1947

L’EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L’ŒUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES
Nº 9 – Prix : 4 francs


La Voix des Travailleurs de chez Renault

Barta

11 juin 1947


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IL FAUT UN CHEF D'ORCHESTRE A LA CLASSE OUVRIERE !

En face du formidable mouvement gréviste qui a surgi, le gouvernement, qui s'est tout le temps opposé aux revendications ouvrières sous prétexte que l'économie ne les supporterait pas (tout en la laissant piller par une poignée de capitalistes), cherche à expliquer ce mouvement par quelque complot.

Il y a quelques mois, quand le P.C.F. était au gouvernement, la grève c'était l'"arme des trusts". Aujourd'hui, bien que Duclos ait déclaré, pendant la grève Renault, que "la grève générale, c'est une idiotie", les gens du gouvernement ont besoin d'expliquer le mouvement gréviste comme étant une "manoeuvre" du P.C.F. Ils essaient d'ameuter une partie de la population contre les ouvriers, en les présentant comme les instruments aveugles d'un "chef d'orchestre invisible", qui ne serait autre que Thorez.

Cette accusation a le mérite d'obliger les chefs du P.C.F. et ceux de la C.G.T. de reconnaître que le responsable des mouvements, c'est la misère, et d'avouer par là que produire, en régime capitaliste, c'est produire pour les capitalistes, et que le blocage des salaires n'est qu'une manoeuvre antiouvrière.

Ainsi les événements ont fait justice des accusations des uns et des autres contre les grèves. La grève n'est ni l'arme des trusts ni celle des bureaucrates engraissés qui, déjà en 1936, proclamaient qu'"il faut savoir finir une grève" (Thorez). La grève, c'est l'arme des travailleurs.

Mais l'aveu des chefs du P.C.F. n'est que la moitié de la vérité. La misère elle-même explique la volonté des travailleurs d'entrer en lutte, la misère n'existe pas d'aujourd'hui et, dans beaucoup de pays, elle existe sans que les travailleurs puissent lutter. Pour pouvoir entrer en lutte ouverte, il faut à la classe ouvrière de l'organisation.

Pour que les grèves actuelles aient pu se produire, il y a eu, par conséquent, sinon un chef d'orchestre, tout au moins l'orchestre, c'est-à-dire, en l'absence d'une organisation centrale coordonnant le tout, des organisations qui se sont fait les interprètes de la volonté des travailleurs. Ces organisations, ce sont les syndiqués de base qui les ont fournies, soit sous forme de comités de grève, comme chez Renault, soit directement, sous forme de syndicats locaux, comme chez les cheminots.

C'est cette autre partie de la vérité que les chefs du P.C.F. et de la C.G.T. sont obligés de passer sous silence. Car c'est contre la volonté de toutes les bureaucraties, syndicales ou politiques, que les militants du rang de toutes les organisations ont appelé les travailleurs à entrer en lutte.

A la question que nous posions dans le n° 7 de La Voix des Travailleurs : "...la trahison de quelques milliers de bureaucrates sera-t-elle plus forte que la volonté de millions et de millions d'exploités ?", les travailleurs ont répondu !

Ils ont, grâce à leurs cadres de base, brisé la résistance de la bureaucratie syndicale contre l'action directe.

Mais, si l'orchestre existe, ce qu'il nous manque et ce qu'il nous faut absolument, c'est la coordination et l'unification du mouvement. Il faut à la classe ouvrière un chef d'orchestre.

Mais le chef d'orchestre d'une classe n'est pas tel ou tel personnage, "sauveur suprême". Ce sont les délégués de chaque usine, de chaque entreprise, de chaque chantier, qui doivent prendre directement contact entre eux. Et le comité central de chaque corporation doit désigner un représentant qui, uni aux représentants des autres comités centraux des autres corporations, formera une direction souple et efficace à la lutte d'ensemble.

Si, à la suite des cheminots, la classe ouvrière tout entière entre en lutte, et si elle s'unifie sous la baguette d'un seul comité central de grève générale, tous les espoirs seront permis désormais.

LA VOIX DES TRAVAILLEURS.


COMMENT S'EST PRODUIT LE MOUVEMENT DES CHEMINOTS

Le mouvement a été déclenché par les cheminots de base, c'est-à-dire que la grève avait commencé bien avant l'ordre d'arrêt total lancé par la Fédération. A part quelques cas isolés de "réfractaires", la grosse majorité des cheminots a accueilli la décision comme un soulagement : "Enfin, on se décide !" Enfin, le mécontentement, contenu pendant de longs mois, pouvait s'exprimer : le manque de pain a été la dernière goutte qui a fait déborder le vase et a fourni l'occasion de l'explosion dans un coin, Villeneuve-Saint-Georges. Et le mouvement s'est propagé comme une traînée de poudre. De même que chez Renault, il a suffi que le secteur Collas donne le signal pour que toute l'usine le suive ; de même, il a suffi que les cheminots de Villeneuve-Saint-Georges se mettent en grève pour qu'aussitôt la grève de la S.N.C.F. devienne générale.

Et, chez les cheminots, se retrouve également la même volonté ferme d'aller jusqu'au bout.

>On ne peut pas faire la grève tous les jours. Mais quand on la fait, c'est pour de bon !

C'est pour cela qu'ils redoutent tant les trahisons, en particulier celles des organisations syndicales. Ils ont vu ce qui s'est passé dans diverses usines et entreprises.

Dans la lutte, de nouveaux éléments, jeunes et vieux, se sont révélés particulièrement combatifs et capables d'initiative. De telles "découvertes", les ouvriers de chez Renault les avaient faites, exactement dans les mêmes circonstances, quelques semaines auparavant.

Or, l'analogie entre la grève de Renault et celle de la S.N.C.F. n'est pas une exception. Elle existe entre tous les mouvements grévistes actuels, des petites et grosses boîtes. Ce qui prouve que les grèves qui se déroulent en ce moment expriment bien moins des revendications corporatives qu'une volonté générale de changement.

Comme vis-à-vis de Renault, du gaz et de l'électricité, le gouvernement se montre inflexible devant les revendications des travailleurs. Par ailleurs, il essaie de briser la grève des cheminots en organisant le trafic par la route.

Pour riposter et tenir jusqu'au bout, le mouvement est encore muni de moyens de lutte insuffisants !

C'est ainsi, par exemple, qu'il n'existe pas de comité central de grève et que les grévistes n'éclairent pas suffisamment l'opinion publique au moyen d'une propagande par tracts, affiches, meetings, etc.

Nous écrivons le mardi 10 juin. Si les cheminots ne réussissent pas à entraîner dans la lutte toutes les masses travailleuses et à devenir les plus forts, le gouvernement, aidé par la Fédération nationale, essaiera de les épuiser par le chantage, la pression, les propositions, les votes, etc., pour les faire capituler.

Seule la grève générale de tous les travailleurs peut assurer la victoire de leurs revendications !

UN CHEMINOT


SEULE LA LUTTE PAYE !

Le mercredi 4 juin, les commis de la bureaucratie syndicale pour l'usine, Delame et Cie, ont organisé une manifestation d'une heure devant les bureaux de M. Lefaucheux. Ces gens ne pouvaient pas s'illusionner sur les résultats de cette manifestation : ils voulaient seulement se couvrir devant les ouvriers par une soi-disant action pour les 10 francs. Ils espéraient que leurs méthodes de calomnies et de division provoqueraient dans l'usine, la scission des travailleurs en deux camps opposés, au plus grand bénéfice d'eux-mêmes et de la direction patronale.

Mais leurs calculs ont été déjoués. Le comité de grève était là, avec les travailleurs qui lui font confiance et qui sont venus, malgré leur dégoût de se trouver au même endroit que les bureaucrates du syndicat des métaux. Ceux-ci n'ont même pas osé nous donner la parole. Nous étions là pour que tous les travailleurs de l'usine, ceux notamment qui ne sont pas encore partisans convaincus de l'action gréviste préconisée par nous, se convainquent dans la pratique sur la meilleure marche à suivre ; les résultats de la manifestation ne laissent plus aucun prétexte aux bureaucrates syndicaux pour de nouvelles

dérobades. Le lundi 9 juin, le comité de grève a lancé de son côté un appel. Les cheminots étaient entrés en lutte, et dans la journée de lundi, le conflit du gaz et de l'électricité a rebondi, confirmant le point de vue exprimé dans le tract. Le comité de grève a posé le problème dans ces termes : "...Nous voilà arrivés à la croisée des chemins : ou s'engager pour de bon dans l'action et remporter la victoire, ou capituler. Le comité de grève vous avait dit la vérité sur la volonté de lutte qu'il y a dans toute la classe ouvrière. SEULE L'OPPOSITION CRIMINELLE DES DIRIGEANTS CEGETISTES AVAIT EMPECHE LES AUTRES TRAVAILLEURS DE SE JOINDRE AUSSITOT A NOUS AU MOMENT DE NOTRE GREVE.

Mais aujourd'hui la volonté de lutte des travailleurs de base s'avère plus forte que le sabotage et la division de quelques milliers de bureaucrates. Après tant d'autres, les cheminots sont en lutte. Peut-être à l'heure où vous lisez ce tract, déjà, sans attendre, d'autres travailleurs que les cheminots sont entrés en action. ...Le gouvernement des 200 familles est acculé par la grève des cheminots ; déjà il a dû, en face du mouvement qui s'étend, renoncer à la réquisition. Poussons tous ensemble pour prendre de vitesse le gouvernement et les capitalistes : c'est le moment de les faire capituler !"

A l'heure où nous écrivons il apparaît clairement que les ouvriers de notre usine sont prêts à entrer en lutte. Mais ils voudraient être sûrs que toute l'usine sera unie et que, cette fois-ci, la victoire sera obtenue par un mouvement général. Ayant été à la pointe du combat, et isolés par les bureaucrates, les travailleurs de chez Renault manifestent ainsi une certaine hésitation à s'engager une deuxième fois à la tête des ouvriers de la Métallurgie.

Ce sentiment est tout naturel, en face des nombreuses difficultés qui proviennent, non pas du manque de force de la classe ouvrière, mais des agissements des dirigeants officiels. Cependant nous n'avons pas le choix. Car il faut faire cesser au plus tôt la division entre les différentes catégories de travailleurs et les différentes usines, qui fait que des travailleurs entrent en lutte, résistent un certain temps seuls, puis reprennent le travail, tandis que d'autres se mettent en mouvement ; c'est ainsi que la grève des cheminots a commencé au moment où celle des pétroliers a pris fin !

Le comité de grève a fait son devoir en lançant son appel et en montrant aux travailleurs le danger de cet état d'esprit. La lutte comporte des hauts et des bas, et les sacrifices ne peuvent pas être également répartis, pas plus que les avantages retirés de la lutte. Ainsi les ouvriers de chez Collas ont fait trois semaines de grève au lieu de deux, et ont été plus lésés du point de vue paie ; mais grâce à cette lutte qui a coûté plus de sacrifices à une partie des ouvriers, toute l'usine a eu les 1.600 francs. Seule la lutte peut donner à la classe ouvrière dans son ensemble un état de dignité et de bien-être conforme à son rôle dans la production.

Il y a quelques semaines notre grève a été une lutte d'avant-garde. Aujourd'hui il suffit de se joindre aux cheminots pour remporter la victoire.

Mais si les cheminots sont obligés à un compromis par l'absence d'une direction unifiée et la liaison directe avec les autres travailleurs, s'en est fait pour longtemps non seulement de nos véritables revendications - "vivre en travaillant" - mais aussi de nos libertés ouvrières : droit de grève, d'organisation, de réunion ! Ce sont les champions de la réaction et du coup d'Etat qui grandiraient sur notre défaite.

Mais les travailleurs de notre usine ne manqueront pas de s'engager dans la bonne voie, en dépit de toutes les difficultés.


RECONSTRUIRE PAR LA BASE

par P. BOIS

La nécessité d'un nouveau syndicat est devenue évidente pour une masse croissante d'ouvriers de notre usine, comme, du reste, pour les ouvriers de partout.

En effet, l'attitude antidémocratique de la bureaucratie cégétiste avait déjà, depuis de longs mois, détruit toute vie syndicale. Dans les réunions, on ne pouvait jamais discuter les questions qui intéressaient les ouvriers ; on ne discutait donc plus. Et les ouvriers ont fini par s'en désintéresser. Dans des sections qui groupaient des centaines et même des milliers de cotisants, les réunions syndicales se réduisaient à quelque 20 ou 30 fidèles. Finalement le nombre de cotisants lui-même a commencé à baisser considérablement.

La grève, en démasquant le rôle de la bureaucratie cégétiste comme celui de véritables jaunes, a montré que la question d'avoir une organisation syndicale à soi est non seulement vitale, mais urgente.

Comment fallait-il résoudre cette question ? La majorité des éléments les plus actifs pendant la grève a décidé de créer le "Syndicat démocratique de chez Renault", dont nous publions les statuts provisoires la prochaine fois.

Mais il y a des camarades qui ne pensent pas de même. Quel que soit leur nombre, nous ne voulons pas passer sous silence leur position, car c'est dans la confrontation et la discussion de toutes les positions que la classe ouvrière peut aller de l'avant.

Aujourd'hui, nous essaierons d'éclairer certains camarades qui pensent avoir résolu le problème en "adhérant" à une autre centrale syndicale existante, la C.N.T.

En fait, ces camarades n'ont retenu du syndicalisme que les habitudes anciennes, c'est-à-dire payer des cotisations et coller un timbre sur la carte d'une organisation, qui proclame des principes sur lesquels à peu près tout le monde peut être d'accord. Mais de quel secours la C.N.T., en tant que centrale syndicale, nous a-t-elle été pendant la grève ? D'aucun ! Tout a dépendu (et dépendra donc encore) de notre capacité de nous regrouper, dans l'usine même, par ateliers et départements, de soustraire les ouvriers dans tous les secteurs à l'influence des bureaucrates. Pour cela, il faut pouvoir opposer au patronat et aux bureaucrates des cadres meilleurs que les anciens, capables de représenter la volonté des ouvriers.

Le problème immédiat pour le mouvement ouvrier, c'est donc d'avoir de nouveaux cadres à la base même, sous le contrôle direct des ouvriers. On n'a donc rien résolu en adhérant à une autre centrale. Ce qu'il faut, c'est créer dans chaque département une nouvelle organisation appuyée sur la masse des ouvriers. C'est seulement quand on aura organisé un syndicat démocratique dans toute l'usine et que, dans d'autres usines, se créeront des syndicats de base démocratiques, d'où les bureaucrates seront chassés, que le problème d'une centrale, c'est-à-dire l'unité de ces divers syndicats de base, pourra se poser. Pourquoi les travailleurs de partout accepteraient-ils la direction de la C.N.T. actuelle ? C'est seulement une très petite minorité de la classe ouvrière qui est C.N.Tiste ! La direction centrale doit surgir d'en bas, appuyée directement sur les organisations de base, par le libre jeu de la démocratie.

De toute façon, quelles que soient les positions des camarades de l'usine, elles se vérifieront par la suite, dans la pratique ; pour l'immédiat, n'oublions pas que l'essentiel, c'est que tous les ouvriers se trouvent unis dans l'action, qu'ils se serrent fraternellement les coudes quelle que soit leur appartenance syndicale ou autre. La tâche la plus urgente ce n'est pas tellement de cotiser à une organisation de son choix, mais avant tout, quelle que soit cette organisation, de fournir aux travailleurs de nouveaux cadres dévoués, énergiques, instruits, honnêtes. C'est ce qu'ont compris de nombreux camarades, actifs pendant la grève, qui ont maintenant la volonté ferme de s'instruire pour pouvoir continuer le combat. Avec eux nous verrons des jours meilleurs.


LA TETE DU PELOTON

M. Lefaucheux, représentant du gouvernement et des "obligataires" capitalistes à la R.N.U.R., dans son article "Un coup dur", déplore la récente grève et sa conclusion est la suivante : "Il faut regonfler en vitesse et reprendre la tête du peloton". Pour lui, évidemment, tout ce qui compte, c'est que la 4 CV sorte et que la R.N.U.R. arrive en tête de la production automobile.

Par ailleurs, M. Lefaucheux déplore que la régie ait perdu 500 millions dans cette grève. Il se garde bien de faire remarquer que, s'il avait accordé immédiatement satisfaction aux ouvriers (qui réclamaient une augmentation générale de 10 francs de l'heure sur le taux de base), ces 500 millions auraient servi à payer cette augmentation pendant huit mois à tout le monde. Mais ce que M. Lefaucheux voulait à tout prix (nous le savons), c'était faire capituler les ouvriers. N'ayant pas réussi, il accumule les griefs contre eux, après coup : les véhicules qui auraient dû être exportés, dit-il, représentent 200.000 quintaux de blé. Mais comment se fait-il que le gouvernement (qui est, en fait, le patron des usines Renault), diminue notre maigre ration de pain juste au moment où la régie annonce une production journalière moyenne de 198,9 véhicules, encore jamais atteinte depuis la "Libération" ? Les ouvriers, qui ont fabriqué davantage d'autos, auraient donc dû recevoir davantage de pain, d'après ce raisonnement même de M. Lefaucheux. C'est pourtant juste le contraire qui s'est produit... Ce fait, parmi tant d'autres, nous laisse à penser que les 4 CV exportées servent de contre-partie beaucoup moins au blé destiné à la population française qu'aux devises, autos de luxe, voire canons, pour ces messieurs les capitalistes.

M. Lefaucheux ne peut rien faire lui-même pour les ouvriers : il se retranche derrière le gouvernement, qui favorise les riches, en autorisant toutes les hausses de prix aux magnats de l'industrie, et affame les travailleurs.

En entrant en lutte ouverte contre le patron et le gouvernement, pour l'augmentation des salaires, les ouvriers de chez Renault, eux, ont été effectivement "en tête du peloton". Soyez sûrs, monsieur Lefaucheux, qu'ils ne se laisseront pas dépasser ! Mais la bataille qu'ils engagent, ce n'est pas celle de la 4 CV ! C'est la bataille pour le droit à la vie, pour le minimum vital, garanti par l'échelle mobile des salaires, et le contrôle ouvrier !

Jean BOIS


DANS L'USINE


Aux roulements à billes, les cégétistes opèrent par la terreur. C'est ainsi qu'une ouvrière qui faisait circuler notre journal parmi ses camarades indécises, s'est vue prise à parti par les énergumènes du secteur qui se sont emparés d'un de nos numéros et l'ont brûlé. Ils ont pris pour prétexte que notre journal attaquait "le parti". Ceci, parce que nous dénoncions les viles méthodes de L'Acier qui a provoqué une brouille dans le ménage d'un ouvrier. Un ouvrier leur a répondu : "Ce n'est pas "le parti" qu'on attaque, mais nous dénonçons ces méthodes répugnantes."


Sommé de s'expliquer sur les calomnies portées sur un camarade du secteur 88, le délégué du 309, M. Gratterie, s'est proprement défilé, disant que "personnellement, s'il avait quelque chose à dire au camarade, il l'aurait fait, mais qu'il avait confiance en ceux qui avaient porté l'accusation".

Il est presque certain que ceux dont il est question, c'est tout simplement M. Gratterie ou son suppléant, M. Blanc. Car personne d'autre ne connaissait notre camarade.

Il est aisé de calomnier dans les tracts, d'une façon anonyme, mais devant les ouvriers, il est plus prudent de se défiler.


Lundi 2 juin, lorsque nous avons arrêté pour le pain, M. Lefaucheux nous a demandé qui avait déclenché le mouvement. Nous lui avons répondu : "Ce sont les ouvriers", et le délégué Langrenot du Dt 18 a ajouté : "D'ailleurs, la C.G.T. est d'accord". Ensuite, M. Delame, secrétaire syndical de Boulogne, a démenti le délégué qui, d'après lui, avait mal interprété ses paroles. N'empêche que le délégué était d'accord avec nous pour la grève pour le pain ; et quand il s'est présenté au comité d'entreprise, il s'est fait vertement rappeler à l'ordre et accuser de "marcher avec le comité de grève".


Le bruit court que Plaisance a été relevé de ses fonctions de secrétaire de la R.N.U.R. et remplacé par   Delame. De fait, on ne voit plus Plaisance et c'est Delame qui fait les fonctions. Mais a-t-on consulté les syndiqués sur ce changement de "direction" ?

En fait, la politique du syndicat consiste à affirmer que l'organisation ne se trompe jamais. S'il y a des fautes commises, ce sont les responsables de base ou même locaux que l'on accuse. Nous ne défendons nullement les bureaucrates à la Plaisance ; mais le véritable responsable, c'est la politique capitularde et antiouvrière des hautes sphères du syndicat.


Dignité ouvrière. – Un ouvrier du département 6, qui n'est plus syndiqué, s'est vu allouer un bon de 2 kilos de lentilles. Celui-ci est allé trouver le délégué avec un père de 3 enfants qui, lui, n'avait pas perçu de bon et lui a déclaré : "Je ne suis pas à vendre pour 2 kilos de lentilles."


En février dernier, une série de 28 tambours ne furent pas payés à l'atelier 8840, parce qu'une fois usinés, ils révélèrent des soufflures. D'ordinaire, la direction doit payer. Cette fois-là, elle refusa, et M. Blanc, délégué du secteur, promit de s'occuper de l'affaire. Depuis, plus de nouvelles. C'est seulement jeudi 5 juin qu'il réapparut, promettant à nouveau de s'occuper de ce paiement. Les élections de délégués approchent !...


En vue des élections. – Plusieurs camarades nous posent la question : "Faut-il s'abstenir ou voter blanc ?" Nous précisons que, d'après les lois en vigueur, le vote blanc ou l'abstention ont la même valeur. Nous préconisons le boycott aux deux premiers tours pour protester contre une loi antidémocratique. Abstention ou vote blanc, au choix de l'électeur.


PAYE MECANISEE. – Sous prétexte de "mécaniser" la paye, la direction veut imposer aux ouvriers des payes à date fixe (15-30 ou 31) au lieu de procéder comme actuellement tous les 14 jours. Ceci a pour conséquence, lorsque le jour de paye tombe un jour non ouvrable, de nous reculer notre paye. Par ce système il peut arriver que l'on soit près de trois semaines sans toucher de paye.

Déjà au département 8, où ce système a été mis à l'essai, nos camarades ont vivement protesté. Il est à noter que le comité d'entreprise est d'accord avec la direction, ainsi que les délégués qui ont donné leur approbation à un tel système.

C'est une nouvelle attaque aux conventions collectives qu'on veut nous imposer.

Partout où la direction tenterait des "essais" de ce genre, les ouvriers doivent s'y opposer.

Manifestez le jour de la paye normale si on n'est pas payé !


Qu'a fait la section syndicale avec les centaines de milliers de francs collectés partout dans les autres usines pour les grévistes de chez Renault ? Cet argent a-t-il été versé aux grévistes ? Pas du tout. En échange, la section syndicale impose aux ouvriers une boîte de conserve de viande de cheval (deux pour les syndiqués, une pour les non syndiqués) et promet des lentilles.

Les ouvriers se sont fait la réflexion : nous sommes assez grands pour savoir quoi acheter nous-mêmes, et si nous n'aimons pas les conserves américaines et les lentilles ? Quand les cégétistes se sont présentés aux ouvriers des autres usines, ils n'ont pas dit que la collecte était pour acheter des conserves, mais pour soutenir la grève ; or peut-on soutenir la grève en donnant des conserves après la grève ?

Cette histoire de conserves fait penser aux affaires d'intendance militaire... où les margoulins se livrent au trafic sur l'achat et la revente de la marchandise.


MEFAITS DE LA GREVE PERLEE

Chez Citroën, la section syndicale a décrété la grève perlée d'abord à 50% de rendement, et maintenant à 25%. A Javel, cette décision de la C.G.T. fut accueillie par des protestations et, à la précision, les ouvriers réclamèrent un vote pour la grève totale. Le vote eut lieu malgré les cégétistes et la majorité des votants se prononça pour la grève totale. Seulement la C.G.T. contesta le vote qui, d'après elle, ne remplissait pas le quorum ; il n'y avait eu que 200 votants sur 500 ouvriers (la C.G.T. ayant saboté le vote).

Après 15 jours de grève perlée, les ouvriers sont découragés.

Le patron tient ferme et ne veut rien céder. Les ouvriers se retrouvent avec une paie horaire de 10 et 12 fr., on signale des cas de 3,47. De plus en plus la mentalité est : reprendre le travail à plein rendement, ou faire la grève totale. Mais la C.G.T. s'y oppose.

Chez Chausson, quinze jours de grève perlée. Une réunion générale des quatre usines Chausson n'a rien donné, personne ne prenant la responsabilité d'une grève totale. Là aussi, la paie étant dérisoire, les ouvriers songent sérieusement à reprendre le travail, ou alors la grève. Mais la C.G.T. s'y oppose.

Même situation chez Unic

La grève perlée ne peut rien apporter aux ouvriers, sinon le découragement. Le patron n'est aucunement menacé dans ses privilèges. Son usine marche, se vide le soir. Il en reste le maître, peut lock-outer quand il veut. De plus les ouvriers sont laissés en butte à toutes les manoeuvres patronales. Ce n'est pas une méthode de lutte, mais de démoralisation.


COMMUNIQUE

Nous recevons de camarades de Bordeaux une copie de la résolution votée par le Syndicat des métaux de Bordeaux (C.G.T.) pendant notre grève, avec mission, par les organismes réguliers, de la faire parvenir au Comité de grève. Ces organismes ont jugé bon de la mettre au panier puisqu'elle ne nous a pas été transmise. C'est pourquoi nous la portons à la  connaissance des ouvriers.

Le Comité

Résolution

La section de l'Union des syndicats de la métallurgie de la région bordelaise (C.G.T.) des établissements Lebeque, réunie en assemblée générale, a adopté à la majorité la résolution suivante :

La section adresse son fraternel salut et l'assurance de sa solidarité aux ouvriers et au Comité de grève de chez Renault.

Elle formule le voeu que la grève justifiée par la différence entre les salaires et le coût de la vie soit une victoire totale et serve d'exemple à tous les travailleurs de la métallurgie.

Elle exprime son profond dégoût pour tous ceux qui, à un titre quelconque, ont essayé d'entraver sa bonne marche.

Elle félicité le Comité de grève d'avoir surmonté les épreuves du début.

Elle met en garde contre ceux qui, après l'avoir boycottée, s'y rallient bruyamment pour rétablir une situation que leur attitude avait fortement compromise et espère que les grévistes ne se laisseront pas prendre par ces manoeuvres grossières et sauront conserver l'initiative de leur mouvement.

Vivent les ouvriers et le Comité de grève Renault !

Vivent l'unité et l'indépendance syndicale !

Vive la C.G.T. !


MANŒUVRES DE DIVISION

Tout le monde s'accorde maintenant à reconnaître que si nous manquons des produits essentiels à notre alimentation, ce n'est pas par suite de la pénurie. On trouve partout du vin à partir de 80 francs le litre et ceux qui peuvent se payer du sucre à 300 francs le kilo n'en manquent jamais. Quant au fromage, malgré les maigres rations qui nous sont allouées tous les mois, les fabricants et les négociants en réclament la vente libre.

Pour la viande, puisqu'il a été impossible de la maintenir aux prix taxés, ces messieurs ont trouvé un moyen élégant de la faire disparaître de l'étal du boucher, pour qu'elle ne fasse pas inutilement envie aux ouvriers : ils la mettent en frigo pour l'hiver !...

Il y a déjà eu une histoire de ce genre, l'année dernière, pour le beurre. Pendant la période de production, il a été mis en frigo pour l'hiver. Et l'hiver venu, il y en avait tellement qu'on ne savait plus où le mettre. Alors, on l'a livré aux biscuiteries. Quant aux ménagères, elles ont dû se contenter de leur maigre ration habituelle.

Si donc ces produits nous sont distribués avec parcimonie, c'est uniquement parce que, avec nos salaires, nous ne pourrions pas les payer si leur vente était libre. On nous fait donc l'aumône d'une petite ration à bas prix, pour que nous nous tenions tranquilles... comme on jette un os à un chien.

Quant au pain, on veut faire croire aux ouvriers que, s'ils en manquent, c'est la faute aux paysans qui ne livrent pas leur blé.

Pour permettre à nos patrons de nous faire trimer avec des salaires de famine, on oblige le paysan à livrer son blé au-dessous de son prix de revient.

"Si on augmente le prix des produits agricoles, leur dit le gouvernement, les ouvriers vont revendiquer des augmentations de salaire ! L'inflation augmentera."

Ainsi, pour permettre aux capitalistes d'accroître leurs profits démesurés, on ruine les paysans et on affame les ouvriers. Car le petit paysan renonce à produire une marchandise qu'il écoule à perte.

Sans compter que les petites entreprises agricoles sont absolument dépourvues de machines agricoles.

Le Monde du 1er juin explique que les emblavures de printemps, pour compenser les pertes provoquées par les gelées de l'hiver, n'ont pu âtre faites que dans les grosses exploitations, car elles seules disposent de machines agricoles.

Pendant ce temps, chez Renault, on dit aux ouvriers : "Il faut produire, travailler encore et alors l'abondance reviendra."

Le retour de l'abondance, c'est fabriquer des voitures de luxe pour l'exportation, puis avec les devises acquises, acheter des matières premières et du charbon pour fabriquer de... nouvelles voitures de luxe que l'on exportera à nouveau. Et le paysan, devant ses champs, attend les tracteurs qui lui permettront de semer du blé pour éviter la famine...

Mais quand la famine menace, ceux qui en sont responsables tentent de dresser les ouvriers contre les paysans et les paysans contre les ouvriers, afin de détourner leur colère de leur véritable ennemi commun : le gros capitaliste, qu'il soit industriel ou agricole.

DURIEUX


CAMARADES,

La Voix des Travailleurs de chez Renault, plus qu'aucun autre organe, exprime la volonté des ouvriers de chez Renault. Mais pour qu'elle puisse bien remplir son rôle, il lui faut des moyens techniques appropriés.

Notre principale ressource est la vente. Il ne suffit pas que La Voix circule. Il faut aussi qu'elle soit payée. Que chacun conserve son journal et en achète d'autres exemplaires pour les faire circuler ! D'autant plus que la collection constituera, pour chaque camarade, un moyen de travail indispensable.


Adresser toute correspondance, abonnements et mandats par poste à Jean Bois, 65 rue Carnot, Suresnes (Seine).

Rendez-vous de 18h à 20h : café-tabac «Le Terminus» 
angle r. Collas av. Edouard Vaillant. M° Pont-de Sèvres


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