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H.G. Wells

(1866-1946)

Né à Bromley (Kent), issu d’un milieu très modeste, Herbert George Wells connut rapidement la célébrité grâce à ses romans et à ses nouvelles de science-fiction. Influencé par T. H. Huxley, disciple de Darwin, il transposa au niveau de l’imaginaire les perspectives nouvelles ouvertes par la théorie de l’évolution naturelle. L’ampleur de ses visions et ses qualités d’imagination lui assurèrent un succès mérité: La Machine à explorer le temps   (The Time Machine , 1895) et La Guerre des mondes  The War of the Worlds , 1898) comptent au nombre de ses livres les plus remarquables. Ces œuvres de jeunesse se caractérisent, en général, par l’extrapolation d’hypothèses scientifiques dont Wells imagine et développe les conséquences. Ne reposant sur aucune idéologie systématique, elles aboutissent à présenter sous un jour nouveau, souvent critique, divers aspects du monde victorien. En ce sens, Wells faisait œuvre d’iconoclaste, tout en sachant que les idées qu’il lançait à la face de la société victorienne ne risquaient guère de l’ébranler.

Vers 1900 se situe le premier grand tournant de sa carrière: il renonce à la science-fiction pour deux genres différents et complémentaires. Anticipations  (1901) fut le premier d’une longue série de livres dans lesquels Wells essaya de prévoir, avec une fortune diverse, les formes de l’avenir. À ce rétrécissement du champ de sa vision correspondirent des tentatives d’action politique en faveur du socialisme. Les controverses qui naquirent de ses interventions au sein de la Société des Fabiens contribuèrent à répandre largement les idées socialistes en Angleterre. À la même époque, il se tourna vers des formes romanesques plus traditionnelles, dans lesquelles l’humour n’atténue pas toujours une critique sociale très incisive. Fondés en grande partie sur des éléments autobiographiques, Kipps (1905) et Tono-Bungay (1909) offrent la peinture d’un monde où toutes les valeurs établies chancellent, et constituent d’inestimables documents sur l’Angleterre édouardienne, en même temps que des romans d’une grande richesse.

Au cours des années qui précédèrent la Grande Guerre, la renommée de Wells ne cessa de grandir: romancier célèbre, apôtre du socialisme, critique des mœurs et des institutions de son époque, il devint le porte-parole des jeunes générations qui en firent le vivant symbole de l’opposition au monde victorien. En un temps où les valeurs les mieux établies se trouvaient mises en question et où apparaissaient les signes d’une inquiétu de grandissante, la vision de Wells, fondée sur la quête des fins de l’espèce, définies en termes de biologie évolutionniste, semblait proposer à l’individu un idéal neuf et exaltant.

La Première Guerre mondiale entraîna chez lui un profond changement d’attitude. D’abord violemment militariste, Wells s’aliéna la sympathie d’une grande partie de son public. À partir de 1916 il fit soudain volte-face et, après avoir exprimé la confusion et la consternation que faisait naître en lui la poursuite de la guerre, il proposa, pour solution aux problèmes de l’heure, le recours à une divinité assez vague dont il entreprit, sans grand succès, de définir les traits dans Dieu, le roi invisible  (God, the Invisible King  1917).

Avec la guerre se termina pratiquement sa carrière de romancier: de plus en plus la littérature devint pour lui instrument de propagande au service d’une cause politique. Persuadé que le seul moyen d’éviter un conflit qui risquait de mettre un terme à l’espèce humaine était de créer un État universel dirigé par une élite de savants et de techniciens, Wells consacra le reste de sa vie à tenter d’éduquer ses contemporains et à essayer de les convaincre de la nécessité d’abolir les nations. Malgré l’exceptionnel succès commercial de L’Esquisse de l’histoire universelle  (The Outline of History , 1920), son influence directe sur la vie politique fut peu importante. Déçu, aigri, Wells mourut à Londres laissant une œuvre immense, après avoir annoncé au monde que les jours de l’espèce humaine étaient comptés et sa fin proche.

Jean Pierre Vernier


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