1939

Le bilan du "Frente Popular" espagnol selon les trotskystes : "Battre le fascisme, seule la révolution prolétarienne le pouvait. Or, toute la politique des dirigeants républicains, socialistes, communistes et anarchistes, tendait à détruire l'énergie révolutionnaire du prolétariat."

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L'Espagne livrée

M. Casanova

Comment le Front Populaire a ouvert les portes à Franco


Introduction

Le prolétariat subit une nouvelle défaite. Fran­co s'est emparé de la Catalogne. Plus de deux ans et demi de luttes sanglantes, de sacrifices sans nombre de la part du prolétariat espagnol, et tout cela aboutit à une nouvelle victoire de la réaction. !

Le caractère improvisé et un peu désordonné de ce travail découle des conditions qui l'ont vu naî­tre. S'il manque de caractère systématique, il exprime les besoins les plus brûlants de l'heure.

Après ma rentrée en France, les camarades m'ont interrogé. Ils m'ont demandé d'expliquer les raisons de la catastrophe. Pourquoi Barcelone a-t-elle a été cédée sans combat ? Pourquoi les ouvriers catalans qui ont donné tant de preuves d'héroïsme, n'ont-ils pas riposté au fascisme ? Quelle était l'attitude des organisations prolétariennes au moment critique ? etc... Ce qui étonnait le plus mes interrogateurs, c'était l'extrême facilité de l'avance fasciste, le fait que Franco ne rencontra pas de résistance dans ce prolétariat qui avait fait le 19 juillet.

Il fallait que j'explique sur la base de mon expérience ce qui venait de se passer. Il fallait que je rapporte des faits. J'ai raconté comment des positions stratégiques de première importance furent abandonnées sans combat, les plans de défense remis à l'ennemi par l'état-major félon, comment l'industrie de guerre fut sabotée, l'économie désorganisée, les meilleurs militants ouvriers assassinés, les espions fascistes protégés par la police « républicaine », en somme com­ment la lutte révolutionnaire du prolétariat contre le fascisme fut trahie et comment l'Espagne fut livrée à Franco.

Les faits que j'ai rapportés, mon analyse, tout ramenait à une seule et même source : la crimi­nelle politique du Front populaire. Battre le fascisme, seule la révolution prolétarienne le pouvait. Or, toute la politique des dirigeants républicains, socialistes, communistes et anarchistes, tendait à détruire l'énergie révolutionnaire du prolétariat.     « D'abord gagner la guerre, après faire la révolution », cette formule réactionnaire tuait la révolution pour tuer la guerre par la suite. On avait l'espoir de gagner ainsi l'appui de la bourgeoisie dite démocratique de France et de l'Angleterre. Au nom de cette politique, on abandonna tout, on alla de capitulation en capitulation, on trahit tout, on démoralisa le prolétariat, on écrasa le POUM d'abord, les anarchistes ensuite, on provo­qua les sanglantes journées de Barcelone pour aboutir maintenant au pronunciamento pro-franquiste de Miaja-Casado dirigé contre les communistes qui, pendant ces trente mois, ont préparé les conditions de leur propre écrasement,

La chaîne ininterrompue des crimes du Front Populaire conduit au fascisme.

Les chefs républicains, socialistes, anarchistes, tous ont mis du leur pour préparer cette catas­trophe. Mais les grands artisans de la défaite et du crime contre le prolétariat furent indiscutable­ment les staliniens. Ils mirent au service d'une politique contre-révolutionnaire l'autorité dont ils jouissaient à cause du drapeau de la Révolution d'Octobre qu'ils ont volé et qu'ils traînent dans la boue.

Pourtant, il est difficile d'imaginer des condi­tions objectives plus favorables pour la révolu­tion prolétarienne que celles qui existaient en Espagne.

Les ouvriers du monde entier doivent tirer des leçons de cette tragique expérience. Ce n'est ni le socialisme ni le marxisme qui ont fait faillite en Espagne, mais ce sont ceux qui les ont lâche­ment trahis. La société actuelle se trouve placée devant un tragique choix : en arrière, c'est-à-dire conserver le capitalisme qui ne peut qu'évoluer vers les formes les plus barbares, ou en avant, vers le socialisme. Vouloir conserver la démocra­tie bourgeoise est une stupide illusion. Le fascis­me ou la révolution prolétarienne, tel est le di­lemme pour le prolétariat international.

Le premier devoir de l'avant-garde révolution­naire est d'éclairer les ouvriers sur la situation réelle, dire ce qui est. Le prolétariat va de défaites en défaites, mais il y a le progrès quand même. En Allemagne, en 1933, le prolétariat dirigé par les sociaux démo­crates et les communistes, a tout cédé au fascisme sans combat. En Autriche, en 1934, le prolétariat de Vienne a donné le premier le signal de résis­tance. L'écho de cette résistance, c'était la glo­rieuse Commune des Asturies. En Espagne, le pro­létariat, malgré la criminelle politique du Front Populaire, a su résister près de trois ans. Aux ouvriers d'autres pays incombera l'honneur de pouvoir non seulement résister, mais vaincre le fascisme et faire triompher la révolution prolétarienne. Mais, pour vaincre, le prolétariat doit forger l'arme de lutte : le parti révolutionnaire et l'Internationale Révolutionnaire, la IV°.


Ce travail n'a pas la prétention de répondre à toutes les questions mêmes les plus urgentes po­sées par la tragique expérience. Si l'auteur de ces lignes a jeté un peu de lumière et a facilité l'in­telligence des problèmes de la guerre civile espa­gnole, il aura le sentiment que son travail n'a pas été vain.

M. CASANOVA.
Perpignan, le 16 mars 1939.


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