1939

Le bilan du "Frente Popular" espagnol selon les trotskystes : "Battre le fascisme, seule la révolution prolétarienne le pouvait. Or, toute la politique des dirigeants républicains, socialistes, communistes et anarchistes, tendait à détruire l'énergie révolutionnaire du prolétariat."

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L'Espagne livrée

M. Casanova

Comment le Front Populaire a ouvert les portes à Franco


X. Y a-t-il eu une révolution prolétarienne en Espagne ?

Y a-t-il eu en Espagne une révolution prolétarienne ? Cela vaut la peine de poser la question et d'y répondre.

Del Vayo, Dimitrov, Diaz, Marty et même certains « anarchistes » répondent que c'est là une invention d'excités et de trotskystes.

Voyons cependant les choses de plus près. Je de­mande donc une minute d'attention aux membres des partis de la deuxième et troisième Internationales et de l'Internationale anarchiste ; je laisse de côté les « excités », qui construisent la IV° Internationale... Ouvrez vos cartes de membres du parti. Vous y verrez comment est défini le but révolutionnaire de vos organisations. Les moyens de production doivent passer entre les mains du prolétariat, qui doit en même temps s'emparer du pouvoir politique. Ce but révolutionnaire, qui est en même temps la définition de la révolution prolétarienne, nous le trouverons dans les statuts des partis qu'on appelle marxistes. Quant aux anarchistes, ils posent comme but de la transfor­mation révolutionnaire la suppression immédiate, non seulement du capitalisme, mais aussi de l'État.

D'après les marxistes, par conséquent, la révolution prolétarienne c'est la prise des moyens de production et du pouvoir politique par la classe ouvrière qui doit prendre la forme de la dictature du prolétariat.

Après ce simple rappel, revenons à l'Espagne.

Quand les généraux et toute la racaille réactionnai­re réalisèrent leur coup de force le 18 juillet, les ou­vriers comprirent instinctivement le sens du coup d'État. Ils montèrent sur les barricades. Le proléta­riat, et lui seul, sauva la situation. L'appareil bour­geois passa dans la majorité du côté des fascistes..

Mais les ouvriers ne montèrent pas sur les barri­cades pour les beaux yeux de la démocratie bour­geoise. Ils passèrent à la révolution socialiste. Dans les grandes capitales et les petits villages, ils prirent au collet les bourgeois ou les propriétaires fonciers, et s'emparèrent de leurs biens. Qu'elle ait pris la for­me de la collectivisation, de la socialisation, de la « construction du communisme libertaire dans un seul village », cela n'a qu'une importance secondaire. Le fait est que le phénomène fut général. Les ou­vriers s'emparèrent de toutes les richesses du pays.

Quant au côté politique de la révolution, elle « commença » aussi réellement en Espagne en 1936 : les ouvriers créaient leurs organismes indépendants de l'Etat bourgeois les milices avec leur Comité Central des Milices Antifascistes; les Patrouilles de Contrôle organisme authentiquement révolutionnaire destiné à protéger l'ordre public contre les attentats contre-révolutionnaires les comités ouvriers qui existaient dans tous les villages, et indépendamment de leur forme bigarrée, constituaient la seule autorité réelle pendant les premiers mois qui suivirent le 19 juillet. Deux pouvoirs existaient. Un pouvoir fantôme, le pouvoir officiel étatique républicain. Un autre, réel celui-­là, celui des comités et des organisations ouvrières. Quoique ce second pouvoir n'ait jamais pris la forme coordonnée, organisée et centralisée des soviets, il dominait la vie du pays les trois premiers mois jus­qu'à la formation des gouvernements de coalition encadrés par tous les partis ouvriers, et subsistait en­core jusqu'au coup de force contre-révolutionnaire de Mai 1937. Par conséquent, la révolution ouvrière avait bel et bien commencé, dans le domaine économique et politique, en Espagne, en juillet 1936.

Évidemment, il fallait la parachever. Il fallait dé­truire complètement l'ancien appareil étatique de la bourgeoisie, et tout ce qui en restait. Les Comités devaient élargir leur base et se transformer en organes démocratiques du prolétariat. Ils devaient prendre le pouvoir dans le pays, centraliser l'économie, nationa­liser les banques, élaborer un plan économique et con­duire sur la base révolutionnaire prolétarienne, la guerre contre le fascisme.

Mais la révolution sociale fut ensuite criminellement étranglée par les chefs du Front populaire, et aussi par les dirigeants de tous les partis ouvriers qui ont préféré à la voie révolutionnaire, des portefeuilles dans le gouvernement et à la Généralité. C'est l'application de la formule « D'abord gagner la guerre, puis faire la révolution » qui conduisit, comme nous l'avions prévu depuis 1936, à leur perte, d'abord la révolution, puis la guerre.


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