1944

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! LA LUTTE de CLASSES Organe de l'Union Communiste (IVème Internationale) n°39 - 3ème année


LA LUTTE DE CLASSES nº 39

Barta

20 novembre 1944


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D'UN DISCOURS A L'AUTRE ...

Le 14 octobre, en s'adressant au peuple de France, le général De Gaulle dressait le sombre bilan de l'épuisement de la France par cinq années de guerre. Il ajoutait qu'on ne devait pas compter sur une aide extérieure : "les Alliés sont des Etats dont chacun... poursuit ses propres intérêts et fait sa propre politique... Dans nos difficultés présentes nous devons compter, avant tout, sur nous-mêmes".

Depuis la reconnaissance du gouvernement De Gaulle par les Alliés et la visite de Churchill à Paris, le tableau a complètement changé. Nos "grands et loyaux alliés" accordent à la France le rang de "grande puissance" et la reconnaissent pour une grande nation ! A quoi attribuer ce changement ? C'est que malgré la détresse infinie reconnue par De Gaulle lui-même le 14/10, il n'hésita pas le 26/10 à proposer aux Alliés le marché suivant : "il faut prévoir une assez longue et, en tout cas, très dure campagne sur le territoire allemand... de grandes pertes. Il est possible qu'il soit reconnu comme avantageux que des divisions françaises nouvelles... participent à ces pertes".

Les Alliés furent sensibles à cette offre de participation aux pertes. Considérant que l'impérialisme français se trouve pouvoir jouer un rôle dans l'équilibre des forces et être à même d'y consentir les sacrifices nécessaires, le gouvernement français reprend une certaine place dans les négociations internationales. Mais la véritable France, c'est-à-dire le peuple français, qu'y gagne-t-elle ?

La France est un pays impérialiste, c'est-à-dire qu'à sa tête se trouvent les trusts, les banques, la Bourse, le capital financier (et à leurs ordres un gouvernement et un Etat-major), qui disposent de ressources dans le monde entier. L'impérialisme français peut à la faveur de divergences entre les autres impérialistes (Angleterre-Etats-Unis, par exemple), à la faveur de la prolongation du conflit, des nécessités de la guerre contre l'Allemagne et le Japon, se servir de ses ressources économiques et militaires et en escompter un profit.

Le butin partagé à la table verte, ce sont les capitalistes qui l'empocheront (de la même façon qu'ils s'enrichissent sur les fabrications de guerre), tandis que le peuple français doit participer seulement aux pertes : de nouvelles mobilisations en perspective, de nouvelles destructions, renforcement de la dictature militaire à l'intérieur, désarmement des éléments du peuple ("gardes patriotiques"), consécration des fortunes de guerre par des rentes perpétuelles aux capitalistes, c'est-à-dire maintien du coût de la vie très élevé. La nouvelle "grandeur" offerte par De Gaulle continue pour les travailleurs la longue chaîne de souffrances qu'a apportées la guerre impérialiste aussi bien sous Daladier que sous Pétain.

Pour les capitalistes, la grandeur (le profit), pour les travailleurs, les sacrifices. Afin d'effacer dans les esprits cette différence, le bureaucrate syndicaliste qui soutient De Gaulle, Benoît Frachon, dit : pour la guerre, "le soldat donne sa vie, l'ouvrier son travail, le patron doit abandonner ses profits" (l'Huma, 14/11). Mais le profit est le travail non-payé extorqué à l'ouvrier par le patron, le profit est un vol. Tant que le patron restera patron, il n'abandonnera jamais son vol, c'est-à-dire le profit. Au contraire il est pour la guerre justement et seulement parce que celle-ci est pour lui une source supplémentaire de profit. Quand la bourgeoisie envoie les soldats se battre en Indochine ce n'est pas pour la "patrie", c'est pour sauvegarder les profits de la Banque de Paris et des Pays-Bas. B. Frachon veut faire oublier aux ouvriers ce que lui-même leur enseignait autrefois : "On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les capitalistes".


Dans l'Humanité du 22/9 Magnien dit textuellement : "La politique du bloc occidental (alliance franco-anglaise) condamnerait la France au déclin et A ETRE DEVOREE". De la part d'un défenseur de l'alliance des "démocraties" c'est un dur aveu sur les lois qui règnent entre les peuples en régime capitaliste !

En l'espace de trente années le régime capitaliste a engendré deux guerres mondiales. Les peuples ont été saignés, l'économie dévastée. Mais pour empêcher la guerre, les capitalistes ne trouvent rien d'autre qu'une nouvelle SDN, dont ils reconnaissent eux-mêmes l'inutilité. La guerre contre l'Allemagne n'est pas finie, la guerre contre le Japon doit encore, d'après Churchill, durer deux ans, et déjà les capitalistes envisagent d'autres conflits et d'autres guerres. Churchill n'a-t-il pas dit qu'ils ne pourraient pas "arrêter à la fin de la guerre la machine de guerre qui tourne rond et avec une puissance formidable" ?

L'époque que nous vivons confirme ce que disait LENINE lors de la première guerre mondiale : "Levons l'étendard de la guerre civile ! Car si cette guerre n'est pas suivie d'une série de révolutions victorieuses, elle sera suivie à bref délai d'autres guerres".

Si la révolution, c'est-à-dire la guerre civile contre notre propre bourgeoisie, n'est pas venue mettre fin à la guerre impérialiste, c'est parce que les social-patriotes sous prétexte de la "défense de la patrie" ont livré les travailleurs à la merci des capitalistes et brisé l'unité internationale des travailleurs.

Le but suprême de la IVème Internationale est de reforger cette unité. Et quand les travailleurs seront décidés à accepter pour leur propre cause et leur libération contre le Capital ne fût-ce qu'une partie des sacrifices qu'ils font pour les capitalistes, la guerre civile des travailleurs de chaque pays contre leur bourgeoisie mettra fin à la guerre impérialiste et jettera les bases d'une paix durable dans une société débarrassée de la domination capitaliste.


UN AGENT DES TRUSTS

L'Humanité du 4/11 écrit au sujet de la dernière opération financière du gouvernement : "l'emprunt en définitive n'enrichit que les Banques en aggravant la dette publique et les charges du contribuable".

Le ministre "communiste" Billoux déclare le 20/11 à la radio : "Nous désirons tous, au gouvernement, que l'emprunt soit un succès éclatant. Il le sera si chacun considère que verser à l'emprunt est une façon de participer à la libération du territoire".

Quand chassera-t-on du Parti communiste l'agent des trusts Billoux ?


L'ASSASSINAT DE LORD MOYNE

La "défense des petits peuples" figure au premier rang du programme des Alliés dans leur lutte contre l'impérialisme allemand.

Mais comment vont les choses là où règne sa Majesté britannique ? Le silence n'a été brisé là-dessus que par la bombe qui a tué lord Moyne, chargé par le gouvernement anglais de régler la question juive en Palestine. A cette occasion, il a bien fallu que les journaux nous apprennent en tout petits caractères et en quelques lignes seulement, que lord Moyne a été assassiné parce que "sa politique était contraire aux intérêts nationaux juifs".

Geste hautement révélateur ! Le fameux foyer juif en Palestine, promis par lord Balfour au cours de la première guerre mondiale, n'a pas été un refuge pour les israélites traqués dans les pays pourrissants de l'Europe. Il est apparu comme une entreprise anti-arabe et anti-juive car, en poussant les Juifs contre les Arabes sous prétexte de leur assurer le "foyer de leurs ancêtres", les impérialistes anglais savaient bien que ces derniers lutteraient les armes à la main contre les intrus... Toute la tactique anglaise pour maintenir inébranlable sa situation dans cette partie du monde (canal de Suez) est donc de perpétuer la lutte entre Arabes et Juifs pour rendre indispensable "l'arbitrage" anglais. Jeu d'enfant pour les impérialistes anglais qui procèdent de la même façon en Irlande, aux Indes et partout où ils peuvent exploiter la désunion des peuples économiquement arriérés.

Aujourd'hui, comme le montre l'attentat du Caire, non seulement les Arabes mais aussi les Juifs en sont réduits au désespoir.

Mais malgré les efforts des capitalistes juifs et des féodaux arabes pour séparer les travailleurs des deux peuples et continuer le jeu de l'impérialisme anglais, ceux-ci s'uniront contre leurs exploiteurs et contre leur oppresseur commun. La IVème Internationale leur dit : Travailleurs juifs et arabes, unissez-vous contre l'impérialisme anglais !


LES AVOCATS DE L'IMPERIALISME

"Dans le monde actuel l'Afrique du Nord ne peut pas être indépendante ; il lui faut s'appuyer sur un pays plus fort. Mais l'Angleterre et les USA sont des pays impérialistes, tandis que la France sera sûrement plus tard une république socialiste. Donc l'Algérie doit rester à la France et attendre qu'elle devienne socialiste". C'est tout ce que Fajon trouve à dire à un peuple opprimé, réduit à la famine par l'impérialisme français L'Humanité elle-même n'est-elle pas obligée de reconnaître la situation inouïe où se trouve l'Afrique du Nord ? Catroux, garde-chiourme en chef, n'avoue-t-il pas que les "conditions matérielles d'existence y sont désastreuses" ?

Attendre que la France soit un jour socialiste, c'est se soumettre aujourd'hui à l'exploitation la plus féroce de la part des colons français et aider par cela même les capitalistes français à maintenir leur exploitation sur la Métropole.

Dans le cadre de l'Europe et de l'Afrique socialistes, tous les peuples s'entraideront fraternellement. Mais dans le monde impérialiste actuel seule une lutte acharnée des travailleurs coloniaux et des travailleurs de la Métropole contre tous les impérialistes peut assurer l'avenir des peuples des colonies.

Vive le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ! Vive le front unique des peuples coloniaux et des ouvriers de la Métropole contre l'impérialisme qui les opprime !


LES EVENEMENTS DE BELGIQUE

Les événements de Belgique – désarmement de la Résistance – ont la même origine que le conflit qui en France a obligé De Gaulle, représentant de l'Etat, à procéder au désarmement des "gardes patriotiques". Nulle part l'Etat des capitalistes (police, armée, bureaucratie) ne peut être "rénové", "démocratisé" par des groupes armés issus du peuple. Ou le peuple armé (la classe ouvrière) détruit l'Etat capitaliste et instaure la véritable démocratie pour les masses, les Soviets (Conseils ouvriers), ou l'Etat des capitalistes assure sa complète dictature, même derrière des formules "démocratiques".

Mais ces événements comportent une leçon supplémentaire pour les travailleurs non seulement de Belgique, mais aussi de France. Les illusions touchant le rôle des armées alliées ne peuvent plus subsister. La lutte du peuple pour la liberté se heurte non seulement à la résistance de la "5ème colonne", mais à l'Etat-major allié. La décision du commandement allié d'intervenir par les armes contre les travailleurs belges pour les obliger à rendre leurs armes au gouvernement Pierlot, complice des capitalistes et fascistes belges, pose pour les travailleurs des pays occupés par les Alliés le même problème que sous l'occupation allemande : s'allier aux travailleurs-soldats occupants contre leur propre Etat-major.

Mais les travailleurs anglo-américains sous l'uniforme ne comprendront pas notre lutte et ne voudront pas désobéir à leurs officiers, tant qu'ils seront enchaînés à la guerre que mène cet Etat-major. Car la chaîne principale qui lie les soldats à leurs officiers (alliés comme allemands), c'est la conviction qu'ils mènent une guerre "juste" ou tout au moins "nécessaire". Il faut briser cette chaîne en révélant aux soldats alliés que tout comme les soldats allemands, ils ne sont que de la chair à canon. Sans cette compréhension qu'ils sont sacrifiés pour les capitalistes, que cette guerre est une guerre impérialiste, les travailleurs-soldats alliés ne pourront jamais trouver la force de sacrifice volontaire qu'exige l'émancipation de leur propre commandement. Sans cette propagande contre la guerre impérialiste, les travailleurs trouveront dans les armées alliées le même instrument de répression au service des capitalistes, qu'était l'armée occupante allemande.


Où va la France ? suite : la lutte ouverte contre le fascisme

article reproduit en une seule fois (Lutte de Classes 36, 19.09.1944)


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