1931

Brochure rééditée dans les "Ecrits" de Trotsky, tome III, Supplément à la revue "4ème Internationale", 1959


Contre le national-communisme

Léon Trotsky

(les leçons du plébiscite "rouge")

25 août 1931


Consultons l'expérience russe


On petit considérer comme certain qu'au moment de l'insurrection prolétarienne, la différence entre la bureaucratie social-démocrate et les fascistes sera réduite au minimum, sinon à zéro. Pendant les journées d'Octobre, les mencheviks russes et les socialistes-révolutionnaires luttèrent contre le prolétariat la main dans la main avec les cadets (démocrates-constitutionnels), les korniloviens, les monarchistes. Les bolcheviks sont sortis en octobre du pré-Parlement dans la rue pour appeler les masses à l'insurrection armée. Si un groupe quelconque de monarchistes avait quitté le pré-Parlement en même temps que les bolcheviks, cela n'aurait eu aucune signification politique parce que les monarchistes ont été renversés en même temps que les démocrates.

Cependant, le Parti est arrivé à l'insurrection d'Octobre en passant par une série de degrés. Pendant la démonstration d'avril 1917, une partie des bolcheviks lança le mot d'ordre " A bas le gouvernement provisoire ". Le Comité central rappela aussitôt à l'ordre les ultra-gauches. Nous devons, bien entendu, propager la nécessité de renverser le gouvernement provisoire mais nous ne pouvons pas encore appeler les masses dans la rue sur ce mot d'ordre, parce que nous sommes encore en minorité dans la classe ouvrière. Si, dans ces conditions, nous réussissions à renverser le gouvernement provisoire, nous ne pourrions pas le remplacer et, par conséquent, nous aiderions' la contre-révolution. Il faut expliquer patiemment aux masses le caractère antipopulaire de ce gouvernement avant que sonne l'heure de son renversement. Telle fut la position du Parti.

Dans la période suivante, le mot d'ordre du Parti fut " A bas les ministres capitalistes ". C'était une pression sur les sociaux-démocrates pour rompre la coalition avec la bourgeoisie. En juillet, nous avons dirigé la démonstration des ouvriers et des soldats sous le mot d'ordre : " Tout le pouvoir aux Soviets ", ce qui signifiait à ce moment : tout le pouvoir aux mencheviks et aux socialistes-révolutionnaires. Les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires, avec les gardes-blancs, nous ont écrasés.

Deux mois après, Kornilov s'est insurgé contre le gouvernement provisoire. Dans la lutte contre Kornilov, les bolcheviks ont aussitôt occupé les premières positions. Lénine se trouvait à ce moment dans l'illégalité. Des milliers de bolcheviks se trouvaient dans les prisons. Les ouvriers, les soldats et les marins exigeaient la libération de leurs chefs et des bolcheviks en général. Le gouvernement provisoire refusa. Le Comité central du Parti bolchevik ne devait-il pas s'adresser au gouvernement de Kerensky avec cet ultimatum : libérer immédiatement les bolcheviks et renoncer à les accuser ignoblement d'être au service des Hohenzollern – et, en cas de refus de la part de Kerensky, refuser de combattre Kornilov ? Ainsi agirait certainement le Comité central de Thaelmann-Remmele-Neumann. Mais ce n'est pas ainsi qu'a agi le Comité central des bolcheviks. Lénine écrivit alors :

" Il serait profondément erroné de croire que le prolétariat révolutionnaire est capable, pour ainsi dire, par " vengeance " contre les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires qui out appuyé les persécutions contre les bolcheviks, les exécutions sur le front et le désarmement des ouvriers, de "refuser" de les appuyer dans la lutte contre a contre-révolution. Une telle façon de poser la question serait, premièrement, une tentative de vouloir attribuer au prolétariat les notions petites bourgeoises de morale (puisque pour l'utilité de la cause, le prolétariat soutiendra toujours non seulement la petite bourgeoisie oscillante, mais même la grande bourgeoisie) ; ce serait, deuxièmement – et c'est l'essentiel – une tentative petite-bourgeoise de voiler, à l'aide de la "morale", le fond de la chose ".

Si nous ne nous étions pas opposés en août à Kornilov et lui avions ainsi facilité la victoire, il aurait, avant tout, exterminé l'élite de la classe ouvrière et, par conséquent, il nous aurait empêché d'emporter la victoire deux mois après sur les conciliateurs et de les châtier – non pas verbalement, mais réellement – pour leurs forfaits historiques.

C'est précisément de la " morale petite bourgeoise " que font les Thaelmann et Cie, quand, pour justifier leurs propre tournant, ils commencent par énumérer les ignominies innombrables des chefs sociaux-démocrates !


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