1932

Source : The Militant, Vol VI n°17, 8 mars 1933. Traduction par nos soins.

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Opposition de gauche internationale

Principes fondamentaux

Décembre 1932

L'Opposition de gauche internationale se fonde sur les quatre premiers congrès du Komintern. Cela ne signifie pas qu'elle se plie à la lettre à toutes ses décisions, dont beaucoup avaient un caractère purement temporaire et ont été réfutées dans la pratique par la suite. Mais tous les principes essentiels (relation avec l'impérialisme et l'État bourgeois ; relation avec la démocratie et le réformisme ; problème de l'insurrection ; dictature du prolétariat ; relation avec la paysannerie et les nations opprimées ; soviets ; travail dans les syndicats ; parlementarisme ; politique du front unique) restent encore aujourd'hui la plus haute expression de la stratégie prolétarienne à l'époque de la crise générale du capitalisme.

L'Opposition de gauche rejette les décisions révisionnistes des cinquième et sixième congrès mondiaux et estime nécessaire une reformulation radicale du programme du Komintern, dans lequel l'or du marxisme a été complètement dévalorisé par l'alliage centriste.

Conformément à l'esprit et au sens des décisions des quatre premiers congrès mondiaux, et dans le prolongement de ces décisions, l'Opposition de gauche établit les principes suivants, les développe théoriquement et les met en pratique :

  1. Indépendance du parti prolétarien, toujours et en toutes circonstances ; condamnation de la politique du Kuo Min Tang de 1924-1928 ; condamnation de la politique du Comité anglo-russe ; condamnation de la théorie stalinienne des partis des deux classes (ouvrier et paysan) et de toute la pratique fondée sur cette théorie ; condamnation de la politique du Congrès d'Amsterdam, où le parti s’est dissout dans le marécage pacifiste.

  2. Reconnaissance du caractère international et donc permanent de la révolution prolétarienne ; rejet de la théorie du socialisme dans un seul pays ainsi que de la politique du bolchevisme national qui la complète en Allemagne (plateforme de « libération nationale » ).

  3. Reconnaissance de l'État soviétique comme un État ouvrier, malgré la dégénérescence croissante du régime bureaucratique. Défense inconditionnelle par chaque travailleur de l'État soviétique, contre l'impérialisme ainsi que contre la contre-révolution à l’intérieur.

  4. Condamnation de la politique économique de la fraction stalinienne tant dans sa phase d'opportunisme économique de 1923 à 1928 (lutte contre la « surindustrialisation » et mise en cause des koulaks) que dans sa phase d'aventurisme économique de 1928 à 1932 (rythme d'industrialisation trop rapide, collectivisation totale, liquidation administrative des koulaks en tant que classe). Condamnation de la légende bureaucratique criminelle selon laquelle « l'État soviétique est déjà entré dans le socialisme » . Reconnaissance de la nécessité d'un retour aux politiques économiques réalistes du léninisme.

  5. Reconnaissance de la nécessité d'un travail communiste systématique dans les organisations de masse prolétariennes, en particulier dans les syndicats réformistes. Condamnation de la théorie et de la pratique des syndicats rouges en Allemagne et des constructions similaires dans les autres pays.

  6. Rejet de la formule de la « dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie » en tant que régime distinct de la dictature du prolétariat, qui entraîne derrière elle les paysans et les masses opprimées en général. Rejet de la théorie antimarxiste du « dépassement » pacifique de la dictature démocratique vers la dictature socialiste.

  7. Reconnaissance de la nécessité de mobiliser les masses sous des revendications transitoires correspondant à la situation concrète de chaque pays, et en particulier sous des revendications démocratiques dans le cas de lutte contre le féodalisme, l'oppression nationale ou différentes formes de dictature impérialiste ouverte (fascisme, bonapartisme, etc.).

  8. Reconnaissance de la nécessité d'une politique de front unique à l'égard des organisations de masse de la classe ouvrière, tant syndicales que politiques, y compris la social-démocratie en tant que parti. Condamnation du slogan ultimatiste « seulement par en bas » , qui signifie en pratique le refus du front unique et, par conséquent, le refus de créer des soviets. Condamnation de l'application opportuniste de la politique du front unique comme dans le Comité anglo-russe (bloc avec les dirigeants sans les masses et contre les masses) ; double condamnation de la politique de l'actuel Comité central allemand, qui combine le slogan ultimatiste « seulement par le bas » avec une pratique opportuniste à l'occasion d’accords parlementaires avec les dirigeants de la social-démocratie.

  9. Rejet de la théorie du social-fascisme et de toute la pratique qui lui est liée, car elle sert le fascisme d'un côté et la social-démocratie de l'autre.

  10. Différenciation de trois groupes au sein du camp communiste : les marxistes, les centristes et la droite. Reconnaissance de l'inadmissibilité d'une alliance politique avec la droite contre le centrisme ; soutien au centrisme contre l'ennemi de classe ; lutte irréconciliable et systématique contre le centrisme et ses zigzags politiques.

  11. Reconnaissance de la démocratie au sein du parti, non seulement en paroles mais aussi en actes ; condamnation sans appel du régime plébiscitaire stalinien (musellement de la volonté et de la pensée du parti, règne des usurpateurs, suppression délibérée des informations provenant du parti, etc.).

Les principes fondamentaux énumérés ci-dessus, qui revêtent une importance capitale pour la stratégie du prolétariat dans la période actuelle, placent l'Opposition de gauche dans une position d'hostilité irréconciliable envers la fraction stalinienne qui domine actuellement l'URSS et le Komintern. La reconnaissance de ces principes, sur la base des décisions des quatre premiers congrès du Komintern, est une condition indispensable à l'acceptation d'organisations, de groupes et de personnes individuelles au sein de l'Opposition de gauche internationale.

Une fraction, pas un parti

L'Opposition de gauche internationale se considère comme une fraction du Komintern, et ses sections nationales comme des fractions des partis communistes nationaux. Ceci signifie que l'Opposition de gauche ne considère pas la situation organisationnelle créée par la bureaucratie stalinienne comme définitive . Au contraire, elle se fixe pour objectif d'arracher la bannière du bolchevisme des mains de la bureaucratie usurpatrice et de ramener l'Internationale communiste aux principes de Marx et Lénine. Le fait qu'une telle politique soit la seule valable dans les conditions actuelles est prouvé tant par l'analyse théorique que par l'expérience historique.

Bien que les conditions particulières de la Russie aient conduit le bolchevisme à rompre définitivement avec le menchevisme dès 1912, le parti bolchevique est resté membre de la Deuxième Internationale jusqu'à la fin de l'année 1914. La leçon de la guerre mondiale était nécessaire pour poser la question d'une nouvelle Internationale ; la révolution d'octobre était nécessaire pour donner naissance à la nouvelle Internationale.

Une catastrophe historique telle que l'effondrement de l'État soviétique emporterait naturellement avec elle la Troisième Internationale. De la même manière, la victoire du fascisme en Allemagne et l'écrasement du prolétariat allemand ne permettraient guère au Komintern de survivre aux conséquences de ses politiques désastreuses. Mais qui, dans le camp de la révolution, oserait aujourd'hui affirmer que l'effondrement du pouvoir soviétique et la victoire du fascisme en Allemagne sont inévitables ? En tout cas, pas l'Opposition de gauche. Au contraire, sa politique vise à défendre l'Union soviétique contre le danger thermidorien que le centrisme a rendu plus imminent, et à aider le prolétariat allemand non seulement à se débarrasser du fascisme, mais aussi à conquérir le pouvoir. S'appuyant sur les acquis de la révolution d'Octobre et de la Troisième Internationale, l'Opposition de gauche rejette l'idée de partis communistes parallèles.

La responsabilité entière de la scission du communisme incombe naturellement à la bureaucratie stalinienne. Les bolcheviks-léninistes sont prêts à tout moment à réintégrer les rangs du Komintern et à appliquer une discipline d'action stricte, tout en menant une lutte irréconciliable contre le centrisme bureaucratique sur la base de la démocratie du parti. Mais aujourd'hui, dans les conditions de la scission, notre adhésion à l'Internationale communiste ne peut s'exprimer par une auto-limitation organisationnelle, par le refus de prendre des initiatives politiques indépendantes et de s'engager dans le travail de masse, mais doit s'exprimer par le contenu de notre travail. L'Opposition de gauche ne s'adapte pas à la bureaucratie stalinienne, ne passe pas sous silence ses erreurs et ses crimes ; au contraire, elle les soumet à une critique irréconciliable. Mais le but de cette critique n'est pas de créer des partis concurrents aux partis communistes existants, mais d'attirer à notre cause le noyau prolétarien des partis officiels et de les faire ainsi renaître sur une base marxiste.

Cette question se pose de manière plus crue et plus aiguë en URSS que partout ailleurs. La politique d'un deuxième parti signifierait là-bas l'insurrection armée et une nouvelle révolution. La politique de la fraction signifie suivre la voie de la réforme interne du Parti et de l'État ouvrier. Malgré toutes les calomnies de la bureaucratie stalinienne et de ses admirateurs, l'Opposition reste pleinement et complètement sur le terrain de la réforme.

Notre relation avec l'Internationale communiste est déterminée par le nom de notre fraction : Opposition de gauche. Le contenu de nos idées et de nos méthodes est caractérisé avec suffisamment de clarté par le nom de bolcheviks-léninistes. Chaque section doit porter ces deux désignations complémentaires.