1918

« Le programme du parti communiste n'est pas seulement le programme de la libération du prolétariat d'un pays. C'est le programme de la libération du prolétariat du monde entier. Car c'est le programme de la révolution internationale. »

N.I. Boukharine

Le programme des Communistes (Bolcheviks)

XIX.  Libération des peuples (La question nationale et la politique internationale)

Le programme du parti communiste n'est pas seulement le programme de la libération du prolétariat d'un pays. C'est le programme de la libération du prolétariat du monde entier. Car c'est le programme de la révolution internationale. Mais il est en même temps le programme de la libération de tous les petits pays ou peuples opprimés. Les grandes puissances pillardes (Angleterre, Allemagne, Japon, Amérique) ont volé une quantité immense de pays et de peuples. Elles se sont partagé toute la terre. Il n’y a rien d'étonnant que dans tous les pays volés, la classe ouvrière et toutes les masses laborieuses gémissent sous une double oppression : sous l'oppression de leur propre bourgeoisie et sous l’oppression supplémentaire des pillards. La Russie impérialiste avait aussi volé une quantité de pays et de peuples. Cela explique la grandeur de notre empire. Il n'y a rien d’étonnant que la méfiance à l'égard des « Moscovites » en général se soit développée chez beaucoup de peuples étrangers et même dans une certaine partie du prolétariat non Grand-Russien. L'oppression nationale éveilla aussi le sentiment national : dans la partie opprimée du prolétariat, un sentiment de méfiance a l'égard de la nation tyrannique dans son ensemble, sans différence de classes. Dans la partie opprimante du prolétariat — une compréhension insuffisante de la situation du prolétariat doublement opprimé, et de race étrangère Une complète confiance mutuelle des différentes parties du prolétariat les unes envers les autres est cependant nécessaire pour la victoire de la révolution ouvrière sur tout le front. On doit montrer et prouver par des faits, que le prolétariat des nations opprimées a un fidèle allié dans le prolétariat du pays oppresseur. Chez nous, en Russie, les Grands-Russiens étaient la nation dominante, le peuple oppresseur, des Finlandais et des Tartares, des Ukrainiens et des Arméniens, des Géorgiens et des Polonais, des Kirghizes et des Bachkirs et de beaucoup d'autres nations. Il est naturel qu’une fausse idée de tous les Russes se soit développée dans quelques parties, même prolétariennes, de ces peuples. Ils étaient habitués à voir comment la meute impériale les pressait et leur intimait ses ordres et ils pensaient que tous les Russes, y compris les prolétaires russes, agissaient ainsi.

Pour éveiller une confiance fraternelle, mutuelle dans les diverses avant-gardes du prolétariat, le programme des communistes proclame le droit pour les classes ouvrières de chaque nation. à une complète séparation. Cela signifie que l’ouvrier russe qui tient en mains le pouvoir dit aux ouvriers des autres nationalités vivant en Russie : « Camarades ! si vous ne voulez pas former une partie intégrante de notre république des soviets, si vous voulez former une république des soviets séparée, après vous être organisés en soviets, vous pouvez vous séparer de nous. Nous vous reconnaissons complètement ce droit et nous ne vous retiendrons pas un instant par la violence. »

Il est compréhensible que seule une telle tactique puisse créer la confiance dans tout le prolétariat. Représentons-nous ce qui arriverait si les conseils ouvriers grands-russiens voulaient retenir par la force n'importe quelle partie de la classe ouvrière d'autres nationalités, et que celles-ci se défendent les armes, à la main. Ce serait certainement la complète dislocation de tout le mouvement prolétarien et la ruine complète de la révolution. Nous le répétons, on ne doit pas agir ainsi, car le gage de la victoire n’est que dans l'union fraternelle des prolétaires.

Remarquons une chose. Il n’est pas question ici du droit des nations (des ouvriers et des bourgeois ensemble) de disposer d’elles-mêmes, mais du droit des classes ouvrières. La soi-disant volonté des « nations » ne nous est nullement sacrée. Si nous voulions connaître la volonté de la nation, nous devrions en convoquer la Constituante. Pour nous la volonté des masses prolétariennes et demi-prolétariennes est sacrée. C'est pourquoi nous ne parlons pas du droit des nations de disposer d'elles-mêmes, mais du droit des classes ouvrières de chaque nation à la séparation. Pendant la dictature du prolétariat, la question n'est pas tranchée par les Constituantes (« de tout le peuple », « nationales »), mais par les conseils ouvriers. Si, dans n’importe quel coin de la Russie, deux assemblées étaient convoquées en même temps, — la Constituante de la nation en question et le Congrès des soviets. — Si la Constituante se prononçait pour la séparation et le Congrès prolétarien contre, nous défendrions par tous les moyens, les armes y compris, la décision du prolétariat contre la décision de la Constituante.

C'est ainsi que le parti du prolétariat solutionne la question des prolétaires des diverses nations qui vivent dans les frontières du pays. Le parti s'occupe encore d'une plus grosse question de son programme international. Ici, le chemin est clair : Aider la révolution internationale universelle, soutenir la propagande révolutionnaire, les grèves et les révoltes dans les pays impérialistes, aider les insurrections et les révoltes dans leurs colonies.

La « social-démocratie » chauvine est un des gros obstacles à la révolution dans les pays impérialistes (et ils le sont tous, excepté la Russie, où les ouvriers ont cassé le crâne à la domination du capital). Elle lance le mot d'ordre de la défense de la patrie (criminelle) en trompant les grandes masses ouvrières. Elle se lamente sur la désorganisation de l'armée (criminelle). Elle poursuit nos amis, les communistes allemands, autrichiens, français et anglais, qui rejettent avec dédain et indignation les devoirs de la défense de la patrie bourgeoise. La position de la république des soviets est exclusive. C est la seule organisation d’État prolétarienne dans le monde, au milieu des organisations criminelles de la bourgeoisie. C'est pourquoi, elle seule a le droit d'être défendue. Bien plus, on doit la considérer comme moyen de lutte du prolétariat du monde entier contre la bourgeoisie universelle. Le mot d'ordre, le cri de guerre de cette lutte est déjà clair, le mot d'ordre international de la lutte est : République internationale des soviets.

Renversement des gouvernements impérialistes par l'insurrection armée, et organisation d'une République internationale des soviets, tel est le chemin de la dictature internationale de la classe ouvrière.

La meilleure maniére de soutenir la révolution internationale est l'organisation des forces armées de cette révolution. Les ouvriers de tous les pays qui ne sont pas égarés par les social-traitres, leurs mencheviki et leurs socialistes-révolutionnaires (il y en a dans tous les pays) voient dans la révolution ouvrière de Russie et dans le pouvoir des soviets leur propre chose. Pourquoi ? Parce qu’ils voient que le pouvoir des soviets est le pouvoir des ouvriers. La chose serait toute différente si la bourgeoisie renversait le pouvoir des soviets avec le secours des mencheviki et des socialistes révolutionnaires, convoquait la Constituante et organisait ainsi un pouvoir bourgeois, semblable, par exemple, à celui qui existait avant la révolution d'octobre. La classe ouvrière perdrait sa partie, parce qu'elle perdrait son pouvoir. Les paysans retomberaient nécessairement aux mains de la bourgeoisie, les fabriques aux mains des fabricants et le sol aux mains des propriétaires fonciers. La patrie du profit refleurirait et les ouvriers n'auraient aucun intérêt à défendre cette patrie. D’autre part, les ouvriers d’Europe occidentale cesseraient de regarder la Russie bourgeoise comme un phare lumineux qui éclaire leur lutte.

Le développement de la révolution internationale serait suspendu. Au contraire, l'affermissement du pouvoir des soviets, l'organisation de la force armée des ouvriers et des pauvres paysans, l'organisation de la résistance aux bandits internationaux qui se précipitent sur la Russie des soviets comme ennemis de classe, comme la bande des bourreaux de la révolution ouvrière. l'organisation de l'année rouge, tout cela fortifie aussi le mouvement révolutionnaire des pays européens.

Mieux nous sommes organisés, plus les troupes armées des ouvriers et des paysans sont fortes, plus la dictature du prolétariat est puissante en Russie, plus vite aussi se développe la révolution internationale.

Cette révolution éclatera nécessairement, même si les mencheviki allemands, autrichiens, français et anglais gardent leur voie. Les masses ouvrières russes ont rompu avec les social-traîtres. Les masses ouvrières de l'Europe occidentale briseront aussi avec eux (elles le font déjà !). Le mot d'ordre du renversement des patries bourgeoises, des gouvernements de proie et le mot d'ordre de la dictature ouvrière éveillent des sympathies toujours plus grandes. Tôt ou tard la république internationale des soviets sera créée.

La République internationale des soviets libérera de l’oppression des centaines de millions d'habitants des colonies Les puissances « civilisées » criminelles persécutaient et torturaient la population des colonies par un régime sanglant. La civilisation européenne vit sur le corps des petits peuples des pays lointains, .exploités et pillés sans pitié. La dictature du prolétariat seule libère ces peuples. Comme le pouvoir des soviets russe a proclamé son renoncement à la politique coloniale, et l'a prouvé par des actes, à l'égard de la Perse, par exemple, la classe ouvrière européenne, lorsqu’elle aura renversé la domination des banquiers, rendra une entière liberté aux classes opprimées et exploitées. C'est pourquoi le programme de notre parti, qui est le programme de la révolution internationale est aussi le programme de la complète libération de tous les faibles et de tous les opprimés. La grande classe — la classe ouvrière — se fixe aussi de grands devoirs. Elle ne se contente pas de les fixer, elle les accomplit dans la lutte actuelle pénible et héroïque.

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