1947

L'EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L'ŒUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES
Nº 10 – Prix : 3 francs


La Voix des Travailleurs de chez Renault

Barta

18 juin 1947


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PREMIER BILAN

La fin de la grève des cheminots nous permet de faire un premier bilan des luttes ouvrières.

Le mouvement d'ensemble auquel avait fait appel le Comité de grève Renault ne s'est pas réalisé, du fait du sabotage de la bureaucratie syndicale. Ainsi, la première poussée d'ensemble de la classe ouvrière depuis 1938 s'est trouvée freinée ou fractionnée en grèves séparées. Il ne faut pas s'étonner si les résultats matériels immédiats obtenus sont incomplets : ils correspondent au caractère incomplet de la Lutte. La grève de Renault et de quelques autres usines à Paris et en province a arraché pour la métallurgie des augmentations de salaires très variables ; pour l'ensemble de la métallurgie, les ouvriers sont loin du compte, c'est-à-dire des 10 francs. Le patronat qui, lui, est uni parce qu'il forme économiquement un tout monopoleur, a lâché aux ouvriers là où il a été obligé de lâcher, en défavorisant les secteurs ouvriers qui n'ont pas pu se défendre par leurs propres forces.

Or, les ouvriers de partout voulaient un minimum vital, garanti pour toute la classe ouvrière, et non pas des concessions pour les contenter quelques semaines et que les capitalistes et le gouvernement reprennent par la hausse des prix et l'inflation au détriment de toute la population laborieuse.

Ce serait un bien maigre bilan, si c'était le bilan d'une lutte finie. Mais ce n'est là que le bilan provisoire d'une lutte à peine commencée. C'est pourquoi, en regardant non pas les résultats immédiats de ces premières luttes, mais les conditions nouvelles qu'elles ont créées, les avantages retirés jusqu'à présent sont décisifs.

D'un côté, les grèves ont obligé le gouvernement à capituler ; au lieu du ton totalitaire du début de la réquisition, il a dû finalement se montrer en "conciliateur". Le blocage des salaires, c'est-à-dire l'obligation pour les travailleurs d'accepter sans rechigner des salaires de famine, pour le "bien général", c'est-à-dire pour les capitalistes, a été mis en échec.

D'un autre côté, pour faire capituler le gouvernement, les ouvriers se sont montrés capables de passer outre leur propre bureaucratie syndicale (Renault, Gaz et Electricité, Cheminots, etc.). Ils ont commencé, dans une grande mesure, à s'émanciper de sa tutelle, émancipation qui est la première condition de nos luttes ultérieures.

Les arguments cégétistes aussi se sont trouvés démasqués dans la lutte. Ils disaient aux ouvriers de ne pas faire grève, de ne pas entrer en lutte ouverte, parce que ce sera la réaction le gagnant. Mais c'est Ramadier et la réaction qui ont capitulé devant les travailleurs.

Rappelons ce que nous disions dans La Voix, n° 8, le 3 juin, avant la grève des cheminots : "Seule une grève générale peut faire capituler les capitalistes et le gouvernement". Les dirigeants de la C.G.T. proclamaient la grève générale "une idiotie", au profit de la réaction, mais la grève des cheminots a donné raison aux ouvriers contre eux.

Entre les différents moyens de lutte proposés, les travailleurs savent maintenant que c'est la grève générale qui reste le moyen pour obtenir, non pas quelques aumônes ou quelque allègement temporaire que les capitalistes reprennent de l'autre main, mais les revendications fondamentales.

Car, au point de vue des moyens à utiliser, est-ce un hasard que la seule grève qui, par son caractère total et généralisé, a menacé de paralysie le gouvernement bourgeois, ait obtenu presque toutes ses revendications ?

Mais ce bilan, décisif pour de nouvelles luttes, ne sera converti en avantage réel pour la classe ouvrière que dans la mesure où les travailleurs, émancipés de la bureaucratie qui paralyse nos luttes, seront capables de se regrouper DIRECTEMENT ENTRE EUX, c'est-à-dire de s'unir à l'intérieur des usines, et d'usine à usine.

La première forme de ce regroupement, c'est de s'organiser syndicalement en dehors des dirigeants cégétistes, partout où l'appareil a démasqué son caractère de jaune à la masse des ouvriers.

Ce qui n'a pas été obtenu dans une lutte morcelée et séparée sera obtenu demain par l'organisation dans une lutte unie et d'ensemble.

La Voix des Travailleurs


Un cheminot s'adresse aux ouvriers de chez Renault

LA GREVE PAIE !..

Sous la pression imposante exercée par notre grève totale, le gouvernement, s'il n'a pas cédé entièrement, a dû nous accorder d'importants avantages. Ces derniers ont suffisamment été publiés par tous les journaux pour ne plus y revenir. Je préciserai, cependant, que ces avantages, arrachés par la force d'un mouvement particulièrement bien réussi, s'échelonnent, pour les bas salaires, entre 1.700 et 3.000 par mois et pour quarante heures, ce qui donne une augmentation horaire de 8,50 à 15 francs de l'heure. De plus, le protocole d'accord du 12-6-1947 précise : "Il a été entendu qu'il n'y aurait aucune sanction, ni retenue sur les salaires pour cette grève".

Ainsi, cinq jours de grève nous ont permis de remporter une victoire, sinon éclatante, du moins satisfaisante. Nous n'avons dû céder que sur deux points ; celui concernant le reclassement dans les échelles, qui est prévu pour le 1° Janvier 1948, et l'étude de la mise en harmonie de nos salaires avec ceux de l'industrie nationalisée (houillères notamment) et pour laquelle aucune date n'a été retenue. Enfin, la Fédération n'a pu obtenir du gouvernement et de la S.N.C.F. l'assurance formelle que les tarifs voyageurs et marchandises ne seraient pas modifiés.

Comment a-t-on obtenu de tels avantages ? Quelles circonstances favorables nous ont permis d'arracher en cinq jours plus que vous en trois semaines ?

Ce n'est certes pas le gouvernement qui, soudain "raisonnable" et paternaliste, trouva nos salaires vraiment dérisoires, nos "revendications modestes et légitimes".

Ce n'est pas non plus notre Fédération qui fut plus combative, moins bureaucratique (C.G.T. ou C.F.T.C.). Dès le début, la C.G.T. tenta même de briser la grève dans l'oeuf et de donner au gouvernement une porte de sortie, en stoppant la grève des "pétroliers". Quant à la Fédération elle-même, elle se dépensa beaucoup avant le conflit total pour essayer d'appeler au calme les futurs grévistes, comme elle le fit à maintes reprises dans les gares parisiennes.

C'est notre unité dans l'action, notre cohésion qui contribua pour beaucoup à ce résultat. C'est surtout parce que, né d'un mécontentement général, le mouvement fut général ; c'est parce que, né dans la masse des syndiqués de base, il poussa les syndicats à entrer en action, ces derniers agissant eux-mêmes sur la fédération. De plus, tous les cheminots étaient décidés à aller jusqu'au bout, à gagner la bataille et à ne pas perdre une seule journée de notre salaire. Nous avions presque un mois devant nous jusqu'à la prochaine paye. Nous savions, notre grève étant totale, que le gouvernement ne saurait tenir aussi longtemps que nous, les mesures qu'il prenait pour nous contrecarrer étant plus spectaculaires qu'efficaces.

La Fédération, aussi bien que le gouvernement, a senti cette ferme volonté. Elle n'osa pas l'attaquer de front. Elle essaya de gagner du temps en "oubliant" de lancer de suite l'ordre de grève à la province, en manoeuvrant les comités de grève pour leur enlever toute initiative et toute puissance, chose qu'elle réussit dans maint endroits. Mais, bientôt, elle fut obligée de prendre position : ou briser froidement la grève en faisant "accepter des promesses" par les cheminots (c'était perdre la confiance de la majorité de ces derniers) ; ou bien heurter de front le gouvernement.

Le gouvernement, de son côté, essaye de lasser les grévistes, de les provoquer par la division ou des appels démagogiques, ou bien même en organisant ses fameux services routiers.

La Fédération, prise entre deux feux, ménagea les deux parties. Mais le temps pressait. Il fallait agir très vite.

Un fait nouveau précipita les événements.

Le conflit du gaz et de l'électricité rebondissait. Tout le monde sait dans quelles conditions. Dès lors, il n'était plus possible de donner aux cheminots, instruits par l'expérience des gaziers et des électriciens, de vagues promesses. Ils réclamaient des résultats concrets.

Désormais, le gouvernement se sait battu. Il fera semblant de résister encore un peu pour la forme, mais il s'attachera surtout à limiter les dégâts tout en donnant assez pour pouvoir classer l'affaire pour longtemps.

Mais demain, si les ouvriers de toutes les usines, à l'instar des cheminots de toutes les gares, déclenchaient la grève générale, il est certain qu'un succès se dessinerait. Et si les métallos de chez Renault n'ont pas obtenu ce qu'ils réclamaient lors de leur dernière grève, c'est parce que le mouvement n'a pas su, ou n'a pas pu s'étendre aux autres usines comme chez nous il s'est étendu aux autres gares.

Confiance et courage, camarades ouvriers de la R.N.U.R. Par notre grève, nous avons démontré aux saboteurs de grève de tout horizon que, lorsqu'elle est complète et générale, la grève paie toujours. Il suffit, par la lutte quotidienne, de lui en donner la possibilité.


PAS D'ATTENTISME, à l'action pour les 10 frs !

Le lundi 9 juin, l'ancien comité de grève a lancé un tract demandant aux ouvriers de notre usine de se joindre à la grève des cheminots, pour arracher les 10 francs à la faveur d'un mouvement général. A cette occasion, il s'est manifesté une certaine hésitation. Les camarades les plus actifs ne voulaient pas une fois de plus recommencer la grève, sans la certitude d'être suivis par le reste de l'usine. Et parmi les camarades de l'usine, s'est fait jour un esprit D'ATTENTISME : attendons voir si d'autres commencent, alors nous serons en grève par la force des choses et le gouvernement cédera. Ce calcul : profiter du mouvement sans le faire, s'est avéré faux. Si on s'était mis en grève dès mardi, cela aurait donné au mouvement gréviste une impulsion nouvelle et le gouvernement n'aurait pas pu régler le conflit des cheminots sans régler en même temps celui de la métallurgie.

Mais le gouvernement, conscient du danger devant la grève générale résolue des cheminots, a cédé plus vite qu'on ne pouvait s'y attendre et leur a donné satisfaction.

Cependant la métallurgie n'ayant pas été en grève, la liquidation du conflit des cheminots s'est faite indépendamment des autres catégories.

Et, aujourd'hui, le gouvernement prend la décision de "permettre" à chaque patron de se débrouiller avec ses ouvriers pour leur accorder des primes qui ne doivent pas dépasser le maximum de 7 francs dans les entreprises les plus favorisées !

Comme tout le monde peut le comprendre, cela signifie, en fin de compte, qu'on n'obtiendra que ce qu'on aura arraché par la lutte ! Dans son communiqué du 13, la C.G.T. est obligée de reconnaître que "pratiquement, en somme, rien n'est changé" !

Ainsi, les dirigeants cégétistes, qui nous ont fait reprendre le travail sur la base des 3 francs avec la promesse d'obtenir pacifiquement les 10 francs, sont maintenant loin du compte. La décision gouvernementale laisse les patrons se débattre dans chaque cas avec les ouvriers, tout en fixant un plafond de 7 francs, compte tenu de toutes les augmentations déjà obtenues ! Chaque patron essayant de donner le moins possible, c'est encore par la lutte qu'il faudra lui arracher des concessions. En cas de conflit, la décision gouvernementale prévoit un arbitrage, mais nous avons déjà eu à ce sujet l'exemple du gaz et de l'électricité où, malgré l'arbitrage, il a fallu que les ouvriers commencent effectivement la grève pour obtenir une augmentation.

La preuve est encore une fois faite : l'attentisme ne paie pas, sele la lutte paie. Notre première lutte pour les 10 francs a été sabotée par les dirigeants cégétistes. Aussi, ne devons-nous pas maintenant laisser les choses aller ; il faut empêcher que l'action que nous aurons à mener rencontre les mêmes difficultés que la première, c'est-à-dire qu'elle soit sabotée.

Il n'y a pour cela qu'un seul moyen, que nous avons déjà proposé dans notre numéro 8 : c'est que des représentants, quelle que soit leur appartenance, à condition qu'ils soient dûment mandatés dans des assemblées de base par les ouvriers, se réunissent ensemble pour envisager en commun les moyens d'action.

La section syndicale qui parlemente avec le patron ne représente pas l'ensemble des ouvriers, ni même la majorité.

Pour réaliser l'unité et trouver les meilleurs modes d'action, il faut que TOUS LES OUVRIERS soient représentés dans un organisme démocratique de l'usine, où les délégués, élus par les ouvriers de chaque département et révocables par eux, décident de l'action à mener.

Si les responsables syndicaux acceptent nos propositions, qui sont les plus démocratiques possibles et que les ouvriers approuvent, il n'y aura pas de heurt ; sinon, ils auront démontré qu'ils veulent continuer à saboter la volonté des ouvriers, et ceux-ci doivent se détourner d'eux.

Avec eux ou contre eux, l'unité et la victoire seront acquises !

A L'ACTION POUR NOS 10 FRANCS, SUR LE TAUX DE BASE !


AVEC LES BUREAUCRATES OU AVEC LES OUVRIERS ?

par Pierre BOIS

Dans notre dernier numéro, nous avons répondu aux camarades qui, ne voulant plus se soumettre à une direction syndicale complice du patronat, ont pensé résoudre le problème en "adhérant" à d'autres centrales syndicales existantes, c'est-à-dire en collant des timbres sur de nouvelles cartes. A notre avis, les ouvriers ne peuvent retrouver une nouvelle centrale, dévouée à leurs intérêts et sous leur propre contrôle, avant d'avoir créé, dans chaque usine et chaque secteur, une nouvelle organisation appuyée sur la masse des ouvriers, c'est-à-dire avant d'avoir reconstruit par la base.

Mais il est d'autres camarades qui, tout aussi convaincus de la malfaisance de la direction cégétiste, ont cette autre attitude : quelque pourris que soient les bonzes, il ne faut pas "briser l'unité" : il faut rester dans la C.G.T. pour l'"épurer".

Ces camarades semblent ne pas se rappeler qu'en fait, depuis de longs mois, la politique patronale et bureaucratique des dirigeants avait épuré, elle, les ouvriers de la C.G.T. Les réunions syndicales étaient des lieux déserts, rien ne se faisait autrement que derrière le dos des ouvriers et contre eux. Il y avait bien un appareil bureaucratique, mais pas de syndicat.

C'est l'appareil bureaucratique qui a provoqué la scission entre les ouvriers et le syndicat cégétiste.

Et ce qui a ranimé la vie syndicale de notre usine, comme partout ailleurs, c'est la lutte que nous avons menée contre la bureaucratie syndicale, c'est la grève que nous avons faite contre elle. A la suite de cette lutte, les ouvriers de plusieurs secteurs sont revenus à la vie syndicale ; nous avons reconstruit le syndicat et reforgé l'unité de tous les ouvriers, que l'appareil bureaucratique avait dispersés et rejetés dans le découragement.

Maintenant que les ouvriers se sont émancipés en grande partie de l'appareil bureaucratique et que celui-ci, effrayé par son isolement, essaie de se donner quelques apparences démocratiques, les bonnes âmes qui prêchent la lutte à l'intérieur de la C.G.T. veulent nous ramener, en fait, sous la houlette d'un Delame qui, comme un Plaisance, n'est que l'instrument aveugle des Frachon et Jouhaux.

Avant de nous inviter à rester dans la C.G.T., nous qui représentons dans l'usine bien plus que la bureaucratie syndicale, ces bonnes âmes devraient d'abord nous prouver, par leur exemple, qu'on peut lutter dans la C.G.T. Mais nous trouvons déjà la réponse à cette question dans L'Acier, qui consacre trois colonnes à quatre "diviseurs" qui ont osé critiquer les dirigeants cégétistes !

Mais, en fait, ce qui intéresse les ouvriers surtout, ce ne sont pas les bonnes âmes dont toute l'action consiste à parler dans des organisations toutes prêtes parce qu'elles ne sont pas capables de construire une nouvelle organisation démocratique.

Ce qui préoccupe beaucoup d'ouvriers, et c'est cela qui est important, c'est la question suivante : est-ce que l'existence de plusieurs organisations syndicales dans l'usine n'affaiblira pas, par la force des choses, notre lutte ?

L'expérience a DEJA prouvé que NON. Nous nous sommes rendus à la manifestation du mercredi 4 juin, bien que ce fut non seulement une initiative de la C.G.T., mais une manifestation que nous estimions fausse. Mais, si nous y avons participé, précisément pour réaliser l'unité des travailleurs et leur permettre de faire leur expérience, à plus forte raison serions-nous présents dans n'importe quelle action où la C.G.T., ou n'importe quelle autre organisation, prendrait une initiative tant soit peu favorable aux ouvriers !

Notre syndicat est non seulement une arme contre la trahison de l'appareil bureaucratique, un moyen d'organisation des ouvriers de l'usine contre lui, mais d'un autre côté c'est la seule organisation qui, dans son activité, n'a tenu compte que des intérêts de tous les ouvriers.

Si nous confiions à nouveau notre sort à la bureaucratie syndicale, on ne tarderait pas à revenir à la situation que nous avons connue avant la grève. Notre syndicat est la seule garantie contre le retour à l'ancien état de choses. Si les dirigeants cégétistes font semblant aujourd'hui de se mettre un peut du côté des ouvriers, c'est seulement sous l'influence de la lutte et sous la pression de notre existence autonome. Mais ils ne font, pour ainsi dire, qu'attendre les ouvriers au tournant, pour rétablir leur dictature si notre lutte n'est pas menée jusqu'au bout.

Et puis, puisque tout le monde est d'accord qu'il faut détruire la bureaucratie syndicale, il faut bien se dire qu'on ne détruit que ce qu'on remplace. Si on veut détruire la bureaucratie parasitaire qui étouffe la vie syndicale (première forme d'organisation indispensable aux travailleurs), on doit créer un véritable syndicat groupant la masse des ouvriers et constituant, par ses cadres, un exemple vivant pour les autres. Nous avons pensé que les conditions nécessaires se trouvaient réunies dans notre usine et les travailleurs nous ont donné raison. Les bonnes âmes n'auront le choix, en définitive, que de se rallier à la majorité des ouvriers, sinon elles se retrouveront finalement en famille avec les bureaucrates syndicaux.


A PROPOS DU "SYNDICALISME PUR"

Le journal du P.C.F., L'Acier, critique "le syndicalisme pur" du comité de grève. Or, le comité de grève, à aucun moment, ne s'est réclamé du "syndicalisme pur", pas plus que d'une autre étiquette. Qu'il y ait eu, dans le comité de grève, des "syndicalistes purs", c'est évident, de même qu'il y avait   des ouvriers de toutes tendances. Mais les camarades du comité de grève n'ont jamais été mandatés par les ouvriers pour faire du "syndicalisme pur", pas plus que pour faire de la "politique". Ils ont été mandatés pour diriger une grève qui avait un but précis : les 10 francs sur le taux de base. Malheureusement, ils n'ont pas pu mener leur tâche jusqu'au bout, les ouvriers ayant dû reprendre le travail avec 3 fr. de prime et 1.600 francs d'indemnité de grève.

Maintenant, également, au point de vue syndical, la tâche que se donne l'ancien comité de grève, devenu la commission exécutive du syndicat démocratique Renault, c'est de défendre les intérêts des ouvriers à tout moment, avec eux et pour eux, et non pas sans eux et contre eux.

Avec ses moyens habituels de calomnie, L'Acier tente de nous discréditer, en nous accusant de "collusion" avec toutes sortes d'organisations, surtout de droite. En fait, de quel côté était la collusion ? En ce qui nous concerne, la direction réactionnaire de la Régie n'a jamais voulu nous recevoir, et, même lorsque M. Lefaucheux a reçu les membres du comité de grève, il s'est empressé de démentir cette entrevue en prétendant qu'il avait reçu des "ouvriers" accompagnés de leurs délégués (cégétistes). De même, lorsque le comité de grève a entrepris des démarches au ministère du travail, on lui a fermé les portes.

Par contre, ceux qui nous accusent, eux, discutaient à longueur de journée avec les représentants de la direction et dans les antichambres ministérielles.

Tandis que la C.G.T., suivant les instructions de la direction, retirait ses piquets de grève, seul le comité de grève maintenait les siens. Et quand Hénaff et Coste vinrent faire leur discours dans l'usine pour inviter les ouvriers à reprendre avec 3 francs, c'est avec l'autorisation de la direction que leurs voitures pénétrèrent dans l'usine.

Où est la collusion du comité de grève avec la réaction ? Et n'y a-t-il pas eu plutôt collusion de la direction, du gouvernement et de la C.G.T. contre notre grève ?

Jean BOIS


DANS L'USINE...


SYNDICAT DEMOCRATIQUE RENAULT S.D.R.

Fondé en juin 1947

Les statuts du S.D.R. ont été déposés à la mairie de Boulogne. Les cartes syndicales sont mises en vente. La cotisation qui sera fixée par les syndiqués dans les assemblées générales, dès que le syndicat sera constitué, est provisoirement fixée à 25 francs.

L'adhésion est de 5 francs.

Des camarades nous ont fourni gratuitement un stock de timbres portant un poing au milieu d'une roue dentée et marqués 10 francs. Pour éviter des frais immédiats nous utiliserons ces timbres pour la valeur de 25 francs.

STATUTS

1° La constitution du Syndicat démocratique de la R.N.U.R. (S.D.R.) a pour but l'organisation des ouvriers de l'usine en vue d'obtenir l'augmentation réelle des salaires,

La réduction des heures de travail

Et l'amélioration constante des conditions de travail ;

2° Peuvent adhérer au syndicat démocratique de la R.N.U.R. tous les salariés sans distinction d'opinion politique, philosophique et religieuse ;

3° Le S.D.R. est administré par une C.E. élue à la majorité par les syndiqués ;

4° Les fonctions exercées par les responsables locaux ne donnent lieu à aucune rétribution, sinon exceptionnellement, après décision en assemblée générale ;

5° Au cas où, pour l'ensemble des syndiqués de l'usine, des personnes seraient appelées à exercer, par décision des assemblées générales, une fonction administrative permanente, leur rétribution ne pourra en aucun cas dépasser le salaire d'un O.S. ;

6° Tout conflit sera tranché par l'assemblée générale, après rapport de la C.E. et audition des deux parties ;

7° Les responsables élus sont révocables à chaque instant par décision de la majorité ; un quorum doit être fixé pour les cas d'exclusion ou de révocabilité ;

8° La caisse du syndicat, destinée essentiellement au soutien des travailleurs en lutte, est alimentée par les cotisations de ses membres. Le montant de la cotisation est fixé par les cotisants eux-mêmes, en assemblée générale ;

9° Les assemblées générales ont lieu à intervalles réguliers ;

10° Les présents statuts sont provisoires jusqu'à adoption par les adhérents et peuvent être modifiés ou complétés.


La grève a permis le regroupement des camarades les plus combatifs de l'usine. Certains d'entre eux s'en vont travailler ailleurs. Ce fait peut soit nous affaiblir, si nous perdons tout contact avec eux, soit, au contraire, devenir une nouvelle force pour nous si le contact est maintenu et que ces camarades assurent la liaison avec les ouvriers des autres usines.

Quand un camarade quitte l'usine, qu'il veuille bien nous le signaler !


Solidarité

– Une collecte, faite par les ouvriers du secteur Collas, en faveur des grévistes de "L'Air Liquide", a rapporté la somme de 9.502,50 frs. Le fruit de cette collecte a été remis au comité de grève de "L'Air Liquide", qui nous a assuré que le produit des souscriptions était réparti en argent liquide à tous les grévistes syndiqués et non syndiqués.

– Dans notre n° 8 de La Voix, nous avons signalé que des bouteilles d'air liquide sortaient de notre usine, ce qui sabotait le mouvement des camarades de "L'Air Liquide". Lorsque nous sommes allés porter notre collecte, le comité de grève a manifesté son mécontentement de voir que les ouvriers d'une usine comme Renault toléraient des méthodes de briseurs de grève. Aussitôt nous avons fait une enquête sur place. Il y a quelque temps, un délégué, que nous avions interrogé à ce sujet, nous avait assuré que les bouteilles qui sortaient étaient destinées à ravitailler les usines satellites de Renault. Or il s'avère que 50 à 60 bouteilles sortent journellement de nos usines pour ravitailler Citroën, Panhard, Alsthom (Saint-Ouen), Talbot, Decauville, etc.

Le délégué de la C.G.T. est, paraît-il, intervenu auprès de la direction pour faire cesser la sortie de ces bouteilles. Nous demandons aux ouvriers de ce secteur de prendre eux-mêmes leurs responsabilités pour faire cesser l'expédition de bouteilles à l'extérieur. Nous n'avons pas à attendre les ordres de la direction pour faire jouer la solidarité ouvrière.


LES GANGSTERS AU TRAVAIL

Mercredi dernier, il était environ minuit, je rentrai du cinéma. Au moment où j'allais franchir ma porte, trois individus en sont sortis et m'ont interpellé de la façon suivante :

– C'est toi qui diffuses les conneries du Comité de grève ?

Sur ma réponse affirmative, ils me menacèrent :

– Si tu continues, tu auras une de ces volées ! Tu iras à l'assurance et tu ne recommenceras pas de si tôt !

Le dialogue se poursuivit, et voyant que je n'étais pas décidé à me laisser faire, ils partirent en promettant de revenir.

J'ai appartenu au P.C.F., mais la grève m'a ouvert les yeux et j'ai compris où était mon devoir.

J'ai fait une déclaration à la police. Je ne me laisserai intimider par personne.

ABGRALL, (du Département 28)

Ce n'est sûrement pas des ouvriers qui ont attaqué notre camarade, car, après dix heures de travail, ce n'est pas eux qui peuvent se livrer à de semblables promenades nocturnes ; CE SONT DES GANGSTERS PAYES PAR LES BUREAUCRATES POUR INTIMIDER LES OUVRIERS. De toute façon, les camarades doivent savoir que des méthodes comme celles-ci, nous pouvons les vaincre et que nous saurons nous protéger. Nous ne tolérerons pas les actes de banditisme, et nous avertissons les bandits que nous savons où se trouvent les responsables, même quand c'est des inconnus qui nous assaillent.


VERS L'UNITE

Il y a deux semaines, devant le refus de la direction du L.M.T. d'accorder satisfaction à un cahier de revendications comportant entre autres les 10 frs. de prime à la production, la section syndicale décrétait la grève perlée.

Ce fut 50%, puis 25%. Après différentes délégations, une manifestation eut lieu. La direction refusait toujours. Les 500 francs d'acompte qu'elle nous proposait furent rejetés. "Nous irons jusqu'au bout", disaient les délégués. C'était bien aussi notre avis à tous.

Enfin, vendredi dernier, assemblée générale en vue de la reprise du travail. La direction propose une prime d'après le rendement, plus un acompte de 900 fr. aux O.S. et 1.200 fr. pour les autres catégories, et 600 fr. à retenir sur le futur minimum vital.

L'atmosphère générale était à la lutte. Mais les délégués, qui estimaient avoir assez fait pour nous, voulurent la reprise du travail normal. Or les ouvriers ne veulent pas d'acomptes qu'ils devront peut-être rembourser. "Ce que nous voulons, c'est notre salaire de base", dit une ouvrière au micro.

Par trois fois, un responsable essaie de nous persuader et, au vote, les voix sont à peu près à égalité pour et contre la reprise. C'est alors que les délégués, sous prétexte de ne pouvoir nous compter, profitent du désarroi pour faire une besogne de jaunes, menaçant les ouvriers des pires catastrophes, du lock-out, de mois de lutte, etc. ; démoralisant les uns, couvrant les protestations des autres, ils couronnent leur succès par un nouveau vote où ils obtiennent la majorité.

Des dizaines d'ouvriers, écoeurés mais fermes, s'opposent à la lâcheté des saboteurs cégétistes et quittent l'assemblée.

La grève perlée, mauvaise méthode de lutte, nous a conduits à la défaite, mais elle a permis de démasquer les bureaucrates cégétistes. Les ouvriers du L.M.T. qui l'ont compris se rappellent que les ouvriers de chez Renault ont fait la même expérience, et ils s'engageront dans la même voie.

Des ouvriers du L.M.T.


TRESORERIE – COMITE DE GREVE

 

Recettes

335.836

Dépenses :

Frais de grève (tracts)

  45.317

Secours

255.500

Reste en caisse

  35.019

(Les secours ont été intégralement versés aux dép. 6 et 18, ceci en accord avec les travailleurs du reste de l'usine, étant donné que ces deux départements sont restés en grève une semaine de plus).


A la parution du n° 9 de La Voix, de nombreux camarades nous ont fait des objections au sujet du nouveau prix : "Quatre francs, c'est trop cher pour un aussi petit journal", ont dit certains.

Ce dont tous les camarades doivent se rendre compte, c'est qu'un grand journal de quatre pages coûte également quatre francs, mais qu'il est largement soutenu par la réclame, les petites annonces, etc... Autant de publications que ne peut faire paraître un journal ouvrier à moins de devenir, lui aussi, une "boutique" liée à des intérêts capitalistes. D'autre part, un journal ne peut vivre de sa propre vente que si son tirage est très élevé, c'est-à-dire de quelques centaines de milliers d'exemplaires. Or, ce ne peut être actuellement le cas de La Voix.

Le prix du journal, déterminé par notre tirage actuel, est de quatre francs. Cependant, pour ne pas entraver sa diffusion, nous le mettons à trois francs. Nous avons l'intention de couvrir les frais supplémentaires au moyen de cartes de soutien, d'une part, et au moyen de l'intensification de la vente, d'autre part. C'est dans ce but que nous demandons à tous nos camarades de multiplier le nombre des lecteurs en continuant d'établir les liaisons les plus nombreuses possibles avec les ouvriers des autres usines. Nous avons déjà constaté, dans nos récentes luttes, la nécessité d'une unité, d'une coordination entre les éléments combatifs des différentes usines. C'est grâce à une telle liaison, maintenant, que les camarades pourront fournir davantage d'échos, des suggestions, qui nous permettront d'agrandir le format de La Voix, dont le prix ne paraîtra plus, alors, excessif à personne.


Adresser toute correspondance, abonnements et mandats par poste à Jean Bois, 65 rue Carnot, Suresnes (Seine).

Rendez-vous de 18h à 20h : café-tabac «Le Terminus» 
angle r. Collas av. Edouard Vaillant. M° Pont-de Sèvres


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