MIA

Martin Axelrad

(1926-2010)

Au mois d’août dernier Martin Axelrad connu dans le parti sous les pseudonymes de «Jean-Pierre», «Nicolas», etc., dit «Mackie» pour ses proches, est décédé à Rome. Militant depuis longtemps pour le droit de chacun à décider de sa propre fin, son dernier combat a été pour obtenir des médecins qu’ils cessent l’acharnement thérapeutique et le laissent mourir en paix.

Enfant d’une famille autrichienne juive, Martin dût quitter son pays natal pour venir se réfugier en France au moment où les troupes allemandes réalisaient en Autriche l'Anschluss, l’unification imposée par les nazis avec l’Allemagne. Par chance sa famille s’installa à Grenoble qui, se trouvant après la défaite française lors de la guerre sous occupation italienne, ne connut que peu de mesures anti-juives, le fascisme italien, à la différence du nazisme allemand, n’ayant eut recours à l’antisémitisme que de façon relativement marginale.

Après la guerre il milita dans les Jeunesses trotskystes, avant d’entrer en contact et d’adhérer en 1958 à notre mouvement, à la suite de son épouse. Le premier texte qu’il écrivit pour le parti fut un article intitulé «Auschwitz ou le grand alibi» (publié sur Programme Communiste en 1961); cet article répondait aussi au besoin qu’il ressentait personnellement de démontrer que le marxisme expliquait parfaitement les causes et les raisons du génocide juif - ce que les démocrates antifascistes nient avec la dernière énergie.

Son dernier texte a été «Auschwitz ou le grand alibi. Ce que nous nions et ce que nous affirmons», écrit pour répondre à une campagne de presse où les «bordiguistes» étaient accusés d’être des «révisionnistes», des «négateurs» du génocide juif et en quelque sorte des facilitateurs d’une supposée alliance «rouges - bruns». Comme il le disait plaisamment, s’il avait physiquement échappé aux camps de concentration, il n’y avait pas échappé politiquement ! Il était fier d’avoir été un manuel (ce qui se retrouvait dans goût de fabriquer des sculptures); et une certaine méfiance envers les intellectuels, les «sorbonnards», renforça son opposition politiquement motivée aux dérives intellectualistes d’un Camatte et un Dangeville dans les années soixante.

Scientifique de profession, sa connaissance du sujet alliée à sa compréhension du marxisme le qualifiaient particulièrement pour tenir lors d’une réunion générale du parti un rapport sur «Marxisme et science bourgeoise». Il était particulièrement attaché à la défense du matérialisme dialectique : une discussion l’opposa à ce sujet à un mathématicien de renommée mondiale qui s'émerveillait que les mathématiques, pures constructions de l’esprit selon lui, correspondent à la réalité. On sait depuis Pythagore qu’être mathématicien n’est pas une garantie contre l’idéalisme...

Nous n’avons pas l’intention dans ces quelques lignes de retracer l’activité de «Jean-Pierre» et de «Nicolas» ni de faire un bilan circonstancié de ses positions dans les vicissitudes internes du parti. Devenu l’un des dirigeants de l’organisation, il a eu à ce titre sa part de responsabilité dans les erreurs et les faiblesses qui conduisirent finalement à la grave crise politique du début des années quatre-vingt.

(...) Dans sa lettre circulaire du 23/9/82 il écrivait ressentir la crise «comme un échec personnel. Tous les matériaux ont leur “point de rupture” et cassent sous une tension trop forte. J’ai été cassé par cette crise, et un militant cassé ne se recolle pas». C’est de ce moment que date son retrait du militantisme politique actif.

Les militants qui, encore néophytes, ont appris de lui les fondements du marxisme n’oublieront pas ce qu’ils lui doivent.

Extrait du Prolétaire n° 497, octobre 2010

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