit et grandit grâce à la coopération spontanée, cordiale des ouvriers d'Europe et d'Amérique.

En Allemagne, Bismarck a épuisé tous les moyens et jusqu'aux plus infâmes pour tuer le mouvement ouvrier. Avant la Commune, il avait en face de lui quatre députés socialistes; ses persécutions ont si bien fait qu'ils sont maintenant vingt-cinq. Les ouvriers allemands rient de leur Chancelier qui, même s'il était payé, ne ferait pas mieux la propagande révolutionnaire.

En France, on vous a imposé le scrutin de liste, système bourgeois par excellence, inventé expressément pour assurer l'élection exclusive des avocats, journalistes et autres aventuriers politiques, ces porte-parole du Capital. Or qu'a-t-il fait ce système électoral, conçu par les riches de la bourgeoisie ? Il a créé au sein du Parlement français un Parti ouvrier socialiste révolutionnaire, qui par sa seule apparition sur la scène, a porté le désarroi dans les rangs de tous les partis bourgeois.

Nous en sommes là ! Tout ce qui arrive tourne à notre avantage. Les mesures les plus raffinées pour enrayer la marche du prolétariat ne font qu'en accélérer la progression. Nos ennemis eux-mêmes, quoi qu'ils fassent, sont condamnés à travailler pour nous. Et ils ont si bien rempli cette tâche qu'aujourd'hui - le 18 mars 1886 - des mines de Californie et de l'Aveyron à celles des bagnes de Sibérie, des millions de travailleurs font retentir ce cri:

Vive la Commune ! Vive l'union internationale du prolétariat de tous les pays !

Engels

À l'adresse des ouvriers français en l'honneur du 20° anniversaire de la Commune de Paris

Le Socialiste, le 25 mars 1891

Citoyennes et citoyens,

Il y a vingt ans, le peuple ouvrier de Paris se soulevait comme un seul homme contre le sinistre complot des bourgeois et des ruraux dirigés par Thiers. Ces ennemis du prolétariat tremblaient à l'idée que les ouvriers parisiens s'étaient armés et organisés pour défendre leurs droits. Thiers voulut leur voler les armes qu'ils avaient utilisées glorieusement contre l'invasion étrangère et qu'ils utilisèrent plus glorieusement encore contre les attaques des mercenaires versaillais. Pour vaincre Paris insurgée, les bourgeois et les ruraux implorèrent l'aide des Prussiens et l'obtinrent. Après une lutte héroïque, Paris fut écrasée par un ennemi supérieur en nombre et en armement, et fut désarmée.

Voilà maintenant vingt ans que les ouvriers de Paris sont sans armes, comme c'est le cas partout ailleurs: dans tous les grands pays civilisés, le prolétariat est dépouillé des moyens matériels de sa défense. Partout, ce sont les ennemis et les exploiteurs de la classe ouvrière qui disposent de toutes les forces militaires et de l'armement.

Où cela nous conduit-il ?

À ce que tout homme valide passe aujourd'hui par l'armée: celle-ci reflète de plus en plus les sentiments et les opinions du peuple en sorte que le moyen d'oppression essentiel qu'est l'armée devient de jour en jour une institution moins sûre. Déjà les hommes qui sont à la tête de tous les grands États voient venir avec terreur le jour où les soldats qui sont sous les drapeaux refuseront de massacrer leurs frères et leurs pères. C'est ce qui est arrivé lorsque le Tonkinois (Jules Ferry) eut le toupet de prétendre à la présidence de la République française; c'est ce que nous voyons aujourd'hui à Berlin, où le successeur de Bismarck (Caprivi) réclame au Reichstag les moyens de renforcer dans l'armée l'esprit d'obéissance des sous-officiers que l'on cherche à acheter avec des primes de zèle, et ce parce qu'il y a trop de socialistes parmi eux ! Quand on en est là, quand jusque dans l'armée, l'aube commence à pointer, c'est que la fin du vieux monde n'est plus très éloignée.

Que les destins s'accomplissent ! Que la bourgeoisie décadente démissionne ou sombre, mais que vive le prolétariat ! Vive la révolution sociale internationale !

Engels

À l'adresse des ouvriers français en l'honneur du 21° anniversaire de la Commune de Paris

Le Socialiste, le 26 mars 1892

Citoyennes et citoyens

Il y a vingt et un ans aujourd'hui, le peuple de Paris brandit le drapeau rouge et déclara la guerre à la fois au drapeau tricolore français flottant à Versailles et au drapeau tricolore allemand, hissé sur les forts occupés par les Prussiens.

Avec ce drapeau rouge, le prolétariat de Paris se dressait à une hauteur surplombant de loin les vainqueurs aussi bien que les vaincus.

Ce qui fait la grandeur historique de la Commune, c'est son caractère éminemment international, c'est le défi qu'elle lança hardiment à tout sentiment de chauvinisme bourgeois. Le prolétariat de tous les pays ne s'y est pas trompé. Que les bourgeois célèbrent leur 14 juillet ou 21 Septembre, la fête du prolétariat sera toujours le 18 Mars.

C'est pourquoi l'infâme bourgeoisie n'a pas cessé d'amonceler les pires calomnies sur la tombe de la Commune. C'est pourquoi aussi l'Association internationale des travailleurs fut la seule qui ait osé s'identifier, dès le premier jour, avec les insurgés parisiens, et, jusqu'au dernier jour et au-delà, avec les prolétaires vaincus. Cela est si vrai que lorsque la Commune fut écrasée, l'Internationale ne put lui survivre: au cri de « Sus aux Communards », l'Internationale fut abattue d'un bout à l'autre de l'Europe.

Eh bien ! il y a aujourd'hui 21 ans qu'eut lieu la reprise des canons de la butte Montmartre. Les enfants nés en 1871 sont aujourd'hui majeurs et, grâce à l'imbécillité des classes dirigeantes, ils sont soldats et apprennent le maniement des armes ainsi que l'art de s'organiser et de se défendre le fusil à la main. La Commune que l'on a déclarée morte, l'Internationale que l'on a cru anéantie à tout jamais, toutes deux vivent au milieu de nous avec une force vingt fois plus grande qu'en 1871. L'union du prolétariat mondial que la vieille Internationale a su prévoir et préparer, est aujourd'hui une réalité. Qui plus est, les fils des soldats prussiens qui occupèrent en 1871 les forts cernant le Paris des Communards, luttent aujourd'hui par millions, au premier rang, bras dessus bras dessous, avec les fils des communards parisiens, pour l'émancipation totale et finale de la classe ouvrière.

Vive la Commune ! Vive la révolution sociale internationale !

Engels

Au Comité national du Parti Ouvrier français en l'honneur du 23° anniversaire de la Commune de Paris

Londres, le 18 mars 1894

Je lève mon verre avec vous pour la venue prochaine d'un 18 mars international, qui assure le triomphe du prolétariat et, en conséquence, abolisse les antagonismes de classe et fasse que la paix et le bonheur deviennent une réalité dans les pays civilisés.


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