1947

L'EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L'ŒUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES
Nº 17 – Prix : 3 francs


La Voix des Travailleurs de chez Renault

Barta

3 septembre 1947


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LES DONNEURS DE PURGE

La France est gravement malade et les rebouteurs s'acharnent à lui donner le coup de grâce.

Faute de pouvoir assurer la subsistance des travailleurs, le gouvernement annonce de nouveaux textes de lois contre les fraudeurs et les accapareurs. Mais les fraudeurs et les accapareurs savent qu'au-dessus d'un certain nombre de dizaines de millions il n'y a plus de lois. Pas un seul de leurs cheveux n'a été touché, quels qu'aient été les hommes au pouvoir depuis le début de la guerre. Ne constituent-ils pas, en effet, le plus bel ornement du système économique capitaliste basé entièrement sur le profit et le pillage ?

Le P.C.F. n'a pas meilleur remède à proposer. Puisque tout le mal vient du "glissement à droite", il n'y a qu'à faire cesser leur éviction du gouvernement. Comme si tous les gouvernements auxquels ils ont participé sans interruption depuis la chute de Pétain n'avaient pas fait absolument la même chose que ce que fait - mais sans eux - Ramadier. Simple question d'étiquette sur le même flacon vide. Factice, messieurs les dirigeants du P.C.F., votre politique "à gauche" !

M. De Gaulle, qui n'a pas pu nous sauver en tant que chef du gouvernement, se sent d'autant mieux disposé à faire le métier de Sauveur, dans l'opposition. S'il ne sait pas mieux que les autres comment faire pousser le blé, avec lui au moins régnera l'Ordre : comment empêcher les gens qui serrent leur ceinture de protester, de manifester ou de faire grève ? Pour cela on peut compter sur lui. Croyez en Lui et vous mangerez... ne fût-ce qu'au paradis !

De quoi s'agit-il ? De "malheurs" contre lesquels personne ne peut rien, comme le prétend M. Ramadier pour justifier son impuissance ? D'incapacité, comme l'accusent ses adversaires - complices ? Ni de l'un ni de l'autre. Car si le blé n'a pas poussé cette année (pas faute de pluie en tout cas, car il n'a pas été semé), il avait bien poussé l'année dernière ; cela ne nous a pas empêchés pendant des mois de manger du pain "aux oeufs" ! Et s'il n'y a pas de pain, il y a autant de viande qu'avant guerre ; POURQUOI NE MANGEONS-NOUS PAS DE VIANDE ?

Le gouvernement répond : "Les prix montent". Et pour les faire baisser, il ferme les boucheries ; comme cela, A CONDITION QUE LES TRAVAILLEURS N'EN MANGENT PAS, la viande sera bon marché... pour les riches !

Mais ce que le gouvernement ne veut avouer, un journaliste bourgeois peut sans crainte le discuter avec les hommes de sa classe. M. Tardy, dans Le Monde (31 août), écrit : "Le problème du ravitaillement, sauf pour le pain, l'huile... n'est plus un problème de quantité mais de PRIX et AVANT TOUT de stabilité monétaire" ! Par les bas salaires et l'inflation la classe ouvrière et les gagne-petits sont tellement appauvris QU'ILS NE PEUVENT PLUS MANGER DU FRUIT DE LEUR TRAVAIL ! Voilà l'origine DE CLASSE des catastrophes actuelles. Elle n'est pas plus dans la nature que dans la stupidité des gouvernants. Si ces derniers offrent aux riches la protection totale de leurs profits - en les protégeant contre l'impôt, en facilitant l'évasion des capitaux, en menant la guerre en Indochine pour défendre les magnats du caoutchouc, en consacrant 40% du budget total aux dépenses de guerre pour protéger leurs autres rapines dans le monde – que leur reste-t-il à offrir aux pauvres, sinon de leur imposer toutes les charges que cela comporte ?

Pour améliorer la situation des classes laborieuses, il n'y a pas d'autre solution que de renverser entièrement la vapeur. Il faut une politique en faveur des masses : imposer les riches, confisquer leurs bénéfices et super-bénéfices de guerre, cesser immédiatement la guerre fratricide contre le peuple indochinois, réduire immédiatement au moins de moitié le budget de guerre !

On n'arrêtera pas l'hémorragie inflationniste dont souffre la France au profit des riches en administrant, comme les rebouteurs de Molière, des purges aux travailleurs : impôts nouveaux, hausse des prix, gaspillage effréné, spéculation. Les grèves de chez Peugeot, de Brest, de Rouen, les protestations de partout – en dépit des cris et des intimidations morales et matérielles de tout ce qui vit du travail de l'ouvrier – prouvent que les travailleurs sont tout à fait décidés à renverser la vapeur.

LA VOIX DES TRAVAILLEURS


"L'EXODUS", C'EST NOTRE PROPRE DRAME

La tragédie des Juifs parqués dans les bateaux-cages anglais a ému vivement tous ceux que la pourriture du capitalisme n'a pas encore ramenés au cannibalisme des premiers âges.

C'est en premier lieu les travailleurs qui sont sensibles à de semblables atrocités.

Comment en serait-il autrement ? La tragédie des Juifs en tant que peuple, de même que celle des autres nationalités opprimées, les Indochinois, les Algériens, les Hindous, les Indonésiens, n'est que l'avers de la médaille dont le revers est la misère inouïe et les longues heures de travail pour l'ouvrier ! Le sentiment, ici aussi, ne fait qu'exprimer le fait qu'un même destin unit l'exploité et l'opprimé, qu'ils sont tous les deux victimes du même bourreau : le capitalisme !

Mais les dirigeants officiels de la classe ouvrière, tout en étalant leur indignation à bon marché, ont complètement passé sous silence le fait que le gouvernement français n'a pas offert aux Juifs de L'Exodus l'hospitalité, c'est-à-dire le droit de libre séjour et de travail, mais de NOUVEAUX CAMPS.

Ce n'est qu'une fois les bateaux partis que le gouvernement, vassal de celui de Londres dans cette question, comme dans bien d'autres, a fait de nouvelles propositions, guère meilleures et même hypocrites, puisque venant trop tard : les condamnés de Hitler et de Attlee vont être débarqués de force dans leurs anciens camps par les soldats de Sa Majesté britannique !

Droit d'asile, droit de séjour en tant que travailleurs libres, pour les victimes de l'impérialisme ! Avec l'aide des ouvriers français, conscients, ils doivent pouvoir contribuer, par le travail et la solidarité, à renforcer la classe ouvrière française et à relever, avec eux, le pays des ruines innombrables de la guerre !


LES PALABRES NE NOURRISSENT PAS LE TRAVAILLEUR

Tandis que de nouvelles hausses de prix entrent en vigueur par "autorisation gouvernementale", la hausse des salaires de 11% prévue par l'accord C.G.T.-patronat reste à l'état de controverse dans les journaux.

Les travailleurs de notre usine se demandent s'ils vont finalement toucher quelque chose, d'autant plus que notre situation matérielle est encore plus précaire qu'avant les vacances.

Malgré les accords, c'est seulement après grève que les ouvriers de l'arsenal de Brest viennent de toucher 1.000 francs d'acompte sur l'augmentation, pour le mois d'août. A Sochaux, chez Peugeot, c'est à la suite de la grève également que le patronat procède à la "mise au point" des accords.

Si tout le monde touchera de l'argent, les commentaires embrouillés des journaux n'arrivent pas à nous le dire, pour la bonne raison que les patrons se réservent la possibilité de ne donner quelque chose que LA OU ILS SERONT OBLIGES DE LE FAIRE.

Il est donc certain que si nous laissons les "trois larrons" interpréter les textes de leur accord, nous ne toucherons rien ou peu de chose ; il s'agit de ne pas laisser au bon plaisir de ces messieurs l'interprétation des accords concernant notre usine.

Il y a quatre mois, nous nous étions mis en grève pour les 10 francs, qui étaient une revendication plus que modeste. Les 10 francs d'augmentation horaire étaient en fait insuffisants pour sauvegarder la santé du travailleur. Ajoutés à notre salaire, cette augmentation était en effet de 20% en dessous du minimum vital calculé par la C.G.T. pour le mois de décembre 1946 ! Et cependant, POUR LEUR PROPRE CHIFFRE, LES DIRIGEANTS CEGETISTES N'ONT PAS ETE CAPABLES ET N'ONT PAS VOULU SE BATTRE A COTE DES OUVRIERS. Ils ont brisé notre unité et se sont opposés à notre revendication de dix francs, sous prétexte qu'en reprenant le travail avec 3 frs., nous aurions ensuite les 10 francs à partir de mai, par voie de négociations.

Aujourd'hui on n'en parle plus. Il est certain que les 11% actuels aussi (et la C.G.T. avait commencé par demander 14%) auront le même sort si les travailleurs de l'usine ne font rien pour les arracher.

Si les organisations syndicales de l'usine, la C.G.T. et la C.F.T.C., ne sont pas des agents du patronat, comme elles s'en défendent, alors qu'elles le prouvent ! Qu'elles mettent tous leurs moyens en oeuvre, qu'elles s'unissent au S.D.R., et qu'ensemble tous les travailleurs de l'usine agissent auprès de la direction pour augmenter les salaires de 11% SUR LE SALAIRE REEL PAYE ACTUELLEMENT AVEC RAPPEL DU MOIS DE JUILLET (date de la conclusion des accords avec le patronat).

D'autre part, la politique gouvernementale contre laquelle protestent publiquement, tous les jours, les dirigeants de la C.G.T., vient de faire augmenter de 28% les prix de l'automobile. Or il ne s'agit pas seulement d'augmenter les salaires, mais de faire baisser les prix.

>L'Humanité elle-même (qui défend sans réserve les entreprises "nationalisées"), affirme qu'il n'y a à cette augmentation pas l'ombre d'une justification. Mais si cette augmentation, comme tant d'autres, n'est pas justifiée, que fait le comité d'entreprise ?

Dans notre usine, pour une question relativement secondaire comme la cantine, le Comité d'entreprise et la C.G.T. avaient connaissance depuis des mois d'une véritable escroquerie sur le prix payé par les ouvriers, et cependant ni le Comité d'entreprise, ni la section syndicale cégétiste n'ont rien dit ; c'est seulement après l'intervention du S.D.R. que les agissements patronaux ont été dévoilés.

Les ouvriers exigent, maintenant qu'ils savent que des choses leur sont cachées parce qu'on a tout intérêt qu'ils ne les sachent pas, qu'on les leur fasse connaître.

Si la révision en baisse des prix et leur vérification par les organisations syndicales, prévues par l'accord C.G.T.-patronat ne sont pas une tromperie, que toutes les organisations syndicales de l'usine AGISSENT ENSEMBLE et EXIGENT LE CONTROLE SUR LES LIVRES DE COMPTES DE LA REGIE.

Le Comité d'entreprise, qui a déclaré connaître des données intéressant la production et la comptabilité de la régie, doit les porter à la connaissance des travailleurs. Car de deux choses l'une : ou les données concernant l'établissement des prix lui sont connues et il doit les soumettre à la connaissance et à la vérification des ouvriers, ou s'il ne les connaît pas, l'action conjuguée de toutes les organisations syndicales de l'usine, appuyée sur la masse des ouvriers obligera la direction à ouvrir ses livres de comptes.

Car il ne s'agit pas là seulement de notre sort dans l'usine mais du sort de tout le pays. Si on ne procède pas à ce travail de contrôle sur les livres de comptes dans TOUTES LES ENTREPRISES, ce n'est vraiment plus la peine de parler de baisse, ni de protester plus longtemps verbalement, contre la politique patronale et gouvernementale de hausse des prix. Les palabres ne nourrissent pas le travailleur.


LAISSERONS-NOUS LA DIRECTION PRENDRE SA REVANCHE ?

par Pierre BOIS

La crainte de la riposte des ouvriers a fait échouer les plans de la direction à l'égard des dirigeants du S.D.R., contre lesquels elle avait monté il y a huit jours une provocation visant à leur mise à la porte. Obligée de reculer, elle essaie maintenant de frapper les ouvriers sur un point où elle espère, grâce aux préjugés existants, rencontrer de leur part moins de vigilance. Sous un motif d'apparence légale, elle vient de mettre à la porte le camarade Lopez, du secteur Collas, ancien membre du comité de grève. Mais de même que les prétextes invoqués contre les dix ouvriers convoqués la semaine dernière devant M. Duten étaient de purs mensonges, le prétexte invoqué pour la mise à la porte de Lopez est un acte de pur arbitraire patronal.

Pourquoi la direction ne s'est-elle pas aperçue que le camarade Lopez n'avait pas ses papiers en règle quand il a été embauché il y a un an et demi ? Pourquoi s'en aperçoit-elle maintenant ?

C'est que le camarade Lopez, malgré les risques spéciaux qu'il encourait, a été parmi les premiers à se mettre en avant dans notre grève. Tout en sachant qu'il pouvait, en raison du régime spécial fait aux travailleurs étrangers, rester avec sa famille sans travail et sans pain, il a lutté courageusement à nos côtés, jouant un rôle actif dans le comité de grève et assurant toutes les tâches qu'il fallait remplir pour faire aboutir notre mouvement. Quant à son passé, il a participé à la révolte des Asturies en 1934, il a fait la guerre civile en Espagne contre Franco, il a subi à la suite de celle-ci l'exil en Belgique et en France, et les camps de concentration. En tant qu'ouvrier conscient et combatif, il n'est évidemment pas pour plaire à la direction.

Tolérer cet acte d'arbitraire patronal vis-à-vis du camarade Lopez, c'est tolérer une provocation contre nous tous, car c'est en tant qu'ouvrier combatif, et qui a joué un rôle actif dans notre grève, que le camarade Lopez vient d'être visé par la direction. Les brimades répétées de ces derniers temps contre tous les ouvriers, et notamment les plus combatifs, l'ont suffisamment prouvé.

En conséquence, tous les travailleurs, quelles que soient leurs opinions, doivent s'élever pour le défendre.

Pour nous-mêmes, il ne s'agit pas de défendre un partisan de notre journal, car ce camarade est en désaccord avec nous sur de nombreuses questions et nous a fait maintes fois des critiques. Mais il représente pour nous exactement ce qu'il doit représenter pour n'importe quel travailleur de l'usine : un ouvrier conscient capable de nous aider dans notre lutte ouvrière, qui n'est pas toujours facile, loin de là !

Aussi la solution de ce cas est-elle pour nous aussi importante que toute autre question qui concerne notre défense vis-à-vis du patronat : nous ne pouvons en aucun cas la considérer comme classée. Toutes les organisations syndicales de l'usine, si elles sont ouvrières et non pas patronales, doivent s'en saisir comme nous-mêmes.

Le camarade Lopez travaillait depuis un an et demi dans l'usine et d'autres ouvriers espagnols y travaillent encore dans les mêmes conditions que lui-même jusqu'à présent. Lopez doit donc être réintégré en usine sur la base actuelle, que la Direction fasse immédiatement les démarches nécessaires pour l'obtention de sa carte de travail qu'on lui refuse sans aucun motif légal.

Par ailleurs, les tentatives de la Direction contre le S.D.R. et l'attaque contre le camarade Lopez, indiquent jusqu'à l'évidence de quelle importance est, pour les ouvriers, le fait de pouvoir exercer leur contrôle sur l'embauche et la débauche. Tous les ouvriers, de chaque département, doivent avoir le droit de décider eux-mêmes par un vote à la majorité absolue, si tel ouvrier, auquel on ne reproche pas de fautes professionnelles, doit être maintenu ou renvoyé de l'usine. C'est là une garantie que les travailleurs doivent exiger, pour empêcher la Direction d'éliminer les meilleurs d'entre nous, alors qu'elle ne se gêne pas pour introduire des agents à elle. C'est ainsi que les camarades de chez Bernard nous ont informés que sous un prétexte de manque de travail, la Direction a mis à la porte 80 ouvriers, en choisissant évidemment les plus combatifs, et notamment tous les ouvriers anciens membres du Comité de grève.

Que M. Lefaucheux et ses collaborateurs veuillent bien se le dire : dans la situation actuelle, encore moins qu'hier et aussi peu que demain, les travailleurs de notre usine sont prêts à se laisser marcher sur les pieds.


L'ACIER RETROUVE SA VOIX...

Le pauvre Acier, organe des cellules du P.C.F. dans l'usine, était bien malheureux ces temps derniers. Des gens, qui n'étaient pas "dans la ligne", avaient tout d'abord déclenché dans l'usine une grève qui a été un exemple d'insoumission pour toute la classe ouvrière ; ensuite, par-dessus le marché, ils ont organisé un syndicat qui ne les laisse pas continuer leur "lune de miel" avec la direction !

Il fallait de toute urgence trouver quelque chose pour détourner les ouvriers de ces "trouble-fête". Seulement, rien à se mettre sous la dent, rien pour bourrer le crâne ! Attaquer le S.D.R. et ses dirigeants dans un article sur le "syndicalisme pur" ou en contestant le calcul sur les voix revenant au S.D.R. dans les élections de délégués, quelle misère !

Enfin, dans le numéro 14 de La Voix, une aubaine pour ces messieurs : nous y avions pris la défense d'une ouvrière qui s'était liée à un prisonnier allemand ! L'heureux Acier ! Un collaborateur anonyme peut maintenant y déverser intégralement le produit naturel de son cerveau : calomnies, injures et confusion...

Si on ne peut offrir aux travailleurs un bilan d'activité en leur faveur, comment donc les détourner de "Bois et ses séides" ? Tout simplement en leur donnant le change par quelques aboiements à la Hitler, sur la corde du chauvinisme : L'OUVRIER allemand prisonnier n'est pas un homme, il fait partie d'une "race maudite", la "race allemande". Donc, par voie de conséquence, ayant défendu l'ouvrière et le prisonnier, La Voix a défendu des "kollaborateurs" (avec K !)

Que 13.000.000 de voix, c'est-à-dire celles de presque toute la classe ouvrière allemande, se soient prononcées contre Hitler en 1933 SOUS LA TERREUR OUVERTE, ces messieurs oublient simplement de le rappeler. Que dans les premiers camps de concentration allemands ouverts dès 1933 ce sont des centaines de milliers d'Allemands qui y ont été enfermés, motus ! Que la classe ouvrière allemande ait succombé sous Hitler comme les travailleurs espagnols sous Franco, c'est-à-dire après des combats innombrables (notamment de 1918 à 1923) motus encore !

Que la victoire de Hitler sur les travailleurs allemands ne diminue pas plus ces derniers que ne nous diminua notre défaite sous Daladier et Pétain, qui, eux, ont trouvé une majorité DANS LE PARLEMENT "REPUBLICAIN" ELU EN 1936 SOUS LE "FRONT POPULAIRE", n'en soufflons mot ! Que les gens de L'Acier aient "collaboré" (et un C ne vaut pas mieux qu'un K !) avec le nouveau Pétain qu'est De Gaulle, faisons-le oublier !

Mais si les ouvriers allemands sont de la "race maudite", pourquoi la C.G.T. a-t-elle donc décidé d'accueillir les prisonniers transformés en "ouvriers libres" ? Répondez à cela, gros crapauds, au lieu de baver !

Ces pauvres gens de L'Acier QUI NE SIGNENT PAS LEURS ORDURES, s'imaginent qu'on peut salir impunément tous ceux qui ne sont pas "dans la ligne".

Mais tant que vous fraterniserez avec les banquiers de la Cagoule et des récents complots, nous voulons dire le C.N.P.F., les ouvriers se détourneront de vous. Ou vous êtes avec les ouvriers, ou avec le patronat. On ne peut pas servir les deux à la fois !

Un bon conseil : plutôt vous rompriez avec la collaboration de classes, plutôt vous retrouveriez la confiance des travailleurs. Mais si vous en étiez capables, vous ne recoureriez pas aux calomnies. Votre langage est à la mesure de vos actes !

Jacques RAMBOZ

P.S. - Pour appuyer ses dires, L'Acier nous dit inspirés par le journal La Vérité. Sur la question des ouvriers allemands, La Vérité, comme nous-mêmes, défend en effet la seule position digne de militants ouvriers : sur CETTE  question s'il fallait choisir entre L'Acier et La Vérité, aucune hésitation n'est possible. Cependant nos positions concernant la lutte de tous les jours n'ont, dans certains cas, rien de commun avec celles de La Vérité. C'est ainsi que cette dernière (dans un style qui n'a rien à envier à celui de L'Acier), écrit au sujet du "syndicat démocratique Renault" : La constitution de syndicats autonomes fait le jeu des éléments les plus réactionnaires au sein du mouvement ouvrier. Notre camarade Bois y est dénoncé comme étant en liaison avec les éléments jaunes des groupes socialistes d'entreprises qui, lors de la grève Renault, marchaient avec Lefaucheux. (La Vérité, 18 juillet 1947).

Les rédacteurs de La Vérité, malgré leur bonne volonté "révolutionnaire", sont des gens fréquentant la "crème" de la petite bourgeoisie et ne savent, par conséquent, rien de ce qui se passe réellement au sein de la classe ouvrière : autrement, ils n'auraient jamais osé écrire de pareilles bêtises !!!

En réalité, nous nous inspirons des idées exprimées jusqu'au mois d'avril, par le journal La Lutte de classes, que de nombreux ouvriers de l'usine connaissent, pour l'avoir lu ou, sans le lire, défendu contre les agresseurs du P.C.F. qui voulaient en empêcher la vente. Que L'Acier cite donc La Lutte de classes, qui a paru, sous l'occupation, depuis le 15 octobre 1942, pour lutter contre la déportation de travailleurs, l'occupation et la guerre impérialiste (pas seulement celle de Hitler-Mussolini, mais également celle de Churchill-Roosevelt !) Nous tiendrons à la disposition des ouvriers qui le désirent la collection complète. Peut-être aurons-nous l'occasion d'en reproduire des articles, si la place nous le permet. Chacun pourra juger en toute connaissance de cause.

J.R.


RETOUR AUX 40 HEURES !

Alors que le ravitaillement devient de plus en plus médiocre, que les ouvriers sont acculés à un standard de vie de disette, on parle dans notre usine de faire 12 heures par jour, on a même parlé dans certaines équipes d'instaurer le système de deux fois 12 (12 heures de jour, 12 heures de nuit).

Au lendemain de notre grève, on a profité de notre manque d'argent pour nous imposer 10 heures de travail par jour. La plus grosse partie d'entre nous, travaillant 10 heures et 10 heures et demie, et 8 heures le samedi, en arrive à des semaines de 50 et 60 heures. Sans compter que l'intensité de travail a considérablement augmenté : de 70 minutes à 72 minutes dans l'heure, que nous faisions l'an dernier, nous en sommes arrivés à 80 et 85 minutes, certains même dépassent les 90 minutes.

La politique du "produire", inaugurée par la C.G.T. (augmentation du rendement et heures supplémentaires), s'est-elle traduite pour nous par une augmentation de notre pouvoir d'achat ? Bien au contraire.

Avec 60 heures d'un travail mené à une cadence record, nous en sommes arrivés à nous nourrir de pommes de terre et de 200 grammes de maïs.

Avant la guerre, avec 40 heures de travail nous vivions relativement bien. En 1945, avec 45 heures de travail, au sortir d'une guerre épuisante pour la classe ouvrière, notre pouvoir d'achat était plus élevé qu'aujourd'hui.

En 1946, la journée de travail augmente encore, mais le standard de vie des ouvriers diminue, bien que la production ait triplé.

Le patronat essayant d'extorquer aux ouvriers toujours davantage de travail pour un salaire plus faible, en fait plus l'intensité du travail est grande, plus la journée de travail est longue et plus les ouvriers sont malheureux.

Ceux qui ne font pas d'heures supplémentaires ont un salaire réduit et crèvent de faim, mais ceux qui font des heures se crèvent à la tâche, donnent une grosse partie de leur sueur sous forme d'impôts et finalement tombent malades, ce qui a pour conséquence de les priver de leur salaire.

C'est ce qui se passe actuellement en Angleterre où les mineurs en sont arrivés à déserter les mines plusieurs fois par semaine, ou ils entrent en grève pour réagir contre l'offensive patronale qui veut augmenter le rendement. Dans les charbonnages de Gremethorpe, 2.682 mineurs sont entrés en lutte parce que la direction des mines nationalisées avait voulu porter de 6 m. 30 à 6 m. 90 la longueur de la veine de charbon à abattre par mineur et par jour.

Bien souvent, si les ouvriers ne luttent pas, c'est parce qu'ils croient plus économique d'augmenter leur travail que d'engager la bagarre. Or si les efforts qu'ils font pour le patron leur donnent l'impression d'un résultat immédiat (un peu plus d'argent à la paye) ces efforts engagés dans une lutte antipatronale leur permettraient d'imposer un pouvoir d'achat normal avec un temps de travail limité.

En Russie, en février 1917, les ouvriers luttaient pour les 8 heures. Après 8 heures de travail, sans se soucier des règlements ni des lois, tous ensemble ils quittaient l'usine.

Les patrons étaient bien obligés de leur donner un salaire leur permettant de vivre, pour qu'ils puissent revenir le lendemain à la tâche.

Actuellement, beaucoup d'ouvriers pensent qu'il ne faudrait pas accepter les heures supplémentaires, mais ils les font parce qu'ils croient qu'ils seraient les seuls à suivre cette voie et qu'ainsi ils s'en trouveraient victimes.

Limiter la journée de travail, cela suppose une entente de tous les ouvriers. Il faut nous habituer à nous réunir et à prendre tous ensemble des décisions. Si actuellement on décidait de quitter tous l'usine après nos 8 heures de travail, qui est la journée de travail légale, le patronat serait bien obligé de nous donner un salaire qui nous permette de vivre au moins comme maintenant, car il y a un minimum au-dessous duquel il ne peut pas descendre.

Avant la grève, tout le monde pensait : "On ne pourra jamais faire grève. Il y en aura trois qui marcheront et dix qui travailleront." Et pourtant nous l'avons faite !

Si nous voulons revenir aux 40 heures, il suffit de le vouloir.

Il s'agit de savoir si nous sommes prêts à travailler toujours un peu plus avec le ventre toujours un peu plus vide ou si nous sommes décidés à engager la bataille pour la limitation de la journée de travail avec un salaire nous permettant de vivre.

Jean BOIS


 

La Voix écrivait, le 12 août 1947 (les trois larrons) : "L'entente C.G.T.-Patronat n'est qu'une assurance mutuelle contre l'action revendicative indépendante des travailleurs". C'est ce qui est démontré clairement par la grève Peugeot, à Sochaux, qui a surgi à la base, contre la volonté des bonzes. Aussitôt ces messieurs de la direction de la C.G.T. se sont mis en branle... pour s'entendre avec le patronat pour briser le mouvement.

Aux forgerons et aux ouvriers des ateliers d'estampillage, instigateurs de la grève, qui réclamaient 15 francs de l'heure, on accorde généreusement 15% (ce qui doit faire la moitié !) et au reste de l'usine, l'application de l'accord C.G.T.-C.N.P.F., c'est-à-dire 11% !

Alors que le mouvement menaçait de s'étendre, et le patron pris à la gorge ne pouvait que capituler, ces messieurs ont fait la même besogne qu'ils ont faite depuis la vague gréviste commencée par notre mouvement : diviser pour régner, eux... et les patrons.

Les travailleurs ont voté, malgré toutes les pressions, la continuation de la grève par 5.000 voix contre 1.700 environ, mettant ainsi en échec "l'assurance mutuelle" C.G.T.-patronat.

H. DURIEUX. 

 


DANS L'USINE...


MISE AU POINT

Au sujet de notre article "Misère des ouvriers" dans notre numéro du 20 août, où nous relations qu'un ouvrier se trouvant dans la gêne avait dû se présenter cinq fois au bureau pour toucher ses mille francs, la service du pointage s'est cru visé et nous demande de préciser qu'il n'est pour rien dans cette affaire, tout ce qui était administrativement possible ayant été fait.

Il va de soi que nous n'avons voulu en aucune façon incriminer les pointeaux qui sont des salariés, mais accuser un régime social dans lequel ceux qui travaillent sont traités avec tant de mépris.


UN FONCTIONNAIRE INUTILE

Parmi la kyrielle de gardes-chiourme et chicaneaux dont disposent nos exploiteurs, il existe un certain "Monsieur-l'Inspecteur-du-Travail", qui se soucie bien plus d'aider le patron à brimer les ouvriers, plutôt que de veiller à l'application des rares lois qui régissent l'hygiène à l'usine, comme il est censé le faire.

Ainsi, un jour, ce monsieur supprime, sans rime ni raison, la carte T 3 à certains travailleurs. Une autre fois, Monsieur-l'Inspecteur-du-Travail fait mettre un ouvrier à la porte, sous des prétextes toujours faciles à trouver, pourvu que cela arrange la direction. Il donne son "autorisation" favorable - ou ne la donne pas - si quelqu'un veut changer d'usine. Il est toujours prêt à "intervenir" pour "entrave à la liberté du travail" lorsqu'un groupe d'ouvriers entre en conflit avec le patron (nous l'avons bien vu lors de notre grève).

Or, si ce monsieur veut contrôler et inspecter quelque chose, qu'il vienne donc plutôt visiter les vestiaires dégoûtants, pleins de puces et de rats, ou fourrer son nez dans les W.-C.. bouchés.

Chacun à sa place, Môssieu-l'Inspecteur-du-Travail


DUPERIE PATRONALE

Aux ressorts, département 31, la direction, très "démocratiquement" a demandé aux ouvriers s'ils préféraient faire 10 heures et demie par jour et repos le samedi ou bien faire 9 heures et demie en travaillant le samedi.

Les ouvriers se sont laissés duper par cette machination patronale en acceptant de faire 10 heures et demie par jour plutôt que de venir le samedi.

Ce que cherchait la direction, c'était de faire admettre la journée de 10 heures et demie en ayant l'air de faire une concession, alors qu'elle n'en fait aucune, puisque le samedi est toujours considéré comme journée non ouvrable.

Maintenant que les 10 heures et demie sont avalées, on demande aux ouvriers de venir néanmoins le samedi et actuellement une bonne moitié des ouvriers fait plus de 60 heures.


SOLIDARITE OUVRIERE

Au département 31, des ouvriers font une collecte pour un de leurs camarades qui est malade.

– Moi, dit un cégétiste, je ne donne rien pour un "salopard" qui a fait la propagande du Comité de grève...

Le lendemain, on présente une nouvelle collecte pour un cégétiste qui est malade à un membre du S.D.R.

– Moi, je donne vingt francs. Entre ouvriers, on doit se soutenir. La maladie ne choisit pas les opinions des ouvriers pour les frapper. On peut penser différemment, mais on doit se soutenir les uns les autres.

La solidarité ouvrière, n'est-ce pas une des principales garanties de l'unité ouvrière ?

Par son geste mesquin, ce représentant des moeurs cégétistes, qui veulent qu'on n'accorde la solidarité qu'à ceux qui acceptent leurs opinions, a fait une belle démonstration de ce que signifie pour eux le mot unité.


RESPECTONS NOS DROITS

Dans certains secteurs de l'usine des ouvriers se limitent à leurs 48 heures, dépassant ainsi de 8 heures la légalité. Il arrive qu'il se crée des antagonismes entre des ouvriers qui en ont assez avec 48 heures et ceux qui, faisant des heures supplémentaires (54 heures, 60 heures et plus), se trouvent freinés par les premiers.

Un ouvrier qui discutait ce problème disait : "C'est normal qu'un ouvrier qui ne veut pas faire d'heures supplémentaires soit muté dans un endroit où sa production n'a pas d'influence sur ceux qui veulent en faire, car autrement il y a entrave à la liberté du travail".

La loi de 40 heures est une loi en faveur des ouvriers. A la demande du patronat, ils ont accepté de passer outre cette loi, parce que leur salaire ne leur permet plus de vivre. Mais faut-il pour cela que des ouvriers acceptent le raisonnement patronal ?  S'il y a un qui met entrave à la liberté des ouvriers, ce n'est pas celui qui respecte une loi en faveur des ouvriers, mais bien celui qui la viole.

Chaque fois que le patronat se heurte aux ouvriers, il fait jouer les lois qui sont en sa faveur.

Chaque fois que ses intérêts l'exigent, il n'hésite pas à violer les quelques rares lois en faveur des ouvriers. Mais le plus grave, c'est quand les ouvriers acceptent le raisonnement patronal et sabotent eux-mêmes ce qu'ils ont eu tant de mal à arracher à la bourgeoisie.


USINE EN CASERNE

Un ouvrier ajusteur ayant besoin de roulement pour une machine se rendit au 309 (Roulements à billes).

Il traversait le souterrain lorsqu'il fut rejoint par deux flics qui lui firent faire demi-tour et l'amenèrent à M. Neuville. Celui-ci l'interrogea sur les mobiles de son déplacement, puis s'adressant aux deux flics leur dit : "Ramenez-le à son chef et vous lui direz qu'il lui colle huit jours de mise à pied pour lui apprendre à marcher plus vite".

Son chef lui assura "qu'il était favorisé", car quelques jours auparavant un dessinateur avait écopé un mois.

Les ouvriers qui passent leur vie à l'usine où ils laissent le meilleur de leurs forces et de leur santé ne doivent pas tolérer ce régime révoltant de caserne !


LES "CONDITIONS" DE TRAVAIL DES OUVRIERS ETRANGERS

La direction vient de signifier à un ouvrier du secteur Collas, ancien membre du comité de grève, qu'il était mis à la porte parce que, Espagnol, il n'était pas en possession de sa carte de travail. En effet, le camarade Lopez, bien qu'ayant fait sa demande de carte de travailleur étranger, il y a plus de huit mois, ne la possède pas encore. Mais, en réalité, ce fait n'est pas exceptionnel et n'a rien d'anormal pour la direction.

Pour pouvoir travailler "légalement", les ouvriers étrangers doivent être en possession d'une carte d'identité spéciale délivrée par la préfecture de police. Mais l'obtention de cette carte exige non seulement la longue série de démarches et d'attentes à la préfecture, au ministère du Travail, etc., mais aussi la fourniture d'une collection de papiers timbrés et légalisés s'élevant au prix fort ; il faut encore que le travailleur remplisse des conditions de "moralité", par lesquelles la législation bourgeoise entend qu'il n'appartienne à aucune organisation politique ouvrière.

Or la presque totalité des travailleurs espagnols qui résident en France sont des ouvriers qui ont un passé, qui se sont battus contre Franco ; aussi la préfecture, plutôt que de leur accorder la carte, se contente-t-elle de leur délivrer un récépissé faisant foi du dépôt de leur demande. Sur cette base, ils peuvent être embauchés, mais le jour où leur tête cesse de plaire au patron, ils sont mis à la porte pour "manque de carte", de connivence avec l'inspecteur du travail...


BIBLIOTHEQUE

A chaque permanence, nous tenons à la disposition des camarades qui désirent lire chez eux, une collection de livres d'éducation (philosophiques, économiques, politiques) et de romans.


Nous signalons qu'à partir de vendredi prochain, 5 septembre, La Voix sera en vente chez tous les marchands de journaux, autour de l'usine, à Billancourt.


Adresser toute correspondance, abonnements et mandats par poste à Jean Bois, 65 rue Carnot, Suresnes (Seine).

Rendez-vous de 18h à 20h : café-tabac «Le Terminus» 
angle r. Collas av. Edouard Vaillant. M° Pont-de Sèvres


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